Qui est Mahmoud Esmat ?

Dans l’Égypte des grands chantiers et des arbitrages énergétiques, certains profils techniques finissent par occuper le devant de la scène politique. Mahmoud Esmat fait partie de cette génération de responsables dont la carrière s’est d’abord construite dans l’ingénierie, les infrastructures et l’industrie, avant d’entrer au gouvernement. Nommé ministre de l’Électricité et des Énergies renouvelables à l’été 2024, après avoir dirigé le ministère du Secteur public, il hérite d’un portefeuille sensible, scruté par l’opinion et déterminant pour la compétitivité économique du pays. Pour comprendre qui est Mahmoud Esmat, il faut revenir sur un parcours qui combine expertise technique, direction d’entreprises publiques et privées, et participation à la conduite de politiques industrielles, au moment où l’Égypte cherche à stabiliser son approvisionnement, moderniser son réseau et accélérer la place des renouvelables.

Un profil d’ingénieur et d’expert des secteurs industriels

Mahmoud Esmat appartient à ces responsables que la vie publique égyptienne présente d’abord comme des techniciens. Né en 1954 dans le gouvernorat du Caire, il est formé à l’ingénierie électrique et entame sa carrière dans l’enseignement supérieur, d’après les biographies officielles et institutionnelles publiées à l’occasion de sa prise de fonctions. La dimension académique est souvent mise en avant : il commence comme membre du corps enseignant dans une faculté d’ingénierie, avant de s’orienter vers des postes opérationnels.

Son itinéraire professionnel se distingue ensuite par une longue immersion dans des secteurs lourds, où l’énergie et l’industrie se croisent : infrastructures, pétrochimie, gaz liquéfié, équipements industriels, puis pilotage d’entités liées au transport aérien. Cette diversité alimente aujourd’hui l’image d’un responsable à l’aise avec les chaînes de valeur industrielles et les contraintes d’exploitation, loin du seul registre administratif.

Les éléments publiés par la Présidence du Conseil des ministres égyptien décrivent une trajectoire marquée par des expériences au sein de l’Autorité du canal de Suez, puis dans l’industrie pétrolière et pétrochimique. Le même texte mentionne des activités au Qatar, aux Émirats arabes unis et au sein d’un groupe industriel allemand, où il aurait exercé des responsabilités régionales de haut niveau. Cette séquence internationale est importante : elle suggère une familiarité avec les standards de grands projets, les montages industriels et la logique des investissements, dans une région où l’énergie est à la fois une ressource économique et un levier de puissance.

Son parcours inclut aussi des fonctions de conseil auprès d’acteurs liés au gaz et à l’industrie, notamment autour de projets de liquéfaction. Dans le récit officiel, cette expertise est présentée comme un socle : elle justifie, aux yeux des autorités, la capacité à piloter des portefeuilles où l’énergie, l’investissement et la modernisation des infrastructures sont étroitement liés.

Pour autant, la figure de Mahmoud Esmat n’est pas uniquement celle d’un technicien. Les biographies disponibles montrent qu’il a aussi évolué dans des environnements de gouvernance d’entreprise, avec des responsabilités de président de conseil d’administration dans plusieurs sociétés. Autrement dit, son profil se construit à la jonction de l’ingénierie, de la gestion et de la décision publique, un mélange recherché dans un pays qui veut industrialiser davantage, exporter et attirer des capitaux.

Des aéroports au verre industriel : une trajectoire d’infrastructures et de gestion

Avant son entrée au gouvernement, Mahmoud Esmat s’est fait connaître par des responsabilités dans des entreprises et holdings liées à des infrastructures majeures. Parmi les fonctions citées par plusieurs sources institutionnelles et de presse : la présidence de la société en charge de l’aéroport du Caire (Cairo Airport Company) sur une période située entre 2013 et 2014, puis la direction de la holding des aéroports et de la navigation aérienne entre 2014 et 2016.

Dans ces fonctions, les biographies soulignent des projets associés à l’extension et à la modernisation d’infrastructures aéroportuaires. La construction ou le développement d’un terminal à l’aéroport du Caire, l’augmentation de capacités dans d’autres plateformes touristiques et la modernisation d’équipements de navigation figurent dans les réalisations évoquées. Au-delà du détail des chantiers, l’enjeu est clair : un responsable en charge d’infrastructures aéroportuaires affronte des problématiques de flux, de sécurité, de maintenance, de financement et de coordination avec de multiples acteurs. C’est une école de complexité, proche de celle de l’électricité, où la continuité de service et la capacité du réseau conditionnent la stabilité économique.

