Carmen do Sacramento Neto, universitaire, chercheuse en biologie marine, puis dirigeante dans l’administration de l’enseignement supérieur avant d’entrer au gouvernement, elle incarne une trajectoire où l’expertise technique et la décision politique se rencontrent sur un terrain hautement stratégique pour l’Angola: la mer, la pêche, les ressources marines, et, plus largement, l’économie dite “bleue”. Nommée ministre des Pêches et des Ressources marines en septembre 2022, elle occupe depuis un poste exposé, à la fois au cœur des enjeux de souveraineté, d’emplois, de sécurité alimentaire et de diplomatie régionale.
Une formation scientifique solide, revendiquée comme socle d’action publique
Les éléments biographiques rendus publics par les autorités angolaises présentent Carmen do Sacramento Neto comme une scientifique de formation. Née le 12 avril 1963 à Luanda, elle obtient une licence en biologie à la Faculté des sciences de l’Université Agostinho Neto en 1988, avant de soutenir un doctorat en biologie marine et aquaculture à l’Université de Lisbonne en 2007. Cette spécialisation, au carrefour de l’écologie, des ressources halieutiques et des systèmes de production aquacole, éclaire la cohérence d’un itinéraire qui mènera ensuite vers des fonctions liées à la mer et aux pêches.
Dans les biographies diffusées lors d’événements internationaux, le profil est décrit comme celui d’une professeure titulaire, engagée dans la recherche et la conduite de projets, nationaux comme internationaux. Cette dimension est régulièrement mise en avant: il ne s’agit pas seulement d’un diplôme ou d’un passage par l’université, mais d’une identité professionnelle durable, associée à des activités d’enseignement, d’encadrement et de recherche appliquée sur le long terme.
Cet ancrage académique se double, selon les notices officielles, d’actions de formation continue: des modules consacrés à la planification de l’espace marin et à la gestion des zones côtières figurent parmi les formations mentionnées. Pour une ministre chargée d’un secteur directement touché par la pression sur les stocks, l’aménagement côtier et la concurrence des usages en mer (pêche artisanale, pêche industrielle, transport, énergie), cette grammaire technique est souvent présentée comme un atout de gouvernance.
Du monde universitaire à l’État: une montée en responsabilités administratives
Avant son entrée au gouvernement, Carmen do Sacramento Neto occupe des fonctions de direction dans l’appareil public lié à l’enseignement supérieur. La biographie publiée par le gouvernement angolais liste notamment des responsabilités telles que directrice nationale de l’Institut d’évaluation et d’accréditation de l’enseignement supérieur (mentionnée pour 2012), puis directrice nationale de la formation diplômante (enseignement supérieur) entre 2013 et 2017. Ces postes, qui relèvent d’une administration structurante, sont en principe au cœur des dispositifs de qualité, d’habilitation des cursus, de contrôle et d’organisation des formations.
Le parcours se poursuit par des fonctions liées à des projets institutionnels dans le sud du pays: la coordination de commissions d’installation est citée, d’abord pour une académie liée aux pêches au Namibe (2017–2020), puis pour l’Université du Namibe (2020–2022). Dans certaines présentations internationales, elle est également associée à des responsabilités de rectorat à l’Université du Namibe, signe, au minimum, d’un rôle de premier plan dans la structuration de cette institution et, plus largement, dans le développement de l’offre d’enseignement et de recherche hors de la capitale.
Ce détour par la fabrique des institutions et par l’administration de l’enseignement supérieur a deux effets politiques. D’abord, il place une future ministre au contact de l’appareil d’État, de ses procédures, de ses arbitrages budgétaires, de ses normes. Ensuite, il renforce une image de “technicienne” ou de “cadre” davantage que celle d’une militante issue des structures partisanes classiques. Les sources consultées mettent surtout en avant les titres, les fonctions et les compétences; elles donnent peu de détails publics sur une trajectoire politique au sens strict (campagnes, circonscriptions, batailles internes), ce qui oriente la lecture vers un profil d’expertise promu au rang de responsabilité gouvernementale.
