Qui est Ouacim Kouidri, l’homme politique ?

Nommé au début de l’année 2025, Ouacim (ou Ouassim/Wassim) Kouidri a pris les commandes d’un portefeuille devenu, en Algérie, l’un des plus sensibles. L’industrie pharmaceutique n’est plus seulement un sujet d’usines, de licences et de parts de marché : c’est un enjeu d’accès aux soins, de gestion des pénuries, d’organisation de la chaîne d’approvisionnement et, plus largement, de sécurité sanitaire. Dans un pays qui revendique une montée en puissance de sa production locale et qui veut peser dans les débats continentaux sur l’autonomie pharmaceutique, son arrivée au gouvernement s’inscrit dans une séquence politique précise : rehausser un secteur considéré comme vital et lui donner, au sommet de l’État, une visibilité équivalente à celle des grands ministères économiques.

Le profil de l’homme, à la fois issu de la médecine et de la filière industrielle publique, illustre cette volonté : on attend d’un ministre qu’il comprenne les exigences de santé publique autant que les contraintes de production, de qualité et de régulation. Depuis sa prise de fonctions, ses déclarations publiques mettent en avant une même ligne : produire davantage localement, mieux surveiller le marché et organiser des perspectives d’exportation, tout en modernisant les outils de gestion et de traçabilité. Cette stratégie se lit à travers les cérémonies officielles de passation, ses auditions devant les députés, et la place que l’Algérie a prise en 2025 dans les discussions africaines sur la production locale de médicaments.

Une nomination qui consacre un secteur érigé en priorité gouvernementale

Le 3 février 2025, Ouacim Kouidri est installé à la tête du ministère de l’Industrie pharmaceutique, au lendemain de sa nomination par le président Abdelmadjid Tebboune. La cérémonie de passation se tient au siège du ministère, en présence de cadres et de responsables d’organismes sous tutelle. Elle marque une transition institutionnelle : son prédécesseur, Fouad Hadji, occupait le poste de ministre délégué chargé de la production pharmaceutique. Dans le récit officiel, l’événement ne se limite pas à un changement de nom sur une plaque : il entérine le fait que l’industrie pharmaceutique est traitée comme un pilier de la sécurité sanitaire nationale.

Le ministre de l’Industrie, Sifi Ghrieb, insiste alors sur la portée politique de la réorganisation : la promotion de l’industrie pharmaceutique au rang de ministère à part entière, avec l’ensemble des prérogatives associées, est présentée comme le signe de l’importance accordée au secteur au sommet de l’État. L’argument central est celui de la sécurité sanitaire, posée comme objectif prioritaire, au bénéfice direct du citoyen.

Dans ce cadre, la prise de parole de Kouidri est cadrée par une logique de continuité et d’exécution : remerciant le chef de l’État pour la confiance accordée, il affirme vouloir travailler avec les différentes parties concernées à la mise en œuvre d’instructions présidentielles, visant à produire localement des médicaments et à garantir, par ce biais, la sécurité sanitaire. Ce choix de formulation est révélateur d’un ministère qui se présente moins comme une administration technique que comme une pièce maîtresse d’une stratégie nationale : assurer l’approvisionnement, réduire la dépendance et limiter l’exposition du pays aux aléas des chaînes internationales.

La passation, enfin, fixe un cadre de lecture : il s’agit d’un « secteur sensible », selon les termes employés dans les communications institutionnelles, ce qui renvoie à un double impératif. D’un côté, la production pharmaceutique est un tissu industriel, avec ses investissements, ses capacités, ses arbitrages de coûts. De l’autre, elle touche à un produit particulier : le médicament, dont la disponibilité, la qualité et la traçabilité engagent directement la santé publique. L’entrée de Kouidri au gouvernement se fait ainsi sous le signe d’une promesse : renforcer et développer l’industrie pharmaceutique tout en répondant à des attentes sociales fortes.

Du médecin au dirigeant de Saidal : un profil formé dans l’appareil public

Dans la communication officielle qui accompagne sa nomination, un élément revient systématiquement : Ouacim Kouidri est titulaire d’un doctorat en médecine. Avant son entrée au gouvernement, il a dirigé le groupe public Saidal, acteur central de la production pharmaceutique algérienne. La chronologie mise en avant est précise : intégré à Saidal en 2002 au niveau de l’annexe régionale d’Oran, il a occupé ensuite des fonctions de direction centrale à la direction générale, avant d’accéder à la tête du groupe.

Cet itinéraire, décrit dans plusieurs sources institutionnelles et de presse, dessine un profil « maison » : un parcours construit au sein d’un même ensemble public, dans un secteur où l’État conserve un rôle structurant. Ce type de trajectoire est souvent présenté comme un atout dans un domaine où les dossiers mêlent expertise industrielle, politique du médicament, régulation et coordination intersectorielle. Le fait d’avoir dirigé Saidal jusqu’à son entrée au gouvernement est explicitement mentionné dans les récits de passation.

