Qui est Françoise Remarck ?

Nommée au gouvernement après une longue carrière dans le secteur privé, Françoise Remarck est devenue, en avril 2022, ministre de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire. Depuis, elle s’est imposée comme l’un des visages d’une politique culturelle qui revendique une ambition économique autant que symbolique : structurer les filières, attirer des tournages, renforcer la circulation des œuvres et défendre une diplomatie patrimoniale active. Son profil, atypique dans un paysage politique où les parcours militants sont fréquents, raconte aussi l’évolution des politiques publiques culturelles en Afrique de l’Ouest, de plus en plus pensées comme un levier de croissance, d’emploi et d’influence internationale.

Son itinéraire, souvent résumé à son passage par les médias et à sa proximité avec les industries culturelles, est en réalité celui d’une dirigeante passée par l’audit, la gestion, la stratégie et les relations institutionnelles, avant d’entrer dans l’exécutif ivoirien. À Abidjan, son ministère est aujourd’hui attendu sur des dossiers qui dépassent les seules questions artistiques : cadre réglementaire du livre, économie de la musique, développement du cinéma, préservation du patrimoine, coopération internationale, et plus largement, place de la Côte d’Ivoire dans l’espace francophone.

Une trajectoire de dirigeante : audit, management et médias, avant la politique

Le parcours de Françoise Remarck commence loin des tribunes politiques. Formée à l’École supérieure de commerce d’Abidjan (ESCA) et diplômée d’un Executive MBA à HEC Paris, elle construit d’abord une carrière dans des fonctions de gestion et de direction. Plusieurs biographies publiées par des institutions et organismes professionnels mettent en avant un démarrage chez Ernst & Young à Paris, à la fin des années 1980, avant un retour en Côte d’Ivoire au début des années 1990.

C’est ensuite dans l’audiovisuel payant qu’elle gagne en notoriété. Elle participe à la création de la filiale ivoirienne liée à Canal+ (Canal+ Horizons / Canal+ Côte d’Ivoire selon les périodes et les structures), puis y occupe des postes successifs de direction financière, de direction générale adjointe, de direction générale et de présidence. Cette progression, sur près de deux décennies, est souvent citée comme un exemple de carrière complète dans un groupe international implanté en Afrique, avec une expertise à la fois économique et institutionnelle.

Au fil de ces responsabilités, elle développe une spécialisation qui pèsera ensuite dans sa nomination ministérielle : la chaîne de valeur des industries culturelles, au croisement des contenus, des diffuseurs, de la publicité, des partenariats publics, et de la structuration des métiers. Son passage par des fonctions de communication et de relations institutionnelles au sein des structures du groupe Canal+ et, plus tard, au sein de CFAO (présentée comme vice-présidente en charge des relations institutionnelles et de la communication sur sa biographie officielle), consolide encore cette dimension “interface” entre grandes entreprises, États, et espaces de coopération.

Dans les portraits qui lui sont consacrés, un autre aspect revient régulièrement : son implication dans des initiatives de mentorat, de leadership féminin et d’accompagnement de l’entrepreneuriat culturel. Des sources institutionnelles et professionnelles mentionnent notamment des engagements dans des réseaux patronaux et des dispositifs d’accompagnement, ainsi que la création ou cofondation d’un fonds orienté vers les industries culturelles et créatives.

Cette combinaison – gestion, médias, relations institutionnelles, et économie culturelle – explique pourquoi sa nomination à la Culture a été présentée comme un signal : la culture n’est plus seulement un domaine d’animation et de prestige, mais un portefeuille conçu pour piloter des filières, des investissements, des normes et une diplomatie d’influence.

Avril 2022 : l’entrée au gouvernement et la confirmation dans l’exécutif de 2023

Françoise Remarck entre au gouvernement ivoirien le 20 avril 2022, au sein de l’équipe dirigée par le Premier ministre Patrick Achi, en tant que ministre de la Culture et de la Francophonie. Sa nomination apparaît dans les listes de composition gouvernementale relayées par des médias ivoiriens et bases biographiques, et elle est également reprise par des sources institutionnelles et encyclopédiques.

Le portefeuille qu’elle reçoit a une portée particulière : la “Culture et la Francophonie” associe explicitement politique culturelle interne et projection internationale dans l’espace francophone, ce qui implique un travail permanent avec des partenaires extérieurs (organisations, États, réseaux professionnels) et une articulation avec les enjeux d’image du pays.

À l’automne 2023, le paysage gouvernemental change : Robert Beugré Mambé est nommé Premier ministre, et un nouveau gouvernement est constitué. Françoise Remarck est alors maintenue à la tête du ministère de la Culture et de la Francophonie dans cette nouvelle équipe, selon la composition publiée et relayée par des sources de référence, y compris des pages de composition gouvernementale et des listes de membres du gouvernement.

