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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

La Haye : Madagascar et la Cour pénale internationale resserrent leurs liens autour de la lutte contre la criminalité grave

Une rencontre officielle s’est tenue à La Haye, aux Pays-Bas, entre la Présidente de la Cour pénale internationale et une délégation malgache conduite par Madame Fanirisoa Ernaivo, Garde des Sceaux et ministre de la Justice. Dans un contexte où la coopération judiciaire internationale est devenue un levier central pour répondre aux formes contemporaines de criminalité grave, cet échange marque une étape notable dans la relation entre Madagascar et la CPI. Au-delà des discussions consacrées au renforcement des mécanismes de coopération, la délégation malgache a porté une initiative forte : la proposition de reconnaître le crime de capture d’État au sein du Statut de Rome. Les deux parties ont enfin engagé un partage technique destiné à promouvoir et consolider le système judiciaire, soulignant une convergence d’intérêts entre la juridiction internationale et l’État insulaire de l’océan Indien.


La Garde des Sceaux et Ministre de la Justice Malgache ,Madame Fanirisoa Ernaivo et la Présidente de la Cour pénale internationale, à la Haye
La Garde des Sceaux et Ministre de la Justice Malgache ,Madame Fanirisoa Ernaivo et la Présidente de la Cour pénale internationale, à la Haye

Une visite officielle à forte portée symbolique


La scène se déroule à La Haye, siège de la Cour pénale internationale, lieu hautement symbolique pour les États qui souhaitent dialoguer au cœur même de l’architecture judiciaire internationale. La Présidente de la CPI y a reçu une délégation malgache conduite par la ministre de la Justice de Madagascar, Madame Fanirisoa Ernaivo, portant officiellement le titre de Garde des Sceaux. Le caractère solennel de la rencontre, qualifiée d’officielle, souligne un double message : d’une part, l’importance que Madagascar souhaite accorder à sa relation avec la Cour ; d’autre part, la reconnaissance par la CPI du rôle que peut jouer l’État malgache dans une coopération élargie contre les crimes les plus graves.


Dans les échanges diplomatiques et judiciaires, la forme importe autant que le fond. Le fait qu’une ministre de la Justice se déplace personnellement, accompagnée d’une délégation, donne à l’initiative une tonalité politique claire : il ne s’agit pas d’une simple consultation technique ou d’un entretien informel, mais d’un dialogue de haut niveau. La CPI est une institution dont la portée dépasse les frontières nationales, et le choix de La Haye comme cadre d’échange situe immédiatement la rencontre sur un terrain à la fois judiciaire et international.


Pour Madagascar, cette visite s’inscrit dans une logique de visibilité et de crédibilité. Être présent au siège de la Cour, y discuter de coopération et y soumettre une initiative sur l’évolution du Statut de Rome, revient à s’affirmer comme un acteur qui souhaite contribuer aux normes internationales de justice pénale. Pour la CPI, recevoir une délégation et engager un dialogue stratégique avec un État renforce l’idée que la Cour n’est pas une entité abstraite, mais un dispositif vivant, nourri d’échanges avec ses États partenaires.


Cet aspect symbolique se double d’une dimension pratique : les réunions à La Haye permettent d’aborder les questions de coopération au plus près de l’institution concernée, de son fonctionnement, de ses priorités et de ses marges d’action. C’est donc à la fois une visite de travail et un acte diplomatique fort, qui place la justice au centre des relations internationales entre Madagascar et la CPI.


Renforcer la coopération face à la criminalité grave


Au cœur des échanges figure un enjeu explicite : le renforcement de la coopération entre Madagascar et la Cour pénale internationale, notamment dans le domaine de la lutte contre la criminalité grave. Cette formule, large mais décisive, renvoie à une réalité simple : les crimes les plus sérieux, par leur nature et leur impact, dépassent souvent les capacités d’un seul État. Le rôle de la CPI est précisément d’intervenir sur les crimes qui touchent à l’humanité tout entière et qui nécessitent une réponse concertée.


Le renforcement de la coopération peut prendre différentes formes. Même si les détails n’ont pas été rendus publics, l’évocation d’un échange ciblé sur la criminalité grave suggère un dialogue sur les moyens d’assistance mutuelle, l’échange d’informations, l’harmonisation éventuelle de procédures ou encore la sensibilisation aux normes du Statut de Rome. Une coopération renforcée ne se limite pas à une déclaration de principe : elle suppose une coordination sur la durée, un partage de pratiques, et une confiance qui se construit au fil des interactions.


Pour Madagascar, s’engager sur ce terrain signifie reconnaître que la lutte contre les crimes graves requiert des outils juridiques et une solidarité internationale. Cela place le pays dans une dynamique d’ouverture, où l’objectif est de consolider la capacité nationale à répondre à des défis judiciaires complexes. La criminalité grave, qu’elle soit d’envergure nationale ou transnationale, met à l’épreuve les systèmes judiciaires : elle demande des enquêtes robustes, des protections adaptées pour les victimes et les témoins, une rigueur procédurale et des moyens institutionnels parfois lourds.


