Hamat N.K. Bah est une figure incontournable de la scène politique gambienne contemporaine. Leader d’un parti politique depuis la fin des années 1990, il a été à la fois homme d’opposition face au régime de Yahya Jammeh, artisan de coalitions politiques, et responsable gouvernemental sous la présidence d’Adama Barrow. Son parcours, marqué par des défis électoraux, des alliances parfois fragiles et des fonctions ministérielles sensibles, offre un prisme unique sur l’évolution politique de la Gambie depuis l’ère post-coup d’État de 1994. Cet article retrace son itinéraire personnel et politique, en mettant en lumière les moments clés qui ont façonné sa carrière et la vie démocratique de son pays.
Les origines personnelles et les premières étapes d’un engagement politique
Hamat N.K. Bah n’est pas seulement connu pour ses prises de position publiques ou ses fonctions dans l’appareil d’État : c’est avant tout un homme dont l’histoire individuelle est étroitement liée à l’évolution de la Gambie au tournant des années 1990. Si les détails exhaustifs de sa jeunesse — notamment sa date exacte de naissance ou son parcours académique — ne sont pas toujours largement documentés publiquement, il est établi qu’il s’est engagé très tôt dans la vie sociale et politique de son pays.
La Gambie, petit État d’Afrique de l’Ouest enclavé par le Sénégal, traverse au milieu des années 1990 une période de profond bouleversement politique. En 1994, un coup d’État militaire mené par Yahya Jammeh met fin à plusieurs décennies de régime civil. À la suite de ce changement brutal, la scène politique est recomposée et dominée par un nouveau pouvoir qui, progressivement, consolide son autorité. C’est dans ce contexte que de nouvelles voix émergent pour tenter de préserver un espace démocratique, parmi lesquelles celle de Hamat Bah.
À la fin des années 1990, il participe à la fondation du Parti de la Réconciliation Nationale, connu sous l’acronyme NRP. Ce parti se positionne comme une force d’opposition prônant le dialogue, la justice sociale et la réconciliation nationale après des années de tensions politiques. Hamat Bah s’impose rapidement comme son principal dirigeant, incarnant une opposition déterminée mais non violente face au pouvoir en place.
Son engagement repose sur la conviction que la Gambie doit retrouver un équilibre institutionnel, une gouvernance plus transparente et une meilleure représentation des différentes composantes de la société. Contrairement à certains acteurs politiques issus de l’administration ou de l’armée, Bah construit son influence à partir du terrain politique, du militantisme et de la participation électorale. Cette approche forge son image d’homme politique persévérant, capable de s’inscrire dans la durée malgré des conditions souvent défavorables à l’opposition.
Des scrutins présidentiels disputés et des résultats historiques
La carrière politique de Hamat N.K. Bah est étroitement liée à sa participation à plusieurs élections présidentielles, qui constituent autant d’épreuves déterminantes pour sa visibilité nationale et pour l’affirmation de son parti.
La première de ces grandes échéances intervient en 1996. Il s’agit de la première élection présidentielle organisée après le coup d’État de 1994. Le scrutin se déroule dans un climat politique tendu, marqué par des restrictions imposées à l’opposition et par une forte domination du pouvoir en place. Malgré ces contraintes, Hamat Bah se présente comme candidat du NRP. À l’issue du vote, il obtient environ 5,5 % des suffrages, arrivant en troisième position. Ce résultat, bien que modeste en apparence, est significatif pour un parti nouvellement créé et positionné face à un régime solidement installé.
Cinq ans plus tard, lors de l’élection présidentielle de 2001, Bah renouvelle sa candidature. Cette fois, il parvient à améliorer son score en recueillant près de 7,8 % des voix. Cette progression confirme son implantation progressive dans le paysage politique gambien et renforce son statut de figure crédible de l’opposition. Il devient l’un des rares responsables politiques à maintenir une présence constante face à Yahya Jammeh sur plusieurs cycles électoraux.
Les scrutins ultérieurs s’inscrivent dans un contexte de fragmentation croissante de l’opposition, mais aussi de tentatives de regroupement stratégique. À partir des années 2010, les partis d’opposition cherchent davantage à coordonner leurs actions afin de présenter des alternatives plus solides au pouvoir en place. Hamat Bah participe à ces dynamiques, parfois en mettant en avant sa propre candidature, parfois en soutenant des initiatives de coalition.
Ces élections successives montrent les limites structurelles auxquelles l’opposition gambienne est confrontée, mais aussi la détermination de Bah à rester engagé dans le processus démocratique. Son parcours électoral illustre une constance rare dans un environnement politique souvent marqué par le découragement, l’exil ou la répression.
L’opposition en coalition et les confrontations avec le régime de Yahya Jammeh
Au-delà des élections, le rôle de Hamat N.K. Bah dans l’opposition se manifeste également par sa participation active à des coalitions politiques visant à faire contrepoids au régime de Yahya Jammeh. Ces alliances, parfois fragiles, traduisent la volonté de dépasser les clivages partisans pour faire émerger une alternative crédible.
