À Djibouti, certains parcours ministériels sont étroitement liés à des chantiers de long terme : la protection sociale, la réduction des vulnérabilités, la santé communautaire, l’autonomisation des femmes, la protection de l’enfance. Mouna Osman Aden s’inscrit dans cette continuité. Depuis le 24 mai 2021, elle occupe la fonction de ministre de la Femme et de la Famille, après avoir été, au sein du même gouvernement, secrétaire d’État chargée des Affaires sociales à partir de 2016, puis ministre des Affaires sociales et des Solidarités à compter du 5 mai 2019. Son itinéraire public, documenté par des sources institutionnelles djiboutiennes, retrace une progression caractéristique des profils technico-politiques : une carrière initiale dans l’administration de la santé, puis un basculement vers les politiques sociales, avant une prise de responsabilité sur les sujets d’égalité de genre et de protection des familles.
Cette trajectoire n’est pas seulement une succession de postes. Elle raconte aussi, en filigrane, l’évolution des priorités affichées par l’État djiboutien : consolidation d’un filet de sécurité sociale, renforcement de programmes de transferts, structuration d’une stratégie de protection sociale, mise en place d’outils de ciblage, et, plus récemment, accélération d’agendas liés à la lutte contre les violences basées sur le genre, aux mutilations génitales féminines, et à la gouvernance de l’égalité femmes-hommes via des cadres stratégiques pluriannuels.
D’une carrière de santé publique aux responsabilités gouvernementales : un profil technico-administratif
Avant d’entrer au gouvernement, Mouna Osman Aden construit l’essentiel de sa légitimité dans le champ de la santé publique et de la coordination de programmes. Les éléments biographiques rendus publics par son ministère mettent en avant une expérience longue, à la fois stratégique et opérationnelle, dans la mise en œuvre de politiques sanitaires et la gestion de dispositifs financés ou soutenus par des partenaires internationaux.
Selon cette biographie officielle, elle est repérée au ministère de la Santé comme coordinatrice de programmes, notamment à partir de 2005, avec la coordination du Programme national de lutte contre le paludisme financé par le Fonds mondial. Elle occupe ensuite des fonctions de coordination du Programme élargi de vaccination, puis des responsabilités de direction dans le champ de la tuberculose, avant de devenir secrétaire permanente d’un comité de coordination multisectoriel et inter-partenaires pour le Fonds mondial. Ce type de fonctions est souvent associé à une exigence de pilotage : articulation entre administration centrale, terrain, acteurs non gouvernementaux, partenaires techniques et financiers, et obligation de résultats en matière d’indicateurs de santé.
La même source indique qu’elle a ensuite été secrétaire exécutive d’un comité intersectoriel de lutte contre le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose, structure rattachée au ministère de la Santé, tout en étant conseillère technique du ministre de la Santé sur ces dossiers. Cette double position — coordination institutionnelle et conseil technique — éclaire un aspect central de son profil : la capacité à passer du suivi de programmes à la formulation de politiques, puis à la décision publique.
Dans les pays où l’appareil d’État s’appuie fortement sur des programmes soutenus par des bailleurs ou des organismes internationaux, ces parcours peuvent servir de tremplin vers le gouvernement : parce qu’ils familiarisent les cadres aux mécanismes de financement, aux exigences d’évaluation, et à la construction de cadres stratégiques. Pour Mouna Osman Aden, la bascule se produit en 2016, lorsqu’elle intègre l’équipe gouvernementale en tant que secrétaire d’État chargée des Affaires sociales.
Ce passage n’est pas un simple changement de secteur. Il marque aussi un déplacement du registre sanitaire vers celui des politiques sociales au sens large : lutte contre la pauvreté, vulnérabilité sociale, accès aux services sociaux de base, dispositifs de soutien aux ménages, et, de plus en plus, intégration de la dimension genre dans les politiques publiques. Les éléments biographiques officiels insistent d’ailleurs sur cette continuité : la maîtrise des problèmes de santé communautaire, l’introduction de la dimension genre, et l’usage de la communication pour le développement comme outil de mobilisation sociale.
À ce stade, l’image qui se dessine est celle d’une responsable d’État issue de la « machine » administrative, formée au langage des programmes, des dispositifs et des indicateurs, et dont l’entrée en politique se fait par la voie gouvernementale plutôt que par un mandat électif mis en avant publiquement.
2016-2019 : secrétaire d’État chargée des Affaires sociales, la porte d’entrée dans l’action sociale
En 2016, Mouna Osman Aden est nommée secrétaire d’État chargée des Affaires sociales. La fonction, telle qu’elle apparaît dans les chronologies officielles, correspond à une première prise en main d’un portefeuille où se croisent urgence sociale et planification. Le contexte djiboutien, marqué par des enjeux de pauvreté, de vulnérabilités, de mobilité régionale et de défis sanitaires persistants, place le secteur social au centre de l’action publique.