Dans la vie politique ivoirienne, une reconduction ministérielle n’est jamais anodine : elle signale généralement la continuité d’une orientation, le maintien d’équilibres, ou la volonté de poursuivre des réformes en cours. Pour la Culture, la reconduction renforce l’idée que le gouvernement souhaite installer des politiques sur la durée : mise en place de dispositifs structurants, négociations patrimoniales longues, accompagnement des filières, et création d’outils de promotion du pays comme destination culturelle et audiovisuelle.

Cette stabilité institutionnelle coïncide aussi avec une période où la Côte d’Ivoire cherche à consolider son rayonnement régional : festivals, production de séries, montée d’acteurs privés de la diffusion, et stratégie d’attractivité de tournages. La ministre, issue précisément de l’écosystème audiovisuel, se trouve dès lors au centre d’attentes multiples, parfois contradictoires : soutenir la création, réguler un secteur en expansion, assurer l’accès du public à la culture, préserver le patrimoine, tout en affichant des résultats économiques.

Une politique culturelle tournée vers la structuration : filières, normes et “chantiers” annoncés

Depuis sa prise de fonction, Françoise Remarck présente régulièrement la culture comme un secteur à organiser, avec des priorités qui relèvent autant de l’administration publique que de l’économie. Dans des communications relayées par des médias ivoiriens, elle évoque des “défis” et des “chantiers” pour consolider le rayonnement culturel, tout en appelant à des dynamiques collectives avec les acteurs du secteur.

Parmi les éléments qui illustrent cette approche, la question du livre est emblématique. L’Agence Ivoirienne de Presse rapporte, en 2025, des propos de la ministre appelant les acteurs de la chaîne du livre à s’approprier une loi sur le livre présentée comme prioritaire, en soulignant notamment les défis liés au numérique. Le message est clair : la politique culturelle ne se limite pas à soutenir des événements, elle passe aussi par des cadres juridiques et des règles du jeu pour les éditeurs, auteurs, diffuseurs, libraires et institutions.

Cette logique de structuration concerne aussi les industries culturelles au sens large : musique, arts visuels, cinéma, audiovisuel, mode, design, spectacle vivant. Dans un pays où la production culturelle circule de plus en plus au-delà des frontières nationales, la question de la professionnalisation (métiers, formation, normes contractuelles, droits) devient centrale. La ministre met ainsi en avant, dans différentes prises de parole relayées par la presse, la nécessité de renforcer les chaînes de valeur : autrement dit, de faire en sorte que la création génère des emplois, des entreprises et des revenus, au lieu de rester cantonnée à l’événementiel.

L’enjeu est aussi territorial : comment faire vivre une politique culturelle au-delà d’Abidjan, dans les villes de l’intérieur, avec des infrastructures parfois inégalement réparties ? Les comptes rendus d’activités et déplacements ministériels, dans la presse locale et l’agence nationale, montrent une volonté d’inscrire les projets dans plusieurs localités, avec un discours récurrent sur la structuration et le réseau d’opérateurs.

Enfin, son profil de dirigeante venue du privé nourrit un style : mise en avant d’objectifs, d’outils, de partenariats et d’indicateurs. Cela peut séduire une partie des professionnels qui réclament de la visibilité et des règles stables, mais cela peut aussi alimenter une attente de résultats rapides, alors même que la transformation d’un secteur culturel se mesure sur plusieurs années : formation, équipements, régulation, financement, export.

Cinéma et audiovisuel : l’ambition d’une “terre de tournages” et la création d’outils dédiés

S’il y a un domaine où la ministre est particulièrement attendue, c’est celui du cinéma et de l’audiovisuel, au cœur des industries culturelles contemporaines. La Côte d’Ivoire connaît une dynamique notable autour des séries, de la production locale et des diffuseurs, portée par une demande accrue en contenus et par une professionnalisation progressive du secteur.

Un reportage du Monde publié en 2025 décrit cette ambition et souligne l’implication de l’État, notamment à travers l’action de la ministre, pour promouvoir le pays comme “terre de tournages”. Le même article mentionne la création d’une commission du film en 2024, pensée comme un outil de promotion et d’accompagnement des productions, ainsi que des projets d’infrastructures et une volonté d’attirer des tournages étrangers.

Dans ce type de stratégie, une commission du film joue généralement plusieurs rôles : simplifier les démarches administratives, centraliser les autorisations, valoriser les décors, mettre en relation les productions avec des prestataires locaux, et construire une marque pays. Pour un État, c’est aussi un instrument de diplomatie économique : le tournage d’un film ou d’une série a un impact sur l’hôtellerie, la logistique, les métiers techniques, et l’image internationale.

