Qui est Malachie Manaouda ?

Il est l’un de ces responsables dont le nom s’est imposé à la faveur des crises. Au Cameroun, Malachie Manaouda est aujourd’hui associé à un portefeuille ministériel exposé, celui de la Santé publique, qui place son titulaire au carrefour des urgences sanitaires, des arbitrages budgétaires, de la relation avec les partenaires internationaux et, plus largement, de la confiance entre l’État et la population. Depuis sa nomination en janvier 2019, son action s’inscrit dans un pays confronté à des défis structurels du système de santé, mais aussi à des épisodes qui mettent brutalement la santé au centre de la vie nationale.

Qui est donc cet homme dont la parole, pendant la pandémie de Covid-19, est devenue familière à une partie des Camerounais, et dont les interventions continuent d’accompagner les alertes épidémiologiques et les campagnes de prévention ? Pour répondre, il faut retracer un parcours d’administrateur, comprendre les ressorts d’une ascension au sein de l’appareil d’État, et mesurer ce que signifie, politiquement, tenir un ministère aussi sensible. Cela implique aussi d’aborder les critiques, les controverses et les débats sur la gestion des fonds et des dispositifs liés à la riposte sanitaire, sujets récurrents dans l’espace public camerounais.

Un parcours forgé dans l’administration camerounaise

Avant d’être ministre, Malachie Manaouda est d’abord un produit de l’administration : un profil de haut fonctionnaire appelé à gérer des dossiers transversaux, à naviguer entre cabinets, secrétariats généraux et présidence. Les éléments biographiques les plus couramment rapportés le présentent comme né à Mokolo, dans l’Extrême-Nord, en 1973, une région marquée par des enjeux sociaux et sécuritaires qui pèsent durablement sur les politiques publiques.

Le fil conducteur de son itinéraire est celui d’un administrateur civil qui gravit les échelons au cœur de l’État. Plusieurs sources biographiques concordent sur une trajectoire faite de postes à responsabilité, notamment à la Présidence de la République puis dans des ministères techniques. Parmi les fonctions souvent mentionnées figurent un passage à la Présidence, puis des responsabilités de secrétaire général au ministère des Arts et de la Culture, et au ministère de l’Eau et de l’Énergie, avant son entrée au gouvernement.

Ce type de trajectoire n’est pas rare dans les systèmes politiques où l’expérience administrative, la maîtrise des circuits de décision et la capacité à coordonner des services constituent des atouts majeurs pour accéder à un rang ministériel. Dans ce schéma, les secrétariats généraux jouent un rôle essentiel : ils sont des nœuds de coordination, des postes où l’on apprend à faire cohabiter l’impératif politique, les contraintes techniques et les réalités budgétaires. Être secrétaire général dans un ministère expose aussi à la gestion quotidienne : textes réglementaires, marchés publics, arbitrages de ressources humaines, et suivi de chantiers qui s’étendent sur plusieurs années.

La question de la formation, souvent mise en avant dans les notices, participe également à la construction de l’image publique : celle d’un profil technocratique, présenté comme rompu aux méthodes de gouvernance et à l’organisation administrative. Au Cameroun, l’ENAM (École nationale d’administration et de magistrature) joue traditionnellement ce rôle de fabrique des cadres supérieurs. Dans le récit public, ce type de cursus s’accompagne fréquemment d’expériences de perfectionnement, de séminaires ou de formations complémentaires, qui renforcent la posture de “gestionnaire” attendue d’un ministre.

Dans un pays où l’administration est parfois perçue à la fois comme indispensable et lourde, ce parcours technocratique a une double lecture. D’un côté, il crédibilise un responsable en lui attribuant des compétences de pilotage et de coordination. De l’autre, il l’identifie à un système administratif critiqué pour sa lenteur, sa complexité, voire sa distance avec les réalités du terrain. C’est précisément dans ce tiraillement que se construit ensuite, au ministère de la Santé, une partie de l’image de Malachie Manaouda : celle d’un responsable sommé d’agir vite dans des situations d’urgence, tout en restant soumis aux procédures et aux équilibres institutionnels.

