Dans la nouvelle séquence politique ouverte au Botswana par l’alternance d’octobre 2024, un nom revient avec insistance lorsqu’il s’agit de diplomatie et de projection internationale : Phenyo Butale. Longtemps connu dans les milieux des médias et de la défense de la liberté d’expression, cet intellectuel devenu élu, puis ministre, incarne un profil singulier dans un paysage politique d’Afrique australe souvent marqué par des carrières forgées dans l’administration, le droit ou l’appareil partisan classique. Son itinéraire mêle engagement civique, recherche universitaire et stratégie politique, avant d’aboutir, en novembre 2024, à la tête du ministère des Relations internationales.
À la différence de figures davantage médiatisées à l’échelle continentale, Butale avance dans le débat public par touches successives : un parcours dans les organisations de la société civile, une entrée en politique via l’opposition, un passage au Parlement, puis un retour au premier plan dans le contexte du basculement historique qui a mis fin à près de six décennies de domination du Botswana Democratic Party (BDP). L’homme, désormais chargé de représenter le Botswana sur les scènes régionale et mondiale, se trouve au croisement de plusieurs enjeux : la consolidation d’une alternance saluée comme pacifique, la redéfinition d’une diplomatie attentive aux droits, et la nécessité, pour un pays dépendant de ses revenus miniers, d’élargir ses partenariats et ses marges de manœuvre.
Un parcours intellectuel : études au Botswana et doctorat en Afrique du Sud
Le profil public de Phenyo Butale se distingue d’abord par sa trajectoire universitaire. Plusieurs sources concordent pour rappeler qu’il a suivi un cursus à l’Université du Botswana, jusqu’au niveau master, avant de poursuivre un doctorat à l’Université de Stellenbosch, en Afrique du Sud.
Ce doctorat est explicitement mentionné dans des articles de presse botswanais et dans des documents universitaires : la plateforme SUNScholar de Stellenbosch répertorie des travaux associés à un auteur nommé “Butale, Phenyo” et décrit un travail de recherche portant sur la littérature postcoloniale et les représentations de la pauvreté dans plusieurs pays d’Afrique australe. De son côté, un portrait publié par Mmegi revient sur le calendrier et les contours de ce parcours, indiquant notamment qu’il a commencé son doctorat en 2010 et qu’il l’a achevé quelques années plus tard, sur un thème lié aux “représentations littérales de la pauvreté” et à l’apport des approches qualitatives.
À ces éléments s’ajoutent des mentions institutionnelles qui, même si elles sont parfois difficiles à consulter intégralement via certains sites, circulent sous forme d’extraits : il est notamment indiqué qu’il détient un doctorat en littérature anglaise obtenu à Stellenbosch et qu’il maîtrise plusieurs langues, dont le setswana et l’anglais, avec une référence au français.
Dans la vie politique botswanaise, où l’élite administrative et politique compte de nombreux diplômés, ce bagage universitaire n’est pas rare en soi. Mais, chez Butale, il s’articule à une expérience de terrain dans le secteur des médias et des libertés publiques, ce qui contribue à façonner une image d’intellectuel engagé, davantage proche des débats démocratiques que des circuits technocratiques.
Des médias à la société civile : une identité forgée autour de la liberté d’expression
Avant de se lancer pleinement en politique, Phenyo Butale s’est fait connaître comme acteur du monde médiatique et de la société civile. Des sources de presse rappellent qu’il a dirigé, au Botswana, le chapitre national du Media Institute of Southern Africa (MISA), une organisation régionale qui suit notamment les conditions d’exercice des journalistes et les atteintes à la liberté de la presse.
L’un des jalons les plus documentés de cette période est son départ du MISA Botswana pour rejoindre, à Johannesburg, le Freedom of Expression Institute (FXI), structure sud-africaine engagée sur les droits et libertés. Mmegi rapporte qu’il a quitté la direction de MISA Botswana pour prendre un poste au FXI, évoquant ses explications sur la différence de nature des activités menées par ces organisations. D’autres publications mentionnent également ce mouvement et la vacance de poste qu’il a laissée au MISA.
Cette phase éclaire un aspect important du personnage : Butale n’arrive pas dans l’arène politique comme un pur produit partisan, mais comme quelqu’un qui a, pendant des années, pris la parole au nom de principes démocratiques, notamment la liberté d’expression. Dans un portrait, Mmegi le cite sur sa volonté d’“ancrer la liberté d’expression” comme droit fondamental, de nature à permettre l’exercice d’autres droits.
