Qui est Prince Lonkhokhela ?

Dans un pays où l’architecture du pouvoir mêle institutions modernes et traditions monarchiques, certaines trajectoires disent beaucoup plus qu’un simple curriculum vitae. Celle du prince Lonkhokhela en fait partie. Haut membre de la famille royale, longtemps figure centrale d’un pilier de la protection sociale, puis propulsé au cœur de l’exécutif, il incarne une passerelle rare entre administration économique, gouvernance d’État et stratégie énergétique. À Mbabane, la capitale, comme dans les cercles d’affaires régionaux, son nom s’est imposé en quelques années comme celui d’un homme appelé à gérer des dossiers structurants : ressources naturelles, eau, mines, énergie, et l’ensemble des tensions que ces secteurs concentrent aujourd’hui.

Le portrait du prince Lonkhokhela est celui d’un responsable dont l’influence ne s’est pas construite dans les joutes partisanes, mais dans une mécanique propre à Eswatini : un système où les ministres sont nommés par le roi sur recommandation du Premier ministre, et où l’appartenance au Parlement demeure une condition de l’exercice gouvernemental. C’est dans ce cadre que le prince a été nommé sénateur, puis ministre des Ressources naturelles et de l’Énergie à la mi-novembre 2023, entrant d’un coup dans l’arène politique nationale et internationale, en pleine accélération des débats sur la sécurité énergétique, les carburants, l’électrification et les minerais stratégiques.

Derrière le titre, l’homme présente un profil de gestionnaire et de financier : formation universitaire aux États-Unis, carrière au sein de la banque centrale, puis direction durant près d’un quart de siècle de l’Eswatini National Provident Fund, le fonds national de prévoyance. Cette trajectoire, au croisement de la technocratie et du pouvoir, éclaire autant le personnage que les attentes qui pèsent sur lui : piloter une administration tentaculaire, attirer l’investissement, arbitrer des enjeux sociaux, et tenir une ligne dans un pays où la légitimité politique se lit aussi dans la capacité à produire des résultats concrets.

Une figure royale dans un État où la politique se joue autrement

Pour comprendre qui est le prince Lonkhokhela, il faut d’abord saisir la singularité d’Eswatini. Le royaume, longtemps connu sous le nom de Swaziland, fonctionne avec une monarchie qui conserve une place centrale dans le fonctionnement de l’État. La Constitution encadre les institutions, mais consacre aussi un rôle déterminant au souverain, notamment dans la désignation des responsables exécutifs. Le Cabinet est composé du Premier ministre, du vice-Premier ministre et d’un nombre de ministres jugé nécessaire, et la nomination des ministres relève du roi sur recommandation du Premier ministre. Autrement dit, l’accès au gouvernement n’est pas le produit d’une alternance électorale classique, mais celui d’un équilibre institutionnel où coexistent représentation parlementaire, choix du souverain et logique de compétences.

Dans ce contexte, le titre de “prince” n’est pas qu’un marqueur social : il renvoie à une proximité avec le cœur symbolique et politique du pays. Mais cette proximité ne suffit pas à expliquer l’ascension de Lonkhokhela. Le fait qu’il soit qualifié de “His Royal Highness” situe son rang, sans détailler à lui seul ses responsabilités. Le prince est surtout devenu un acteur public par l’exercice prolongé de fonctions économiques stratégiques, puis par sa prise en main d’un ministère dont le périmètre touche aux ressorts mêmes de la souveraineté : l’accès à l’eau, l’énergie, l’exploitation minière, la gestion foncière, la cartographie, la valorisation des biens, et les services associés à la vie quotidienne comme à l’investissement.

Son entrée en politique, au sens strict, suit la logique constitutionnelle : le prince Lonkhokhela est nommé sénateur début novembre 2023, puis nommé ministre des Ressources naturelles et de l’Énergie le 13 novembre 2023. Le Sénat, à Eswatini, est une des deux chambres du Parlement, aux côtés de la Chambre de l’Assemblée. Y siéger ne constitue pas seulement un honneur : c’est aussi le passage institutionnel qui permet d’occuper un poste ministériel, puisque les ministres doivent être membres du Parlement.

Cette séquence éclaire un point essentiel : le prince Lonkhokhela n’est pas un élu ayant conquis son poste par une campagne, il est un nommé, au sens institutionnel du terme, placé à une fonction d’exécution gouvernementale. Pour autant, son action se juge sur des critères comparables à ceux des autres responsables publics : efficacité administrative, clarté des orientations, capacité à gérer les crises et à répondre aux interpellations parlementaires.

