Lamin Jabbi est une figure marquante de la scène politique et juridique gambienne contemporaine. Avocat de formation, expert reconnu dans les domaines du droit, des technologies de l’information et de la communication, ainsi que dans la réglementation des services publics, il occupe aujourd’hui un rôle central au sein du gouvernement gambien. Sa nomination en novembre 2024 au poste de Ministre des Communications et de l’Économie numérique marque l’aboutissement d’une carrière professionnelle riche de plusieurs décennies, construite entre pratique juridique, conseil stratégique, management de grands projets d’infrastructure et engagement public. Dans un pays où le numérique occupe une place de plus en plus stratégique dans le développement national, Lamin Jabbi est perçu comme l’un des acteurs clés pour accélérer la transformation digitale et améliorer l’accès et la qualité des services de communication. À travers cet article, nous proposons de retracer son parcours, ses engagements, les missions qui l’ont distingué ainsi que les défis qui se posent à lui dans le contexte gambien actuel.
Jeunesse, formation et bagage académique
Lamin Jabbi est né en Gambie, pays ouest-africain situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest. Très tôt, il s’est orienté vers les études juridiques et sociales, une voie qui allait former la base intellectuelle de sa carrière future. Après avoir obtenu un baccalauréat en sciences juridiques sociales, il poursuivit ses études de droit à l’Université de Pune en Inde, où il termina avec un LLB en droit (Licence en droit) couronné d’excellentes distinctions, ce qui lui valut d’être reconnu pour son sérieux académique et son sens rigoureux de l’analyse juridique. Toujours à l’Université de Pune, il décrocha également une licence en sciences juridiques sociales avec mention, une formation hybride qui combine des perspectives juridiques et sociales ; cet aspect social fut une pierre angulaire de sa carrière en tant que conseiller sur des politiques publiques.
Souhaitant approfondir sa compréhension des enjeux contemporains du droit et de la technologie, il poursuivit des études supérieures au Royaume-Uni. Il y obtint un Master of Laws (LLM) en droit des technologies de l’information, diplôme décroché avec distinction, ce qui démontre non seulement une maîtrise des principes fondamentaux du droit mais également une spécialisation dans un domaine de plus en plus central au XXIᵉ siècle : l’articulation entre droit, données, technologies numériques et régulation des marchés numériques. En plus de ce diplôme, il compléta un Master en gestion de la communication, ce qui lui permit d’acquérir des compétences avancées en communication stratégique, en régulation des médias et en gouvernance de l’information. Cette combinaison unique de compétences juridiques et de communication l’a rendu particulièrement apte à naviguer dans les questions complexes liées aux technologies, à l’innovation et à la régulation publique.
Outre ces diplômes, Lamin Jabbi possède également plusieurs certifications spécialisées qui complètent son expertise : un diplôme post-universitaire en gestion des réseaux de télécommunication (opération des communications) délivré par l’Université de Hull au Royaume-Uni, un diplôme en droit maritime de l’Institut de droit de la mer en Grèce, ainsi qu’un diplôme en géopolitique et relations internationales. Il détient aussi un diplôme post-universitaire en droit du travail et bien-être social (relations industrielles), consolidant ainsi sa compréhension des interactions entre législation, travail et protection sociale. Cette diversité de qualifications académiques illustre non seulement l’engagement de Jabbi envers la connaissance, mais également sa capacité à intégrer des perspectives variées — juridiques, techniques et stratégiques — dans l’élaboration de politiques publiques et de cadres réglementaires complexes.
Une carrière dans le droit et les utilities avant l’entrée au gouvernement
Après l’achèvement de son parcours académique, Lamin Jabbi s’engagea dans une carrière juridique active. Dès la fin des années 1990, il commença à exercer en tant qu’avocat dans la capitale gambienne, Banjul, où il se spécialisa dans des domaines cruciaux tels que le droit des technologies de l’information, la régulation des télécommunications et la gestion des litiges civils et commerciaux. Cette expérience professionnelle initiale fut essentielle, car elle posa les bases de son expertise en matière de droit appliqué aux secteurs régulés et aux utilities, c’est-à-dire les services publics essentiels tels que les télécommunications, l’énergie, l’eau et les transports.