Le passage par ces structures n’est pas seulement un détail de biographie : il a des implications politiques. Dans de nombreux pays, l’expérience de la société civile peut être perçue tantôt comme un gage d’indépendance, tantôt comme un positionnement critique vis-à-vis de l’État. Au Botswana, souvent présenté comme l’une des démocraties les plus stables du continent, ces débats existent aussi : la question de l’équilibre entre sécurité, gouvernance et libertés publiques est régulièrement discutée, et le regard de Butale, formé dans l’observation des médias et des droits, s’inscrit dans cette tradition.
L’entrée en politique et le premier passage au Parlement : Gaborone Central, circonscription emblématique
La politique électorale rattrape Butale au milieu des années 2010. En août 2014, la presse officielle botswanaise indique que l’Umbrella for Democratic Change (UDC), coalition d’opposition, l’annonce comme candidat pressenti pour la circonscription de Gaborone Central en vue des élections générales d’octobre 2014. L’article précise que cette désignation intervient dans un contexte particulier, après le décès de Gomolemo Motswaledi, figure de l’opposition que l’UDC avait initialement envisagée.
Gaborone Central n’est pas une circonscription anodine. Les analyses la décrivent comme un espace urbain composite, mêlant quartiers aisés et zones plus précaires, et donc potentiellement propice aux basculements électoraux. Dans ce cadre, la victoire d’un candidat d’opposition face à des figures installées a une portée symbolique.
Des sources de presse botswanaises soulignent qu’en 2014, Butale parvient à remporter ce siège, présenté comme un “upset” majeur, en battant le député sortant Dumelang Saleshando. Cette victoire l’installe au Parlement pour la législature 2014-2019, période correspondant au 11e Parlement du Botswana.
Durant ce premier mandat, son nom apparaît dans les comptes rendus parlementaires et la presse locale, par exemple autour d’une motion liée aux carburants, rejetée au Parlement, et qui donne lieu à des commentaires sur les lignes partisanes et la capacité de l’opposition à imposer ses thèmes.
L’itinéraire parlementaire de Butale illustre aussi les turbulences des recompositions partisanes. Les coalitions d’opposition botswanaises ont connu des périodes de tensions internes et de réajustements, et les carrières individuelles s’inscrivent souvent dans ces dynamiques. Plusieurs sources le rattachent à l’Alliance for Progressives (AP) tout en le situant, selon les périodes, dans l’orbite de l’UDC.
Après 2019, Butale n’est plus député de Gaborone Central, la circonscription passant à Tumisang Healy, selon les références biographiques et les synthèses électorales disponibles. Les détails chiffrés des résultats, en revanche, se trouvent de manière plus dispersée et ne sont pas toujours repris dans des sources institutionnelles facilement accessibles au même niveau de précision que dans certaines publications de suivi électoral.
2024 : l’alternance historique et le retour au premier plan, entre parti et coalition
Le 30 octobre 2024 marque un tournant majeur au Botswana : l’UDC remporte les élections, et Duma Boko accède à la présidence, mettant fin à la domination du BDP depuis l’indépendance. L’événement est largement commenté par la presse internationale, qui insiste sur l’ampleur du basculement politique et sur la transition pacifique engagée par le président sortant.
Dans ce contexte, Butale revient dans la lumière à plusieurs titres. D’abord par ses responsabilités partisanes : une dépêche de Voice of America le présente comme secrétaire général de l’UDC au moment où la coalition attribue sa victoire à un message centré sur l’économie et la restauration démocratique. Ensuite, par sa présence dans les activités de campagne et de structuration : en octobre 2024, la presse botswanaise le cite comme secrétaire général de l’Alliance for Progressives intervenant lors d’un rassemblement où l’UDC appelle à conquérir une majorité de circonscriptions pour accéder au pouvoir.
Enfin, et surtout, par sa nomination au gouvernement. Le 11 novembre 2024, le média public DailyNews rapporte que le président Duma Boko annonce une première série de nominations ministérielles, parmi lesquelles celle de Dr Phenyo Butale au poste de ministre des Relations internationales. L’article explique que cette nomination s’inscrit dans une séquence progressive de formation de l’exécutif, et précise que le chef de l’État lui assigne notamment une mission de représentation et de “marketing” du pays sur les scènes régionale et internationale. Cette même nomination est confirmée par d’autres médias internationaux couvrant la composition du cabinet, dont CGTN.