Le volet industriel de son parcours apparaît aussi central. Il est présenté comme ayant présidé une entreprise de fabrication de verre au Caire et comme ayant développé une expertise particulière dans la production verrière, notamment dans une zone industrielle connue pour accueillir de grandes unités manufacturières. Dans les documents officiels, cette période est associée à la création ou à la montée en puissance d’installations industrielles et à une orientation exportatrice. L’objectif affiché est d’inscrire l’industrie dans la compétitivité internationale : produire à grande échelle, maîtriser les coûts, exporter une part significative, et attirer des partenariats.

D’autres responsabilités de gouvernance d’entreprise sont mentionnées, y compris dans le secteur des travaux maritimes. Là encore, le fil conducteur est la gestion de projets et de structures à forte intensité capitalistique, où la technique, la réglementation, la logistique et les arbitrages financiers se superposent.

Cette séquence n’a rien d’anecdotique pour comprendre son arrivée à l’Électricité. En Égypte, l’électricité n’est pas qu’une question de production : elle est un système. Elle repose sur des interconnexions, des capacités de transmission, des investissements, des standards de qualité, mais aussi sur une relation parfois tendue avec le consommateur, lorsque surviennent des interruptions ou des politiques de délestage. Un responsable qui a piloté des infrastructures aéroportuaires et des entreprises industrielles est souvent perçu comme mieux armé pour imposer des routines de maintenance, de contrôle qualité et de gestion de crise.

Le passage au ministère du Secteur public : réformes industrielles et chiffres de performance

Mahmoud Esmat entre au gouvernement en août 2022 comme ministre du Secteur public (ou du Secteur des entreprises publiques). Ce ministère supervise un ensemble d’entreprises détenues par l’État, actives dans des secteurs stratégiques : industrie, chimie, métallurgie, textile, médicaments, mines, entre autres. C’est un portefeuille politiquement sensible, parce qu’il touche à l’emploi, à la restructuration d’entités parfois déficitaires, et à la question récurrente de l’efficacité des actifs publics.

Dans la communication officielle, sa période à ce ministère est décrite comme un moment de “stratégie de modernisation” visant à augmenter la production, améliorer la performance, relancer des entreprises à l’arrêt et accroître les exportations. Les biographies gouvernementales mettent en avant des orientations : intégrer davantage de valeur ajoutée, créer des synergies entre filiales, réduire les importations en s’appuyant sur des compétences locales, et ouvrir plus largement la porte à des formes de coopération avec le secteur privé, en cohérence avec la politique de propriété de l’État.

Certains chiffres sont explicitement mentionnés dans les documents officiels, présentés comme des résultats de gestion : revenus agrégés atteignant 112 milliards de livres égyptiennes à la fin juin 2024, avec une hausse importante par rapport à l’exercice précédent ; bénéfice net agrégé annoncé à 30 milliards de livres égyptiennes, comparé à un niveau bien plus faible un an plus tôt ; progression des exportations à 29 milliards de livres égyptiennes, avec une hausse notable. Ces données, citées dans les biographies institutionnelles, servent à illustrer la promesse d’un redressement.

Il faut toutefois rappeler ce que signifie ce type de bilan : il s’agit d’indicateurs agrégés, produits dans un cadre administratif, qui peuvent être influencés par des facteurs macroéconomiques, des réévaluations, des variations de change ou des effets de cycle sur certains secteurs. En termes journalistiques, l’intérêt n’est pas de transformer ces chiffres en verdict définitif, mais de comprendre ce qu’ils racontent de la ligne politique : l’État égyptien veut démontrer que son portefeuille industriel peut générer des revenus, exporter et financer une partie de ses investissements, tout en préparant des partenariats.

Le ministère du Secteur public est aussi, par nature, un poste d’arbitrage. On y gère des héritages industriels lourds, des actifs fonciers, des usines vieillissantes, des enjeux sociaux. L’expérience y est souvent formatrice : elle confronte à la politique de prix, aux questions d’approvisionnement énergétique, aux contraintes de modernisation des machines, et aux décisions sur les fermetures ou relances d’unités. C’est un passage qui peut préparer à l’Électricité, car l’électricité est au cœur du coût industriel : elle pèse sur la compétitivité, sur les investissements et sur l’acceptabilité sociale des réformes.