Septembre 2022: l’entrée au gouvernement et la centralité du ministère des Pêches
La date est claire dans la biographie officielle: Carmen do Sacramento Neto est nommée ministre des Pêches et des Ressources marines le 16 septembre 2022. La fonction est stratégique dans un pays à la fois atlantique et pétrolier, où la mer représente des activités économiques majeures et des enjeux de durabilité sous pression (surpêche, pêche illégale, modernisation de la flotte, infrastructures portuaires, contrôle des zones maritimes).
La visibilité internationale qui accompagne ce portefeuille est documentée par plusieurs traces publiques. En juillet 2023, la FAO rapporte une rencontre à Rome entre son directeur général, Qu Dongyu, et Carmen Sacramento Neto, présentée comme ministre des Pêches et des Ressources marines, et également secrétaire d’État chargée de l’agriculture et de l’élevage dans la communication de l’organisation. La FAO situe cet échange en marge de la 43e session de la Conférence de l’organisation, rappelant, au passage, l’intégration du secteur halieutique dans les agendas globaux de sécurité alimentaire et de gestion durable des ressources.
D’autres plateformes, liées à des conférences internationales, reprennent le même intitulé ministériel et renforcent l’image d’une ministre régulièrement mobilisée sur les thématiques maritimes, de durabilité et d’économie bleue. C’est un point important pour comprendre la nature de cette figure publique: sa position politique s’exprime beaucoup à travers les arènes sectorielles et techniques, là où se négocient des normes, des financements et des cadres de coopération.
Une diplomatie de la “blue economy”: discours, coopérations et scène régionale
L’expression “économie bleue” s’impose de plus en plus dans les politiques maritimes africaines, en cherchant à concilier croissance et durabilité. Dans une communication de l’AU-IBAR (Bureau interafricain des ressources animales de l’Union africaine), Carmen Sacramento Neto est citée pour avoir souligné l’importance stratégique de la gestion des ressources océaniques pour une croissance durable, en évoquant aussi des besoins de renforcement de capacités, d’investissements et de politiques publiques adaptées. Cette mise en récit correspond à un registre désormais classique des ministères maritimes: attirer l’investissement, organiser l’espace marin, encadrer les prélèvements et transformer localement la valeur.
Sur le plan régional, plusieurs articles de presse d’Afrique centrale mentionnent des échanges entre la République démocratique du Congo et l’Angola, où les questions de commerce formel, de logistique et d’information sur l’offre de produits halieutiques figurent parmi les sujets abordés. Radio Okapi, par exemple, rapporte un dialogue engagé avec la ministre angolaise Carmen Sacramento Neto au sujet de l’accès à l’information pour les importateurs congolais, dans un contexte plus large de relance d’échanges économiques et de préparation d’un forum. D’autres médias de la région reprennent des formulations proches, centrées sur l’accès aux produits de la pêche et sur la réduction d’obstacles au commerce.
Cette dimension est révélatrice: la pêche n’est pas seulement une question de quotas ou de ports, mais aussi un instrument de diplomatie économique. Pour un pays comme l’Angola, dont les relations avec ses voisins passent par la frontière terrestre mais aussi par les routes maritimes et les chaînes d’approvisionnement, la capacité à exporter, à transformer, à sécuriser les flux et à formaliser le commerce participe d’une stratégie d’influence et de stabilité. Les traces publiques disponibles ne décrivent pas, ici, des décisions détaillées, mais elles montrent la ministre en interlocutrice identifiée sur ces dossiers transfrontaliers.
Enfin, l’activité internationale de représentation ressort aussi de la couverture de conférences consacrées aux océans. La Rádio Nacional de Angola (RNA) indique, par exemple, qu’elle a représenté l’Angola lors d’une conférence des Nations unies dédiée aux océans, tenue à Busan (Corée du Sud), en mai 2025, dans un cadre mobilisant États et organisations autour d’actions de durabilité. Ce type de participation, répété, installe une image de ministre “à l’international”, positionnée sur les grands récits de gouvernance océanique.
Dossiers sensibles: pêche illégale, chiffres avancés et controverses rapportées
Le secteur de la pêche est, par nature, traversé par des tensions: concurrence entre pêche artisanale et industrielle, contrôle des licences, lutte contre la pêche illégale, conditions sociales des travailleurs, régulation des marchés. Sur ce terrain, les prises de parole publiques de la ministre peuvent devenir des points de débat.
En septembre 2025, la RNA rapporte des déclarations attribuées à Carmen do Sacramento Neto à propos de la pêche illégale et de ses coûts, évoquant des pertes annuelles chiffrées, ainsi qu’un propos sur la contribution de “l’économie de la mer” au PIB, liée surtout au pétrole et au gaz. Ces éléments, tels que rapportés, illustrent une stratégie de communication courante: utiliser des ordres de grandeur pour justifier le renforcement des contrôles, attirer l’attention sur la gouvernance maritime et mobiliser des soutiens pour des politiques publiques plus robustes. Le fait que ces chiffres soient médiatisés montre aussi à quel point l’espace maritime angolais est conçu comme un enjeu économique majeur, au-delà de la pêche seule.
Mais la visibilité publique s’accompagne d’expositions aux critiques. Un site de presse angolais, Jornal Hora H, publie en avril 2025 un article rapportant des accusations et des critiques autour de l’achat de véhicules pour des directeurs, dans un contexte de revendications sociales et de grève de travailleurs, selon ce média. En l’état des sources consultées ici, il s’agit d’allégations rapportées par un organe de presse; aucune réponse officielle systématiquement associée à ces accusations n’apparaît dans les résultats examinés. Dans une approche journalistique prudente, l’existence de cet article signale au minimum un climat de tensions sociales et politiques possible autour de la gestion du ministère, sans permettre de conclure au fond au-delà de ce qui est publié.
Ces controverses, qu’elles soient ponctuelles ou durables, s’inscrivent dans une réalité structurelle: gouverner un secteur marin implique de tenir ensemble la modernisation (contrôle, équipements, infrastructures), l’emploi et les conditions de travail, et la surveillance d’activités parfois difficiles à tracer (zones de pêche éloignées, opérateurs privés, chaînes d’intermédiaires). Dans ce contexte, une ministre issue du monde scientifique peut être attendue sur des méthodes, des indicateurs, des preuves; mais elle est jugée aussi, comme toute responsable politique, sur l’arbitrage social et budgétaire.
Une figure politique au croisement de l’expertise et de l’autorité
Qui est donc Carmen Sacramento Neto, “la femme politique”, si l’on se limite strictement à ce que disent les informations publiques vérifiables? D’abord, une ministre en exercice depuis septembre 2022, identifiée internationalement comme responsable des Pêches et des Ressources marines de l’Angola. Ensuite, une universitaire et chercheuse de formation, dont les diplômes et l’activité académique sont largement mis en avant, y compris sur des plateformes internationales de conférences. Enfin, une administratrice expérimentée, passée par des postes de direction dans l’enseignement supérieur et par la structuration d’institutions dans la province du Namibe.
Ce profil est politiquement significatif à plusieurs titres. Il illustre la place que les États accordent, dans certains secteurs, à des responsables présentés comme techniciennes ou expertes, capables de dialoguer avec les organisations internationales, de porter des politiques publiques complexes, et de traduire des contraintes scientifiques (durabilité des stocks, biodiversité, impacts climatiques) en décisions. Les rencontres documentées par la FAO, comme la participation à des événements centrés sur l’océan, montrent une ministre qui s’inscrit dans une diplomatie multilatérale, où la pêche se discute avec les mêmes outils que l’agriculture: sécurité alimentaire, développement, investissements, règles de gouvernance.
En même temps, sa trajectoire rappelle que la compétence technique n’efface pas la dimension politique. Être ministre, c’est arbitrer, répondre à des critiques, gérer des administrations, rendre des comptes et affronter des controverses publiques, fondées ou non. Le fait qu’une presse nationale puisse publier des accusations la concernant, même sans conclusion établie ici, montre que le ministère n’échappe pas aux dynamiques de tension et de contrôle propres à la vie publique.
Au final, Carmen Sacramento Neto apparaît comme une responsable dont la notoriété s’est construite à la jonction de trois scènes: l’université, l’État administrateur, et la diplomatie sectorielle des océans. Dans un Angola où la mer représente à la fois des ressources, des risques, et des ambitions économiques, ce type de profil concentre des attentes élevées: développer, protéger, réguler, et convaincre. Le portrait public disponible, lui, dit surtout une chose: sa politique se raconte d’abord par la mer.



