Qui est Alexandre Monteiro, l’homme politique ?

À Praia, dans les réunions gouvernementales comme sur les estrades internationales, Alexandre Monteiro incarne un profil de plus en plus recherché dans de nombreux États insulaires : celui d’un responsable politique issu des secteurs techniques, propulsé au cœur des arbitrages économiques et énergétiques. Le Cap-Vert, archipel exposé aux chocs extérieurs, à la contrainte logistique des îles dispersées et à la facture des importations de combustibles, a fait de la sécurité énergétique et de la modernisation économique un axe stratégique. C’est dans ce cadre qu’Alexandre Dias Monteiro s’est imposé comme une figure centrale : ministre en charge de l’Industrie, du Commerce et de l’Énergie, il se trouve à la jonction de trois nerfs de la politique publique – produire, importer, financer – et d’une promesse politique régulièrement martelée : accélérer la transition énergétique tout en soutenant l’investissement, l’emploi et la compétitivité.

Le personnage intrigue d’autant plus que sa trajectoire brouille les lignes habituelles entre administration, entreprises publiques et vie parlementaire. Sa carrière met en lumière une constante capverdienne : dans un pays où l’État demeure un acteur structurant, les hauts responsables circulent souvent entre régulation, gestion et décision politique. Monteiro revendique la méthode et la planification, mais doit aussi gérer des crises très concrètes – comme les difficultés d’approvisionnement électrique – sous le regard d’une population attentive au coût de la vie et à la qualité des services essentiels.

Un ingénieur au sommet d’un ministère stratégique

Le Cap-Vert présente Alexandre Dias Monteiro d’abord comme un ingénieur. Le profil officiel insiste sur une formation technique – ingénierie mécanique – complétée par une spécialisation en ingénierie industrielle, puis un master en direction et administration des entreprises. Ce triptyque, technique et managérial, éclaire le positionnement qu’il adopte dans l’action publique : une approche d’objectifs, de programmes, d’indicateurs, et une attention au financement et à la gouvernance des opérateurs.

À la tête du ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Énergie, Alexandre Monteiro occupe un portefeuille particulièrement exposé : l’énergie est une colonne vertébrale économique pour l’archipel, le commerce renvoie à la dépendance aux importations et aux règles internationales, l’industrie à la diversification productive. Un article relatant une prise de fonctions gouvernementales le cite explicitement comme « ministre de l’Industrie, Commerce et Énergie » (avec son titre d’ingénieur), confirmant son rôle au sein de l’exécutif.

L’exercice du pouvoir, au Cap-Vert, s’écrit souvent au pluriel : l’État pilote des réformes, mais doit composer avec des partenaires techniques, des bailleurs, des opérateurs publics et privés, ainsi qu’avec un tissu économique fragmenté entre îles. Dans ce système, un ministre « technique » n’est pas seulement un spécialiste : il devient un chef d’orchestre. Monteiro se situe précisément dans cet entre-deux, où l’autorité politique s’appuie sur des dossiers, des projets et des trajectoires de financement.

De la gestion publique au mandat : une trajectoire entre institutions et entreprises

Avant d’être un nom associé aux conférences sur les renouvelables, Alexandre Monteiro a construit un parcours dans l’appareil public et parapublic. La biographie institutionnelle rappelle plusieurs responsabilités de premier plan : il a présidé le conseil d’administration d’Electra (opérateur historique lié à l’électricité), dirigé l’Institut de soutien au développement des entreprises, et siégé comme administrateur d’une société de développement touristique sur les îles de Boa Vista et Maio. Il a également été secrétaire d’État au Tourisme, à l’Industrie et au Commerce.

Cet empilement de fonctions raconte une réalité capverdienne : le développement économique se joue sur des infrastructures (énergie, eau, transport), sur la capacité à attirer l’investissement (notamment touristique) et sur l’accompagnement des entreprises. Le passage par Electra, en particulier, a valeur de « rite du réel » : au-delà des objectifs nationaux, l’électricité est un service quotidien, avec ses contraintes de production, d’entretien, de réseau, de coût des intrants, et de relation aux usagers. Être passé par cette maison, c’est connaître la tension permanente entre ambition et continuité du service.

La biographie officielle mentionne aussi un ancrage politique plus classique : Alexandre Monteiro a été député national entre 2001 et 2006.
Ce détail est loin d’être anodin. Il signifie que son entrée au gouvernement ne relève pas uniquement d’un recrutement technocratique : il a déjà éprouvé le rapport aux électeurs, aux débats parlementaires, à la fabrique de la loi. Autrement dit, il n’est pas seulement un « ingénieur au ministère » : il appartient au vivier politique, avec une expérience de représentation nationale.

Cette circulation entre fonctions exécutives, gestion d’organismes publics et mandat électif éclaire son style : un responsable qui parle volontiers de « programmes », mais qui sait aussi que la politique s’évalue à la lumière des résultats visibles – une facture d’énergie, des coupures, un emploi créé, une entreprise accompagnée.

