À Abidjan, son nom revient dès qu’il est question de politiques publiques liées aux femmes, à la famille et à l’enfance. À Odienné, dans le nord-ouest du pays, il s’inscrit depuis plus d’une décennie dans le quotidien municipal. Nassénéba Touré Diané occupe aujourd’hui une position singulière dans l’architecture politique ivoirienne : ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant depuis avril 2021, tout en restant une élue locale de premier plan, maire d’Odienné.
Son parcours, souvent présenté comme celui d’une technicienne devenue responsable politique, s’articule autour de trois lignes directrices : une formation et une expérience à l’international, une immersion dans l’appareil d’État à partir des années 2000, puis une consolidation par l’élection locale avant l’accès au rang ministériel.
Au-delà des intitulés, l’itinéraire de Nassénéba Touré Diané se lit aussi à travers les priorités d’un ministère exposé, en Côte d’Ivoire comme ailleurs, à des enjeux où se mêlent urgence sociale, normes juridiques, arbitrages budgétaires et attentes de résultats. En décembre 2025, devant le Sénat, elle défend ainsi un budget 2026 présenté comme un levier pour renforcer les actions de son département en faveur des femmes, des familles et des enfants, avec une attention particulière à la formation et à l’employabilité via le réseau des Instituts de formation et d’éducation féminine (IFEF).
Origines, formation et premiers repères
Nassénéba Touré Diané est née le 24 septembre 1972 à Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire, et est originaire d’Odienné, localité qui deviendra plus tard l’ancrage de sa carrière élective. L’information sur son état civil et son ancrage régional figure dans plusieurs notices biographiques institutionnelles et publiques, ce qui permet de la replacer dans une géographie politique ivoirienne où le nord du pays, longtemps structurant dans les équilibres partisans, occupe une place centrale.
À 19 ans, elle part poursuivre ses études aux États-Unis. Les biographies disponibles évoquent une formation en ingénierie dans le champ des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), ainsi qu’un diplôme de type bachelor en business international. Ces éléments, souvent résumés, ne détaillent pas systématiquement les établissements fréquentés, mais ils convergent sur l’idée d’un socle technique et managérial qui va façonner la suite du parcours : capacité à naviguer dans des environnements administratifs complexes, vocabulaire de la performance publique, et aisance dans les dispositifs de projet.
Les années de formation et de séjour aux États-Unis apparaissent également comme un moment fondateur sur le plan politique. Les récits biographiques soulignent une proximité précoce avec les structures du Rassemblement des Républicains (RDR) à l’étranger, en particulier au sein de la diaspora. Dans ces textes, l’engagement est présenté comme antérieur à l’exercice de responsabilités publiques en Côte d’Ivoire, ce qui permet de comprendre la nature hybride de son profil : technicienne de formation, mais immergée tôt dans l’organisation partisane.
Sur le plan personnel, les sources institutionnelles indiquent qu’elle est mariée et mère de trois enfants, et qu’elle est l’épouse de Mamadi Diané, présenté comme ex-conseiller spécial du président Alassane Ouattara. Ces éléments, souvent cités, sont généralement rapportés de manière factuelle, sans développer davantage, tant ils relèvent de la sphère privée. Dans le cas ivoirien, comme dans beaucoup de pays, la frontière entre biographie politique et exposition de la vie personnelle demeure un terrain sensible : le journalisme s’y tient d’autant plus prudemment quand les faits documentés sont limités à quelques lignes d’état civil.
De la carrière technique à l’appareil d’État
Avant d’entrer pleinement dans la vie politique nationale, Nassénéba Touré Diané se construit une trajectoire professionnelle dans des organisations et secteurs liés aux technologies et à la gestion. Les biographies indiquent un début de carrière aux États-Unis, avec un passage dans une entreprise de communication et télécommunications, puis une expérience à Washington dans l’écosystème d’institutions internationales, avant un retour en Côte d’Ivoire au milieu des années 2000.
Le retour au pays, autour de 2006 selon plusieurs notices, marque l’entrée dans des fonctions de coordination au sein d’un groupe de télécommunications, puis, dès 2007, l’arrivée dans l’administration ivoirienne comme conseillère technique au ministère en charge des NTIC. L’année suivante, elle est mentionnée comme conseillère technique à la Primature auprès du Premier ministre d’alors, Guillaume Kigbafori Soro, avant d’occuper ensuite des fonctions de conseillère spéciale lorsque celui-ci intègre l’Assemblée nationale.
Ces postes, souvent regroupés en une phrase dans les biographies, ont une portée politique réelle. Ils situent Nassénéba Touré Diané à l’interface entre expertise et décision, dans un moment de l’histoire ivoirienne où les institutions se recomposent et où l’État cherche à renforcer des administrations capables de porter des programmes structurants. Le domaine des NTIC, par nature transversal, expose aux dossiers de modernisation administrative, de coordination interministérielle et de conduite du changement. Même si les sources publiques ne détaillent pas la liste de projets suivis à cette époque, la nature même de ces fonctions éclaire le type de compétences valorisées : organisation, arbitrage, et capacité de synthèse.
Une étape ultérieure, davantage documentée, intervient en 2020 : elle est nommée directrice générale de Côte d’Ivoire Tourisme le 5 février 2020, selon des sources gouvernementales et biographiques. Cette fonction, au croisement de la promotion économique et de l’image internationale, la place sur un terrain où les objectifs publics sont mesurables (fréquentation, attractivité, partenariats), tout en la maintenant dans un registre exécutif. Elle n’y restera pas longtemps avant d’entrer au gouvernement, mais l’épisode est révélateur : dans les biographies, il s’ajoute à l’idée d’un profil de gestionnaire, à l’aise avec les instruments de l’action publique.
Odienné, la consolidation par l’élection locale
C’est par la mairie d’Odienné que Nassénéba Touré Diané ancre durablement sa présence politique. Les sources institutionnelles indiquent qu’elle devient la première femme maire d’Odienné, avec une entrée en fonction située en 2012 dans la biographie du ministère, et une victoire électorale municipale généralement référencée à 2013 dans d’autres notices publiques. Cette différence de datation reflète souvent la distinction entre une dynamique politique amorcée (désignation, élections locales, prise de fonction effective) et le calendrier institutionnel tel qu’il est repris par les notices. Ce qui, en revanche, apparaît constant, c’est l’ampleur symbolique de l’événement : une femme à la tête d’une commune dans un espace où les équilibres politiques et sociaux sont marqués par des traditions d’autorité locale et des réseaux partisans structurés.
Dans la biographie publiée par son ministère, l’action municipale est décrite en termes de projets, d’opportunités d’emploi pour les jeunes et d’investissements dans l’autonomisation des femmes. Le texte insiste aussi sur un engagement humanitaire, mentionnant la réhabilitation d’une grande mosquée à Odienné et l’assistance aux populations via une fondation intitulée « Faso Kanou ». Cette partie illustre une spécificité fréquente des trajectoires politiques ouest-africaines : l’articulation entre action publique et actions sociales portées par des réseaux ou fondations, souvent mobilisées pour répondre rapidement à des besoins que les services municipaux, limités budgétairement, ne couvrent pas entièrement.
La même biographie indique qu’en avril 2012 elle devient également 4e vice-présidente de l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI). ) Ce type de responsabilité renforce une visibilité nationale à partir d’une base locale : il ouvre des espaces de représentation, de plaidoyer auprès de l’État central et de participation à des rencontres internationales, notamment au sein de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), également mentionné.
La mairie d’Odienné sert aussi de rampe d’accès au registre des distinctions officielles. Les notices biographiques recensent plusieurs décorations et prix, dont un Prix d’excellence lié à la gestion municipale obtenu en 2014, ainsi que des distinctions dans des ordres nationaux, en 2014 et 2015 notamment. Les biographies institutionnelles, sans surprise, mettent en avant ces marqueurs de reconnaissance, qui fonctionnent dans l’espace public comme des attestations de performance, mais aussi comme des signaux politiques adressés à la base : l’élu local reconnu au sommet de l’État.
L’entrée au gouvernement et l’exercice du portefeuille Femme–Famille–Enfant
Le 6 avril 2021, Nassénéba Touré Diané est nommée ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant. Le portefeuille est, par nature, l’un des plus exposés au regard social : il touche à la protection des enfants et adolescents vulnérables, aux politiques familiales, à l’égalité des chances et à l’autonomisation des femmes, autant de thèmes où les annonces publiques sont attendues, mais où les résultats se mesurent à l’échelle du temps long. Les textes institutionnels présentent d’ailleurs le mandat central du ministère dans ces termes, en le rattachant aux orientations nationales.
En 2025, lors d’une séquence emblématique au plan de la politique sociale, l’Agence Ivoirienne de Presse rapporte sa présence à Oumé, à l’occasion de la réception officielle de la clôture de l’Institut de formation et d’éducation féminine (IFEF) de la localité. La ministre y met en avant l’importance de la formation comme levier d’indépendance économique et sociale, et encourage les femmes à utiliser l’infrastructure pour renforcer leurs compétences. La scène est révélatrice d’un axe souvent présenté comme prioritaire : l’employabilité via la formation professionnelle, adossée à un réseau d’instituts répartis sur le territoire.
Cette orientation est réaffirmée en décembre 2025, lors de la présentation du budget 2026 du ministère devant le Sénat. Selon l’AIP, le budget 2026 du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant est annoncé à 31,26 milliards de FCFA, adopté à l’unanimité par la commission compétente du Sénat, et structuré autour de quatre programmes : administration générale, promotion du genre et autonomisation des femmes, consolidation de la famille, protection des enfants et adolescents vulnérables. Le même article rattache l’action du ministère à des piliers du Plan national de développement (PND) et mentionne, au titre des acquis 2024, plus de 68 000 femmes formées dans 145 IFEF.
