Nommé au sein d’un gouvernement de transition dans un pays confronté à une urbanisation rapide, à des tensions foncières persistantes et à une forte demande de logements, Mikaïlou Sidibé s’est imposé ces dernières années comme l’un des visages technocratiques de l’exécutif burkinabè. Ingénieur des travaux publics et économiste des transports, il est propulsé à la tête du portefeuille en charge de l’urbanisme, des affaires foncières et de l’habitat à l’automne 2022, avec un mandat qui dépasse largement la simple gestion administrative : remettre de l’ordre dans un secteur sensible, accélérer la production de logements, encadrer la promotion immobilière, moderniser les outils de planification urbaine, tout en répondant à des urgences très concrètes comme les inondations ou la qualité des constructions.
Dans l’espace public, son nom circule à la fois dans la rubrique gouvernementale et dans celle des politiques publiques de la ville. À Ouagadougou comme dans les autres centres urbains, la question du logement et du foncier touche à la vie quotidienne : coût des terrains, accès à des parcelles viabilisées, régularisation, lotissements, prévention des occupations à risque, encadrement des opérateurs immobiliers. Derrière ces enjeux, se dessine le profil d’un responsable politique formé à l’ingénierie et à l’économie appliquée, et dont la trajectoire revendique une culture des projets et des résultats.
Un parcours technocratique : ingénieur, économiste des transports, gestionnaire de projets
Les présentations officielles et plusieurs portraits de presse convergent sur un point : Mikaïlou Sidibé arrive au gouvernement avec un bagage technique. Il est décrit comme ingénieur des travaux publics et économiste des transports, avec une expérience dans la gestion de projets et programmes de développement d’infrastructures : transport, hydraulique, énergie, télécommunications.
Ce positionnement n’est pas anodin dans un ministère où la crédibilité se joue aussi sur la capacité à piloter des chantiers, à arbitrer des choix de planification, à dialoguer avec des acteurs multiples (collectivités territoriales, opérateurs immobiliers, services techniques, bailleurs, autorités de contrôle). L’urbanisme n’est pas seulement une affaire de textes : c’est une mécanique de terrain, faite de plans, de réseaux, de contraintes physiques, de normes, et de compromis entre l’intérêt général et des intérêts privés parfois puissants.
Son profil est régulièrement associé à l’expertise “infrastructures” et, en particulier, à son passage dans l’environnement du G5 Sahel sur des sujets techniques. La presse burkinabè a ainsi déjà mis en avant son rôle d’expert infrastructures, tandis qu’un entretien plus ancien le présente comme une voix capable de vulgariser et d’éclairer l’opinion sur des dispositifs régionaux.
Au-delà du CV, ce type de trajectoire renvoie à une tendance plus large observée dans plusieurs gouvernements africains : le recours à des profils à dominante technocratique pour des secteurs où l’État est jugé sur des résultats visibles. Dans l’habitat et le foncier, les résultats se mesurent vite : des logements livrés, des opérations de viabilisation, des procédures raccourcies, des lotissements mieux encadrés, des textes plus clairs, des conflits fonciers moins explosifs. À l’inverse, la moindre défaillance y devient rapidement politique.
Dans le cas de Mikaïlou Sidibé, un autre élément revient dans les papiers : la question de l’âge au moment de sa nomination (souvent présentée comme “bientôt 42 ans” lors de sa prise de fonctions) et, parfois, des informations d’état civil reprises par certains médias. Ces mentions, parce qu’elles circulent, contribuent à façonner un récit : celui d’un cadre relativement jeune propulsé à un secteur exigeant, dans une période de transition où le tempo politique est accéléré.
De la nomination à l’exercice du pouvoir : une prise de fonctions en 2022 dans un ministère sensible
Le tournant public de sa carrière politique intervient en novembre 2022. Plusieurs articles relatent sa nomination en remplacement de Yacouba Dié à la tête du ministère en charge de l’urbanisme, des affaires foncières et de l’habitat, dans le cadre d’un remaniement. D’autres précisent la séquence protocolaire : installation officielle à la tête du ministère quelques jours plus tard, à Ouagadougou.
Le contexte de cette succession pèse sur le démarrage. Une partie de la presse rappelle que son prédécesseur était contesté sur des dossiers emblématiques liés au logement et à des infrastructures, ce qui place d’emblée le nouveau ministre devant une double attente : rassurer sur la gouvernance et accélérer l’action. Dans un secteur où l’opinion publique est sensible à la transparence (attributions, parcelles, marchés, choix des sites), le ministère est observé comme un baromètre de l’efficacité de l’État.
