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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Madagascar et Chine : vers une coopération halieutique renforcée sous le signe de la rigueur

Dans un contexte où la mer et ses ressources occupent une place centrale dans le développement de Madagascar, la visite de courtoisie de l’Ambassadeur de Chine à Madagascar, SEM Ji Ping, auprès du Ministère de la Pêche et de l’Économie Bleue (MPEB), marque une étape politique et symbolique importante. Cette rencontre, présentée comme un échange sur le renforcement de la coopération bilatérale dans le secteur de la pêche, intervient à un moment où le gouvernement malgache affiche une volonté ferme de faire respecter les lois nationales et de lutter contre toute impunité dans cette filière stratégique. Face à son homologue malgache, le Ministre CHAN KIT WAYE Jaco a rappelé l’exigence d’une application stricte des règles en vigueur. De son côté, l’ambassadeur chinois a réaffirmé sa détermination à contribuer à l’assainissement de la filière et à travailler étroitement avec l’État malagasy, tout en exprimant l’intention de la Chine de soutenir davantage la pêche malgache par des investissements durables et structurants. Derrière les formules diplomatiques, cette visite dessine les contours d’une relation appelée à se consolider, mais aussi à se rééquilibrer autour d’un principe clair : coopérer, oui, mais dans le respect total de la souveraineté et des lois de Madagascar.


Le Ministre de la Pêche et de l’Économie Bleue, Mr CHAN KIT WAYE Jaco et l'Ambassadeur de Chine à Madagascar, Mr SEM Ji Ping
Le Ministre de la Pêche et de l’Économie Bleue, Mr CHAN KIT WAYE Jaco et l'Ambassadeur de Chine à Madagascar, Mr SEM Ji Ping

Une visite de courtoisie au poids politique assumé


Le déplacement de SEM Ji Ping au MPEB relève, sur la forme, de la diplomatie classique. Une visite de courtoisie, faite d’échanges protocolaires, de déclarations convergentes et de perspectives communes. Pourtant, le fond de la rencontre dépasse largement le simple geste d’amitié entre États. Le secteur de la pêche, notamment dans un pays insulaire comme Madagascar, n’est pas une activité économique parmi d’autres : il touche à la fois aux moyens de subsistance des populations côtières, à la sécurité alimentaire, à la gestion des ressources naturelles, et à l’image internationale du pays en matière de gouvernance maritime.


Dans ce cadre, le fait que les discussions aient porté explicitement sur le renforcement de la coopération bilatérale indique une volonté mutuelle de ne pas laisser la relation se limiter à des intentions générales. Il s’agit de s’inscrire dans une logique de partenariat plus structuré, plus visible et plus stratégique. La présence même de l’ambassadeur dans les locaux du ministère place la pêche au rang de sujet prioritaire de la relation Madagascar-Chine.


Ce rendez-vous diplomatique traduit aussi un message politique interne : le MPEB se positionne comme l’interlocuteur central sur la question maritime. En accueillant l’ambassadeur au sein du ministère, l’État malgache affirme que toute coopération étrangère dans la pêche doit passer par la sphère publique, et non se construire en dehors des cadres fixés par les autorités. Cette nuance est essentielle dans un secteur où les intérêts privés, nationaux et internationaux, peuvent être puissants. La rencontre vient rappeler que la coopération, aussi prometteuse soit-elle, ne saurait se substituer à l’autorité de l’État, mais doit s’y adosser.


La fermeté malgache : application stricte des lois et fin de l’impunité


Le point le plus saillant de la visite réside dans le rappel formulé par le Ministre CHAN KIT WAYE Jaco : l’importance du respect et de l’application stricte des lois nationales, ainsi que la lutte contre toute forme d’impunité envers les opérateurs ne se conformant pas aux réglementations en vigueur. Cette déclaration n’a rien d’anodin. Elle place la rencontre sous le signe d’une exigence de transparence et de discipline dans le secteur.