Ces données chiffrées, rares dans l’espace public en matière de politiques sociales, jouent un rôle clé dans la communication ministérielle : elles permettent de rendre l’action visible et d’objectiver, au moins en partie, l’effort public. Mais elles posent aussi la question centrale de l’évaluation : combien de ces formations débouchent sur une insertion durable ? Dans quels secteurs ? Avec quels revenus et quelle stabilité ? Les sources consultées ici ne détaillent pas ces indicateurs de suivi, ce qui est fréquent dans les comptes rendus d’audition budgétaire : l’outil sert d’abord à situer des priorités et à justifier des lignes de dépense, plus qu’à produire un bilan socio-économique complet.
Le travail ministériel se situe aussi dans une temporalité politique, marquée par la prééminence du RHDP au pouvoir et par des séquences électorales qui reconfigurent les discours publics. Dans l’espace médiatique ivoirien, les ministres sont régulièrement sollicités sur des sujets dépassant leur champ sectoriel. En juillet 2025, par exemple, la candidature d’Alassane Ouattara à un quatrième mandat est annoncée dans un contexte de tensions politiques, sujet sur lequel des figures du gouvernement et du parti présidentiel sont amenées à se positionner publiquement. Cette toile de fond compte pour comprendre la visibilité d’une ministre : les politiques sociales deviennent aussi un marqueur de légitimité et de bilan gouvernemental, brandi ou contesté selon les camps.
Une figure du RHDP, entre communication politique et attentes sociales
L’un des éléments récurrents dans les biographies de Nassénéba Touré Diané est sa fidélité au RDR puis au RHDP, et son rôle auprès de la diaspora à l’époque où elle vivait aux États-Unis. Le récit insiste sur une implication dès la création du RDR en 1994, et sur des responsabilités de mobilisation des femmes dans la région de Washington, Virginie et Maryland. Dans le langage partisan, ce type d’engagement est une ressource : il témoigne d’une ancienneté militante, qui pèse dans les équilibres internes et dans la distribution des rôles.
Cette dimension partisane apparaît aussi dans la biographie officielle du ministère, qui mentionne des fonctions politiques telles que coordinatrice RHDP du département d’Odienné ou directrice départementale de campagne lors de la présidentielle 2015 à Odienné. Le texte évoque également, au moment du référendum constitutionnel du 30 octobre 2016, un appel à voter « oui ». Là encore, l’information est rapportée sous forme de fait, sans que l’on dispose, dans les sources consultées, de détails sur le contenu de son argumentaire public à l’époque.
L’enjeu, pour une responsable politique occupant un ministère social, est de conjuguer deux formes de légitimité : la légitimité de gestion (résultats, budgets, programmes) et la légitimité d’incarnation (proximité, écoute, capacité à porter des causes). Dans les productions institutionnelles, Nassénéba Touré Diané est souvent décrite comme engagée sur l’autonomisation des femmes, la consolidation des valeurs familiales et la protection des droits de l’enfant. Les comptes rendus d’activités, eux, mettent en avant des visites de terrain, des inaugurations d’infrastructures et des messages autour de la formation et des compétences.
Mais l’exercice concret d’un tel ministère se heurte à des contraintes structurelles : insuffisance de services sociaux dans certaines zones, poids des normes sociales et des violences basées sur le genre, difficultés de prise en charge des enfants en situation de vulnérabilité, et nécessité de coordination avec la justice, l’éducation, la santé, l’intérieur. Les sources publiques consultées documentent surtout l’architecture des programmes et les annonces budgétaires, moins les mécanismes précis d’inter-ministérialité. Il est donc prudent, sur ce point, de s’en tenir aux faits disponibles : priorités affichées, dispositifs mentionnés, chiffres communiqués.
Enfin, la longévité à la tête d’une mairie tout en occupant un portefeuille ministériel pose une question de méthode politique : comment articuler l’action locale et la décision nationale ? Dans les systèmes politiques où l’ancrage territorial demeure une clé de stabilité, garder un bastion municipal permet de conserver un lien direct avec les attentes quotidiennes et de maintenir une base de soutien indépendante des aléas gouvernementaux. Les sources biographiques confirment qu’Odienné reste le point d’appui de Nassénéba Touré Diané.
Au final, la réponse à la question « qui est Nassénéba Touré Diané ? » se construit moins sur une formule que sur un faisceau d’éléments vérifiables : une élue locale de premier plan devenue ministre, issue du nord ivoirien, passée par les NTIC et des fonctions de conseil au cœur de l’État, engagée de longue date dans la galaxie RDR–RHDP, et aujourd’hui associée à une politique sociale fortement axée sur la formation et l’autonomisation, telle qu’elle est présentée dans les communications publiques récentes.