Dans les années 2000, plusieurs initiatives voient le jour afin de fédérer les forces d’opposition. Bah s’implique dans ces efforts, convaincu que l’unité est une condition essentielle pour contester un pouvoir fortement centralisé. Son engagement dans ces coalitions contribue à renforcer sa visibilité mais l’expose également à des risques accrus.
Un épisode marquant de cette période survient en novembre 2005. Hamat Bah est arrêté avec deux autres figures majeures de l’opposition, Halifa Sallah et Omar Jallow. Ils sont accusés de subversion dans une affaire liée à des allégations de tentative d’ingérence régionale. Leur arrestation provoque une onde de choc dans le pays et suscite de vives inquiétudes quant au respect des libertés politiques. Cet événement illustre la répression exercée contre les opposants et renforce l’image de Bah comme acteur déterminé de la résistance politique.
Un autre moment clé de sa trajectoire est la perte de son siège à l’Assemblée nationale. Élu député dans la circonscription d’Upper Saloum, il voit sa victoire annulée par la Cour suprême au motif d’une double appartenance partisane liée à une coalition. Cette décision, largement contestée dans l’opinion publique, est perçue par de nombreux observateurs comme une manœuvre politique visant à réduire l’influence de l’opposition au Parlement.
Malgré ces revers, Hamat Bah continue de jouer un rôle central dans la vie politique gambienne. Son endurance face à la pression institutionnelle et judiciaire contribue à forger sa réputation d’homme politique résilient, prêt à affronter les conséquences de son engagement.
De l’opposition au gouvernement : les responsabilités ministérielles
L’année 2017 marque un tournant historique pour la Gambie avec la fin du régime de Yahya Jammeh et l’arrivée au pouvoir d’Adama Barrow. Cette transition ouvre une nouvelle phase politique, caractérisée par une volonté affichée de réformes et de réconciliation nationale. Dans ce contexte, Hamat N.K. Bah est appelé à rejoindre le gouvernement.
Il est nommé ministre du Tourisme et de la Culture, un portefeuille stratégique dans un pays où le tourisme constitue l’un des piliers de l’économie. À ce poste, il est chargé de contribuer à la relance du secteur, affecté par des années d’isolement politique et d’instabilité. Il s’agit également de promouvoir le patrimoine culturel gambien, élément central de l’identité nationale et du développement social.
Par la suite, Hamat Bah est nommé ministre des Terres, du Gouvernement régional et des Affaires religieuses. Cette fonction le place au cœur de dossiers sensibles, notamment la gestion foncière, les relations entre l’État et les collectivités locales, ainsi que les questions religieuses dans une société majoritairement musulmane mais pluraliste. La gestion des terres, en particulier, représente un enjeu majeur, tant sur le plan économique que social.
Son passage au gouvernement marque une évolution significative de son rôle politique. Après des années de contestation, il doit désormais traduire ses convictions en politiques publiques concrètes, tout en composant avec les contraintes de la gouvernance et les équilibres internes au pouvoir.
Controverses, défis et perspectives pour l’avenir
Comme de nombreux responsables politiques, Hamat N.K. Bah n’échappe pas aux critiques et aux controverses. Certaines décisions prises dans le cadre de ses fonctions ministérielles suscitent des débats, notamment en matière de gestion des terres ou de gouvernance locale. Ces critiques reflètent les attentes élevées de la population envers les dirigeants issus de l’opposition, désormais aux commandes de l’État.
Un autre défi majeur pour Bah réside dans la préservation de l’identité et de l’influence de son parti au sein d’une coalition gouvernementale élargie. La participation au pouvoir implique des compromis qui peuvent parfois brouiller le message politique initial et fragiliser la base militante.
Malgré ces défis, Hamat N.K. Bah demeure une figure respectée de la vie politique gambienne. Son expérience, à la fois dans l’opposition et au gouvernement, lui confère une perspective unique sur les enjeux institutionnels du pays. Son avenir politique dépendra de sa capacité à maintenir un équilibre entre engagement personnel, loyauté partisane et responsabilités nationales.
Conclusion
Le parcours de Hamat N.K. Bah reflète les transformations profondes de la Gambie contemporaine. De la lutte contre un régime autoritaire à la participation à un gouvernement de transition démocratique, il incarne les espoirs, les tensions et les contradictions d’un pays en quête de stabilité et de justice.
Homme d’opposition, prisonnier politique, candidat présidentiel et ministre, Bah a traversé plusieurs décennies de bouleversements politiques sans jamais renoncer à son engagement. Sa trajectoire témoigne de la complexité du combat démocratique en Afrique de l’Ouest et de la nécessité d’une persévérance constante pour faire évoluer les institutions. À ce titre, Hamat N.K. Bah demeure une figure centrale pour comprendre l’histoire politique récente de la Gambie et les défis qui attendent encore le pays.