À travers cette prise de parole, le ministre exprime une vision claire : la pêche doit être encadrée par des règles. Les opérateurs, quels qu’ils soient, doivent s’y soumettre. La référence à l’impunité suggère que des comportements contraires aux normes ont existé ou persistent, et que l’État entend désormais se donner les moyens de les sanctionner. La formule est globale, mais elle est politiquement forte. Elle indique que la période de tolérance ou de flou est révolue, et qu’un cap est fixé.


Cette fermeté est d’autant plus significative que la coopération bilatérale ne peut être durable sans un socle réglementaire stable et respecté. Un partenariat dans la pêche ne consiste pas seulement à échanger des équipements, des techniques ou des capitaux. Il implique une gestion commune de responsabilités, dans un espace où les ressources sont limitées et où les dégâts peuvent être irréversibles si les règles ne sont pas appliquées. En insistant sur la loi, le MPEB s’assure que la coopération ne soit pas perçue comme une ouverture sans garde-fous, mais comme un cadre de collaboration exigeant.


Le message est également adressé aux opérateurs locaux. Il rappelle que la même rigueur s’applique à tous, et que le ministère vise un secteur assaini dans son ensemble. L’objectif affiché n’est pas de désigner un adversaire, mais d’instaurer une culture de conformité. Dans une filière qui rassemble des acteurs multiples, de tailles et de puissances variées, l’égalité face à la règle devient un outil de crédibilité de l’État et de stabilité économique.


La réponse chinoise : assainir la filière et collaborer étroitement


Face à ce rappel à l’ordre, l’ambassadeur de Chine a adopté une posture d’écoute et d’alignement. Il a réaffirmé sa volonté d’assainir et d’améliorer la filière, ainsi que son engagement à collaborer étroitement avec l’État malagasy pour atteindre ces objectifs. Cette déclaration souligne une convergence de discours entre les deux parties.


Le mot assainir renvoie à l’idée d’un secteur qui doit être clarifié et corrigé. L’ambassadeur ne conteste pas la nécessité d’une rigueur renforcée. Au contraire, il la présente comme un axe de coopération. Cette position est diplomatiquement prudente, mais elle est aussi politiquement utile. Elle évite toute tension et fait de la conformité un terrain commun plutôt qu’un point de friction.


En exprimant son engagement à collaborer étroitement avec Madagascar, la Chine indique qu’elle ne souhaite pas développer des initiatives parallèles ou détachées des priorités du gouvernement malgache. Elle reconnaît implicitement la centralité de l’État dans l’organisation du secteur. Ce type de déclaration peut être lu comme un gage de respect de la souveraineté nationale, mais aussi comme un souci de pérennité. Car une coopération perçue comme déséquilibrée ou imposée de l’extérieur finit souvent par susciter des résistances.


La réponse chinoise s’inscrit donc dans une logique d’apaisement et de projection. Apaisement, parce qu’elle réaffirme l’adhésion aux normes définies par Madagascar. Projection, parce qu’elle ouvre la voie à une collaboration plus technique, plus opérationnelle. L’assainissement et l’amélioration de la filière ne peuvent se faire par la seule déclaration politique ; ils supposent des actions concrètes, des mécanismes de suivi, des échanges d’expertise, et une coopération continue. La volonté affichée par l’ambassadeur prépare un terrain diplomatique favorable à ces étapes.


Des investissements durables et structurants : promesse et responsabilités


Au-delà de la question des règles, la Chine a exprimé sa volonté de soutenir davantage le secteur de la pêche et le gouvernement malgache à travers des investissements durables et structurants. Cette annonce ouvre un second volet essentiel de la visite : celui des moyens.

