Figure discrète mais centrale de la vie publique gambienne contemporaine, Pierre Gomez incarne un profil singulier dans le paysage politique de l’Afrique de l’Ouest. Universitaire de formation, spécialiste reconnu de littérature comparée, il s’est progressivement imposé comme l’un des architectes majeurs de la transformation de l’enseignement supérieur en Gambie. Son accession aux plus hautes responsabilités gouvernementales ne s’est pas faite par les voies classiques du militantisme partisan, mais par un long parcours académique, une expertise reconnue et une réputation de rigueur intellectuelle. À travers son itinéraire personnel et professionnel, c’est aussi l’histoire récente d’un pays en quête de modernisation, de savoir et de souveraineté intellectuelle qui se dessine.
La biographie de Pierre Gomez permet de comprendre comment l’université et la politique peuvent se rejoindre autour d’un même objectif : le développement humain et institutionnel. Son engagement repose sur une conviction profonde selon laquelle l’éducation, la recherche scientifique et l’innovation constituent les piliers durables du progrès national. Dans un pays marqué par des défis structurels importants, il défend une vision de long terme, fondée sur la formation des élites, la valorisation du savoir local et l’ouverture maîtrisée vers l’international.
Origines et formation intellectuelle
Pierre Gomez est né à Banjul, capitale de la Gambie, dans un contexte social et politique encore largement façonné par l’héritage colonial britannique. Comme de nombreux jeunes Gambiens de sa génération, il grandit dans un environnement où l’éducation est perçue comme l’un des rares leviers d’ascension sociale et de reconnaissance. Très tôt, il manifeste un intérêt marqué pour les langues, la lecture et l’analyse des textes, ce qui l’oriente naturellement vers des études littéraires.
Après avoir achevé son enseignement secondaire, il poursuit des études supérieures à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’un des grands pôles universitaires de l’Afrique francophone. Il y obtient un Bachelor of Arts en anglais et en français à la fin des années 1990. Cette double spécialisation linguistique est déterminante, car elle lui permet d’évoluer avec aisance entre les sphères anglophones et francophones, un atout rare dans la région et particulièrement précieux pour un pays comme la Gambie, enclavé dans un espace majoritairement francophone.
Son parcours académique se prolonge ensuite en France, où il approfondit sa formation universitaire. Il étudie notamment à l’Université de Franche-Comté, à Besançon, puis à l’Université de Limoges. Il y obtient successivement un Master of Arts, un Master of Philosophy et un doctorat en littérature comparée. Ses travaux de recherche portent sur les littératures africaines et européennes, les circulations culturelles, les héritages coloniaux et postcoloniaux, ainsi que les dynamiques identitaires dans les textes littéraires.
Au cours de cette période, il effectue également des séjours de recherche dans d’autres institutions prestigieuses, notamment en Sierra Leone et au Royaume-Uni. Cette dimension internationale de sa formation contribue à façonner une pensée ouverte, critique et comparative, nourrie par des contextes culturels variés. Elle renforce également sa crédibilité académique et l’inscrit dans des réseaux universitaires au-delà des frontières gambiennes.
Carrière universitaire et responsabilités académiques
De retour en Gambie, Pierre Gomez intègre l’Université de Gambie, principal établissement public d’enseignement supérieur du pays. Il y entame une carrière d’enseignant-chercheur en littérature comparée, discipline encore peu développée localement à l’époque. Son enseignement se distingue par une approche exigeante, mêlant rigueur théorique et attention portée aux réalités africaines contemporaines. Il s’attache à former des étudiants capables de penser de manière critique, d’analyser les textes dans leur contexte et de comprendre les enjeux culturels et politiques sous-jacents.
Au fil des années, il gravit les échelons de la hiérarchie universitaire. Il devient doyen de la Faculté des arts et des sciences, fonction qu’il occupe pendant près d’une décennie. À ce poste, il joue un rôle central dans la structuration des programmes, le renforcement des standards académiques et l’amélioration des conditions d’enseignement. Son action contribue à professionnaliser la gestion académique et à renforcer la crédibilité de l’université sur la scène nationale.
