À Abidjan, dans les couloirs feutrés de l’administration comme sur les estrades des meetings, un même profil revient depuis plusieurs années : celui d’un technicien de l’État devenu figure politique de premier plan. Laurent Tchagba, ingénieur hydrologue de formation, a installé son nom dans le paysage public ivoirien au fil d’un parcours singulier, à cheval entre expertise sectorielle, fidélités partisanes successives et responsabilités gouvernementales stratégiques.
Son itinéraire épouse des lignes de force qui dépassent sa personne. Car l’eau potable, la gestion intégrée des ressources hydriques, la protection des forêts, la restauration d’un couvert forestier longtemps malmené et la pression internationale sur les chaînes de valeur agricoles sont aujourd’hui parmi les dossiers les plus sensibles de la Côte d’Ivoire. À ce carrefour, Tchagba occupe depuis 2022 le poste de ministre des Eaux et Forêts, après avoir dirigé le portefeuille de l’Hydraulique entre 2018 et 2022. Il est aussi député d’Attécoubé depuis 2016, réélu en 2021, et s’est présenté sur la scène municipale d’Abidjan lors des municipales de 2023, notamment à Marcory.
Qui est donc Laurent Tchagba, au-delà des intitulés de fonctions et des biographies officielles ? Comment expliquer la longévité d’un cadre de l’État qui a traversé des décennies de réformes et de recompositions politiques ? Et quel rôle concret joue-t-il, aujourd’hui, dans la gestion d’un des binômes les plus complexes à gouverner : l’eau et la forêt, deux ressources vitales au cœur de l’économie, de la santé publique et de l’équilibre environnemental ?
Un hydrologue formé à l’école de l’administration ivoirienne et des sciences de l’eau
Laurent Tchagba, dont le nom de naissance est souvent présenté comme Laurent Bogui (ou Bougui) Tchagba, est né le 1er février 1952. Sa trajectoire est, d’abord, celle d’un homme de sciences appliquées : un profil qui, dans la culture administrative ivoirienne, renvoie au modèle du haut fonctionnaire technicien, longtemps valorisé dans la gestion des grands secteurs publics.
Les documents disponibles soulignent une formation tournée vers la ressource en eau. Plusieurs sources évoquent un parcours d’études comprenant un diplôme d’études approfondies en géologie appliquée, option ressources en eau, obtenu à Paris en 1984, puis une formation d’ingénieur hydrologue au centre Orstom de Bondy en 1985. Une spécialisation en hydrologie isotopique à l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne est également citée dans son itinéraire académique, signe d’un ancrage dans des outils de mesure et de compréhension fine des cycles hydrologiques, utiles à la planification et à la surveillance des ressources.
Ce socle scientifique n’est pas anecdotique : il explique en partie la manière dont Laurent Tchagba communique et gouverne. Là où certains responsables politiques privilégient le registre idéologique, le ministre insiste fréquemment sur les instruments, les plans, les codes, les matrices d’action, bref sur la mécanique publique. Le Plan de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (PLANGIRE), présenté comme un outil de sécurisation de la ressource hydrique face aux incertitudes climatiques, illustre cette approche : l’État y décrit une continuité de réformes engagées depuis les années 1990, actualisées, budgétisées, et traduites en projets opérationnels.
Le parcours professionnel cité par des institutions et des portraits publiés localement le situe dès le début des années 1980 à la Direction de l’Eau, où il occupe des postes techniques (adjoint puis chef de secteur hydrologique, puis responsabilités liées au réseau hydrométrique national). Ensuite, son profil évolue vers des fonctions de cabinet et de coordination : chargé de mission, chef de cabinet, directeur de cabinet, dans une série de ministères, ce qui le place au cœur des rouages gouvernementaux pendant de longues années. Cette expérience de “l’État en action” a souvent un effet politique : elle fabrique des réseaux, une connaissance des arbitrages budgétaires, et une capacité à naviguer entre administrations, bailleurs, entreprises publiques et élus.
Cette hybridation technicien-cadre politique éclaire l’image que ses soutiens mettent en avant : celle d’un homme capable de parler aux ingénieurs comme aux électeurs, et de transformer un dossier technique en récit public, surtout dans des domaines concrets (eau potable, assainissement, reboisement, lutte contre l’orpaillage illégal) qui touchent directement le quotidien.