Au fil des années, la réputation de Jabbi en tant que spécialiste du droit et de la régulation se construisit à la fois au niveau national et international. Il offrit des conseils juridiques et stratégiques à des gouvernements, des institutions publiques et des entreprises privées, portant une attention particulière sur la manière dont les cadres réglementaires pouvaient favoriser l’innovation tout en protégeant les intérêts publics. Son expertise l’amena également à agir comme conseiller auprès de la Rwanda Utilities Regulatory Authority (RURA) à Kigali, l’organisme rwandais chargé de réguler les principaux secteurs des services publics : communications, énergie, eau et transport. À ce titre, il contribua à la préparation de politiques et de cadres législatifs dans des contextes nationaux différents, ce qui témoigne de sa capacité à adapter les principes de régulation à des réalités institutionnelles très variées.
Parmi ses responsabilités professionnelles les plus marquantes figurent ses fonctions au sein de la Gambia Submarine Cable Company Limited (GSC Ltd), où il occupa le poste de Directeur général. Dans ce rôle, il supervisa la gestion, le fonctionnement et la maintenance de la station d’atterrissage du câble sous-marin ACE (Africa Coast to Europe) en Gambie. Ce projet de grande envergure, qui relie l’Afrique à l’Europe via une infrastructure de câble sous-marin haut débit, est crucial pour le développement des capacités de communication et l’accès à Internet. La direction de GSC Ltd a permis à Jabbi non seulement d’améliorer l’intégration de la Gambie dans l’écosystème numérique mondial, mais aussi de mettre en avant les défis techniques et réglementaires liés au développement des infrastructures critiques.
En parallèle, il fut membre du comité de gestion (conseil d’administration) du consortium du câble ACE, ce qui lui conféra une vision stratégique sur les questions régionales d’investissement et de développement des infrastructures numériques. Au niveau national, il officia comme conseiller de haut niveau sur de nombreuses politiques publiques relatives aux technologies de l’information et à la communication ainsi qu’à leur intégration dans des plans de développement national, notamment des stratégies liées au cyber-développement, à l’accès universel aux services numériques, à l’éducation via les technologies et à l’autonomisation des jeunes et des femmes à travers l’usage des technologies digitales.
De la régulation à la politique gouvernementale : nomination ministérielle
La carrière professionnelle de Lamin Jabbi prit un tournant décisif lorsqu’il fut nommé Ministre des Communications et de l’Économie numérique de la République de Gambie en novembre 2024. La décision fut prise par le président Adama Barrow et officialisée en vertu de la constitution gambienne, consolidant sa position au sein du cabinet gouvernemental. Cette nomination fut perçue à la fois comme la reconnaissance de son expertise et comme une réponse aux défis pressants liés à l’évolution rapide des technologies de l’information dans le pays.
En tant que ministre, Jabbi hérita d’un portefeuille stratégique, comprenant non seulement les communications traditionnelles mais aussi l’économie numérique dans son ensemble. Cela signifie qu’il fut chargé de promouvoir l’accès à Internet de haute qualité, de stimuler l’innovation digitale et de moderniser les structures de régulation afin d’attirer les investissements, de créer des emplois dans le secteur technologique et d’assurer une transformation digitale inclusive. Cette mission s’inscrit dans un contexte où la Gambie, comme de nombreux pays africains, cherche à réduire la fracture numérique, à stimuler l’adoption des technologies basées sur Internet et à intégrer ses citoyens à l’économie numérique mondiale.
La nomination de Jabbi survint également à un moment où la politique nationale gambienne reconnaissait la nécessité d’un leadership compétent pour superviser la transformation numérique. L’accès à l’Internet en Gambie est notoirement faible comparé à d’autres pays, avec des défis persistants en matière d’infrastructure, de coût, de qualité de service et de régulation. Les compétences et le parcours international de Jabbi le placent ainsi dans une position privilégiée pour aborder ces questions avec une approche systémique, combinant expertise technique, compréhension juridique et sensibilité aux enjeux publics.
Sa nomination à ce poste ne fut pas simplement technique : elle reflète aussi une volonté politique de renforcer le rôle de la Gambie dans l’écosystème numérique régional. Elle répond à la nécessité d’accélérer les initiatives nationales telles que l’élargissement de la couverture Internet, le renforcement de la cybersécurité, la promotion de l’innovation locale et la participation active des entreprises gambiennes dans les chaînes de valeur régionales et internationales du numérique.
