Qui est Nadjiba Djilali, la femme politique ?

Dans la plupart des remaniements ministériels, certains noms surgissent comme des évidences et d’autres comme des signaux. Nadjiba Djilali appartient à cette seconde catégorie. Juriste de formation, avocate pendant plus d’une décennie, élue locale à Alger, puis présidente d’une assemblée de wilaya, elle s’est imposée en moins de quatre ans comme une figure de la nouvelle génération d’exécutants politiques promus au rang ministériel.

Son entrée au gouvernement, à l’automne 2024, s’est faite par l’environnement, un portefeuille devenu stratégique à mesure que s’intensifient les tensions sur l’eau, les déchets, la pollution urbaine, l’aménagement et, au-delà, l’adaptation aux dérèglements climatiques. Moins d’un an plus tard, en septembre 2025, elle change de périmètre et se voit confier les relations avec le Parlement, une fonction de coordination institutionnelle où le style, la méthode et la capacité à tenir l’agenda comptent autant que le fond. Derrière ce parcours, il y a une trajectoire d’élue de terrain, mais aussi le récit, soigneusement construit par les canaux officiels, d’une responsable présentée comme proche des préoccupations quotidiennes.

Qui est donc Nadjiba Djilali, et que dit son itinéraire de la manière dont se fabrique aujourd’hui la décision publique en Algérie ?

Une formation juridique et un passage durable par le barreau

Les éléments biographiques disponibles dessinent un profil classique de cadres administratifs et politiques algériens issus des facultés de droit d’Alger. Nadjiba Djilali suit des études universitaires en droit au début des années 2000 à Ben Aknoun, à Alger. Elle obtient une licence en sciences juridiques et administratives, avant de poursuivre un cursus de type magister, orienté vers l’exécution des décisions de justice et la procédure civile et administrative. Ces jalons académiques sont régulièrement mis en avant, car ils permettent de situer l’intéressée dans une culture institutionnelle où la maîtrise des textes et des procédures constitue un marqueur de crédibilité.

Avant de se consacrer pleinement à la politique, Nadjiba Djilali exerce le métier d’avocate. Cette période au barreau, mentionnée sur plusieurs notices et reprises par la presse algérienne, s’étend de 2008 à 2021. Dans le récit public, ce passage par la pratique judiciaire sert un double objectif : d’un côté, il signale une familiarité avec les réalités sociales (litiges, conflits de voisinage, contentieux administratifs) ; de l’autre, il crédite une capacité à traiter des dossiers, à structurer une argumentation et à naviguer dans l’architecture juridique de l’État.

Ces qualités sont d’autant plus valorisées que, dans le système algérien, les passerelles entre le monde juridique et les fonctions publiques sont nombreuses. La compétence procédurale et la discipline de travail sont des arguments récurrents lorsqu’il s’agit de justifier une nomination ministérielle. Dans le cas de Nadjiba Djilali, l’insistance sur le droit et l’expérience d’avocate prépare symboliquement sa bascule vers deux fonctions successives où la norme et l’intermédiation institutionnelle sont centrales : d’abord l’environnement (secteur encadré par des textes, des autorisations, des contrôles), puis les relations avec le Parlement (où la procédure, les calendriers, les réponses aux questions et l’articulation gouvernement-assemblées structurent l’action).

Des responsabilités locales à Alger, jusqu’à la présidence de l’APW

Avant d’entrer au gouvernement, Nadjiba Djilali se forge un parcours d’élue locale. Elle est notamment élue au niveau de la commune de Sidi M’Hamed, une zone urbaine d’Alger où la gestion de proximité (voirie, propreté, équipements, services) est un terrain politique concret, exposé aux attentes immédiates des habitants.

Le tournant intervient en décembre 2021, lorsqu’elle devient présidente de l’Assemblée populaire de la wilaya (APW) d’Alger. Cette fonction la place à la tête d’un organe délibérant à l’échelle de la wilaya, chargé de débats et d’avis sur le développement local, et qui constitue aussi un espace de visibilité. Plusieurs médias la décrivent comme la première femme à occuper la présidence de l’APW d’Alger depuis l’indépendance, un élément souvent repris pour souligner la dimension symbolique de son ascension.