Les documents institutionnels présentent, pour cette période, une ambition structurante : s’attaquer au cœur des attributions sociales, c’est-à-dire la lutte contre la pauvreté, dans un cadre d’orientation plus large — notamment la Vision 2035 portée au sommet de l’État. Les termes employés par la biographie officielle décrivent une méthode : alliance entre le stratégique et le ponctuel, entre le long terme et la réponse à des situations de vulnérabilité immédiate.
La même biographie souligne un fait institutionnel notable : l’augmentation de la charge de travail du département et l’importance croissante des problématiques de solidarité auraient contribué à une évolution du périmètre, avec une « gradation » du secrétariat d’État en ministère des Affaires sociales et des Solidarités. Cet élément est important pour comprendre l’évolution de la place de Mouna Osman Aden : son portefeuille ne se limite pas à une fonction subalterne, mais s’inscrit dans une dynamique de montée en puissance du secteur social dans l’organigramme gouvernemental.
Sur le terrain des politiques publiques, cette période est présentée comme celle du lancement ou de la consolidation de dispositifs structurants : programmes répondant aux besoins de la population pauvre et des groupes vulnérables, transferts monétaires et quasi-monétaires, couverture santé gratuite, accès aux services sociaux de base, et programmes visant l’inclusion socio-économique. Les sigles apparaissant dans les documents publics — tels que le Programme national de solidarité famille (PNSF) ou le Programme d’assistance sociale en santé (PASS) — renvoient à une architecture de protection sociale qui combine aide directe, accès aux soins, et stratégie d’inclusion.
Dans une lecture journalistique, ce qui frappe n’est pas seulement la liste des programmes, mais la logique de structuration : il ne s’agit pas d’initiatives dispersées, mais d’un effort revendiqué de construction d’un « système » de protection sociale, avec des outils de ciblage et une stratégie nationale. Cette approche correspond à une tendance observée dans plusieurs pays africains : passer d’une aide sociale essentiellement réactive à des mécanismes plus institutionnalisés, dotés de cadres juridiques et de dispositifs de coordination.
C’est aussi une période où Mouna Osman Aden apparaît, dans la communication institutionnelle, comme une responsable attentive à la notion de capital humain : investir dans la santé, l’éducation, l’inclusion et la résilience des ménages, non seulement comme réponse sociale, mais comme pari de développement. En cela, son parcours reste cohérent avec sa formation initiale en santé publique : l’idée que la prévention, l’accès et la protection sont des leviers de stabilité.
2019-2021 : ministre des Affaires sociales et des Solidarités, la structuration d’une stratégie de protection sociale
Le 5 mai 2019, un remaniement ministériel intervient à Djibouti. Mouna Osman Aden est alors nommée ministre des Affaires sociales et des Solidarités. Ce passage du rang de secrétaire d’État à celui de ministre installe durablement son nom dans le paysage politique du pays, en lui confiant une responsabilité plus large sur l’architecture sociale de l’État.
La période est présentée, dans les documents officiels, comme celle de la consolidation et de la formalisation. Parmi les points les plus saillants figure l’adoption, par voie législative, d’une stratégie nationale de protection sociale 2018-2022, fondée sur un socle de droits pris en charge par l’État, et pensée selon une approche « cycle de vie ». Autrement dit : la protection sociale est envisagée comme un continuum qui accompagne les individus et les familles à différents âges et face à différents risques — pauvreté, maladie, vieillesse, handicap, chocs économiques.
Ce type de stratégie, lorsqu’elle est réellement mise en œuvre, suppose des arbitrages budgétaires, des capacités administratives, et une coordination intersectorielle. Les textes institutionnels soulignent que les axes de cette stratégie sont conformes aux Objectifs de développement durable des Nations unies, et qu’elle vise la promotion du capital humain. Dans une perspective de presse, cela permet de situer l’action de la ministre dans une double légitimité : nationale (vision politique) et internationale (cadres de référence globalisés).
Les informations publiques mentionnent également l’accompagnement de cette stratégie par un dispositif juridique organisant l’économie sociale et solidaire, dans l’objectif d’offrir un cadre au développement de l’autonomie des ménages pauvres. Il est aussi question de programmes favorisant l’accès à la microfinance pour créer des activités génératrices de revenus (AGR), individuelles ou collectives. Ce volet signale un choix politique : la protection sociale ne serait pas seulement compensatoire, mais orientée vers l’autonomisation économique et la réduction de la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.