Du militantisme étudiant aux recompositions partisanes : une carrière politique faite de bascules
Pour comprendre Laurent Tchagba, il faut aussi revenir aux origines politiques qui lui sont attribuées. Plusieurs sources indiquent qu’il a fait ses premiers pas au sein du Mouvement des étudiants et élèves de Côte d’Ivoire (MEECI), branche estudiantine liée au PDCI-RDA, entre 1970 et 1980. C’est un point important : la Côte d’Ivoire a longtemps été structurée par des trajectoires où l’engagement étudiant sert de tremplin, notamment pour des profils qui, ensuite, intègrent la haute administration.
Après cette période, Tchagba est décrit comme ayant animé une branche jeunesse locale du PDCI à Attécoubé, aux côtés d’Ernest Nkoumo Mobio, alors député-maire. Des récits biographiques mentionnent ensuite une rupture : lorsque le choix de succession interne ne lui est pas favorable, il quitte le PDCI. Ce type d’épisode est révélateur d’une politique locale où les carrières se jouent aussi dans la gestion des rivalités territoriales, et où l’appartenance partisane n’est pas toujours figée.
Le tournant majeur est l’an 2000 : Laurent Tchagba est alors présenté à Robert Guéï, dans un contexte de création et d’essor de l’UDPCI. Il y est mentionné comme secrétaire général adjoint chargé de l’organisation et de l’administration du parti. Cette étape situe Tchagba dans une séquence politique décisive, marquée par la fin d’une époque et l’ouverture d’un cycle plus conflictuel. L’UDPCI, dans les années 2000, incarne pour certains une alternative et pour d’autres une recomposition autour de figures issues des forces armées et de l’appareil d’État.
Sur le plan électif, la consolidation arrive plus tard : en 2016, il devient député d’Attécoubé, et il est réélu en mars 2021. Cet ancrage parlementaire compte car il donne à Tchagba une légitimité issue des urnes, complémentaire de son statut de ministre nommé. Dans le système politique ivoirien, cette double casquette peut renforcer l’influence : elle permet de combiner réseau administratif et base électorale.
Dans les années 2020, il apparaît dans l’orbite de la coalition au pouvoir, souvent associée au RHDP. Là encore, l’important n’est pas seulement l’étiquette, mais le fait qu’il se positionne dans le camp de gouvernement à un moment où les grands dossiers de financement international, de régulation environnementale et de conformité des filières exportatrices deviennent déterminants. Être dans la majorité facilite l’accès aux leviers réglementaires, budgétaires et diplomatiques.
Ce parcours partisan, fait d’adhésions, de ruptures et de repositionnements, est aussi une caractéristique fréquente des carrières longues en Afrique de l’Ouest : la stabilité se construit moins par l’immobilité que par l’adaptation, et par la capacité à rester utile dans des contextes changeants. Chez Laurent Tchagba, cette utilité semble liée à un capital technique : l’eau et l’environnement sont des secteurs où la compétence, ou du moins l’image de compétence, peut peser.
Ministre de l’Hydraulique (2018-2022) : l’eau comme dossier de souveraineté et de santé publique
Laurent Tchagba entre au gouvernement en juin 2018 comme ministre de l’Hydraulique, et il reste à ce poste jusqu’au 20 avril 2022. Cette période, souvent moins commentée que la forêt, est pourtant essentielle : l’hydraulique, en Côte d’Ivoire, n’est pas seulement une question d’infrastructures, mais un marqueur de justice sociale, de prévention sanitaire et de stabilité urbaine.
Dans le discours institutionnel, le thème central est celui de la gestion intégrée des ressources en eau : une approche qui dépasse le simple forage ou la distribution. Elle implique la protection des bassins versants, la surveillance de la qualité, la prévention des pollutions, la coordination entre usages agricoles, industriels et domestiques, et l’anticipation des aléas climatiques. Plusieurs articles et documents évoquent, à cette époque et après, le besoin de structurer la gouvernance de l’eau par des outils de planification.
Le PLANGIRE, dont l’atelier de validation est présidé en juin 2022 par Tchagba (alors déjà ministre des Eaux et Forêts, mais dans la continuité de son expertise), est présenté comme un instrument permettant de garantir de l’eau en quantité et en qualité pour tous les usages. Ce plan s’inscrit dans une “vision” à l’horizon 2040 et se situe dans une continuité de réformes depuis 1994, notamment l’existence d’un code de l’eau promulgué en 1998, puis des révisions et actualisations successives.
