Figure connue des cénacles gouvernementaux algériens depuis 2020, Kamel Rezig revient régulièrement au premier plan dès qu’il est question d’approvisionnement, de régulation des marchés ou de stratégie d’exportation. Son nom s’est imposé dans l’actualité politique et économique à travers un parcours d’enseignant-chercheur, une entrée en politique par le portefeuille du Commerce, une éviction en 2023, puis un retour au gouvernement en 2025. Au-delà du personnage public, souvent associé à des annonces fortement commentées, son trajectoire éclaire les tensions récurrentes qui traversent la politique commerciale du pays : lutte contre les pénuries, contrôle des prix, rôle de l’État dans la régulation, et ambition affichée d’augmenter les exportations hors hydrocarbures.
Un parcours de formation et d’universitaire : l’économiste avant le politique
Kamel Rezig est généralement présenté comme économiste et universitaire, un profil régulièrement recherché au sein des gouvernements lorsqu’il s’agit de piloter des secteurs à forte dimension technique. Selon une notice officielle diffusée par le ministère algérien du Commerce, il est né à Boufarik, dans la wilaya de Blida, et sa date de naissance y est indiquée au 18 octobre 1964 . D’autres sources biographiques publiques mentionnent une date différente, parfois donnée comme le 18 novembre 1964, ce qui illustre une divergence fréquente entre fiches d’état civil reprises par la presse et compilations biographiques en ligne. Sur le plan strictement factuel, la mention ministérielle constitue la référence la plus directement attribuable à l’institution qu’il a dirigée.
La même source officielle met en avant une progression académique centrée sur l’économie, la monnaie et les finances : études supérieures en finance à l’Institut national des finances de Koléa, puis formation en sciences économiques à l’Université d’Alger 3, avec un niveau doctoral mentionné dans plusieurs notices. Des organismes internationaux le présentant comme intervenant public, notamment dans un contexte de commerce et développement, reprennent également ce positionnement : économiste, docteur en sciences économiques, professeur, et ancien cadre de l’administration fiscale. Son profil public s’inscrit donc dans une triple identité : administration, université, puis gouvernement.
Ce socle académique n’est pas anodin dans la manière dont son action est perçue. Dans de nombreux pays, la politique commerciale est un domaine hybride, à la frontière entre l’économie réelle (production, importations, distribution), les finances publiques (subventions, fiscalité, contrôle), et la communication politique (annonces de mesures, objectifs chiffrés, campagnes de sensibilisation). Chez Kamel Rezig, le fait d’être présenté comme professeur d’économie participe à construire l’image d’un ministre “technique”, mais l’exposition médiatique de ses sorties et de ses décisions montre aussi combien la fonction dépasse la technicité.
Dans le paysage algérien, le portefeuille du Commerce est en première ligne au quotidien : disponibilité des produits de base, prix des denrées, dispositifs de contrôle, organisation de la distribution, et relation parfois tendue entre l’État, les grossistes, les détaillants, et les consommateurs. C’est précisément dans ce champ, très sensible socialement, que Kamel Rezig a été propulsé, au début de l’année 2020, lorsqu’il rejoint le gouvernement.
2020–2023 : un ministre exposé aux crises d’approvisionnement et aux polémiques
Kamel Rezig accède au poste de ministre du Commerce au début de l’année 2020, dans un contexte où la régulation des marchés et la lutte contre les pénuries figurent déjà parmi les attentes majeures de l’opinion. Plusieurs sources concordent sur la période de son premier passage à la tête du département : de 2020 jusqu’au remaniement de mars 2023. Dès les premiers mois, il est confronté à des difficultés qui reviennent de manière cyclique dans l’actualité algérienne : tensions sur certains produits, organisation de la distribution, et spéculation dénoncée par les pouvoirs publics.
La question du lait, en particulier, apparaît comme un marqueur de son mandat. Des articles de presse algériens relatent des épisodes de pénurie ou de perturbations de distribution du lait subventionné en sachet, avec des déclarations du ministre sur les wilayas concernées et l’origine supposée des difficultés. Dans une approche typique des politiques de régulation, le diagnostic public oscille entre trois explications : insuffisance logistique, comportements spéculatifs, et défaillances dans l’exécution des contrôles. Le sujet est hautement sensible, car il touche à un produit de base, à un prix administré, et à une chaîne de distribution où l’intervention publique est structurelle.