Sur le plan des publics prioritaires, la biographie officielle attribue à la ministre un rôle dans l’adoption, dès 2017, de textes juridiques visant à promouvoir la situation des personnes handicapées et des personnes âgées. Là encore, le point n’est pas seulement normatif : il concerne l’élargissement du périmètre de la solidarité publique à des catégories souvent laissées à la charge des familles, et l’affirmation d’une responsabilité de l’État.
Un autre élément est mis en avant : l’ouverture de guichets sociaux depuis 2017 sur l’ensemble du territoire national, la formation de travailleurs sociaux, et la mise en place d’un guichet social national, présenté comme une plateforme de référence pour un ciblage « juste et transparent » des bénéficiaires. Cette insistance sur le ciblage, la transparence, et l’outillage administratif correspond à l’une des critiques fréquentes des politiques sociales : la difficulté à identifier les publics, éviter les doublons, et garantir l’équité dans l’accès aux aides. En valorisant ces outils, la communication institutionnelle associe Mouna Osman Aden à une modernisation de l’administration sociale.
La dimension internationale, enfin, apparaît comme un marqueur de reconnaissance : la biographie la présente comme membre d’un mécanisme africain d’évaluation par les pairs en matière de protection sociale, et membre du partenariat mondial pour une protection sociale universelle, souvent désigné sous le nom d’USP2030. Ces appartenances sont utilisées, dans les supports publics, pour souligner l’insertion de Djibouti dans des réseaux d’expertise et de gouvernance du social.
Entre 2019 et mai 2021, Mouna Osman Aden incarne donc un portefeuille où la politique se fait par les instruments : stratégies, textes, programmes, plateformes, coordination. En mai 2021, un nouveau remaniement va déplacer son centre de gravité.
Depuis 2021 : ministre de la Femme et de la Famille, entre égalité de genre, protection de l’enfance et diplomatie sociale
Le 24 mai 2021, Mouna Osman Aden devient ministre de la Femme et de la Famille. Une cérémonie de passation est documentée dès les jours suivants, marquant sa prise de fonctions. Ce changement de portefeuille ne signifie pas un abandon des questions sociales : au contraire, le ministère de la Femme et de la Famille se situe à l’intersection de la protection sociale, de la lutte contre les violences, de l’autonomisation économique, et de la politique familiale.
Depuis cette date, les informations publiques la montrent engagée sur plusieurs axes.
Le premier concerne la gouvernance de l’égalité de genre. Les médias institutionnels et nationaux relaient la préparation et la mise en place d’une nouvelle Politique nationale du genre (PNG) pour la période 2023-2030, présentée comme un cadre de référence et d’orientation pour l’action du gouvernement et des partenaires. Cette politique s’inscrit dans la continuité d’une précédente période stratégique (2011-2021), et vise à répondre aux enjeux sociaux actuels en coordonnant politiques et programmes pour garantir les droits des femmes. Dans ce cadre, il est notamment question, dans les déclarations rapportées, de la mise en place d’un conseil consultatif national pour l’égalité des chances femmes-hommes, avec un suivi-évaluation à l’échelle centrale et régionale.
Le deuxième axe porte sur la lutte contre les violences basées sur le genre et l’accompagnement des survivantes. Des articles récents de la presse nationale évoquent des projets visant un soutien holistique aux survivants de violences, avec l’implication de partenaires internationaux (agences onusiennes, bailleurs, coopérations bilatérales). Si les détails techniques peuvent varier selon les programmes, le signal politique est clair : le ministère se positionne comme pilote ou coordinateur d’actions structurées sur un sujet longtemps traité en marge.
Le troisième axe, fortement mis en avant ces dernières années, concerne la lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF). La ministre est citée dans des initiatives nationales et internationales sur ce thème. Djibouti a été nommé, en sa personne, au comité directeur d’un programme mondial visant à éliminer les MGF, dirigé conjointement par l’UNFPA et l’UNICEF. Par ailleurs, l’Union africaine a communiqué sur une cérémonie présidée par Mouna Osman Aden lors de la signature par Djibouti d’une convention africaine visant à mettre fin à la violence contre les femmes et les filles, présentée comme un jalon symbolique dans l’engagement du pays.
La protection de l’enfance constitue un quatrième axe. Des comptes rendus d’activités indiquent que la ministre a présidé ou participé à des sessions de haut niveau sur les droits de l’enfant, en rappelant l’adhésion de Djibouti à des accords internationaux et l’existence de stratégies mises en œuvre depuis la création du ministère en 1999. Dans le discours public, l’argument est souvent celui de la continuité : l’action gouvernementale s’inscrit dans le temps long, avec des instruments stratégiques successifs.