Un autre élément marquant est la mention d’un nouveau code de l’eau promulgué le 23 novembre 2023, cité comme intégrant des enjeux climatiques et de pollution, dont l’orpaillage illégal. Même si cette promulgation est postérieure à son mandat strict à l’Hydraulique, elle s’inscrit dans le récit politique de sa compétence sur le secteur : la réforme de l’eau apparaît comme un chantier structurel poursuivi dans son ministère actuel.
Dans la pratique, un ministre de l’hydraulique est attendu sur des résultats visibles : extensions de réseaux, ouvrages de captage, amélioration de la distribution, réduction des inégalités d’accès entre quartiers et zones rurales. Or, sur ces points, les sources disponibles au public dans le cadre de cette recherche mettent davantage l’accent sur la gouvernance et la planification que sur des bilans chiffrés complets et indépendamment audités. Cela ne signifie pas absence d’action, mais rappelle une règle de prudence journalistique : sans données consolidées et accessibles, il est difficile de quantifier précisément l’impact d’une période ministérielle.
Ce que l’on peut établir, en revanche, c’est le positionnement discursif de Laurent Tchagba : l’eau y est présentée comme une ressource à sécuriser, et non seulement à distribuer. Cette nuance prend du poids dans une région où la pression démographique, l’urbanisation et les pollutions augmentent, et où les conflits d’usage peuvent se multiplier. Le ministre, dans plusieurs sorties rapportées, met en avant la nécessité de travailler “en équipe”, de mobiliser les parties prenantes, et d’ancrer les politiques publiques dans des plans et des textes.
L’hydraulique est enfin un dossier politique au sens strict : un chantier d’adduction d’eau, un forage ou une station de traitement ne sont jamais neutres électoralement. Ils structurent la relation entre l’État central, les collectivités et les habitants. Dans ce cadre, la figure d’un ministre-député renforce la capacité à incarner, sur un territoire, la promesse de l’action publique.
Ministre des Eaux et Forêts depuis 2022 : restaurer le couvert forestier, entre agroforesterie, financement et pressions internationales
Le 20 avril 2022, Laurent Tchagba est nommé ministre des Eaux et Forêts et prend officiellement fonction le 22 avril 2022. Il est ensuite reconduit dans le gouvernement formé à partir du 18 octobre 2023. Ce portefeuille est l’un des plus exposés, car il touche à une réalité largement documentée : la Côte d’Ivoire a connu une déforestation massive sur plusieurs décennies, et la question forestière est devenue centrale, à la fois sur le plan national et sous la pression de partenaires internationaux.
L’objectif officiel le plus fréquemment cité est celui de porter la couverture forestière nationale à 20 % à l’horizon 2030, à partir d’un niveau décrit comme inférieur à 10 % dans certaines communications. L’ambition est présentée comme une réponse à la déforestation et un engagement de long terme de l’État. Cet objectif se décline à travers des programmes et des stratégies, dont une Stratégie de Préservation, de Réhabilitation et d’Extension des Forêts et le Programme de Restauration Durable des Forêts de Côte d’Ivoire (PRDF-CI), fréquemment mentionné dans les publications.
Le PRDF-CI est décrit comme entrant dans une phase active de mise en œuvre en 2025, soutenu par des partenaires internationaux, et visant précisément la remontée du couvert forestier à 20 % d’ici 2030. Des cérémonies et annonces publiques, comme la remise des clés d’un siège dédié au programme à Abidjan en juillet 2025, participent de la mise en scène institutionnelle du chantier : elles donnent un visage politique à un programme technique, et signalent la volonté de pilotage.
Dans ces politiques, l’agroforesterie occupe une place importante. Le principe est de concilier production agricole et restauration forestière, en intégrant des arbres dans les systèmes de culture, ce qui peut répondre à plusieurs impératifs : protéger les sols, diversifier les revenus, restaurer la biodiversité, et satisfaire des exigences de traçabilité et de “zéro déforestation” de plus en plus présentes sur les marchés d’exportation.