Commerce, industrie et influence : un ministre aussi diplomate qu’économiste

Le portefeuille d’Alexandre Monteiro ne se limite pas aux centrales solaires et aux réseaux. Il inclut le commerce international, l’attractivité économique et le cadre concurrentiel. En mai 2025, il conduit la délégation capverdienne à Genève lors de la seconde revue de la politique commerciale du pays à l’Organisation mondiale du commerce. Le compte rendu officiel insiste sur plusieurs messages : l’attachement à un système multilatéral « juste, transparent et inclusif », la vulnérabilité structurelle des petites économies insulaires, et la volonté de renforcer les institutions nationales liées au commerce.

Dans cette séquence, Monteiro met en avant des réformes et outils institutionnels : la Commission nationale du commerce, la création de Cabo Verde TradeInvest, une Autorité de la concurrence, ainsi qu’une plateforme de guichet unique pour le commerce extérieur (JUCE), présentée comme nécessitant encore un appui technique et financier pour atteindre son plein potentiel.
La mécanique est claire : pour un pays importateur et tourné vers les services, la compétitivité passe aussi par la simplification, la confiance et des règles du jeu stables.

Toujours dans ce même discours, l’exécutif capverdien rappelle des engagements dans plusieurs cadres : l’accord sur les subventions à la pêche (ratifié en 2024), l’accord sur la facilitation des échanges, et la zone de libre-échange continentale africaine. Le récit relie ces engagements à une lecture des chocs récents – pandémie, guerre en Ukraine, aggravation des effets du climat – et cite même des chiffres de conjoncture : une récession en 2020 et une reprise à partir de 2022.

Le ministre s’affiche également dans un autre registre : la propriété intellectuelle. En juillet 2024, à Genève, il présente les priorités capverdiennes dans le cadre des assemblées de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, en insistant sur une politique nationale adoptée en 2022 et sur l’adhésion à plusieurs instruments internationaux. Là encore, la logique est économique : protéger des produits typiques, consolider une marque « Made in Cabo Verde », mettre en place des dispositifs d’appui et de diffusion de la culture de la propriété intellectuelle.

À ce stade, une constante se dégage : Alexandre Monteiro n’est pas seulement le « ministre de l’énergie ». Il se présente comme un ministre de la transformation économique, qui articule transition énergétique, environnement des affaires, règles internationales et compétitivité. Dans un archipel, la souveraineté n’est pas d’abord militaire ; elle se joue souvent dans la capacité à sécuriser des chaînes d’approvisionnement, à attirer du capital, à moderniser l’administration économique et à amortir les chocs extérieurs.

La transition énergétique comme ligne politique : des objectifs, des investissements, des infrastructures

Si le commerce et l’industrie donnent le cadre, l’énergie constitue le cœur narratif du personnage. Alexandre Monteiro associe régulièrement la transition à un impératif national, et il le fait avec des cibles chiffrées, des calendriers et des programmes. Lors de la présentation des priorités budgétaires sectorielles pour 2025, il rappelle une trajectoire : dépasser 50 % d’électricité produite à partir de sources renouvelables à l’horizon 2030, viser plus de 30 % dès 2026, et atteindre 100 % à l’horizon 2040. Le même discours fixe, pour la mobilité, un horizon de conversion du parc de véhicules vers des motorisations non fossiles à long terme.

Cette politique est adossée à des instruments : incitations fiscales et douanières pour les équipements de production renouvelable, encouragements à l’achat de véhicules électriques, mécanismes d’appui à la microproduction orientée vers l’autoconsommation, avec un élargissement mentionné à certains consommateurs en moyenne tension et, par extension, aux petites et moyennes entreprises industrielles.
On retrouve ici une stratégie classique des transitions insulaires : faire émerger un marché par l’incitation, afin d’accélérer les investissements privés et de réduire progressivement la dépendance aux combustibles importés.

Le ministère met aussi en avant des projets pilotes, notamment sur la mobilité électrique dans le secteur maritime, ciblant des embarcations de pêche artisanale – une innovation symbolique dans un pays où la mer est un espace économique vital.

Au-delà des annonces nationales, Alexandre Monteiro s’inscrit dans une diplomatie énergétique. En mai 2025, lors d’une réunion des ministres de l’énergie de l’espace lusophone, il affirme la volonté de maintenir le cap d’une transition « juste et durable » et insiste sur la vulnérabilité de l’archipel face aux impacts climatiques, en décrivant la transition comme une réponse environnementale mais aussi comme un choix de sécurité énergétique et de stabilité économique.