Pour la CPI, la coopération des États est un pilier incontournable. La Cour ne dispose pas d’une force exécutive propre et dépend des États pour l’application concrète de nombreuses décisions, notamment l’accès à des informations, la protection de personnes ou la facilitation d’enquêtes. L’insistance sur le renforcement de la coopération révèle une volonté d’aller au-delà du cadre formel et de travailler sur des mécanismes plus efficaces, plus fluides et plus réguliers.


Dans ce type de rencontre, la coopération est aussi une question de confiance réciproque. La CPI, parfois perçue de manière lointaine dans certains contextes, a besoin de relations solides avec les États pour maintenir sa légitimité opérationnelle. Madagascar, de son côté, trouve dans cette relation un appui possible pour consolider la lutte contre les crimes graves et pour inscrire sa justice dans un horizon international reconnu. Les échanges à La Haye laissent apparaître une convergence de priorités : affronter la criminalité grave par des moyens coordonnés, et renforcer les instruments qui rendent la justice possible.


La proposition malgache : faire reconnaître le crime de capture d’État


L’initiative la plus marquante présentée lors de la rencontre concerne la reconnaissance du crime de capture d’État au sein du Statut de Rome. En décidant de porter ce sujet devant la Présidente de la CPI, la ministre malgache a inscrit la discussion dans une perspective qui dépasse la coopération bilatérale : elle touche à l’évolution même du droit pénal international.


La capture d’État, telle qu’évoquée ici, renvoie à l’idée qu’un État peut être « capturé » par des intérêts privés, des réseaux ou des forces qui dénaturent le fonctionnement normal des institutions publiques. Le terme fait entrer dans le champ judiciaire une réalité politique et sociale souvent décrite dans les analyses de gouvernance : lorsque l’appareil d’État, ses ressources et ses décisions sont détournés au profit de groupes qui placent leur intérêt au-dessus du bien commun.


La proposition malgache vise donc à faire reconnaître cette notion comme un crime relevant du Statut de Rome, c’est-à-dire susceptible d’être traité dans l’orbite de la CPI. L’intérêt d’une telle reconnaissance serait de qualifier juridiquement une forme de criminalité structurelle, qui ne se manifeste pas forcément par un acte isolé mais par une prise de contrôle systémique. En amenant ce sujet au plus haut niveau de la Cour, Madagascar paraît chercher à ouvrir un débat international sur la nécessité d’adapter le droit existant aux menaces contemporaines qui pèsent sur les États et les sociétés.


Ce geste est significatif à plusieurs titres. D’abord, il témoigne d’une volonté de Madagascar de contribuer à la construction des normes internationales. Proposer une évolution du Statut de Rome, même sous forme d’initiative discutée, revient à se positionner comme un État qui n’est pas seulement récepteur de normes, mais aussi force de proposition. Ensuite, cette initiative révèle une lecture politique des défis judiciaires : certaines formes de criminalité grave ne se limitent pas à la violence directe, mais s’inscrivent dans des mécanismes de contrôle, de détournement et d’affaiblissement institutionnel.


Enfin, présenter cette initiative devant la Présidente de la CPI indique que Madagascar ne conçoit pas la justice internationale uniquement comme un outil de répression, mais aussi comme un espace de réflexion normative. La Cour, dans son rôle de gardienne du Statut de Rome, est un acteur central pour faire vivre le débat sur ce qui doit être reconnu comme crime international. La capture d’État, si elle venait à être reconnue, élargirait potentiellement le champ de la justice pénale internationale à des crimes d’une nature plus institutionnelle, en lien avec la destruction ou la détournement d’un ordre public légitime.


Même si la rencontre ne précise pas les suites immédiates de cette proposition, l’acte d’en discuter officiellement constitue déjà une première étape. Il installe le sujet sur la table, le sort de la simple dénonciation politique, et le place dans un horizon juridique international. Cela suggère que Madagascar souhaite que la communauté internationale prenne au sérieux les conséquences de la capture d’État, non seulement pour les citoyens des pays concernés, mais aussi pour l’équilibre global des droits et des garanties démocratiques.


Un partage technique pour consolider le système judiciaire


Au-delà des grandes orientations politiques et juridiques, la rencontre a aussi été l’occasion d’un partage technique visant à promouvoir et consolider le système judiciaire. Cette dimension, plus discrète en apparence, est souvent celle qui produit les effets les plus durables. Car si la coopération internationale repose sur des principes, elle se matérialise aussi par des échanges de compétence, des ajustements de pratiques et des renforcements institutionnels.