À partir de là, Mikaïlou Sidibé devient une signature gouvernementale sur des événements publics, des visites de chantiers et des séquences de réforme. Des comptes rendus mentionnent, par exemple, des inspections liées à des programmes de construction et des objectifs chiffrés, dans un cadre présenté comme un programme national de construction de logements.
Dans un pays où les grandes villes attirent une population croissante, les problématiques d’habitat se superposent : déficit de logements accessibles, extension urbaine, pression sur le foncier, multiplication des zones non loties, vulnérabilité face aux inondations, difficultés d’entretien des ouvrages d’assainissement. Le ministère se retrouve à la croisée de politiques publiques qui touchent aussi bien la planification urbaine que la cohésion sociale.
Le positionnement politique du ministre s’inscrit, lui, dans les contraintes d’une transition : nécessité de produire des résultats rapides, mais aussi de poser des cadres durables. C’est ici que se comprend la place donnée aux textes (promotion immobilière, code de l’urbanisme, documents de planification) et aux indicateurs de performance.
Les chantiers emblématiques : logement, promotion immobilière, urbanisme et modernisation des règles
Une partie de l’action attribuée à Mikaïlou Sidibé se lit à travers des chantiers et des annonces, souvent structurés autour de la production de logements et de l’encadrement de la promotion immobilière. En juin 2023, par exemple, le ministre prend la parole sur un projet de loi relatif à la promotion immobilière, en insistant sur l’objectif affiché de mettre fin à des “dérives” telles que l’accaparement des terres et certaines occupations, tout en réfutant l’idée d’une loi faite pour déposséder. Cette séquence illustre un enjeu politique central : réformer sans déclencher une peur sociale sur la propriété, dans un contexte où le foncier est un sujet hautement inflammable.
Autre axe : la modernisation des outils d’urbanisme. Des articles récents évoquent une dynamique de réforme autour du code de l’urbanisme et des documents de planification, en mettant en avant l’utilité stratégique d’un plan d’urbanisme pour organiser le territoire et planifier l’occupation de l’espace. Dans un langage de politique publique, cela revient à dire que l’État veut mieux anticiper au lieu de subir, et doter les collectivités de documents opposables, lisibles et régulièrement mis à jour.
À côté des textes, il y a la matérialité des chantiers. Des comptes rendus mentionnent des visites d’inspection de projets de logements, avec des calendriers, des phases et des objectifs. Le ministre apparaît aussi lors de cérémonies de remise de logements à des publics vulnérables, image classique d’une politique sociale du logement où le symbole compte autant que le volume.
Cette communication par l’action visible sert une logique : montrer que l’habitat n’est pas qu’une affaire de plans et de décrets. Mais ces annonces exposent aussi l’exécutif à une évaluation permanente : combien de logements réellement livrés, à quel prix, pour quels bénéficiaires, avec quelle transparence, quelle qualité de construction, quelle accessibilité aux services (eau, électricité, routes, écoles) ?
Dans un pays confronté à des risques sanitaires liés au cadre de vie, la question de l’hygiène, de l’assainissement et de l’environnement urbain rejoint aussi le champ de l’habitat. Un article relate ainsi une opération de lutte antivectorielle liée à la dengue, où Mikaïlou Sidibé (alors présenté avec l’intitulé ministériel de l’époque) appelle à l’implication des populations et à l’adoption de bonnes pratiques d’hygiène et d’assainissement. Même si ce type de sujet dépasse strictement l’urbanisme, il rappelle une réalité : l’organisation des quartiers, la gestion des eaux, les déchets et les espaces publics ont des effets directs sur la santé.
Enfin, dans le débat public burkinabè, la question des inondations est récurrente, et certains médias attribuent au ministère, sous sa direction, une mobilisation spécifique sur ce front. C’est un enjeu où l’urbanisme devient une politique de prévention : éviter de construire dans des zones à risque, aménager les écoulements, renforcer les normes, faire respecter les servitudes, et, lorsque les catastrophes surviennent, gérer les urgences et la reconstruction.
Une gouvernance sous contrôle : contrats d’objectifs, indicateurs de performance et redevabilité
Dans la façon dont l’action de Mikaïlou Sidibé est racontée, un marqueur revient : la référence à des contrats d’objectifs, à des bilans à mi-parcours et à des taux d’exécution. Cela donne un style de gouvernance orienté “tableau de bord”, dans lequel le ministre doit rendre compte au Premier ministre sur une période donnée.