Son leadership est reconnu tant par ses collègues que par les étudiants. Il reçoit à plusieurs reprises des distinctions internes saluant son efficacité administrative et son engagement en faveur de la qualité académique. Ces années de gouvernance universitaire constituent une phase décisive de sa trajectoire, car elles lui permettent d’acquérir une expérience concrète de la gestion institutionnelle, de la prise de décision collective et de la résolution de conflits.
La crise sanitaire mondiale liée à la pandémie de Covid-19 marque un tournant important. Face à la fermeture des établissements et à l’urgence de maintenir la continuité pédagogique, Pierre Gomez est chargé de coordonner la mise en place de l’enseignement en ligne à l’Université de Gambie. Cette transition, inédite pour l’institution, nécessite une adaptation rapide des méthodes d’enseignement, des infrastructures numériques et des pratiques pédagogiques. Son rôle dans cette période est largement salué, car il contribue à limiter les ruptures dans le parcours des étudiants.
Par la suite, il est nommé vice-chancelier adjoint chargé des affaires académiques, puis assume temporairement la fonction de vice-chancelier par intérim. Ces responsabilités renforcent encore son profil de dirigeant universitaire expérimenté, capable de concilier vision stratégique et gestion quotidienne.
Entrée en politique et nomination ministérielle
L’entrée de Pierre Gomez sur la scène politique nationale se fait de manière relativement tardive, après de longues années consacrées à l’enseignement et à la recherche. En 2022, il est nommé ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie par le président de la République. Cette nomination est perçue par de nombreux observateurs comme un choix technocratique, fondé sur la compétence et l’expertise plutôt que sur l’appartenance partisane.
À la tête de ce ministère stratégique, Pierre Gomez hérite d’un secteur confronté à de multiples défis : insuffisance des infrastructures, accès limité à l’enseignement supérieur, faible capacité de recherche, dépendance vis-à-vis des formations étrangères et inadéquation entre les cursus universitaires et les besoins du marché du travail. Son approche se veut pragmatique et progressive, privilégiant des réformes structurelles plutôt que des mesures symboliques.
Il affirme dès le début de son mandat sa volonté de renforcer la qualité de l’enseignement supérieur gambien, tout en élargissant l’accès aux études universitaires. Pour lui, il ne s’agit pas seulement d’augmenter le nombre d’étudiants, mais de garantir des formations pertinentes, adaptées aux réalités économiques et sociales du pays. Il insiste également sur la nécessité de développer la recherche scientifique locale, condition indispensable à l’innovation et à la souveraineté intellectuelle.
Son discours politique se distingue par un ton mesuré, éloigné des slogans, et par une forte référence à l’expérience académique. Il se présente avant tout comme un serviteur de l’État, soucieux de bâtir des institutions solides et durables.
Réformes, projets et coopération internationale
Sous l’impulsion de Pierre Gomez, plusieurs chantiers majeurs sont engagés dans le domaine de l’enseignement supérieur. L’un des axes prioritaires concerne le renforcement des infrastructures universitaires, notamment dans les filières scientifiques, médicales et technologiques. Il soutient le développement de laboratoires, de centres de recherche et de programmes de formation spécialisés, afin de réduire la dépendance de la Gambie vis-à-vis des universités étrangères.
Un autre volet important de son action porte sur la coopération internationale. Conscient des limites structurelles du système éducatif national, il mise sur des partenariats stratégiques avec d’autres pays africains et avec des institutions étrangères. Ces collaborations visent à favoriser les échanges d’enseignants et d’étudiants, la co-supervision de thèses, le partage de bonnes pratiques et le transfert de compétences.
Il accorde également une attention particulière à la formation des enseignants et à la modernisation des curricula. Pour lui, la transformation de l’enseignement supérieur passe nécessairement par la valorisation du métier d’enseignant et par l’adaptation des contenus pédagogiques aux évolutions du monde contemporain, notamment dans les domaines du numérique, des sciences appliquées et de l’innovation.
La question de l’inclusion est également centrale dans sa vision. