Fatima Camara est aujourd’hui l’une des figures politiques et administratives les plus en vue de la République de Guinée. Juriste et gestionnaire de formation, elle s’est imposée dans les sphères décisionnelles de l’État guinéen au cours des dernières années, notamment dans le cadre du processus de transition politique qui a marqué le pays depuis 2021. Son ascension, de conseillère au Conseil national de la transition à des fonctions ministérielles clés, illustre à la fois l’évolution du rôle des femmes dans la gouvernance guinéenne et les enjeux contemporains de l’action publique dans un pays en mutation.
Dans un contexte guinéen marqué par des changements institutionnels profonds depuis la chute du régime d’Alpha Condé en 2021, Fatima Camara s’est distinguée comme une personnalité engagée et reconnue pour ses compétences en droit, en gestion et en administration publique. Nommée au sein du Conseil national de la transition (CNT) en janvier 2022, puis appelée à exercer des fonctions ministérielles à partir de 2024, elle incarne une nouvelle génération de responsables publics investis dans la reconstruction des institutions et dans la transformation des secteurs économiques clés. Son parcours est aussi révélateur des défis contemporains auxquels la Guinée est confrontée : modernisation économique, inclusion sociale, place des femmes dans les responsabilités publiques et coopération régionale dans des secteurs stratégiques tels que la pêche et le commerce.
Les premières responsabilités : du Conseil national de la transition à l’action publique
Le 22 janvier 2022, Fatima Camara est nommée membre du Conseil national de la transition guinéen par décret présidentiel, en qualité de personne ressource, dans le cadre du processus de refondation politique engagé après le coup d’État militaire de septembre 2021. Cette nomination intervient dans un contexte où la Guinée, sous la direction du Comité national du rassemblement pour le développement et la transition (CNRD), entame un processus de recomposition de ses institutions politiques en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel. En tant que conseillère au sein du CNT, Fatima Camara est rapidement identifiée comme une voix compétente et engagée, notamment dans l’organisation de consultations nationales visant à renforcer le dialogue entre les autorités de transition et les populations locales. Elle est, par exemple, cheffe de délégation des conseillers nationaux lors de la consultation sur l’axe Lola–Beyla–Kouroussa, un effort symbolique et concret de rapprochement des institutions avec les citoyens guinéens sur le terrain.
Au sein du CNT, elle apporte non seulement une expertise juridique mais aussi une sensibilité à la gouvernance inclusive, en particulier en matière de participation citoyenne. Son rôle de conseillère s’inscrit dans une démarche plus large de révision des pratiques institutionnelles et de promotion d’une transition politique pacifique et participative. Cette étape constitue une fondation solide pour sa carrière ultérieure, marquée par des responsabilités de plus en plus étendues au sein de l’exécutif guinéen.
Une montée en puissance : ministre de la Pêche et de l’Économie numérique
Le 13 mars 2024, Fatima Camara est nommée ministre de la Pêche et de l’Économie numérique dans le Gouvernement de Bah Oury, succédant à Charlotte Daffé. Cette nomination est accueillie comme un signe fort de la confiance des autorités de transition dans ses capacités à piloter un secteur stratégique pour l’économie guinéenne. Le secteur de la pêche, longtemps sous-exploité malgré le riche potentiel marin du pays, représente à la fois une source de revenus pour les populations riveraines et un levier potentiel de développement durable.
Durant son mandat à la tête de ce ministère, Fatima Camara met en œuvre une série de réformes destinées à moderniser et structurer la filière. Parmi ces initiatives, figurent le renforcement du soutien à la pêche artisanale avec la distribution d’équipements adaptés, le développement des infrastructures de conservation des produits halieutiques, la construction de débarcadères et de marchés dédiés à la commercialisation, ainsi que l’impulsion de pratiques d’aquaculture. Elle porte également des actions de formation pour les marins-pêcheurs et des efforts de digitalisation des opérations de pêche, avec la mise en place d’un guichet unique numérique visant à améliorer la transparence et l’efficacité du secteur.
Son approche, combinant modernisation technique, inclusion sociale et gouvernance numérique, reçoit des échos positifs dans les milieux professionnels de la pêche et au-delà, comme un exemple de gestion proactive dans un secteur longtemps en marge des priorités économiques nationales. Par son action, elle contribue à la diffusion d’une vision où la pêche n’est plus seulement perçue comme une activité traditionnelle mais comme un véritable vecteur de croissance économique et d’emploi.
Une reconnaissance régionale : présidence de la COMHAFAT
La reconnaissance de Fatima Camara dépasse les frontières nationales. En mai 2025, elle est élue présidente de la Conférence ministérielle sur la coopération halieutique entre les États africains riverains de l’océan Atlantique (COMHAFAT), une organisation régionale créée pour renforcer la coopération entre les pays africains autour des enjeux de pêche durable, de gestion des ressources maritimes et de lutte contre la pêche illicite. Son élection constitue une première historique pour la Guinée, qui n’avait jamais occupé ce poste depuis la création de l’organisation en 1989.
À la tête de la COMHAFAT, Fatima Camara assume un rôle stratégique dans la coordination des politiques halieutiques entre les États membres, plaçant la Guinée au cœur des efforts régionaux pour assurer une gestion responsable des ressources marines. Sous sa présidence, des engagements renforcés sont pris pour lutter contre la pêche non réglementée et non déclarée, pour développer des mécanismes de partage d’information entre administrations et pour accompagner les initiatives intégrant davantage les femmes dans les activités liées à la pêche. Cette position renforce non seulement l’influence diplomatique de la Guinée en Afrique de l’Ouest, mais aussi l’importance accordée à la durabilité environnementale et sociale dans la gestion des écosystèmes marins.
Nouvelles responsabilités : ministre du Commerce
Dans la continuité de son ascension politique, Fatima Camara est nommée ministre du Commerce dans le Gouvernement Bah Oury à la fin du mois de juillet 2025, en remplacement de Diaka Sidibé. Son installation officielle dans ses fonctions a lieu au début du mois d’août 2025. Cette nouvelle responsabilité confère à Fatima Camara la charge d’un secteur central pour l’économie nationale. Le commerce, qu’il soit intérieur ou extérieur, est un moteur essentiel de la croissance économique, de la création d’emplois et de la dynamique entrepreneuriale en Guinée.
À ce poste, elle est attendue pour impulser des politiques favorisant l’accès des produits guinéens aux marchés internationaux, pour simplifier les procédures commerciales internes, pour renforcer la compétitivité des entreprises locales et pour encourager l’investissement tant national qu’étranger. La conjoncture économique mondiale, marquée par des tensions sur les chaînes d’approvisionnement et une concurrence accrue, appelle à une stratégie claire et innovante pour le secteur du commerce guinéen. Dans ce contexte, la nomination de Fatima Camara traduit la volonté des autorités de transition de confier ces défis à des responsables capables de combiner rigueur administrative et vision stratégique.
Une figure féminine majeure dans la gouvernance guinéenne
Le parcours de Fatima Camara s’inscrit dans une tendance plus large de reconnaissance du rôle des femmes dans la gouvernance et l’administration publique en Afrique. Dans un pays où les femmes ont historiquement été sous-représentées dans les postes de décision, sa progression vers des fonctions ministérielles de premier plan est emblématique des transformations en cours. Elle rejoint ainsi d’autres femmes dirigeantes qui participent activement à la prise de décisions politiques et économiques au plus haut niveau.
Cette dynamique est d’autant plus significative dans le contexte guinéen actuel, où l’inclusion et la représentation équilibrée des genres sont souvent mises en avant comme des priorités pour une transition démocratique réussie. En tant que femme ministre, elle devient une figure inspirante pour une nouvelle génération de professionnelles guinéennes et africaines aspirant à des responsabilités de haut niveau dans les domaines public et privé.
Les défis et perspectives d’un leadership en mutation
Alors que Fatima Camara continue d’assumer des responsabilités de plus en plus larges, les défis qui se présentent à elle sont nombreux. Dans le commerce comme dans la gestion des ressources naturelles et la coopération régionale, il s’agit de concilier des objectifs économiques ambitieux avec des exigences sociales et environnementales fortes. La modernisation des secteurs productifs doit s’accompagner d’initiatives inclusives et durables, qui tiennent compte des réalités des populations locales, des petits opérateurs économiques et des acteurs artisanaux.
Sa trajectoire est également révélatrice des évolutions institutionnelles en Guinée. À mesure que le pays progresse dans son processus de transition politique, les attentes de la société guinéenne en matière de transparence, de performance administrative et de redevabilité sont plus élevées que jamais. Le rôle de responsables publics tels que Fatima Camara est donc scruté non seulement pour les résultats concrets qu’ils produisent, mais aussi pour la manière dont ils contribuent à renforcer la confiance des citoyens dans leurs institutions.
Conclusion
Fatima Camara s’est imposée en moins de quatre ans comme une figure majeure de la transition guinéenne, passant d’un rôle de conseillère au Conseil national de la transition à des responsabilités ministérielles clés dans des domaines aussi cruciaux que la pêche, l’économie numérique et le commerce. Son parcours illustre non seulement la montée en puissance d’un leader politique compétent et déterminé, mais aussi l’importance croissante accordée à une gouvernance inclusive et proactive en Guinée. En assumant des fonctions de plus en plus stratégiques, elle contribue à redéfinir le rôle des femmes dans l’espace public guinéen et à placer son pays sur des trajectoires de développement durable et de coopération régionale renforcée. À l’heure où la Guinée cherche à consolider ses institutions et à répondre aux aspirations de sa population, la carrière de Fatima Camara est un signe tangible de l’évolution des élites dirigeantes du pays et de la place qu’y occupent désormais des femmes engagées et visionnaires.