Enfin, un cinquième volet relève de la diplomatie sociale. Mouna Osman Aden apparaît régulièrement comme émissaire du chef de l’État lors de missions à l’étranger, portant des messages ou des démarches politiques, notamment auprès de chefs d’État partenaires. Cette dimension rappelle que certains portefeuilles, au-delà de leurs responsabilités sectorielles, servent aussi de relais diplomatiques, en particulier lorsqu’ils touchent à des agendas internationaux (genre, droits humains, protection sociale) fortement présents dans les relations multilatérales.
Au total, depuis 2021, Mouna Osman Aden incarne une articulation entre politique sociale interne et insertion internationale : le ministère de la Femme et de la Famille devient un point d’ancrage pour des engagements régionaux et globaux, tout en restant chargé de dispositifs nationaux concrets.
Lecture politique : ce que son parcours dit de l’État social djiboutien et des enjeux à venir
Le portrait de Mouna Osman Aden, tel qu’il peut être dressé à partir d’informations publiques vérifiables, est celui d’une femme politique dont l’ascension se fait par la compétence technico-administrative et la gestion de politiques publiques, plus que par une trajectoire partisane largement médiatisée. Cela n’empêche pas une dimension politique : au contraire, les secteurs qu’elle a dirigés sont parmi les plus sensibles, parce qu’ils touchent directement la vie quotidienne des citoyens et les équilibres sociaux.
Son passage des programmes de santé publique aux Affaires sociales, puis à la Femme et à la Famille, traduit une logique de continuité : s’occuper des vulnérabilités, mais en changeant d’échelle. La santé communautaire l’expose aux déterminants sociaux de la santé ; les Affaires sociales l’installent dans la lutte contre la pauvreté et la construction de filets de sécurité ; la Femme et la Famille élargit l’action à l’égalité, à la protection contre les violences, et à la défense des droits des enfants.
Dans cette séquence, la question centrale devient celle de la mise en œuvre. Les stratégies, cadres juridiques et dispositifs sont essentiels, mais leur efficacité dépend de la capacité à les financer, les coordonner et les évaluer. Les programmes de transferts, la couverture santé gratuite, les guichets sociaux, ou les mécanismes de protection contre les violences nécessitent des ressources humaines qualifiées, des systèmes d’information fiables, des indicateurs, et une coopération étroite entre administrations centrales, régions et partenaires.
Autre enjeu : l’équilibre entre ciblage et universalité. Les documents publics mettent en avant le ciblage « juste et transparent » des bénéficiaires. C’est un point sensible dans toutes les politiques sociales : trop de ciblage peut exclure des personnes vulnérables mal identifiées ; trop d’universalité peut diluer les ressources. La manière dont Djibouti arbitre ce dilemme, et la façon dont le ministère s’insère dans une architecture plus large (finances publiques, santé, éducation, emploi), conditionnent la perception et l’impact de ces politiques.
Sur l’égalité de genre, la Politique nationale du genre 2023-2030 donne un horizon, mais la transformation sociale est lente. Les défis incluent l’accès des femmes aux responsabilités, l’autonomie économique, l’effectivité des droits, et la lutte contre les normes discriminatoires. La création annoncée d’instances consultatives et de dispositifs de suivi-évaluation correspond à une approche de gouvernance ; reste l’épreuve de la coordination et de l’appropriation, notamment au niveau local.
Sur les violences basées sur le genre et les MGF, la visibilité internationale est un levier, mais elle expose aussi à l’exigence de résultats. Les engagements au sein de programmes mondiaux, les conventions et les comités directeurs peuvent renforcer la mobilisation et attirer des ressources, mais ils amplifient également les attentes en matière de prévention, de prise en charge, de justice, et de changement de comportements.
Enfin, l’élément le plus marquant de ce parcours est peut-être la cohérence : Mouna Osman Aden est associée, de façon répétée, à l’idée d’un État protecteur — un État qui construit des systèmes, des stratégies, et des outils. Dans un pays où les tensions régionales, les défis économiques et les fragilités sociales peuvent se renforcer mutuellement, ce choix de placer au premier plan des portefeuilles sociaux et familiaux est un signal politique.
À la question « qui est Mouna Osman Aden ? », les informations disponibles permettent donc une réponse précise : une responsable gouvernementale djiboutienne, issue de la santé publique, devenue une figure de la politique sociale, puis l’un des visages de l’agenda national sur l’égalité de genre, la famille et la protection de l’enfance. Une femme politique de dossiers, dont l’action se lit moins dans un récit personnel que dans l’architecture de politiques publiques qu’elle a contribué à piloter.