Janvier 2019 : l’entrée au gouvernement et un ministère sous pression

La bascule politique intervient au début de l’année 2019. Malachie Manaouda est nommé ministre de la Santé publique le 4 janvier 2019, dans le cadre du gouvernement formé autour du Premier ministre Joseph Dion Ngute. Cette date n’est pas un simple repère : elle situe l’entrée en fonction avant l’irruption du Covid-19 (déclaré au Cameroun en 2020), ce qui signifie que, lorsque la pandémie frappe, le ministre est déjà installé, a commencé à prendre la mesure des dossiers internes, et doit brusquement gérer une crise d’ampleur mondiale.

Le ministère de la Santé publique est l’un des portefeuilles les plus exposés. Il touche à la vie quotidienne : hôpitaux, centres de santé, campagnes de vaccination, lutte contre les endémies, prévention, santé maternelle et infantile, approvisionnement en médicaments. Il se trouve aussi au croisement d’enjeux sensibles : l’équité territoriale (accès aux soins entre grandes villes et zones rurales), la prise en charge des plus vulnérables, la disponibilité des plateaux techniques, et l’articulation entre public et privé.

Sur le plan institutionnel, la mission du ministre de la Santé publique, telle que décrite sur des portails officiels, recouvre un champ large : organisation et gestion des formations sanitaires publiques, contrôle technique du privé, extension de la couverture sanitaire, prévention et lutte contre épidémies et pandémies, amélioration de la qualité des soins, et coopération médicale internationale, notamment en lien avec l’Organisation mondiale de la santé. Cette description éclaire une réalité : le ministre n’est pas seulement un “chef d’hôpital national”. Il est un stratège administratif, un responsable de normes et de politiques, un interlocuteur diplomatique, et un arbitre entre priorités.

Cette dimension internationale est particulièrement importante pour comprendre l’exposition du titulaire du poste. En matière de santé, les financements, les appuis techniques et les programmes (vaccination, lutte contre le VIH/sida, tuberculose, paludisme, santé maternelle, etc.) reposent fréquemment sur des partenariats et des dispositifs multilatéraux. Dans ce cadre, la capacité d’un ministre à parler aux bailleurs, à sécuriser des appuis, à suivre des engagements, pèse autant que sa communication nationale.

Enfin, un ministère comme la Santé publique cristallise une forme de jugement immédiat : l’opinion n’évalue pas seulement des réformes sur le long terme, mais des résultats visibles. Des hôpitaux surchargés, des pénuries de médicaments, des grèves, ou au contraire l’ouverture de nouveaux services, deviennent rapidement des marqueurs d’action ou d’inaction. À partir de 2020, avec la pandémie, cette logique s’accélère : la santé devient un sujet politique central, et chaque prise de parole du ministre se trouve scrutée, commentée, contestée ou relayée.

Crises sanitaires : du Covid-19 aux alertes saisonnières, un ministère en première ligne

Quand la pandémie de Covid-19 s’installe, la Santé publique devient le poste où se concentrent à la fois l’attente de protection et la peur de la désorganisation. Pour le ministre, l’équation est complexe : coordonner des structures hospitalières, organiser la surveillance épidémiologique, gérer les dispositifs de dépistage et de prise en charge, décider de mesures de prévention, tout en répondant aux critiques sur la qualité des données, la disponibilité des équipements, ou l’accès aux soins.

La séquence Covid-19 a aussi produit des couches administratives : comptes dédiés, dispositifs de riposte, achats d’urgence, procédures accélérées. Ce sont ces mécanismes qui, ensuite, attirent l’attention des organes de contrôle. Dans un rapport d’audit portant sur l’exercice 2021, la Chambre des Comptes rappelle notamment l’existence d’un plan global de riposte chiffré sur trois ans et décrit l’architecture du fonds spécial et des programmes impliquant plusieurs ministères, dont celui de la Santé.

Au-delà de la pandémie, la continuité du ministère se mesure aussi à la gestion des épisodes récurrents : flambées de maladies, alertes de saison, surveillance des virus respiratoires, prévention communautaire. C’est dans ce cadre que, plus récemment, la communication officielle a pu s’appuyer sur des communiqués alertant sur une recrudescence saisonnière de syndromes grippaux, avec mention d’analyses d’échantillons et de virus en circulation.