Dans la communication institutionnelle et la presse nationale, cette étape est présentée comme un marqueur : l’idée qu’une responsable issue des assemblées locales, rompue à la gestion d’une collectivité importante, peut être propulsée au niveau de l’exécutif. Dans les faits, la présidence d’une APW, surtout celle d’Alger, est un poste observé de près : il combine enjeux budgétaires, arbitrages de projets, relation avec l’administration de la wilaya, et rôle d’interface avec les services exécutifs.

C’est aussi un poste où les initiatives publiques, même cérémonielles, deviennent des signaux politiques. En mars 2022, par exemple, Nadjiba Djilali préside une cérémonie organisée à l’APW à l’occasion du 8 mars, mettant en avant le rôle des femmes dans différents secteurs d’activité. Cet épisode, rapporté par la presse, illustre la manière dont l’élue construit un registre de discours : valorisation de la contribution des femmes, reconnaissance du travail dans les secteurs vitaux, et inscription dans une narration de modernisation.

À ce stade, elle n’est pas encore une figure nationale, mais son nom circule dans les circuits d’information politique. Le local devient alors un tremplin : la notoriété d’une élue s’élargit quand son territoire est la capitale, quand les cérémonies sont couvertes, et quand le poste occupé est déjà, en lui-même, un signe de confiance de l’appareil politique.

Novembre 2024 : l’entrée au gouvernement par l’environnement

Le 19 novembre 2024, Nadjiba Djilali est nommée ministre de l’Environnement et de la Qualité de la vie. Cette nomination intervient dans un contexte de remaniement au sein du gouvernement conduit par le Premier ministre Nadir Larbaoui. Elle succède à Fazia Dahlab, selon les annonces reprises par la presse et les notices biographiques.

Le choix du portefeuille n’est pas neutre. En Algérie comme ailleurs, l’environnement est un ministère à la fois transversal et politiquement sensible. Il touche aux services publics visibles (déchets, propreté, nuisances), à l’urbanisme et à la qualité de vie, mais aussi aux engagements internationaux sur le climat, à la coopération avec des agences onusiennes, et à la coordination avec d’autres secteurs (énergie, hydraulique, industrie, collectivités).

Au moment de sa prise de fonctions, des articles de presse insistent sur sa volonté de « conjuguer les efforts » et d’associer le citoyen et la société civile à l’atteinte des objectifs du secteur, conformément aux orientations de la présidence. Cette rhétorique s’inscrit dans une ligne de communication fréquente : l’environnement ne peut pas être une politique uniquement administrative ; il requiert, dit-on, une adhésion sociale, des changements de comportements, et une coordination entre institutions et acteurs civiques.

Dans le registre protocolaire, Nadjiba Djilali est aussi amenée à représenter l’État à l’international. En février 2025, elle participe, en tant que représentante du chef de l’État, à une réunion du Comité des chefs d’État et de gouvernement sur les changements climatiques, en marge du sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba. L’information, relayée par la presse nationale, souligne un point : son ministère ne se limite pas à la gestion interne, mais s’inscrit aussi dans une diplomatie environnementale régionale, où les engagements et annonces sont suivis de près.

Sur le plan de la coopération, elle reçoit à Alger, à l’été 2025, la coordonnatrice résidente des Nations unies en Algérie et la représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), pour discuter du renforcement de la coordination avec les agences onusiennes. Ce type de rencontre, classique dans l’activité ministérielle, signale néanmoins la place prise par le ministère dans l’architecture de projets (appui technique, programmes, accompagnement), et rappelle qu’une partie de l’action environnementale se joue aussi dans la capacité à attirer des partenariats et à aligner des priorités.

L’ensemble de ces séquences dessine une ministre encore récente, mais placée rapidement dans des formats de représentation et de coordination. Là où d’autres portefeuilles exigent des réformes internes immédiates, l’environnement impose souvent un équilibre : afficher une ambition, tenir un discours mobilisateur, et s’installer dans un réseau d’acteurs qui dépasse le seul ministère.

Septembre 2025 : le basculement aux relations avec le Parlement

Le 14-15 septembre 2025, Nadjiba Djilali change de fonction : elle est nommée ministre des Relations avec le Parlement dans le gouvernement dirigé par le Premier ministre Sifi Ghrieb, et remplace à ce poste Kaoutar Krikou. Les informations disponibles décrivent un échange de portefeuilles entre les deux responsables : Kaoutar Krikou récupérant l’environnement, tandis que Nadjiba Djilali prend les relations avec le Parlement.