La dimension médicale du parcours joue aussi un rôle symbolique : dans un ministère dédié à l’industrie, afficher une formation de médecin peut être lu comme un moyen de rapprocher l’objectif industriel de la finalité sanitaire. Cela ne signifie pas que la médecine remplace l’économie, mais plutôt que le discours public cherche à faire coïncider deux exigences : produire plus et produire de façon compatible avec les impératifs de santé publique, notamment en matière de disponibilité et de qualité.

La question du nom illustre, elle aussi, un détail souvent relevé dans les sources : l’intéressé est mentionné sous différentes translittérations (Ouacim, Ouassim, Wassim), sans que cela change la référence à la même personne. Cette variation est fréquente dans les documents et médias traitant de personnalités publiques dont le prénom, transcrit de l’arabe vers le français, peut admettre plusieurs graphies.

Enfin, un point de contexte institutionnel mérite d’être rappelé : le ministère de l’Industrie pharmaceutique s’inscrit dans une histoire administrative récente, marquée par des ajustements d’organigramme au fil des remaniements. Les communications liées à la passation de février 2025 mettent surtout l’accent sur une nouvelle étape : d’un ministère délégué ou d’une configuration intégrée à l’Industrie, l’industrie pharmaceutique est dotée d’un ministère à part entière, ce qui implique une autonomie accrue dans la conduite des politiques sectorielles.

La feuille de route 2025 : produire localement, sécuriser le marché, préparer l’export

Au printemps 2025, le ministre expose devant les députés les axes de ce qui est présenté comme une « nouvelle stratégie » pour l’industrie pharmaceutique. Le 6 mai 2025, il intervient devant la Commission de la santé de l’Assemblée populaire nationale (APN). Le discours public insiste sur deux piliers : renforcer la production nationale pour couvrir les besoins du marché local et élaborer des plans d’exportation de produits pharmaceutiques, en encourageant l’investissement.

Dans ce cadre, une donnée est citée pour situer le niveau de couverture par la production locale : 79 % des besoins nationaux en médicaments. Ce chiffre, repris dans plusieurs comptes rendus de l’audition, sert à la fois d’argument de progrès et de point de départ : l’ambition affichée est d’aller plus loin, en consolidant ce qui existe et en levant les obstacles qui empêchent une couverture plus large, notamment sur les segments les plus complexes.

La même audition met en avant une logique de planification : assurer d’abord l’approvisionnement interne, tout en ouvrant des perspectives d’exportation. Le message est double. D’une part, l’export n’est pas présenté comme une fuite en avant commerciale, mais comme une extension d’un système capable de répondre au marché national. D’autre part, l’export est également décrit comme un levier industriel : il suppose des standards, une régularité de production, et une crédibilité réglementaire, ce qui peut rejaillir sur l’ensemble du secteur.

Ce discours intervient dans un contexte international où les chaînes d’approvisionnement pharmaceutiques ont été mises sous tension, et où les États cherchent à limiter leur vulnérabilité. Sans réécrire l’histoire récente, les institutions internationales ont largement souligné que la concentration de la fabrication dans un nombre réduit de pays a créé des inégalités d’accès pendant la pandémie de Covid-19, et que renforcer la production locale et régionale est devenu un axe stratégique pour mieux se préparer aux crises sanitaires.

Dans la lecture algérienne, l’objectif est de traduire ce constat en politique publique : encourager les projets, soutenir l’investissement, et articuler les responsabilités entre producteurs, distributeurs, autorités de contrôle et services de l’État. Au-delà du slogan, une ligne apparaît : la sécurité sanitaire passe par une industrie capable de livrer, de tenir la qualité, et de s’inscrire dans un dispositif de surveillance du marché.

Numérisation et régulation : la promesse d’un pilotage plus fin du “dossier du médicament”

Un autre axe, mis en avant au cours de l’année 2025, concerne la modernisation des outils de gestion et de suivi. Lors d’une conférence nationale consacrée à la pharmacie, le ministre affirme que la numérisation du secteur et la gestion électronique du dossier des médicaments figurent parmi les priorités de son département. L’enjeu est présenté de façon très concrète : mieux contrôler la commercialisation, surveiller le marché, identifier les pénuries et réguler l’activité de distribution avec davantage de transparence.

Derrière ces mots, se dessine un problème connu des systèmes de santé : le médicament n’est pas seulement un produit fabriqué, c’est aussi un flux. Il circule, il est stocké, il peut se raréfier, et son absence se traduit immédiatement dans le quotidien des patients et des professionnels. La numérisation, dans ce discours, n’est donc pas une modernisation esthétique : elle est associée à la capacité de détecter plus tôt les tensions, de mieux coordonner l’information et de rendre plus lisibles les circuits de distribution.

