Qui est Gebremeskel Chala ?

À Addis-Abeba, son nom n’a longtemps circulé que dans des cercles technocratiques, avant de s’imposer au grand public au fil des remaniements et des dossiers économiques. Né à Gacheno, dans le sud du pays, Gebremeskel Chala Motalo appartient à cette génération de responsables apparue dans l’appareil d’État au moment où l’Éthiopie cherchait à accélérer sa transformation économique, tout en affrontant des tensions internes et une conjoncture internationale plus instable. Son parcours, qui le mène d’une agence fédérale dédiée à l’emploi et à la sécurité alimentaire urbaine jusqu’au ministère du Commerce et de l’Intégration régionale, puis vers des responsabilités politiques au sein de l’État régional de l’Éthiopie du Sud, illustre la manière dont les carrières publiques se structurent aujourd’hui dans un pays où l’économie, la gouvernance et l’équilibre territorial sont étroitement imbriqués.

Depuis 2021, Gebremeskel Chala a été associé à une priorité répétée par les autorités : faire du commerce un levier de croissance, tout en réorganisant les politiques publiques pour répondre à une pression sociale forte, notamment sur l’emploi des jeunes et le coût de la vie. Il s’est aussi retrouvé, par la nature même de ses fonctions, au contact de dossiers sensibles : relance des négociations d’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce, intégration commerciale africaine, modernisation de certaines régulations nationales, dialogue avec des partenaires bilatéraux. Mais comprendre qui il est suppose de replacer ses mandats dans un contexte plus large : celui d’une Éthiopie qui cherche à concilier ambitions économiques, réformes structurelles et recompositions politiques, au niveau fédéral comme au niveau régional.

D’un Sud éthiopien au cœur de l’appareil d’État

Gebremeskel Chala est originaire du Wolaita, une zone du sud de l’Éthiopie, souvent citée lorsqu’il est question de dynamiques démographiques, de mobilités internes et de revendications politiques territoriales. Dans un pays fédéral organisé autour de régions et de réalités identitaires diverses, l’origine géographique n’est jamais un simple détail biographique : elle pèse sur les réseaux, les priorités et parfois sur les attentes des électorats locaux.

Sa formation universitaire est généralement présentée comme un élément structurant de son profil : il a étudié à l’université d’Addis-Abeba et à l’université de Delhi. Cette double référence est régulièrement mentionnée pour souligner un positionnement à la fois national et ouvert à l’international, caractéristique de plusieurs responsables éthiopiens apparus dans les années 2010 et 2020, notamment dans les secteurs économiques.

La suite de son parcours s’inscrit dans une logique de montée en responsabilités à travers des structures publiques liées au développement. Les biographies publiques disponibles le décrivent comme un cadre passé par des institutions tournées vers la transformation économique et la modernisation administrative. Dans ce type de trajectoire, l’expérience est souvent jugée sur la capacité à mettre en œuvre des programmes, à produire des résultats mesurables et à dialoguer avec des acteurs multiples : administrations, monde privé, partenaires techniques, collectivités locales.

C’est un point clé pour comprendre son arrivée à la tête d’une agence fédérale dédiée à l’emploi urbain et à la sécurité alimentaire : l’Éthiopie, comme de nombreux pays africains à forte croissance démographique, fait face à une pression continue sur l’emploi, particulièrement en milieu urbain. Dans les grandes villes, les attentes portent sur la création de revenus, l’accès à des services de base, et la stabilisation des prix des produits essentiels. Les politiques publiques qui combinent emploi, filets sociaux et organisation des marchés alimentaires prennent alors une dimension politique directe, car elles touchent au quotidien des ménages.

Au-delà des fonctions, l’exposition médiatique de Gebremeskel Chala a d’abord été relativement limitée. À ce stade, il s’agit davantage d’un profil de gestion et de mise en œuvre, dans un environnement où les agences et ministères doivent arbitrer entre urgence sociale et objectifs macroéconomiques. Cette première phase contribue à forger un style : langage de la performance, culture du programme, et attention portée aux mécanismes concrets de distribution, de soutien et de régulation.

L’agence fédérale de l’emploi urbain et de la sécurité alimentaire : un portefeuille social à forte portée politique

Le 3 mars 2020, Gebremeskel Chala prend la direction générale de l’agence fédérale chargée de l’emploi urbain et de la sécurité alimentaire. Le choix d’un responsable pour ce type de poste dit beaucoup des priorités du moment : l’État cherche alors à renforcer des politiques qui combinent création d’activités, soutien aux micro-entreprises, et dispositifs destinés à amortir les chocs qui frappent les ménages urbains.

Il faut mesurer l’enjeu. L’emploi urbain en Éthiopie ne se résume pas à la création de postes dans le secteur formel. La réalité est celle d’une mosaïque d’activités : services, commerce, artisanat, petites unités de production, et entrepreneuriat de subsistance. Les politiques publiques visent souvent à structurer ces activités, à faciliter l’accès au financement, à organiser des formations, et à relier davantage les micro-entreprises aux chaînes de valeur.

