Qui est Amel Abdellatif, la femme politique algérienne propulsée au Commerce intérieur ?

À Alger, sa nomination a fait l’effet d’un marqueur politique autant que d’un pari administratif. Amel Abdellatif, haute fonctionnaire issue de l’appareil fiscal, est entrée au gouvernement à la mi-septembre 2025 en prenant la tête d’un portefeuille particulièrement exposé : le Commerce intérieur et la Régulation du marché national. Dans un pays où la question des prix, de l’approvisionnement et de la lutte contre la spéculation occupe l’espace public de manière récurrente, la trajectoire de cette responsable, longtemps associée à la Direction générale des impôts, éclaire le choix opéré au sommet de l’État. Officielle, documentée, et encore relativement discrète sur le plan partisan, son ascension raconte aussi le poids accordé aux profils technocratiques au sein des équilibres gouvernementaux.

Une formation orientée finances publiques et économie

Les éléments biographiques disponibles convergent vers un parcours académique directement lié aux politiques économiques et à l’administration financière. D’après la biographie publiée par le ministère algérien du Commerce, Amel Abdellatif est titulaire d’une licence en sciences économiques, spécialité finances, obtenue à l’Université d’Alger (1996), puis d’un diplôme en finances publiques, spécialité fiscalité, délivré par l’Institut d’Économie Douanière et Fiscale de Koléa (1998).

Ces formations, centrées sur les mécanismes budgétaires et l’architecture fiscale, correspondent à un profil classique de cadre supérieur de l’État : un cursus court, professionnalisant, et adossé à des institutions algériennes spécialisées dans les métiers de la douane, des impôts et du contrôle. Elles donnent aussi une clé de lecture de sa trajectoire : plutôt que la politique électorale, ce sont les administrations de régulation, de collecte et de contentieux qui structurent son expertise.

La biographie officielle mentionne par ailleurs sa situation familiale (mariée, mère de trois enfants), donnée rarement mise en avant dans les notices strictement administratives, mais fréquemment présente dans les portraits ministériels publiés sur les sites institutionnels.

Un long parcours dans l’administration fiscale, du contentieux à la direction

Avant son entrée au gouvernement, Amel Abdellatif est surtout identifiée à l’appareil fiscal. Selon la page biographique qui lui est consacrée, elle intègre la Direction générale des impôts (DGI) en 1999 et y occupe plusieurs postes, notamment liés aux mécanismes de recours et au contentieux : sous-directrice des commissions de recours, puis directrice du contentieux.

Cette spécialisation n’est pas neutre. Dans une administration fiscale, le contentieux est l’une des zones les plus sensibles : c’est là que se règlent les litiges, que s’argumentent les redressements et que se confrontent l’État, les entreprises et les contribuables. Être formée et promue dans ces circuits suppose une maîtrise des procédures, une capacité à piloter des dossiers complexes et, souvent, une aptitude à arbitrer entre impératifs de recettes et sécurité juridique.

Son moment de bascule intervient en février 2020 : elle est alors nommée Directrice générale des impôts. Cette désignation est relayée par des médias algériens, notamment TSA, qui souligne qu’elle succède à Kamel Aissani. L’information est également reprise dans des portraits et articles ultérieurs, y compris sur des plateformes rappelant qu’elle vient de l’administration fiscale et qu’elle est associée, à ce moment-là, à la direction du contentieux.

De février 2020 à septembre 2025, elle occupe donc la tête de la DGI, ce que récapitulent aussi des notices biographiques et synthèses publiées après sa nomination au gouvernement. La période correspond à un temps où l’État algérien, comme de nombreux États, jongle entre besoins de recettes, réformes administratives et pressions sociales sur le pouvoir d’achat. Sur ce volet, les sources ouvertes détaillent davantage sa fonction que des mesures précises qu’elle aurait personnellement portées ; en l’état, ce que l’on peut affirmer avec certitude est l’occupation du poste et la nature de sa spécialisation.

Septembre 2025 : l’entrée au gouvernement et un portefeuille sous tension

L’entrée d’Amel Abdellatif au gouvernement est datée et formalisée dans un contexte de remaniement ministériel. Le site des services du Premier ministre publie, à la date du 15 septembre 2025, la composition du « nouveau Gouvernement », dans laquelle elle figure comme ministre du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national.

Les sources convergent sur la séquence : elle remplace Tayeb Zitouni et prend ses fonctions autour du 15 septembre 2025, après sa nomination décidée la veille. La notice biographique institutionnelle et plusieurs articles de presse algériens reprennent la même chronologie et la même appellation du ministère, parfois formulée avec des variantes proches (Commerce intérieur et Contrôle du marché national ; Commerce intérieur et Régulation du marché national).

Le choix de ce portefeuille n’est pas anodin. En Algérie, le commerce intérieur, la disponibilité des produits, la régulation des circuits de distribution et la surveillance des pratiques spéculatives sont des thèmes politiquement inflammables. Le ministère est attendu sur les prix, les pénuries, les marchés de gros, les contrôles, et l’organisation de la chaîne allant de l’importation ou de la production jusqu’aux consommateurs. Dans ce cadre, faire basculer une directrice générale des impôts vers un ministère de terrain peut être lu comme un signal : l’État confie la régulation du marché à une responsable formée au contrôle, à la procédure, et à l’appareil de vérification.