Cette bascule mérite attention, car elle intervient après moins d’un an à l’environnement. Dans de nombreux systèmes politiques, les relations avec le Parlement sont une fonction charnière. Elle consiste à assurer le suivi des textes, l’articulation entre l’exécutif et les chambres, la préparation des réponses gouvernementales, l’accompagnement des projets de loi, et la gestion de l’agenda institutionnel. C’est un ministère de méthode, de calendrier et de coordination interministérielle autant que de substance.

Les comptes rendus de passation de pouvoirs rapportent une prise de fonctions au ton classique, fait de remerciements pour la confiance accordée par le président, et d’un engagement à servir les institutions constitutionnelles avec loyauté et dévouement. Dans ce type de séquence, le message est autant destiné aux parlementaires qu’aux autres membres du gouvernement : rappeler que la discipline institutionnelle et la continuité priment.

Pour Nadjiba Djilali, ce déplacement peut aussi se lire comme la reconnaissance de compétences transférables : capacité à organiser, à dialoguer, à porter des dossiers devant des interlocuteurs multiples. Après l’environnement, ministère transversal mais souvent dépendant d’arbitrages extérieurs, les relations avec le Parlement exposent à un autre type de pression : celle de la production normative et de la visibilité politique des débats parlementaires.

Il faut toutefois rester prudent dans l’interprétation : les sources disponibles décrivent la nomination et la passation, mais ne donnent pas, à ce stade, un bilan détaillé de son action à ce nouveau poste. Le calendrier, de toute façon, est court : à partir de septembre 2025, une partie de son activité se déroule dans une routine institutionnelle où les résultats sont moins spectaculaires que dans des portefeuilles « de terrain », mais où l’efficacité se mesure à la fluidité des échanges, au respect des procédures et à la capacité à éviter les blocages.

Une figure encore récente, entre symboles, communication et contraintes institutionnelles

Au final, Nadjiba Djilali apparaît comme une personnalité politique dont la notoriété se construit par étapes rapides : un socle juridique, un ancrage municipal, un poste majeur dans la wilaya d’Alger, puis deux fonctions ministérielles successives en moins de douze mois. Elle incarne, dans les récits officiels, une figure de promotion issue des assemblées locales, et, dans la presse nationale, un visage présenté comme accessible, parfois décrit à travers un registre de proximité.

Son parcours est aussi chargé d’une dimension symbolique, notamment lorsqu’il est rappelé qu’elle aurait été la première femme à présider l’APW d’Alger depuis l’indépendance. Dans un espace politique où les nominations féminines sont scrutées comme des indicateurs, cette donnée participe à la construction d’un profil « emblématique ». Elle permet aussi aux institutions de montrer une évolution, tout en maintenant des continuités : promotion de cadres issus des structures existantes, sans rupture organisationnelle.

Mais cette ascension s’effectue dans un cadre où les marges de manœuvre restent contraintes. À l’environnement, la ministre doit composer avec des compétences partagées, des budgets, des priorités gouvernementales et des arbitrages souvent décidés plus haut. Aux relations avec le Parlement, elle doit évoluer dans un espace où la procédure, la discipline et la coordination priment sur l’initiative spectaculaire. Dans les deux cas, la visibilité est forte, mais le pouvoir de transformation dépend de facteurs collectifs : décisions gouvernementales, coordination interministérielle, rapports de force institutionnels.

À ce stade, l’information publique disponible met surtout en avant des moments clés : nomination, prise de fonction, participation à des réunions internationales, rencontres avec des responsables onusiens, passations de pouvoirs. Un portrait journalistique fidèle doit donc assumer ses limites : on dispose d’éléments sur le cheminement institutionnel et sur des séquences de communication, mais beaucoup moins sur des réformes structurantes attribuables directement à son action personnelle.

Reste que son itinéraire dit quelque chose d’un mouvement plus large : la montée de profils formés au droit, passés par le local, appelés à gérer des portefeuilles de coordination. Nadjiba Djilali est, pour l’instant, davantage une figure de trajectoire qu’une figure de doctrine. Son identité politique publique se lit à travers les fonctions qu’elle occupe et les dispositifs institutionnels qu’elle incarne : d’abord la qualité de vie et l’environnement, puis la relation entre exécutif et Parlement. L’histoire, elle, s’écrira sur la durée : celle des décisions prises, des textes portés, et des résultats mesurables dans les dossiers où son nom restera attaché.

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