Ce point est révélateur d’un changement durable : après le Covid-19, les messages de santé publique sur les virus respiratoires, la grippe, et la surveillance des symptômes ont pris une place plus visible dans l’espace public. Les autorités sanitaires se retrouvent à devoir expliquer l’incertitude, à distinguer les pathologies, à encourager des gestes de prévention, et à éviter les paniques inutiles. Cela suppose une capacité de pédagogie, mais aussi une gestion des rumeurs, particulièrement forte dans un contexte où la défiance envers les institutions peut s’exprimer rapidement sur les réseaux sociaux.

Dans cette dynamique, le rôle du ministre n’est pas seulement celui d’un décideur. Il est aussi, qu’il le veuille ou non, un porte-parole de la crédibilité scientifique de l’État. Chaque annonce sur des chiffres, sur des variants, sur une campagne de vaccination, ou sur une stratégie de prise en charge, engage la confiance. Or, la confiance ne se décrète pas : elle se construit dans la cohérence entre discours et expérience vécue par les citoyens, notamment dans les hôpitaux publics.

Il faut enfin rappeler que la santé publique ne se réduit pas aux urgences virales. La pression sur les systèmes de soins vient aussi des maladies non transmissibles, de la santé maternelle, des accidents, des complications liées à la pauvreté, ou des difficultés d’accès aux soins dans certaines régions. Dans l’espace médiatique, ces sujets sont souvent moins spectaculaires que les épidémies, mais ils composent le quotidien du ministère. La gestion d’un portefeuille comme celui-ci consiste donc à arbitrer entre le temps long (réformes, infrastructures, formation) et le temps court (crises, alertes, réponses immédiates), avec un niveau d’exposition rarement comparable.

Une figure politique, entre loyauté partisane, communication d’État et image personnelle

Malachie Manaouda est généralement présenté comme membre du RDPC, le parti au pouvoir. Cette appartenance situe d’emblée son action dans un cadre politique : celui d’un gouvernement qui s’inscrit dans la continuité de l’exécutif camerounais et de ses orientations. Dans ce contexte, un ministre est à la fois un gestionnaire et un acteur de la cohésion gouvernementale. Il doit appliquer une ligne, défendre des arbitrages, et maintenir une solidarité d’équipe, même lorsque les critiques se concentrent sur son portefeuille.

Au Cameroun, comme ailleurs, la pandémie a fait évoluer la communication des responsables publics. Les ministres de la Santé, partout dans le monde, ont été poussés à occuper l’espace médiatique, à se rendre visibles, à incarner la riposte. Cette visibilité a une contrepartie : elle “personnalise” des politiques parfois collectives, impliquant plusieurs ministères, des autorités locales, et des partenaires techniques. Lorsqu’un dispositif fonctionne, le mérite est diffus ; lorsqu’il dysfonctionne, la responsabilité se focalise.

Dans le cas de Malachie Manaouda, la construction d’une image publique passe aussi par des registres plus personnels. Son nom apparaît associé à des publications, présentées comme des essais ou des ouvrages, qui relèvent davantage du champ politique et intellectuel que de la santé stricto sensu. Pour un ministre, publier est une manière de se positionner : comme un acteur qui ne se réduit pas à un rôle technique, mais revendique une réflexion plus large sur les enjeux de société, de paix, ou de gouvernance.

Cette articulation entre technocratie et politique est au cœur du personnage public. D’un côté, son profil est souvent décrit comme celui d’un administrateur civil, rompu aux rouages de l’État. De l’autre, la longévité dans un poste exposé, la présence dans l’espace médiatique, la capacité à porter un récit gouvernemental sur la santé, le transforment en figure politique à part entière. Dans un système où la stabilité des équipes gouvernementales et la loyauté sont des critères importants, la capacité à tenir un portefeuille sous pression devient un signal : celui d’une confiance maintenue, ou d’une aptitude à gérer l’exposition.