Le même compte rendu évoque des ordres de grandeur financiers et des chantiers : un investissement global prévu entre 2018 et 2030 dans le secteur énergétique, des montants déjà mobilisés, la nécessité de lever davantage de capitaux – notamment privés – et un portefeuille de projets comprenant plusieurs parcs solaires, l’expansion d’un parc éolien et l’installation de systèmes de stockage sur l’ensemble des îles. Le texte mentionne également un projet de stockage par pompage sur l’île de Santiago, présenté comme structurant, avec une échéance indiquée.

À ces éléments s’ajoute la dimension régionale : dès octobre 2022, une rencontre institutionnelle avec l’agence régionale dédiée aux renouvelables et à l’efficacité énergétique en Afrique de l’Ouest mentionne explicitement des discussions sur l’électrification, la transition énergétique, la mobilité électrique et l’hydrogène vert, et souligne la volonté de renforcer des partenariats.

Dans l’imaginaire politique, les transitions sont souvent racontées à travers des slogans. Chez Monteiro, elles sont racontées à travers des infrastructures : solaire, éolien, stockage, modernisation des réseaux, incitations économiques, et intégration de secteurs nouveaux (transport, maritime). C’est une grammaire politique du concret – mais qui, précisément, s’expose à l’épreuve des faits.

Entre ambitions et urgences : un ministre jugé au compteur, pas seulement au discours

Un ministre de l’énergie, surtout dans un pays insulaire, est rarement évalué sur l’élégance de ses plans. Il est jugé sur la continuité du service, la stabilité du réseau et la facture. Et c’est là que la figure d’Alexandre Monteiro prend une dimension plus rugueuse.

À l’automne 2025, il est publiquement confronté à des difficultés d’approvisionnement électrique sur l’île de Santiago. Lors d’une conférence de presse rapportée par la presse capverdienne, il affirme que le gouvernement travaille à rétablir un service normal, tout en évitant de s’engager sur un calendrier précis. Cette prudence, classique en situation de crise technique, dit aussi la difficulté politique : dans un secteur où l’opinion attend des réponses immédiates, la réalité des réparations, des pièces, des réseaux et des investissements impose des délais.

Dans le même temps, l’actualité montre un ministre qui continue à annoncer des capacités nouvelles : un exemple marquant est l’affirmation, lors d’une cérémonie liée à une centrale photovoltaïque, que Santiago disposerait d’une capacité de production renouvelable supérieure au pic de consommation estimé autour de 40 mégawatts. Même si cette perspective est présentée comme un cap, elle révèle la logique de fond : augmenter l’offre renouvelable pour réduire la dépendance, mais aussi pour stabiliser un système électrique fragile.

Le contraste entre la promesse d’abondance future et la gestion d’une crise présente est précisément ce qui fait la difficulté politique d’un dossier énergétique. Chaque coupure, chaque perturbation, chaque hausse de coût rappelle que la transition n’est pas un événement, mais une période prolongée, faite d’investissements et de vulnérabilités. Dans un archipel, les contraintes matérielles – dispersion géographique, infrastructures à dupliquer, stockage indispensable – pèsent davantage que dans un territoire continental. Ce point est explicitement souligné lorsqu’il est question des défis liés aux îles dispersées et à la nécessité d’investissements technologiques et de stockage.

Au-delà de l’électricité, Monteiro doit aussi tenir ensemble des objectifs qui peuvent entrer en tension : attirer des investisseurs tout en régulant ; faciliter le commerce tout en protégeant des secteurs ; inciter à l’électrique tout en accompagnant les ménages ; accélérer les renouvelables tout en garantissant la stabilité du réseau. La revue de la politique commerciale à Genève rappelle, en filigrane, que l’économie capverdienne a traversé des crises majeures ces dernières années et demeure sensible aux chocs externes.

C’est aussi ce qui explique l’insistance sur la coopération internationale. Les projets de transition, tels qu’ils sont présentés dans les échanges lusophones, reposent sur des mécanismes de financement et sur des partenariats, y compris dans des initiatives européennes évoquées dans les discussions sectorielles.
Ce n’est pas un détail : pour un pays de taille modeste, les transitions se gagnent autant dans la capacité à mobiliser des capitaux et des expertises que dans la seule volonté politique.

Ainsi, qui est Alexandre Monteiro, l’homme politique capverdien ? Un ministre dont le visage public est celui d’un ingénieur et d’un gestionnaire, mais dont la responsabilité est éminemment politique : conduire une transformation structurelle, sous contraintes budgétaires, sous pression sociale, et dans un environnement international où la compétitivité se joue à la fois sur les règles du commerce, la capacité d’innovation et la résilience climatique.

Son parcours, entre entreprise publique, administration économique, Parlement et diplomatie multilatérale, illustre une évolution plus large : dans des États confrontés à l’urgence énergétique et climatique, la légitimité se reconstruit autour de la capacité à délivrer des résultats mesurables. Or l’énergie, au quotidien, ne pardonne pas. Elle impose au ministre un verdict permanent, rendu non par des tribunes, mais par les lumières qui restent allumées, les machines qui tournent, et les factures que chacun peut payer.

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