Ce moment est central pour comprendre le rôle de Butale : il passe du statut d’acteur politique et intellectuel à celui de titulaire d’un portefeuille stratégique, dans un gouvernement de rupture. La diplomatie devient alors un espace où se joue une partie de la crédibilité de l’alternance : rassurer les partenaires, définir des priorités, et incarner une nouvelle “marque Botswana” à l’international, tout en s’inscrivant dans la continuité d’une réputation de stabilité.
Une diplomatie sous pression : premiers signaux, dossiers régionaux et projection internationale
À peine nommé, le ministre des Relations internationales se retrouve confronté à des dossiers concrets, souvent régionaux, qui donnent un aperçu des priorités du nouveau pouvoir. L’un des exemples les plus documentés concerne la relation avec l’Afrique du Sud. En décembre 2024, le ministère sud-africain des Relations internationales et de la Coopération (DIRCO) publie un communiqué indiquant que le ministre Ronald Lamola a reçu une lettre de son homologue botswanais, Dr Phenyo Butale, l’informant de la décision de la nouvelle administration de lever progressivement l’interdiction d’importation de légumes en provenance d’Afrique du Sud. Le communiqué situe explicitement cette correspondance dans le contexte de son entrée en fonction et rappelle la place du Botswana dans le commerce régional.
Ce type d’épisode est révélateur : il montre comment la diplomatie est aussi une diplomatie économique, imbriquée dans les questions de chaînes d’approvisionnement, de production agricole et de relations commerciales. Il met également en évidence l’enjeu de la coordination régionale, notamment à travers des cadres institutionnels comme la commission binationale évoquée dans le communiqué sud-africain.
Au-delà de l’Afrique australe, Butale est aussi mobilisé dans des formats de dialogue avec des partenaires extra-régionaux. En juin 2025, un compte rendu du Département international du Comité central du Parti communiste chinois indique qu’il a été reçu à Pékin par Liu Jianchao, dans un contexte de discussions liées aux suites du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) et à des coopérations économiques. Le texte le présente à la fois comme ministre des Relations internationales et comme membre d’un organe exécutif de l’UDC, soulignant la dimension politique des échanges entre partis au pouvoir.
Ces activités s’inscrivent dans un environnement international où le Botswana, pays à revenu intermédiaire supérieur, cherche à diversifier son économie et ses partenaires, tout en préservant une image de démocratie stable. Or la transition de 2024, bien qu’elle ait été décrite comme pacifique et historique, arrive dans un contexte socio-économique tendu, largement commenté par les agences et médias internationaux : ralentissement lié à la demande de diamants, inquiétudes sur l’emploi et attentes fortes d’une jeunesse confrontée au chômage.
Dans cet équilibre, le ministre des Relations internationales a un rôle d’interface. Il doit, d’un côté, accompagner le récit d’une alternance “réussie”, souvent présentée comme un exemple régional ; de l’autre, contribuer à sécuriser des partenariats, à attirer des investissements et à soutenir la stratégie économique du nouveau pouvoir. La presse botswanaise, lorsqu’elle rapporte sa nomination, insiste sur cette mission de représentation et de projection.
Ce positionnement est aussi cohérent avec son parcours : un ancien responsable d’organisation de liberté d’expression, formé à l’analyse et au débat public, peut être attendu sur une diplomatie attentive à l’image internationale et aux valeurs démocratiques. De fait, des comptes rendus de presse évoquent un discours de politique étrangère mettant en avant une approche centrée sur les droits humains et la gouvernance, présentée comme un élément de la manière dont le Botswana entend se projeter dans les enceintes régionales et continentales.
Au total, Phenyo Butale apparaît comme l’un des visages de la nouvelle étape botswanaise : un responsable politique issu des débats sur la liberté d’expression, passé par une expérience parlementaire dans une circonscription très disputée, revenu au premier plan au moment d’une alternance historique, et désormais chargé d’incarner, à l’extérieur, la crédibilité d’un gouvernement qui promet transformation et renouveau.