Il existe aussi une dimension territoriale et symbolique. Être originaire de l’Extrême-Nord, région souvent citée pour ses défis spécifiques, peut renforcer l’attente d’une représentation et d’une attention particulière aux réalités de certaines zones. Cette lecture est fréquente dans les sociétés où l’équilibre régional est un élément du débat politique. Mais elle peut aussi accroître les attentes : la population veut voir des effets concrets, des améliorations dans les infrastructures et l’accès aux soins, et pas seulement une présence symbolique.

Enfin, la communication d’un ministre de la Santé est un exercice d’équilibriste. Il faut rassurer sans minimiser, alerter sans paniquer, annoncer sans promettre l’impossible. Les épisodes d’alertes saisonnières, par exemple, demandent une précision scientifique et une clarté pédagogique qui ne sont pas naturelles dans un environnement politique. La manière dont ces messages sont reçus dépend fortement de la crédibilité accumulée pendant les crises précédentes.

Controverses, audits et débat sur la redevabilité dans la gestion des fonds sanitaires

Aucun portrait journalistique d’un ministre de la Santé ayant traversé la période Covid-19 ne peut ignorer la question de la transparence et de la redevabilité. Comme dans de nombreux pays, la riposte sanitaire a impliqué des dépenses exceptionnelles, des procédures accélérées, et des dispositifs financiers spécifiques. Au Cameroun, des audits ont examiné ces règles et leurs applications, et certains rapports ont alimenté des controverses publiques.

Le troisième rapport d’audit portant sur l’exercice 2021 rappelle le cadre global : la création d’un compte spécial, des programmes répartis entre plusieurs ministères, et des enjeux de pilotage stratégique. Il revient aussi sur les audits portant sur 2020, en mentionnant notamment la publication d’un premier rapport centré sur trois ministères parmi les plus impliqués, dont la Santé publique.

Dans le débat public, ces éléments nourrissent deux lectures concurrentes. La première insiste sur l’urgence de la période : agir vite, protéger la population, équiper des structures, organiser la prise en charge. La seconde met en avant les risques : fragilisation des contrôles, opacité, inflation des coûts, et difficulté à retracer certains circuits de dépenses. Entre les deux, les autorités se retrouvent sommées d’expliquer, de documenter et de justifier.

La question, pour Malachie Manaouda, est d’autant plus délicate que le ministère de la Santé se situe au cœur de la riposte : il porte une partie du pilotage opérationnel, il gère des structures de prise en charge, il coordonne des dispositifs de terrain. Lorsque des critiques surgissent sur l’utilisation des fonds, elles touchent donc directement l’image du ministère et de son titulaire, même si la chaîne de décision est souvent plus complexe qu’un seul nom.

Il faut également distinguer les niveaux : les constats d’un audit, les interprétations médiatiques, les polémiques politiques, et les éventuelles suites administratives ou judiciaires ne se confondent pas. Mais l’opinion, elle, retient souvent une chose : l’idée que l’argent de la crise doit être traçable et que les responsables doivent rendre des comptes. Dans un secteur aussi sensible que la santé, cette exigence est renforcée : parce que chaque franc dépensé ou mal dépensé se traduit potentiellement en lits manquants, en ruptures de médicaments, en personnels insuffisants.

Cette pression de redevabilité participe d’une transformation plus large : la santé publique n’est plus seulement un domaine technique, c’est un terrain politique majeur. Le ministre devient comptable non seulement des politiques, mais des procédés, des marchés, de la transparence. La manière dont le gouvernement répond à ces controverses influe sur la confiance et sur l’acceptation des messages sanitaires futurs.

Au bout du compte, la question “qui est Malachie Manaouda ?” dépasse le simple curriculum vitae. C’est l’histoire d’un haut fonctionnaire devenu ministre à un moment où la santé allait s’imposer comme priorité nationale et mondiale, et d’un responsable qui incarne désormais une fonction exposée, évaluée au prisme des crises, des résultats concrets et des controverses sur la gestion. Ministre depuis 2019, il reste, qu’on le soutienne ou qu’on le critique, l’un des visages les plus identifiables de l’action publique camerounaise en matière de santé.

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