La dimension internationale est particulièrement sensible. La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, doit composer avec de nouvelles règles de ses partenaires commerciaux, notamment en Europe, visant à réduire l’importation de produits issus de la déforestation récente. Dans ce contexte, les politiques forestières ne sont pas seulement écologiques : elles deviennent économiques, car elles conditionnent l’accès aux marchés et la réputation des filières. La pression sur la traçabilité, la cartographie des parcelles, et la réhabilitation des forêts classées s’inscrit dans cette dynamique.
Les communications rapportées évoquent également des partenariats et des démarches diplomatiques : représentation de la Côte d’Ivoire à des rendez-vous internationaux (notamment autour des sciences de l’eau à l’UNESCO en juin 2025), échanges avec des collectivités et partenaires étrangers sur les forêts urbaines et périurbaines, ou encore missions d’inspiration et de coopération sur l’agroforesterie, comme un déplacement au Brésil en juillet 2025 mentionné par l’agence de presse nationale.
Cette dimension externe n’est pas accessoire : elle conditionne l’accès à des financements, à des expertises, et à des mécanismes de suivi. Des annonces relayées par des médias indiquent par exemple des appuis financiers de bailleurs ou institutions, dont la Banque européenne d’investissement, dans le cadre de programmes de restauration forestière. Dans une économie où les besoins sont vastes, la capacité d’un ministre à capter des ressources et à sécuriser des partenariats devient un critère d’évaluation politique.
Mais cette visibilité a un revers : le ministère des Eaux et Forêts est aussi celui qui hérite des tensions sur le terrain. Les enjeux de contrôle forestier, de lutte contre les coupes illégales, de gestion des aires protégées, et d’arbitrage avec les communautés riveraines peuvent générer des conflits. Les projets de restauration, s’ils ne sont pas socialement acceptés, peuvent se heurter à des résistances. Les discours institutionnels insistent ainsi sur l’adhésion des riverains et sur la nécessité d’une implication collective. Cela révèle une réalité : replanter des arbres ne suffit pas ; il faut aussi recomposer des usages et des droits, ce qui est politiquement délicat.
Dans ses interventions, Laurent Tchagba s’inscrit dans un récit de mobilisation : appel à la sécurité de la ressource en eau, lutte contre la régression des ressources naturelles, besoin de coordination. Les textes officiels du ministère décrivent souvent ces démarches comme une continuité de réformes et comme un effort national, porté par la volonté présidentielle. Pour un journaliste, cette rhétorique est à la fois informative et à manier avec prudence : elle montre le cadre politique, mais ne remplace pas l’évaluation indépendante.
Reste que, dans le débat public, la responsabilité est clairement identifiée : si l’objectif 2030 est tenu ou non, le ministère et son titulaire seront jugés. Tchagba apparaît ainsi comme un ministre de “résultat attendu”, pris entre promesse gouvernementale, contraintes budgétaires, résistances locales et exigences internationales.
Élu à Attécoubé, candidat à Marcory : une implantation locale dans le Grand Abidjan
Le profil national de Laurent Tchagba se double d’un ancrage abidjanais. Député d’Attécoubé depuis 2016, réélu en 2021, il s’inscrit dans une logique de proximité électorale à l’intérieur du district d’Abidjan. Attécoubé, commune dense et socialement contrastée, est un terrain où les attentes en matière d’infrastructures, d’emploi, de services publics et de sécurité sont fortes. Pour un responsable politique, y tenir une circonscription implique d’entretenir une relation régulière avec des relais communautaires, associatifs et traditionnels.
Son engagement municipal à Marcory, lors des municipales de 2023, illustre une stratégie d’élargissement de base dans le Grand Abidjan. Des articles de presse locale rapportent ses déclarations devant des populations, insistant sur la tenue des promesses et sur la nécessité d’accompagnement populaire. Dans la politique ivoirienne contemporaine, Marcory est un espace symbolique : commune à la fois économique, populaire et stratégique, elle concentre des enjeux d’aménagement, de services sociaux, d’urbanisme et de gestion des équipements.
Ce double ancrage pose une question classique : comment un ministre, déjà absorbé par des dossiers nationaux et internationaux, organise-t-il son temps et son action sur le terrain local ? Les biographies institutionnelles répondent généralement en mettant en avant la “proximité”, les “missions”, les “rencontres”. Mais l’électeur, lui, juge au concret : routes, éclairage, centres de santé, accès à l’eau, gestion des déchets, sécurité. Les vidéos et contenus de communication autour de ses activités publiques témoignent d’une présence de terrain, mais ils sont, par nature, des supports de communication. Le travail journalistique consiste alors à distinguer l’image et l’action, et à rappeler les limites des informations disponibles sans enquête approfondie.