Mais l’essor audiovisuel se heurte à des limites structurelles. Le Monde note notamment des défis de formation, avec un besoin de techniciens qualifiés, un enjeu classique des industries en croissance rapide : la demande explose, mais l’appareil de formation et les parcours professionnels ne suivent pas toujours, surtout sur les métiers techniques (image, son, décor, postproduction, régie).

Dans ce contexte, la crédibilité de la politique publique se joue sur des décisions concrètes : partenariats de formation, incitations, encadrement des tournages, attractivité des investissements, et articulation entre acteurs publics et opérateurs privés. Pour Françoise Remarck, la difficulté est aussi d’éviter un écueil : que l’ambition audiovisuelle se limite à des annonces et à quelques projets vitrines. Une stratégie durable suppose un tissu de prestataires ivoiriens capables de répondre aux standards internationaux et de capter une part significative de la valeur ajoutée.

La ministre, issue du monde des médias, est souvent perçue comme un relais naturel avec les diffuseurs et producteurs. Cela peut faciliter le dialogue public-privé, mais cela exige aussi une vigilance sur l’équilibre : la politique culturelle doit servir l’intérêt général, soutenir la diversité des créateurs, et garantir l’accès, sans devenir la simple caisse de résonance d’un marché.

Patrimoine, francophonie et diplomatie culturelle : restitutions, coopérations et influence

Le portefeuille “Culture et Francophonie” place Françoise Remarck à un carrefour diplomatique : la protection du patrimoine et la coopération culturelle internationale, en particulier avec la France et l’espace francophone. Sur ce terrain, un dossier symbolique a cristallisé l’attention : le Djidji Ayôkwé, tambour parleur confisqué en 1916 et conservé en France.

En novembre 2024, une convention de dépôt a été signée entre les ministres de la Culture de la France et de la Côte d’Ivoire, portant sur ce tambour, en attendant sa restitution définitive. Le Monde a rendu compte de cette séquence, en précisant le contexte du dépôt et les débats juridiques et politiques autour des restitutions d’œuvres issues de la période coloniale.

Le ministère français de la Culture a également communiqué sur ce rendez-vous et sur la signature de conventions entre les deux pays, en mentionnant explicitement l’entretien bilatéral et la convention concernant le Djidji Ayôkwé.

Pour la Côte d’Ivoire, ce type de dossier dépasse la seule question muséale : il touche à la mémoire, à la souveraineté culturelle et à la manière dont un pays présente son histoire. Pour une ministre ivoirienne de la Culture, s’impliquer dans ces négociations revient à endosser une forme de diplomatie patrimoniale, où le symbole compte autant que le calendrier administratif. Pour la France, c’est aussi un dossier politique, encadré par des contraintes juridiques et par le débat sur une loi-cadre de restitution.

La francophonie, dans ce cadre, n’est pas seulement un espace linguistique : c’est un réseau d’institutions, de programmes de mobilité artistique, de circulation des œuvres et d’échanges. Le site officiel du ministère ivoirien de la Culture et de la Francophonie met ainsi en avant des appels à projets et des dispositifs liés à la mobilité et à la circulation des biens culturels, illustrant cette dimension internationale du portefeuille.

Cette diplomatie culturelle s’exprime aussi par la présence de la ministre dans des séquences officielles et des échanges avec d’autres pays. La presse ivoirienne rapporte, par exemple, des déplacements et des contacts visant à observer des modèles culturels ou à promouvoir l’ambition ivoirienne dans ce domaine, dans une logique de comparaison et de partenariat.

Au fond, la question “Qui est Françoise Remarck ?” renvoie donc à un double positionnement. D’un côté, une ancienne dirigeante des médias, habituée aux logiques de marché, aux négociations et aux stratégies de diffusion. De l’autre, une ministre chargée de politiques publiques où la culture se mesure aussi à l’aune du patrimoine, de l’accès du public, de la cohésion sociale et de la mémoire. Sa singularité politique tient précisément à ce croisement : une technicienne de l’économie culturelle à la tête d’un ministère où les symboles nationaux et les enjeux identitaires sont omniprésents.

Dans une Côte d’Ivoire qui veut compter davantage sur la scène culturelle africaine et internationale, Françoise Remarck incarne, pour ses soutiens, la promesse d’un pilotage structuré et professionnalisant. Pour ses observateurs les plus critiques, le défi sera de prouver que cette approche, très orientée vers les filières et l’attractivité, peut aussi renforcer la diversité de la création et l’accès du plus grand nombre. C’est sur cette ligne de crête, entre industrie et service public culturel, que se joue désormais l’essentiel de son action.

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