Plusieurs médias insistent aussi sur la dimension « historique » de sa nomination. Le quotidien El Moudjahid, par exemple, décrit l’événement comme une première : une femme à la tête de ce ministère dans l’histoire de l’Algérie indépendante. C’est un élément de contexte important, car il place sa nomination à la jonction de deux récits : l’efficacité attendue d’un profil technocratique et la portée symbolique d’une promotion féminine dans un ministère stratégique.

Les premières orientations publiques : stabilité, régulation, lutte contre la spéculation

À peine installée, Amel Abdellatif est associée, dans plusieurs comptes rendus de presse, à une « feuille de route » axée sur la stabilisation du marché et la confiance des citoyens. L’Algérie Aujourd’hui résume ainsi ses premières lignes directrices comme visant à « stabiliser un secteur » qui cristallise des inquiétudes, et à redonner de la confiance.

D’autres récits rapportent un discours interne de prise de fonction où le secteur est présenté comme un « levier de stabilité sociale ». Cette formule est relayée par des articles reprenant la tonalité institutionnelle de l’installation et l’appel aux cadres du ministère à œuvrer « sans relâche » pour consolider les acquis et développer l’action publique.

Le site Horizons, qui couvre sa prise de fonctions, la cite également dans un registre programmatique : le commerce intérieur y est présenté comme « stratégique » et « moteur » de la diversification économique. Même si ces expressions restent générales, elles s’inscrivent dans un cadrage gouvernemental plus large : faire du marché intérieur un espace mieux organisé, réduire les perturbations d’approvisionnement, et encadrer les pratiques opportunistes.

À ce stade, il faut distinguer ce qui est établi de ce qui relève de l’anticipation. Les sources disponibles décrivent surtout une phase de lancement : installation, déclarations d’intention, mise en ordre de priorités. Elles ne permettent pas, en revanche, d’attribuer avec précision à Amel Abdellatif des réformes détaillées, des chiffres d’impact ou des dispositifs nouveaux, sans entrer dans l’interprétation. Dans un portrait journalistique, cela compte : ce que l’on sait, c’est qu’elle arrive avec une réputation de technicienne du contrôle et qu’elle prend un ministère où le contrôle du marché est central.

L’autre point récurrent est la lutte contre la spéculation et la régulation de l’approvisionnement. Des articles publiés au moment de sa nomination insistent sur le caractère « lourd » de la mission confiée, justement parce qu’elle touche au quotidien des ménages et à la perception de l’action de l’État. Dans ce domaine, la difficulté est double : technique, parce qu’il faut agir sur des circuits complexes ; politique, parce que l’efficacité est jugée immédiatement par les citoyens à travers les prix et la disponibilité.

Une nomination symbolique et des défis très concrets pour la suite

La dimension symbolique de sa nomination est explicitement mise en avant par une partie de la presse nationale, qui y voit une rupture dans la représentation au sommet de l’État pour un ministère clé. El Moudjahid insiste sur le caractère inédit de l’événement et qualifie le choix de « historique ». Le symbole, toutefois, ne protège pas des contraintes du poste : au contraire, il peut accroître l’exposition et les attentes.

Sur le fond, les défis du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national, tels qu’ils apparaissent dans les récits de presse autour de sa prise de fonctions, se structurent autour de quelques nœuds permanents : organisation des circuits, contrôle et prévention des dérives (spéculation, pratiques illicites), sécurisation de l’approvisionnement, et restauration de la confiance. Le ministère se situe à l’interface entre l’administration, les acteurs économiques, les réseaux de distribution et les consommateurs. La réussite se mesure autant en indicateurs administratifs qu’en perception sociale.

Sa trajectoire, elle, fournit un angle : celui d’une responsable dont l’expérience s’est construite dans les mécanismes de contrôle et de procédure, d’abord au sein d’une administration fiscale, puis à la tête de la DGI. Dans beaucoup de systèmes, ce type de profil est recherché lorsque l’État veut mettre en avant la rationalisation, la lutte contre les pratiques déviantes et la mise en ordre. Mais ce choix peut aussi être interprété comme la reconnaissance d’une évidence : réguler un marché, ce n’est pas seulement annoncer des intentions, c’est bâtir des dispositifs, vérifier leur application et arbitrer des intérêts divergents.

Enfin, un point mérite d’être souligné parce qu’il relève du fait documentaire : la visibilité publique d’Amel Abdellatif, jusqu’à sa nomination, est restée relativement limitée, comparativement à des figures issues de partis, de campagnes électorales ou de trajectoires militantes. Les sources consultables la décrivent d’abord comme une haute fonctionnaire devenue ministre, plus que comme une responsable engagée dans une carrière politique partisane au sens classique. Cela n’empêche pas le caractère politique de sa fonction : en entrant au gouvernement, elle devient l’un des visages de l’action publique sur un sujet qui touche à la vie quotidienne, et donc un acteur politique de premier plan.

Au final, Amel Abdellatif apparaît comme un profil de transition entre administration et politique : une spécialiste des finances publiques et du contrôle, propulsée en septembre 2025 à un ministère exposé, avec une mission décrite comme stratégique et socialement déterminante. Les faits établis dessinent une trajectoire nette, mais la suite, elle, se jouera dans la durée : dans la capacité du ministère à traduire les intentions affichées en effets perceptibles sur l’organisation du marché et la stabilité de l’approvisionnement, sous le regard immédiat des citoyens.

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