Un partage technique évoque l’idée d’un dialogue concret sur les méthodes de travail, les standards internationaux, et les outils susceptibles d’améliorer l’efficacité de la justice. Il peut s’agir, par exemple, d’échanges sur les procédures, sur la gestion des dossiers complexes, sur la protection des droits de la défense et des victimes, ou encore sur l’organisation judiciaire face aux crimes graves. La CPI, forte de son expérience et de son cadre normatif, peut constituer une référence technique. Madagascar, en engageant un tel partage, manifeste une ambition de consolidation de ses propres institutions.


Ce type d’échange n’est pas une simple formalité. Il suppose un diagnostic partagé : celui que les systèmes judiciaires ont besoin de s’adapter en permanence pour répondre au poids des affaires graves et à l’évolution des criminalités. Consolider un système judiciaire, c’est renforcer sa capacité à fonctionner de manière indépendante, transparente et efficace. C’est aussi améliorer la cohérence du droit interne avec les obligations internationales, afin que la coopération ne se heurte pas à des contradictions de normes ou à des failles de procédure.


Pour Madagascar, l’intérêt est double. Sur le plan interne, le renforcement technique de la justice contribue à une meilleure réponse nationale face aux crimes graves. Sur le plan international, il facilite la coopération avec la CPI, car un système judiciaire robuste peut interagir plus aisément avec les exigences procédurales et les standards de la Cour. L’efficacité des relations entre un État et une institution internationale dépend souvent de la capacité du système national à être un partenaire opérationnel fiable.


Ce partage technique rappelle enfin une idée essentielle : la justice internationale ne remplace pas la justice nationale, elle la complète et la soutient. La CPI intervient sur un champ défini, mais son efficacité repose aussi sur l’existence d’institutions nationales capables de prévenir, d’enquêter et de juger. Consolider le système judiciaire malgache apparaît ainsi comme un investissement de long terme, à la fois pour l’État lui-même et pour la communauté internationale qui compte sur la solidité des juridictions nationales.


Une étape dans la projection internationale de Madagascar


Cette rencontre à La Haye s’inscrit dans une trajectoire plus large : celle de la projection internationale de Madagascar sur la scène judiciaire et diplomatique. En choisissant de tenir une rencontre officielle avec la Présidente de la CPI et en portant une proposition d’évolution du Statut de Rome, Madagascar envoie un signal clair sur sa volonté de s’impliquer activement dans les dynamiques de justice pénale internationale.


Ce positionnement peut être lu comme une affirmation de souveraineté responsable. Coopérer avec la CPI ne signifie pas déléguer sa justice, mais l’inscrire dans un cadre international qui permet d’affronter les crimes graves par des moyens complémentaires. Proposer la reconnaissance du crime de capture d’État renforce cette image d’un État qui assume sa place dans le débat sur l’avenir du droit international.


Les échanges s’inscrivent également dans un contexte où la criminalité grave est perçue comme une menace globale. Aucun État n’est isolé face à ces défis, et la coopération devient un outil de stabilité. Madagascar, en consolidant ses liens avec la CPI, montre qu’il souhaite participer à cette architecture collective, au même titre que d’autres États partenaires.


Pour la CPI, la rencontre donne aussi une illustration concrète de son rôle de plateforme de coopération. L’institution n’est pas seulement un tribunal qui juge des crimes, elle est aussi un point de convergence de discussions diplomatiques et techniques. Recevoir la délégation malgache, écouter une proposition normative nouvelle, et engager un partage technique sur la consolidation judiciaire, tout cela illustre la façon dont la Cour se situe au croisement du droit et des relations internationales.


Reste que la portée d’un tel moment dépendra des suites qui lui seront données. Une rencontre officielle ouvre un horizon, mais elle doit être suivie d’actions, d’accords, de programmes de coopération ou de discussions plus approfondies sur les initiatives présentées. L’évocation du crime de capture d’État, en particulier, appelle un travail juridique de fond, et peut-être une mobilisation d’autres États intéressés par cette évolution. Le renforcement de la coopération contre la criminalité grave, de son côté, suppose des dispositifs concrets, des priorités définies et un calendrier de mise en œuvre.


Quoi qu’il en soit, l’échange à La Haye prolonge une dynamique de rapprochement entre Madagascar et la CPI. Il dessine une relation fondée à la fois sur l’engagement politique, l’ambition normative et la consolidation technique. En ce sens, il s’agit d’une étape importante, qui confirme la volonté malgache de faire de la justice un axe central de sa présence internationale et de sa lutte contre les crimes graves. Madagascar ne s’est pas contenté d’écouter : il a dialogué, proposé, et cherché à construire. À La Haye, la diplomatie judiciaire malgache a affirmé ses intentions, et la Cour pénale internationale a ouvert un espace où elles peuvent désormais trouver un prolongement.

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