Des dépêches et articles indiquent, par exemple, un taux d’exécution de mission annoncé à 88,77 % pour une année de référence, dans le cadre d’une évaluation liée au Premier ministère, avec des axes structurants. Plus récemment, des bilans à mi-parcours pour 2025 font état d’un taux de réalisation à 60,23 % au 30 juin 2025, présenté devant le Premier ministre.
Ces chiffres, au-delà de leur valeur brute, jouent un rôle politique : ils servent à prouver que le ministère ne navigue pas à vue et qu’il existe des engagements mesurables. Ils permettent aussi de hiérarchiser les priorités (planification, aménagement, logement, gouvernance foncière, qualité des constructions) et d’installer l’idée d’une redevabilité, particulièrement recherchée dans des périodes où l’État veut afficher de la rigueur.
Mais cette logique de performance comporte aussi des limites. Un pourcentage élevé n’éteint pas, à lui seul, les tensions quotidiennes sur le foncier, ni l’insatisfaction liée aux prix du logement. Il ne répond pas non plus automatiquement aux questions sur les délais administratifs, la transparence des procédures ou la qualité des ouvrages. En urbanisme, la réussite se juge autant sur la cohérence d’ensemble que sur la livraison d’objets ponctuels.
La tenue de sessions administratives sectorielles et les projections vers l’année suivante sont également rapportées comme des moments de cadrage et d’orientation. Une session de fin 2024 est décrite comme un espace où le ministère “évalue ses actions et se projette” vers 2025, sous la présidence du ministre. Là encore, le message implicite est celui d’un pilotage par cycles, avec planification et programmation.
Cette manière d’exercer le pouvoir colle au profil initial : un technicien devenu politique, cherchant à faire converger la logique de chantier (délais, coûts, standards) et la logique d’État (règles, arbitrages, cohésion sociale). Reste que l’habitat demeure un secteur où la politique rattrape toujours la technique : parce qu’il touche au patrimoine des ménages, à la sécurité, à l’inégalité et à l’avenir des villes.
Quel rôle dans le Burkina Faso de la transition ? Image publique, contraintes et perspectives
Dans l’imaginaire politique, l’homme de l’habitat n’est jamais seulement un ministre “sectoriel”. Il devient, souvent malgré lui, l’un des arbitres des frustrations urbaines : ceux qui attendent une parcelle, ceux qui dénoncent les lotissements irréguliers, ceux qui se sentent exclus des zones viabilisées, ceux qui paient des loyers élevés, ceux qui vivent dans des quartiers exposés aux eaux ou au manque d’assainissement. À ce titre, Mikaïlou Sidibé est confronté à une équation : agir vite, sans donner le sentiment que l’État favorise quelques-uns.
Son image publique est régulièrement associée à une posture d’explication et de pédagogie, en particulier lorsqu’il s’agit de textes sensibles. L’épisode du projet de loi sur la promotion immobilière en est une illustration : la communication insiste sur l’objectif de lutte contre des dérives, tout en cherchant à calmer les inquiétudes sur la dépossession. Cette tension est permanente : toute réforme foncière, même justifiée, réveille des peurs. Et toute inaction, dans un secteur capté par des acteurs privés, nourrit le soupçon de complaisance.
À l’inverse, les mises en scène de chantiers (inspections, pose de premières pierres, remises de clés) répondent à une autre exigence : prouver que le gouvernement fait, et que la promesse de logements n’est pas un slogan. Les comptes rendus de projets de plusieurs centaines de logements, présentés comme s’inscrivant dans des programmes plus larges, participent de ce récit.
Le défi, pour un ministre du logement, est aussi celui de la durabilité. Produire des logements est une chose ; produire des quartiers vivables en est une autre. L’urbanisme moderne ne se résume pas à empiler des unités : il exige des voiries, des écoles, des centres de santé, des transports, des espaces publics, des réseaux d’eau et d’électricité, une gestion des déchets, des solutions d’écoulement des eaux. De ce point de vue, la mise en avant de documents de planification et de la modernisation des règles d’urbanisme renvoie à la volonté affichée de structurer la croissance urbaine.
Enfin, la trajectoire de Mikaïlou Sidibé illustre un phénomène politique important : dans des contextes de transition, la frontière entre technocratie et politique se brouille. L’expertise devient un capital politique, mais l’exercice du pouvoir transforme l’expert en décideur, exposé aux polémiques, aux urgences et aux arbitrages où la rationalité technique ne suffit plus.
À l’heure où son ministère continue d’être évalué à l’aune d’objectifs chiffrés, de réformes juridiques et de livraisons visibles, Mikaïlou Sidibé reste une figure à suivre : parce que la ville, au Burkina Faso, est l’un des théâtres où se joue la confiance entre l’État et les citoyens.