Ce qui est établi, toutefois, c’est que Laurent Tchagba appartient à une catégorie de responsables ivoiriens qui cumulent fonctions nationales et responsabilités ou ambitions locales. Cette structure de carrière est fréquente : elle permet de conserver une base électorale, de sécuriser une légitimité populaire, et de résister aux aléas des remaniements ministériels. À l’inverse, elle peut exposer à la critique de cumul et à l’accusation de distance si les résultats locaux ne suivent pas.
Dans son cas, le fait d’être identifié comme “ministre de l’eau et des forêts” ajoute une dimension supplémentaire : sur un territoire urbain, l’eau potable et la qualité des services liés à l’environnement sont des sujets immédiats. La cohérence entre le portefeuille ministériel et la réalité vécue par les habitants devient un enjeu de crédibilité.
Une figure publique entre technocratie, communication et attentes de résultats
Laurent Tchagba incarne, à sa manière, une mutation du personnel politique : la montée en puissance de profils techniques qui, sans renoncer au jeu partisan, revendiquent une légitimité par l’expertise. Son discours s’appuie sur des outils (plans, codes, programmes) et sur des séquences de réforme. Cette posture peut rassurer dans des secteurs où l’opinion attend de la compétence : l’eau et la forêt, justement, ne sont pas des sujets sur lesquels les slogans suffisent.
Mais la technocratie n’exonère pas du politique. À mesure que les enjeux environnementaux s’intensifient, les dossiers de Tchagba deviennent des champs de tensions. Le reboisement et la restauration du couvert forestier se heurtent aux réalités économiques : agriculture de rente, pression foncière, pauvreté rurale, exploitation illégale. La sécurisation des ressources en eau se heurte aux pollutions, à l’orpaillage illégal, aux besoins d’industrialisation, et aux défis d’urbanisation. Dans ces conditions, l’action publique exige des arbitrages, et donc des choix contestables.
La scène internationale ajoute un niveau d’exigence : conférences, partenariats, bailleurs, conditionnalités, reporting. Un ministre peut y gagner un capital d’image, mais il y est aussi exposé : la moindre promesse non tenue, la moindre statistique contestée, la moindre polémique sur la traçabilité d’une filière exportatrice, peut alimenter une critique interne et externe.
Les dernières années montrent aussi une montée des sujets de “gouvernance” : transparence, efficacité, allocation des budgets. Des articles évoquent des passages du ministre devant des institutions pour défendre des crédits budgétaires, comme des discussions autour de budgets sectoriels. Là encore, l’enjeu est double : obtenir les moyens, et convaincre que les moyens seront bien utilisés. Dans un ministère où une partie de l’action se déroule loin des caméras, en zones forestières, l’évaluation est difficile et la suspicion peut exister.
Enfin, le personnage est aussi une figure humaine, parfois rattrapée par des drames personnels rendus publics par la presse, notamment des décès familiaux rapportés dans certaines sources. Un journaliste le mentionne avec précaution : non pour faire du sensationnel, mais parce que la visibilité d’un ministre, en Afrique comme ailleurs, transforme l’intime en fait social, parfois malgré les individus. Toutefois, l’essentiel, pour comprendre le rôle politique de Laurent Tchagba, reste sa capacité à tenir la promesse institutionnelle qui lui est associée : contribuer à sécuriser l’eau, et à enrayer la déforestation en visant un objectif national affiché à l’horizon 2030.
Au final, répondre à la question “qui est Laurent Tchagba ?” revient à décrire une figure de l’État ivoirien contemporain : un ingénieur passé par les cabinets, devenu élu, puis ministre sur des portefeuilles structurants, au cœur d’enjeux qui engagent la santé publique, l’économie d’exportation, la souveraineté environnementale et la place du pays dans des normes internationales de plus en plus contraignantes. Sa trajectoire, faite de continuités administratives et de repositionnements politiques, raconte aussi une Côte d’Ivoire qui tente de concilier croissance, urbanisation et protection de ses ressources naturelles, tout en restant attentive aux équilibres de pouvoir qui façonnent la vie publique.