De la banque centrale à la haute administration : un parcours d’économiste formé aux États-Unis

Le profil du prince Lonkhokhela se distingue par une forte empreinte internationale dans la formation et un ancrage national dans la carrière. Son parcours académique se construit aux États-Unis, avec un Bachelor of Arts en économie obtenu à Boston University, puis un Master of Business Administration (MBA) et un certificat de troisième cycle en finance internationale obtenus à New Hampshire College. Il complète ce socle par un diplôme en sciences sociales à Vincennes University, ainsi qu’une certification en régimes de retraite délivrée par Harvard University. En 2014, il termine également un programme exécutif en leadership à Stanford University.

Dans un pays de taille modeste, où les élites administratives et économiques sont souvent peu nombreuses, ce type de formation peut fonctionner comme un accélérateur : compréhension des marchés, maîtrise de la gestion d’institutions financières, et capacité à dialoguer avec des bailleurs ou des investisseurs. Ce bagage ne dit pas tout de ses choix politiques, mais explique en partie pourquoi il a été associé à des postes où l’expertise technique compte autant que la représentation.

Sa carrière professionnelle débute au sein de la banque centrale, alors appelée Central Bank of Swaziland. Il y occupe successivement plusieurs fonctions : auditeur interne, puis postes dans la recherche, le change (Forex), et la finance du développement. Au total, il passe seize ans dans cette institution. Ce détail n’est pas anodin : la banque centrale concentre généralement l’observation macroéconomique, la discipline financière et les interactions avec les acteurs bancaires. Pour un futur dirigeant d’un fonds de prévoyance, cette expérience constitue un apprentissage des équilibres entre rendement, prudence, régulation et objectifs publics.

Ce parcours, d’apparence technocratique, prend une dimension politique dès lors qu’il s’inscrit dans la durée et qu’il s’accompagne de responsabilités de gouvernance dans des conseils d’administration. Le prince Lonkhokhela a ainsi été associé à plusieurs structures : présidence de Montigny et de Happy Valley Hotel, direction ou mandat d’administrateur dans des groupes ou entités tels qu’Old Mutual, l’Industrial Development Company of Eswatini, Eswatini Mobile, ainsi que Tisuka Taka Ngwane. Il a aussi siégé par le passé dans des organismes tels qu’Eswatini Railways, le Conseil national des arts et de la culture, le King’s Trust et le fonds de pension de la fonction publique. Ce tissu de mandats dessine un réseau de responsabilités où se croisent investissement, développement, et gestion de biens stratégiques.

Le passage à la politique ne se lit donc pas comme une conversion soudaine, mais comme une continuité : celle d’un haut responsable qui, après avoir pesé dans les grandes institutions économiques, se retrouve à piloter un ministère au cœur des infrastructures et des ressources.

Vingt-quatre ans à la tête de l’ENPF : un long règne sur la prévoyance nationale

Le moment charnière de la carrière du prince Lonkhokhela est son arrivée à la tête de l’Eswatini National Provident Fund (ENPF). Il en devient directeur général en 1999, fonction qu’il occupe jusqu’en 2023, soit vingt-quatre années. Pour un fonds national de prévoyance, une telle longévité est exceptionnelle et témoigne d’une stabilité de gouvernance, mais aussi d’une confiance institutionnelle durable.

L’ENPF joue un rôle central dans le pays : il s’agit d’un mécanisme d’épargne sociale, qui collecte des cotisations et constitue des actifs destinés à sécuriser des prestations. Dans ce type d’institution, le dirigeant doit composer avec une double exigence : protéger les intérêts des cotisants et contribuer à l’économie nationale, notamment via des investissements locaux. Les choix d’allocation, les politiques de risque, la transparence et la performance deviennent alors des enjeux publics.

À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’ENPF, organisé à Manzini, le prince Lonkhokhela a été publiquement associé à une période de croissance de l’institution. Il est notamment crédité d’une progression des actifs du fonds, passés de 300 millions à 5,6 milliards d’emalangeni sur la durée évoquée, avec une part significative investie localement. Cette valorisation publique de son bilan, dans un cadre officiel, contribue à comprendre pourquoi son profil a été jugé compatible avec un poste ministériel : la gestion de l’ENPF, au-delà des chiffres, implique une capacité à piloter de gros portefeuilles, à arbitrer des priorités et à rendre des comptes dans un environnement sensible.