À cette dimension s’ajoute la question de la sécurité alimentaire urbaine, particulièrement sensible dans les périodes de tensions inflationnistes, de perturbations logistiques ou de chocs externes. La sécurité alimentaire, dans ce contexte, ne renvoie pas seulement à la production agricole, mais aussi aux mécanismes d’approvisionnement, au contrôle de certaines distorsions de marché, à la capacité des ménages à acheter, et à l’efficacité de dispositifs publics ciblés.

Diriger une telle agence implique donc une articulation permanente entre technique et politique. Les décisions de programme, les choix budgétaires, les priorités territoriales et les mécanismes de ciblage social peuvent rapidement devenir des sujets de débat public. Cela exige également des relations suivies avec d’autres institutions : ministères économiques, collectivités, administrations municipales, organismes chargés des prix, et parfois partenaires internationaux.

Dans ce type de poste, la réussite ne se mesure pas uniquement à l’annonce de programmes, mais à la capacité de mise en œuvre. Or, en Éthiopie, comme ailleurs, la mise en œuvre dépend souvent de la coordination entre niveaux de pouvoir et de la stabilité institutionnelle. Les années 2020 et 2021 constituent un moment où plusieurs pays doivent gérer des difficultés d’approvisionnement, des tensions sociales liées au coût de la vie et une incertitude macroéconomique accrue. Dans ce cadre, un directeur général chargé de l’emploi urbain et de la sécurité alimentaire se retrouve au centre d’attentes parfois contradictoires : agir vite, cibler juste, et maintenir une cohérence avec des objectifs macroéconomiques plus vastes.

Le 6 octobre 2021, son passage à l’échelle supérieure est officialisé : il quitte la direction générale de l’agence pour entrer au gouvernement fédéral en tant que ministre.

Ministre du Commerce et de l’Intégration régionale : entre réformes, OMC et intégration africaine

Le 6 octobre 2021, le Parlement éthiopien approuve une nouvelle équipe gouvernementale, et Gebremeskel Chala est nommé ministre du Commerce et de l’Intégration régionale. C’est un basculement important : il passe d’un portefeuille principalement social et opérationnel à un ministère qui combine politique économique, régulation des marchés, négociation internationale et diplomatie commerciale.

Ce ministère est, par nature, au croisement de plusieurs lignes de tension. D’un côté, il doit soutenir l’activité et améliorer l’environnement commercial. De l’autre, il doit protéger le marché intérieur, organiser des régulations, et répondre aux enjeux de prix et de disponibilité des biens essentiels. Il doit aussi dialoguer avec le secteur privé, souvent demandeur de stabilité, de transparence réglementaire et de facilitation du commerce.

Le contexte régional et international accentue la difficulté. Le commerce est désormais structuré par des enjeux de chaînes d’approvisionnement, de normes, de compétitivité et de politiques industrielles. Pour l’Éthiopie, la question de l’intégration régionale est également stratégique : elle se joue à travers les cadres africains de libéralisation commerciale, mais aussi au travers d’accords bilatéraux, de projets logistiques et d’un positionnement sur des corridors d’échanges.

Parmi les dossiers les plus observés figure celui de l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce. Les processus d’accession sont généralement longs et exigeants : ils touchent aux tarifs douaniers, aux services, à la réglementation interne, à la transparence des politiques commerciales et aux engagements internationaux. Le rôle d’un ministre du Commerce dans ce cadre est autant technique que politique : il doit aligner les institutions nationales, expliquer les arbitrages, et négocier un chemin d’adhésion compatible avec les priorités nationales.

L’intégration commerciale africaine constitue un autre front majeur. L’Éthiopie participe aux dynamiques du continent visant à faciliter les échanges intra-africains et à stimuler la transformation économique. Mais l’intégration ne se décrète pas : elle suppose des stratégies d’implémentation, des réformes de procédures, des discussions avec les secteurs affectés, et une capacité à s’insérer dans des dispositifs de normes et de facilitation. Lorsqu’il intervient publiquement sur ces sujets, Gebremeskel Chala met l’accent sur les priorités commerciales et sur l’importance d’une ouverture ordonnée, qui permette de capter des opportunités tout en maîtrisant les risques.

Le ministère porte aussi des responsabilités internes : le cadre réglementaire du commerce, l’organisation de certaines filières, et l’équilibre entre contrôle et fluidité. Dans de nombreux pays, cette tension est permanente : trop de contrôle asphyxie l’activité et favorise l’informel ; trop de libéralisation peut fragiliser certains acteurs et exposer davantage aux chocs de prix. La réalité est souvent faite d’ajustements, parfois contestés, et d’arbitrages entre la protection de consommateurs et la rentabilité de producteurs ou d’importateurs.

Le 28 juin 2024, Gebremeskel Chala quitte ce poste ministériel. Dans les systèmes politiques, la fin d’un mandat de ce type peut résulter d’un remaniement, d’une réorientation des priorités, ou d’une recomposition interne. Les raisons ne sont pas toujours explicitement détaillées publiquement. Ce qui est certain, c’est qu’il ne disparaît pas de la scène publique : il est ensuite associé à des responsabilités dans l’État régional de l’Éthiopie du Sud.