Les déclarations publiques évoquent aussi une révision des textes réglementaires encadrant l’activité pharmaceutique, signe qu’il ne s’agit pas uniquement d’installer des logiciels, mais de renforcer l’architecture de gouvernance du secteur. Dans l’approche décrite, l’État se donne pour ambition de disposer d’un tableau de bord plus complet : un suivi du marché, des alertes sur les ruptures, une traçabilité améliorée et, potentiellement, une meilleure articulation entre production et besoins.

Cette dimension de contrôle et de régulation renvoie à un équilibre délicat : encourager l’investissement et la production, tout en resserrant les mécanismes de surveillance. La logique affichée est celle d’un État arbitre : il doit permettre au tissu industriel de se développer, mais aussi s’assurer que le marché reste alimenté, que les conditions de distribution sont conformes et que l’offre répond aux priorités nationales.

Dans plusieurs interventions rapportées par la presse, Kouidri insiste également sur la nécessité d’un approvisionnement régulier et sur des objectifs liés à la gestion proactive du médicament. Là encore, l’idée est d’anticiper plutôt que de réagir, notamment lorsqu’une pénurie se déclare. Le choix des mots est significatif : suivi du marché, identification des pénuries, régulation des activités commerciales. C’est une définition du ministère comme organe de pilotage, pas seulement comme guichet administratif.

La dimension africaine : conférence d’Alger, Déclaration d’Alger et ambition continentale

La séquence la plus visible de l’année 2025, sur le plan international, se déroule à Alger fin novembre. L’Algérie accueille une Conférence ministérielle africaine sur la production locale de médicaments et d’autres technologies de santé, annoncée pour les 27, 28 et 29 novembre 2025. Selon l’Agence Presse Service (APS), l’événement est organisé sous le haut patronage du président de la République et doit réunir des ministres de plusieurs pays africains, ainsi qu’un large nombre de participants et d’experts.

Le 28 novembre 2025, les participants adoptent la “Déclaration d’Alger”, présentée comme une plateforme commune pour renforcer la souveraineté sanitaire du continent, unifier les efforts de développement de l’industrie pharmaceutique africaine et réduire la dépendance à l’importation. Cette adoption donne une portée politique aux discussions : au-delà des panels techniques, elle produit un texte-cadre et une orientation collective.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS), de son côté, décrit la conférence comme un moment de réflexion et d’engagement autour de la production locale, en rappelant des données qui structurent le débat : une part très importante des médicaments utilisés en Afrique est importée, de même que la quasi-totalité des vaccins. Le message est clair : renforcer la production locale n’est pas un simple choix industriel, mais un enjeu d’accès équitable aux produits de santé, de préparation aux crises et de progression vers la couverture sanitaire universelle.

Dans ce cadre, Kouidri est cité par l’OMS comme soulignant que la conférence doit passer en revue les moyens de renforcer la production locale et de développer l’industrie pharmaceutique africaine, en cohérence avec une vision politique plus large de souveraineté et de coopération continentale. L’institution internationale insiste également sur la question des cadres réglementaires, de la traçabilité et de l’assurance qualité, dimensions indispensables si la production locale veut gagner en crédibilité et franchir les frontières.

Sur le plan des objectifs, plusieurs comptes rendus de presse rapportent une ambition chiffrée : faire passer la production locale africaine de 5 % à 55 % d’ici 2035. Cette cible est présentée comme reposant sur des mécanismes de coopération, de transferts de technologies, de partenariats et de partage d’expertise.

Le choix d’inscrire une telle ambition dans un horizon de dix ans n’est pas anodin. Il renvoie à un travail lourd : augmenter les capacités industrielles, former des compétences, renforcer les autorités réglementaires, harmoniser des procédures, et sécuriser les financements. L’OMS, dans ses communications, rappelle que l’efficacité transfrontalière dépend aussi de la confiance dans l’évaluation des produits, d’où l’importance de la réglementation et de la qualité.

Pour l’Algérie, la conférence a aussi une fonction de vitrine. Les autorités cherchent à mettre en avant une expérience nationale et une capacité industrielle, dans un contexte où la souveraineté sanitaire est devenue un langage commun. Le pays se positionne comme acteur organisateur, et la “Déclaration d’Alger” vient formaliser cette volonté de contribuer à une feuille de route continentale.

Reste un point essentiel : dans ce type de discours, l’ambition et l’exécution sont deux sujets différents. Les textes adoptés, les objectifs affichés et les conférences internationales fixent un cadre, mais la réussite se mesurera ensuite dans les indicateurs concrets : disponibilité des médicaments, réduction des ruptures, montée en gamme industrielle, progression des exportations, et crédibilité des dispositifs de contrôle. En 2025, Ouacim Kouidri apparaît surtout comme le visage politique d’une trajectoire : celle d’un pays qui veut faire de son industrie pharmaceutique un instrument de sécurité sanitaire nationale, tout en revendiquant un rôle plus large dans l’architecture africaine de la production locale.

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