Mais cette longue période à la tête d’un organisme de prévoyance ne se résume pas à un tableau de croissance. Elle le place au centre d’un champ de tensions : attentes sociales, pression pour financer des projets, nécessité d’assurer la liquidité des prestations, et vigilance face aux risques de gouvernance. Même lorsque les controverses ne sont pas explicitement attachées à son nom, le dirigeant d’une telle institution exerce une fonction exposée, où la réputation se construit autant dans la performance que dans la perception de l’équité.

Ce passage par la prévoyance a aussi une conséquence directe : il installe le prince Lonkhokhela comme un acteur connu de l’appareil d’État et des milieux économiques. En devenant ministre, il n’arrive pas en novice, mais en homme ayant déjà administré une structure dont la complexité rivalise avec celle de nombreuses agences publiques.

Ministre des Ressources naturelles et de l’Énergie : l’épreuve des dossiers structurants

Lorsqu’il est nommé ministre des Ressources naturelles et de l’Énergie, le prince Lonkhokhela hérite d’un portefeuille large, technique et politiquement sensible. Le ministère qu’il dirige a pour mission d’assurer la gestion des terres, de l’eau, des minerais et de l’énergie, mais aussi de fournir des services liés à l’arpentage, la cartographie, l’enregistrement des droits réels et l’évaluation foncière. Il doit en outre faciliter l’accès à une énergie durable, renforcer la sécurité d’approvisionnement, optimiser l’usage des ressources hydriques et encourager l’exploration minérale.

Concrètement, cela signifie qu’il se retrouve au centre de plusieurs équations nationales.

La première concerne l’accès à l’énergie et à l’eau, enjeux de développement et de santé publique. En février 2025, le prince Lonkhokhela rencontre le représentant résident de la Banque mondiale pour évoquer des initiatives visant à améliorer l’accès à l’énergie et à l’eau potable, ainsi que l’appui à des projets dédiés à l’électrification. Dans ce type d’échange, l’objectif n’est pas seulement de discuter de financements : il s’agit aussi de crédibiliser une stratégie, de présenter des priorités et de démontrer la capacité de l’administration à mettre en œuvre.

La deuxième équation concerne la transition énergétique dans un pays qui, comme beaucoup dans la région, dépend de chaînes d’approvisionnement en carburants et fait face à des contraintes de coûts. En juillet 2025, lors d’un séminaire régional lié au secteur pétrolier dans l’espace de l’Union douanière d’Afrique australe, il appelle à accélérer la bascule vers des combustibles de cuisson plus propres, dont le gaz de pétrole liquéfié et le biogaz. Il évoque aussi l’intérêt des biocarburants et du mélange à l’éthanol, et insiste sur les infrastructures et les politiques nécessaires face à l’émergence des véhicules électriques. Dans ce discours, un point revient : les transformations ne sont plus lointaines, elles sont présentées comme des urgences du présent.

Ce type de prise de parole sert plusieurs objectifs à la fois : positionner Eswatini dans une dynamique régionale, préparer l’opinion et les acteurs économiques à des réformes, et signaler aux partenaires internationaux qu’une orientation stratégique existe. Le discours inclut également un axe social, en soulignant la place des femmes dans les réformes énergétiques, non seulement comme bénéficiaires mais aussi comme entrepreneures et décideuses, ce qui renvoie aux débats contemporains sur l’inclusivité des transitions.

La troisième équation concerne l’attractivité économique. Le secteur des ressources naturelles et de l’énergie se situe à l’intersection des investissements, de la régulation et de la souveraineté. Lorsque le ministre participe à des forums internationaux, l’enjeu est aussi de présenter le pays comme une destination crédible pour des projets miniers ou énergétiques, tout en évitant la perception d’un “eldorado” sans cadre. Le prince Lonkhokhela figure ainsi parmi les responsables identifiés pour intervenir dans des rendez-vous sectoriels continentaux, où la compétition entre pays pour capter des capitaux est vive.

Enfin, la quatrième équation, plus institutionnelle, tient à la relation avec le Parlement. Dans un système où les ministres sont membres du Parlement, l’exercice du pouvoir se fait aussi sous interpellation. Les débats sur les recrutements, les audits et la gouvernance des entreprises publiques deviennent alors des tests de solidité politique, même pour un ministre issu des cercles les plus élevés.