Recomposition régionale : du gouvernement fédéral à l’État régional de l’Éthiopie du Sud

Le parcours de Gebremeskel Chala se poursuit dans une dimension plus territoriale, au sein de l’État régional de l’Éthiopie du Sud. Cet État régional, dont la formation est liée à une recomposition administrative récente, illustre les dynamiques de décentralisation et de réorganisation territoriale au sein de la fédération éthiopienne.

Dans ce cadre, Gebremeskel Chala est nommé vice-président du bureau du président de l’État régional à partir du 28 juin 2024. Il succède à Tesfaye Yigezu. La fonction de vice-président à l’échelle régionale implique une gestion de politiques publiques au plus près des territoires : administration, mise en œuvre de programmes, coordination sectorielle, relations avec les autorités locales. Le champ est vaste : services, développement, stabilité administrative, et parfois gestion des tensions communautaires.

Cette étape est intéressante parce qu’elle montre une circulation entre le centre fédéral et l’échelle régionale. Dans un pays fortement divers, la gouvernance régionale est un espace où se rencontrent les attentes quotidiennes des populations et les orientations stratégiques du pouvoir central. Passer d’un ministère fédéral à une fonction exécutive régionale peut être interprété comme une réaffectation politique, un repositionnement, ou une manière de mobiliser une expérience nationale au service d’un territoire en construction institutionnelle.

La création d’un nouvel État régional implique en effet des défis spécifiques : mise en place de structures, clarification des compétences, organisation administrative, définition des priorités et recherche de ressources. Dans ce contexte, un responsable ayant géré des politiques nationales et des dossiers économiques peut apparaître comme un atout, notamment pour articuler développement local et stratégie macroéconomique.

Le 15 février 2025, un nouveau changement intervient : Gebremeskel Chala cesse d’être vice-président du bureau du président régional et devient chef du bureau régional du parti Prosperity Party pour l’Éthiopie du Sud. Cela marque un déplacement du registre administratif-exécutif vers une responsabilité politique partisane, orientée vers l’organisation, la coordination et la ligne du parti au niveau régional.

Le passage au rôle partisan : piloter la machine politique du Prosperity Party au niveau régional

Devenir chef du bureau régional du Prosperity Party, dans un État régional en consolidation, place Gebremeskel Chala au cœur de l’architecture politique locale. Dans de nombreux systèmes, l’organisation partisane est l’un des instruments principaux pour structurer la mobilisation, coordonner les cadres, transmettre les orientations, et préparer les échéances politiques. Ce rôle ne se limite pas à la communication : il touche à la sélection des priorités, aux arbitrages internes, et à la capacité du parti à maintenir une cohérence dans un territoire où coexistent des identités et des attentes diverses.

Cette nomination peut être lue comme une reconnaissance d’un savoir-faire de coordination et de gestion. Les profils technocratiques, lorsqu’ils accèdent à des fonctions partisanes, sont souvent attendus sur leur capacité à transformer une stratégie politique en programmes concrets, à répondre à des attentes sociales, et à stabiliser un dispositif organisationnel.

Dans le cas de l’Éthiopie du Sud, l’enjeu est renforcé par la nouveauté institutionnelle et par la nécessité de construire des repères. Les questions de représentation, de répartition des ressources, d’accès aux services, ou de développement local sont des sujets hautement politiques. Un bureau régional du parti au pouvoir doit répondre à des défis simultanés : consolider la légitimité, organiser les relais, et gérer les contestations ou frustrations qui peuvent surgir dans les périodes de transition.

La trajectoire de Gebremeskel Chala met ainsi en évidence une logique de polyvalence : portefeuille social et opérationnel à l’échelle fédérale, diplomatie commerciale et réformes au ministère, responsabilité exécutive régionale, puis rôle partisan structurant. Cette succession de fonctions dessine le portrait d’un responsable placé dans des zones où la politique publique rejoint directement le politique.

Reste une question centrale : quel bilan et quelle influence réelle lui attribuer ? Sur ce point, le débat public est souvent prudent. L’action d’un ministre, en particulier dans un ministère économique, s’inscrit dans des dynamiques longues : réformes graduelles, négociations complexes, résultats parfois invisibles à court terme. Les dossiers comme l’adhésion à l’OMC ou la stratégie d’implémentation de cadres africains se comptent en années, voire en décennies. Quant à la gouvernance régionale, elle dépend fortement des marges budgétaires, de la capacité d’administration et du climat politique local.

Ce que l’on peut néanmoins retenir, c’est que Gebremeskel Chala s’est retrouvé à plusieurs reprises au contact d’enjeux structurants pour l’Éthiopie : emploi urbain, sécurité alimentaire, commerce extérieur, intégration régionale et organisation politique territoriale. Dans un pays où les réformes économiques ne peuvent être dissociées des équilibres sociaux et des recompositions institutionnelles, ces postes dessinent une figure de responsable placé au carrefour des urgences du quotidien et des stratégies de long terme.

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