Le choix des termes est révélateur. Investissements durables, structurants : il ne s’agit pas de gestes ponctuels, ni d’aides symboliques. Le discours vise des actions qui s’inscrivent dans le temps et qui transforment les bases de la filière. Autrement dit, la Chine ne propose pas seulement de contribuer à l’activité actuelle, mais de participer à son évolution. Ce message est important pour Madagascar, qui cherche à développer son économie bleue et à réduire les fragilités de ses secteurs productifs.


Mais ces investissements, pour être réellement structurants, devront s’articuler avec la volonté malgache de stricte application des lois. C’est là que les deux volets se rejoignent. Un investissement durable n’est pas seulement un financement stable ; c’est aussi un investissement qui respecte les normes locales et qui contribue à renforcer la gouvernance. Dans ce sens, la promesse chinoise vient avec une responsabilité partagée : celle d’inscrire chaque initiative dans un cadre légal transparent.


Cette dimension est stratégique. La pêche peut attirer des capitaux importants. Elle peut aussi générer des tensions si les bénéfices sont mal répartis ou si la gestion des ressources est contestée. Les investissements évoqués par la Chine peuvent représenter une opportunité de modernisation et d’essor économique. Mais ils nécessitent une coordination fine avec le MPEB, et une attention constante à la conformité des opérateurs. L’annonce chinoise prend ainsi une valeur double : elle est un signe de confiance dans le potentiel malgache, et une invitation à co-construire un modèle de développement équilibré.


Pour Madagascar, l’enjeu sera de s’assurer que ces investissements servent ses priorités nationales. Pour la Chine, il s’agira de démontrer que son soutien s’inscrit dans une approche responsable et respectueuse des règles. Les deux pays semblent se rejoindre sur cette ligne, mais l’application pratique sera le véritable test de la durabilité du partenariat.


Une coopération à consolider dans un secteur stratégique pour l’économie bleue


La rencontre entre SEM Ji Ping et le Ministre CHAN KIT WAYE Jaco peut se lire comme un moment d’alignement. Alignement sur l’idée que la coopération bilatérale dans la pêche doit être renforcée. Alignement aussi sur la conviction qu’un secteur solide n’existe pas sans règles respectées. C’est cette combinaison qui donne à la visite sa portée.


Dans une logique d’économie bleue, Madagascar entend faire de ses ressources maritimes un levier de développement, sans compromettre leur pérennité. La coopération avec un partenaire majeur comme la Chine peut contribuer à cette ambition. Mais le gouvernement malgache rappelle clairement que cette ambition se construit dans le cadre de la loi, et non en marge de celle-ci. Le discours du ministre trace une ligne : pas d’exceptions, pas de tolérance pour les opérateurs non conformes, pas de place pour l’impunité.


La Chine, en réponse, choisit la voie de la coopération disciplinée. Elle affirme sa volonté d’améliorer la filière, de travailler avec l’État, et de soutenir le secteur par des investissements durables. Cette posture renforce l’idée d’un partenariat structuré, où l’intérêt économique se conjugue avec une exigence de gouvernance.


À court terme, ce type de rencontre consolide la confiance politique et rassure les acteurs de la filière quant au sérieux du cadre bilatéral. À moyen terme, il ouvre des perspectives de projets communs. Et à long terme, il peut contribuer à façonner une coopération exemplaire, si la rigueur annoncée par le MPEB se traduit par des actions régulières, et si les engagements chinois se matérialisent dans un esprit de transparence et de respect mutuel.


Ce rendez-vous diplomatique, sans bruit excessif mais avec un message clair, rappelle que la pêche n’est plus seulement un espace économique ; elle devient un terrain de gouvernance et d’avenir. Dans la relation Madagascar-Chine, elle s’affirme comme un secteur pilote où la coopération doit avancer sur deux jambes : l’investissement et la loi. Si cet équilibre est tenu, la visite de SEM Ji Ping pourrait apparaître, avec le recul, comme l’un des jalons d’une nouvelle étape dans le partenariat entre Antananarivo et Pékin, au service d’une filière halieutique mieux encadrée et tournée vers un développement durable.

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