Une vision pour l’avenir numérique de la Gambie
Depuis sa prise de fonction, Lamin Jabbi s’est engagé à relever plusieurs défis majeurs qui caractérisent le paysage numérique gambien. Il a insisté sur l’importance de renforcer l’infrastructure numérique nationale, d’élargir l’accès à Internet à des populations encore exclues, d’améliorer la qualité des services de télécommunication et de positionner la Gambie comme un hub régional pour les technologies numériques.
Cette vision s’articule autour de trois axes principaux : l’accès universel, l’innovation et les compétences numériques, et la régulation moderne et adaptée aux réalités du XXIᵉ siècle. L’accès universel implique non seulement l’extension des infrastructures à travers tout le territoire mais aussi la réduction des coûts d’accès, la promotion de services localisés adaptés aux besoins des citoyens et des entreprises, ainsi que l’intégration des zones rurales souvent délaissées.
Dans le domaine de l’innovation et des compétences numériques, le plan ministériel vise à renforcer la formation professionnelle, encourager les initiatives locales de création d’applications et de services numériques, ainsi qu’à favoriser un environnement favorable aux startups technologiques. La Gambie, confrontée à une jeunesse nombreuse et souvent sous-employée, pourrait tirer un avantage compétitif en misant sur la formation numérique et l’entrepreneuriat technologique.
Enfin, la régulation moderne est au cœur de sa démarche. Une régulation efficace, claire et orientée vers l’avenir est indispensable pour garantir la concurrence, protéger les consommateurs, encourager les investissements et assurer la cybersécurité. Dans ce domaine, Jabbi peut s’appuyer sur sa longue expérience de juriste spécialisé en régulation des utilities et en élaboration de cadres réglementaires multisectoriels.
Enjeux et défis : Entre ambitions numériques et réalités socio-économiques
Les missions qui attendent Lamin Jabbi sont vastes et complexes. La Gambie doit composer avec des défis persistants tels que l’insuffisance des infrastructures, le faible taux de pénétration de l’Internet, la concurrence limitée dans le secteur des télécommunications, et l’absence de mécanismes robustes de protection des consommateurs numériques. À cela s’ajoute la nécessité de renforcer la régulation pour répondre à des enjeux émergents comme la sécurité des données, la cybersécurité, la gouvernance des plateformes numériques et la protection des droits des usagers dans un monde de plus en plus digitalisé.
Un autre défi majeur est l’intégration de la transformation digitale dans l’économie réelle — ce qui implique de rendre les entreprises gambiennes compétitives, d’encourager les investissements dans les technologies émergentes, et de favoriser un environnement économique attractif pour les acteurs régionaux et internationaux. Les infrastructures sous-marines telles que le câble ACE sont un atout précieux, mais leur potentiel ne peut être pleinement exploité que si l’écosystème politique et économique national est aligné sur une vision numérique cohérente et inclusive.
Dans ce contexte, le rôle de Lamin Jabbi ne se limite pas à la simple gestion administrative d’un portefeuille ministériel. Il s’agit de repenser la manière dont le gouvernement, les entreprises et la société civile collaborent pour construire une économie numérique durable, résiliente et équitable. Cela nécessite des dialogues larges, une coordination interinstitutionnelle renforcée, et une communication transparente avec tous les acteurs concernés.
Conclusion : L’homme derrière le titre
Lamin Jabbi incarne un profil rare : un juriste aguerri, un spécialiste des technologies, un gestionnaire stratégique et maintenant un acteur politique de premier plan dans un domaine clé pour l’avenir de son pays. Son parcours illustre la manière dont des compétences transversales — combinant droit, technologies et stratégie, peuvent servir l’intérêt public dans un contexte national en pleine transformation. En tant que ministre des Communications et de l’Économie numérique, il porte une vision ambitieuse mais nécessaire pour faire de la Gambie un pays connecté, compétitif et prêt à relever les défis de l’ère digitale.
Ses réalisations passées et sa vision pour l’avenir font de lui une personnalité à suivre de près, non seulement pour la Gambie, mais aussi pour toute l’Afrique de l’Ouest, où la transformation digitale est à l’avant-plan des stratégies de développement. La route reste longue, mais avec des acteurs comme Lamin Jabbi à la barre, la Gambie pourrait franchir des étapes décisives vers une nouvelle ère numérique.