Ce qui ressort aussi de sa période au Secteur public, c’est l’attention portée à l’énergie nouvelle et renouvelable comme outil de transformation industrielle. Les communications officielles évoquent des projets visant à alimenter des sites énergivores via des solutions solaires ou associées à la transition, ce qui, même au stade des intentions ou des contrats, montre une cohérence : le même responsable peut défendre une modernisation de l’industrie et, ensuite, porter un discours sur la modernisation du réseau électrique.

Ministre de l’Électricité depuis 2024 : un portefeuille sous pression sociale et économique

Mahmoud Esmat est nommé ministre de l’Électricité et des Énergies renouvelables au début de l’été 2024, dans un contexte où la question de l’approvisionnement et des interruptions de service occupe une place aiguë dans le débat public. L’Égypte, très dépendante du gaz naturel dans son mix électrique, a subi des tensions liées à l’énergie : baisse de production domestique de gaz, hausse des coûts d’importation et épisodes de délestage lors des pics de consommation. Dans ce contexte, le ministère de l’Électricité devient l’un des postes les plus exposés du gouvernement : l’électricité est un service essentiel, et son manque se voit immédiatement, dans les foyers comme dans l’activité économique.

Dès sa prise de fonctions, Mahmoud Esmat tient un discours de priorité donnée à la qualité du service, à la continuité de l’alimentation et à la résolution des coupures. Une partie de sa communication publique insiste sur la dimension stratégique de l’électricité : elle est décrite comme une condition de sécurité nationale, et comme un facteur indispensable au développement économique et social. Ce positionnement s’inscrit dans une logique gouvernementale plus large : stabiliser la fourniture, éviter les interruptions récurrentes et rassurer l’économie.

Dans les mois qui suivent, plusieurs déclarations publiques attribuées au ministre et relayées par des médias égyptiens évoquent la fin ou la non-reconduction de politiques de délestage, ainsi que la préparation de saisons estivales sans coupures programmées. L’accent est mis sur la coordination de l’approvisionnement en combustible, la gestion des pics de demande et l’amélioration des standards de service au client. Il est aussi question d’unification des modèles de relation avec les abonnés au sein des différentes sociétés de distribution, signe que le ministère ne se limite pas à la production mais s’intéresse à l’expérience du consommateur, un sujet sensible lorsque la population subit des interruptions.

Ce type de promesse, en Égypte comme ailleurs, est à double tranchant. Elle peut rassurer, mais elle crée aussi une attente immédiate : si l’électricité est stable, la crédibilité s’améliore ; si les coupures reviennent, la pression politique monte. Le ministre, dans ce cadre, ne pilote pas seulement un secteur technique : il endosse une fonction de garant social.

Son profil d’ingénieur et de gestionnaire d’infrastructures lui permet de porter un discours de “méthode” : analyse des causes des interruptions, traitement rapide des pannes, critères de qualité, maintenance, renforcement du réseau de transport. De telles priorités sont familières aux ingénieurs de systèmes : réduire les incidents par la prévention, diagnostiquer, segmenter les pannes, moderniser les équipements de contrôle et de supervision.

L’autre dimension du portefeuille est économique. Les interruptions électriques ne sont pas seulement une gêne domestique : elles affectent la productivité, le tourisme, l’industrie, et l’attractivité pour les investisseurs. Dans une période où l’Égypte veut attirer des capitaux dans les renouvelables et dans l’industrie, la stabilité du réseau est un argument majeur. À ce titre, le ministre de l’Électricité est aussi un ministre de la compétitivité.

La transition énergétique et la modernisation du réseau : cap sur les renouvelables et la “grille” intelligente

Si la question des coupures est celle qui fait le plus de bruit dans l’espace public, l’enjeu structurel du ministère se joue ailleurs : dans le réseau, sa modernisation, et la place future des renouvelables. L’Égypte s’est fixé un objectif de montée en puissance des énergies renouvelables dans son mix électrique à horizon 2030, dans un contexte de dépendance historique au gaz naturel et d’exposition aux coûts d’importation. Selon des données rapportées par des analyses économiques récentes, la part des renouvelables (solaire, éolien, hydroélectricité) restait relativement faible au milieu des années 2020, tandis que le gaz dominait encore largement la production.