Controverses, contrôle parlementaire et attentes publiques : le poids du poste

Un ministre des Ressources naturelles et de l’Énergie n’évolue pas dans un espace neutre. Les secteurs qu’il supervise engagent des flux financiers importants, des marchés publics, des monopoles ou quasi-monopoles, des enjeux de prix et des arbitrages très visibles pour la population. Le prince Lonkhokhela, en 2025, en fait l’expérience lors d’un épisode emblématique : la controverse autour du recrutement d’un directeur général pour la société nationale pétrolière.

À la fin juillet 2025, le ministre se retrouve sous le feu des débats parlementaires. Des élus l’accusent de ne pas respecter un arrêt ou une résolution demandant l’arrêt d’un processus de recrutement, en attendant la finalisation d’un audit et la présentation d’un rapport du vérificateur général. Face aux questions, le ministre soutient que, selon la compréhension de son ministère, il n’existait pas de résolution imposant l’arrêt complet du processus, et affirme que la demande portait sur un changement d’agence de recrutement, qui aurait été effectué. La séquence devient alors un bras de fer institutionnel : d’un côté, des parlementaires qui réclament la primauté d’une décision de la Chambre ; de l’autre, un ministre qui plaide une lecture procédurale différente et insiste sur le fait que deux processus peuvent avancer en parallèle.

Cet épisode met en lumière plusieurs réalités du pouvoir à Eswatini.

D’abord, la montée en puissance du contrôle parlementaire sur la gestion publique, y compris dans des domaines techniques. Les audits, les rapports, les résolutions et les comités deviennent des instruments qui structurent le débat.

Ensuite, l’extrême sensibilité des entreprises liées à l’énergie. La nomination d’un dirigeant n’est pas un acte administratif ordinaire : elle touche à la chaîne d’approvisionnement, à la politique des prix, à la réputation de transparence et à la capacité de l’État à gérer un secteur où les marges, les contrats et les intérêts privés peuvent être considérables.

Enfin, la situation rappelle que l’autorité d’un ministre, même doté d’un statut royal, n’est pas illimitée : elle se confronte à des procédures, à des votes, à des interprétations concurrentes de la règle, et à une opinion publique attentive à la gouvernance.

Au-delà de cet épisode, la fonction expose aussi à des attentes de résultats. Sur l’énergie, la population juge la politique au prisme du coût des carburants, de la disponibilité, des alternatives pour la cuisson, de l’accès à l’électricité, et des promesses de modernisation. Sur l’eau, les enjeux de qualité, de distribution et d’investissement sont vécus au quotidien. Sur le foncier et la valorisation, les décisions touchent directement les citoyens et les entreprises.

Le prince Lonkhokhela est donc pris entre deux temporalités. Celle, longue, de la transformation : planification énergétique, développement d’infrastructures, diversification des sources, intégration régionale. Et celle, immédiate, du politique : crises, polémiques, recrutements contestés, demandes de transparence. Son profil de gestionnaire, construit sur la durée, peut être un atout dans la première temporalité. La seconde exige une capacité à maîtriser la communication publique, à anticiper les objections, et à maintenir la cohérence de l’action gouvernementale sous pression.

À l’international, il doit aussi porter une parole crédible. Lors de sommets économiques, il accompagne la délégation d’Eswatini dans des discussions sur les partenariats énergétiques, l’électrification et les minerais. Ce rôle est stratégique : il ne s’agit pas seulement de participer, mais d’inscrire le pays dans des chaînes de valeur, de sécuriser des financements, et d’attirer des projets. Là encore, la crédibilité repose sur des éléments concrets : stabilité institutionnelle, clarté réglementaire, capacité de mise en œuvre.

Au final, répondre à la question “qui est le prince Lonkhokhela ?” revient à décrire un responsable situé à un point de croisement rare. Prince dans une monarchie constitutionnelle aux équilibres singuliers, il est aussi un ancien patron de la prévoyance nationale, formé à l’économie et au management, désormais chargé d’un ministère qui touche aux ressources vitales et à l’industrialisation. Son parcours raconte une certaine manière de faire de la politique à Eswatini : par la gestion, la nomination institutionnelle, la continuité de l’État, mais aussi par l’exposition croissante aux exigences de contrôle, de transparence et de résultats.

Son avenir politique dépendra, comme souvent, de sa capacité à transformer un portefeuille technique en gains visibles : sécuriser l’approvisionnement, accélérer l’accès à l’énergie et à l’eau, structurer les filières minières sans déstabiliser l’équilibre social, et traverser les controverses avec une gouvernance jugée solide. Dans un pays où l’État, la tradition et l’économie s’entremêlent, le prince Lonkhokhela est devenu l’un des visages de cette tension permanente entre modernisation et continuité.

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