Au-delà des tensions d’approvisionnement, certaines annonces ont suscité de fortes réactions. En mars 2021, Kamel Rezig évoque la préparation d’amendements visant à sanctionner l’usage d’une langue autre que l’arabe sur les enseignes commerciales, une déclaration largement reprise et commentée. Quelles que soient les modalités juridiques effectives et leur devenir, l’épisode révèle un aspect important : le ministre du Commerce ne se limite pas à la gestion des flux de marchandises, il intervient aussi, publiquement, sur des dimensions symboliques et culturelles de l’espace commercial, ce qui augmente mécaniquement la portée politique de ses prises de parole.
Un autre épisode, survenu début 2023, a fortement marqué son image médiatique : le lancement d’une campagne contre des produits comportant des motifs ou couleurs “attentatoires aux valeurs morales”, avec l’arc-en-ciel explicitement cité dans plusieurs récits. Le traitement de ce sujet a été analysé par des médias et des plateformes de réflexion comme un moment où régulation commerciale, morale publique et communication politique se sont entremêlées. Dans la presse, l’affaire est décrite comme une opération de contrôle, assortie d’un discours mettant en cause certains symboles, et elle a contribué à cristalliser une partie des critiques sur son style et ses priorités.
Enfin, son premier mandat ministériel s’achève sur fond de remaniement en mars 2023, lorsqu’il quitte le gouvernement. Le départ est présenté comme relevant d’un changement décidé au sommet de l’exécutif, dans une séquence où la question des pénuries et de la gestion des marchés était déjà un point de friction récurrent dans le débat public. La lecture politique est alors double : d’un côté, la fonction de ministre du Commerce est traditionnellement exposée, car elle touche à la vie quotidienne ; de l’autre, le fait que Kamel Rezig reste ensuite dans l’entourage présidentiel montre qu’il n’est pas mis durablement à l’écart.
Mars 2023 : de l’éviction à la présidence, une mise à distance relative
La trajectoire de Kamel Rezig en 2023 illustre un schéma courant dans les systèmes politiques fortement présidentialisés : un ministre peut être remplacé sans pour autant disparaître du dispositif. Après son départ du gouvernement lors du remaniement de mars 2023, il est nommé conseiller auprès du président de la République, selon des annonces relayées par la presse et attribuées à des actes officiels publiés au Journal officiel . Ce passage d’un ministère exposé à une fonction de conseiller peut se lire comme une forme de repositionnement : moins de gestion quotidienne en première ligne, mais maintien dans un périmètre de décision ou de suivi.
Le contenu exact des missions d’un conseiller varie selon les configurations, mais plusieurs sources indiquent que ce type de poste s’inscrit dans l’écosystème de la présidence, avec un rôle d’appui, de suivi de dossiers, et de coordination, surtout lorsque les sujets concernent des secteurs transversaux comme l’import-export et l’approvisionnement. Dans le cas de Kamel Rezig, la continuité thématique est notable : même en dehors du gouvernement, son nom reste associé à la sphère du commerce et des circuits de distribution.
Cette transition dit aussi quelque chose de sa proximité supposée avec le centre du pouvoir exécutif. Des récits médiatiques insistent sur le fait qu’il a été rapidement “repêché” après avoir quitté le ministère, ce qui, dans la logique politique, peut signifier qu’il conserve une utilité perçue, un réseau, ou une expertise que l’exécutif souhaite garder à disposition . Pour un observateur, cette séquence donne un indice important : la carrière de Kamel Rezig ne se résume pas à une exposition médiatique ponctuelle ; elle s’inscrit dans une relation plus durable avec les institutions dirigeantes.
Dans l’opinion, ces allers-retours sont souvent interprétés de manière contrastée. Pour certains, ils montrent la capacité du système à recycler des profils connus, y compris après des controverses. Pour d’autres, ils peuvent être lus comme la marque d’une continuité administrative : un responsable change de poste mais reste mobilisable sur des dossiers sensibles. Dans tous les cas, la nomination comme conseiller, parce qu’elle est moins visible que la gestion d’un ministère, a eu tendance à réduire l’intensité de sa présence médiatique au quotidien, tout en préparant, de fait, son retour au gouvernement deux ans plus tard.
Avril 2025 : le retour au gouvernement, cette fois orienté vers le commerce extérieur
Le 14 avril 2025, un communiqué de l’Agence de presse service (APS) annonce que le président Abdelmadjid Tebboune met fin aux fonctions du ministre du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations, Mohamed Boukhari, et nomme Kamel Rezig pour lui succéder. Cette nomination officialise son retour au premier plan gouvernemental, mais dans un périmètre légèrement différent : l’intitulé met l’accent sur le commerce extérieur et la promotion des exportations.