Dans ce paysage, le rôle du ministre consiste à transformer une ambition en système opérationnel. Développer des parcs solaires et éoliens est une chose ; intégrer leur production intermittente au réseau en est une autre. Cela implique des investissements dans les lignes à haute tension, dans les postes, dans les technologies de stabilisation et dans la gestion intelligente de la distribution. Autrement dit : l’électricité du futur ne dépend pas seulement de nouvelles centrales, mais d’un réseau capable d’absorber des flux variables.

Plusieurs déclarations publiques attribuées à Mahmoud Esmat mettent justement l’accent sur la modernisation du réseau de transport et de distribution, et sur l’objectif de bâtir un réseau “intelligent”, plus flexible et apte à accueillir une capacité renouvelable accrue. Dans la communication gouvernementale, la modernisation du réseau est présentée comme un chantier prioritaire, à la fois pour la qualité du service et pour la transition énergétique. Des plans d’investissement, annoncés pour les années budgétaires à venir, mentionnent des montants importants destinés à l’extension, au renforcement et à la numérisation du réseau.

Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique d’investissements plus large. L’Égypte a conclu ces dernières années des accords et engagements avec des développeurs internationaux, notamment dans le solaire et l’éolien. Des annonces ont porté sur des projets de grande capacité, associés à des investissements chiffrés en centaines de millions, voire en milliards de dollars, ainsi qu’à des contrats d’achat d’électricité. Ce type de projets est crucial : il transfère une partie du risque et du financement vers des acteurs privés ou mixtes, tout en exigeant, en retour, un cadre stable et un réseau fiable.

La transition énergétique, pour le ministre, est aussi un sujet de souveraineté budgétaire. Les tensions sur le gaz ont rappelé que les importations peuvent peser lourdement sur les finances publiques. Développer le solaire et l’éolien, lorsque leurs coûts de production deviennent compétitifs, peut réduire la facture énergétique à moyen terme, à condition de lever certains obstacles : subventions, régulation, capacité du réseau, accès au financement, coordination institutionnelle.

Mahmoud Esmat, du fait de son passé dans la pétrochimie et le gaz, arrive avec une compréhension des contraintes de l’énergie fossile, mais aussi avec l’intérêt d’un responsable qui a déjà, dans son portefeuille précédent, mis en avant l’usage des renouvelables pour alimenter des sites industriels. Cette continuité est politiquement utile : elle permet de raconter une trajectoire cohérente, de l’industrie à l’électricité, avec la transition comme fil conducteur.

Reste la question du calendrier et de l’exécution. Dans les systèmes électriques, la modernisation est un chantier permanent : il faut planifier, financer, construire, tester, et maintenir. Les résultats se mesurent moins en annonces qu’en indicateurs d’interruption, en qualité de tension, en capacité d’intégration des renouvelables, en réduction des pertes et en satisfaction des usagers. Sur ce plan, le ministre sera jugé sur des preuves concrètes : moins de coupures, un réseau plus robuste, et une trajectoire crédible vers les objectifs de 2030.

Enfin, l’action du ministre se déroule dans une équation sociale : l’électricité est un service, mais c’est aussi un prix. Les politiques de subvention et de tarification, les réformes soutenues par des bailleurs internationaux, et la capacité de l’État à accompagner les ménages sont des facteurs déterminants. Un réseau plus moderne et une production plus diversifiée ne résolvent pas tout : il faut aussi que le système soit soutenable pour les finances publiques et acceptable pour la population.

Dans ce contexte, Mahmoud Esmat apparaît comme un ministre technicien placé au cœur d’une bataille de confiance : confiance des citoyens dans la continuité de service, confiance des industriels dans la stabilité du réseau, confiance des investisseurs dans la capacité à livrer des infrastructures et à respecter des contrats. Son parcours, ancré dans l’ingénierie et les grandes infrastructures, lui donne des atouts pour porter cette transformation. Mais l’électricité, en Égypte, reste un secteur où chaque été, chaque pic de demande, chaque arbitrage sur le combustible peut faire basculer le récit politique. C’est là que se jouera, au-delà des biographies, la définition la plus concrète de “qui est” Mahmoud Esmat : un gestionnaire de crise, un bâtisseur de réseau, ou les deux à la fois.

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