L’enjeu est stratégique. Dans la communication gouvernementale et dans les reprises par les médias, la question des exportations hors hydrocarbures est présentée comme un objectif national majeur. Un article de presse algérien, rapportant des éléments attribués à la présidence, évoque explicitement une ambition chiffrée d’atteindre 10 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures en 2025, après un niveau annoncé pour 2023. Ces chiffres, au-delà de leur dimension économique, sont un marqueur politique : ils traduisent la volonté de diversifier l’économie, de réduire la dépendance aux hydrocarbures, et de donner au commerce extérieur un rôle moteur.
Le retour de Kamel Rezig intervient ainsi dans un contexte où l’État cherche à articuler deux impératifs souvent difficiles à concilier : réguler le marché intérieur (prix, disponibilité, contrôle) tout en facilitant l’essor d’un appareil exportateur (logistique, normes, accès aux marchés, promotion). Le choix d’un profil déjà connu pour sa gestion du commerce intérieur peut être interprété comme la recherche d’un responsable capable de comprendre la chaîne dans son ensemble, des circuits domestiques à la projection internationale.
Il faut aussi noter que les remaniements ministériels et les changements de portefeuilles s’accompagnent souvent de réorganisations administratives. Lorsque le commerce extérieur est mis en avant, cela implique de travailler avec d’autres ministères (industrie, agriculture, transports), avec les douanes, et avec des institutions de soutien au commerce. Dans ce cadre, la capacité à coordonner, à communiquer, et à fixer des priorités devient aussi importante que la technicité.
En reprenant un ministère orienté vers l’export, Kamel Rezig hérite également d’attentes particulières. À l’intérieur du pays, l’opinion juge souvent le Commerce à l’aune du quotidien : disponibilité des produits, stabilité des prix. À l’extérieur, la performance se mesure en contrats, en volumes exportés, en accès à de nouveaux marchés. Cette double pression, intérieure et internationale, constitue l’un des défis structurels du poste.
Ce que révèle le “cas Rezig” : un ministre au croisement du social, de l’économique et du symbolique
À travers le parcours de Kamel Rezig, c’est la nature même du ministère du Commerce qui apparaît : un portefeuille situé au carrefour de l’économie et du social, où chaque crise d’approvisionnement devient un événement politique. Les épisodes liés au lait, aux denrées de base, aux contrôles, ont montré combien la gestion des marchés peut rapidement basculer dans la bataille de l’opinion. Dans ces moments, la parole ministérielle ne se contente pas d’expliquer : elle doit rassurer, montrer l’action de l’État, et parfois désigner des responsables, qu’il s’agisse de spéculateurs, de défaillances logistiques ou de dysfonctionnements de distribution.
Le parcours de Kamel Rezig révèle aussi une dimension de style politique. Ses annonces sur des sujets symboliques, comme l’encadrement linguistique des enseignes ou la campagne contre certains produits jugés contraires à des valeurs morales, ont fait basculer son image au-delà du champ strictement économique. Ce type d’initiative amplifie la visibilité du ministre, mais il augmente aussi l’intensité des controverses : la régulation commerciale devient alors un terrain d’affrontement culturel et politique, avec un écho immédiat sur les réseaux sociaux et dans la presse.
Son éviction en 2023, suivie d’une nomination à la présidence, puis d’un retour au gouvernement en 2025, illustre enfin une forme de résilience institutionnelle. Dans les systèmes politiques, le maintien d’un responsable dans l’entourage présidentiel après un départ du gouvernement peut indiquer que la relation au sommet de l’État compte autant que l’appréciation médiatique du moment. Le retour, cette fois sur le commerce extérieur, place Kamel Rezig face à une nouvelle exigence : transformer l’ambition de promotion des exportations en résultats mesurables, dans un contexte international concurrentiel et avec des contraintes internes bien connues (logistique, normes, coordination intersectorielle).
La question “Qui est Kamel Rezig ?” n’appelle donc pas seulement une réponse biographique. Elle renvoie à une réalité plus large : la politique commerciale est un révélateur des tensions d’un pays, entre stabilisation sociale et réforme économique, entre contrôle étatique et dynamique de marché, entre discours de souveraineté et nécessité d’intégration internationale. Rezig, économiste devenu ministre, puis conseiller, puis de nouveau ministre, incarne à sa manière ces tensions, parce que sa carrière s’est construite précisément là où elles s’expriment le plus violemment : dans les rayons des magasins, dans les décisions de contrôle, et dans la projection d’une économie qui cherche à exporter davantage.


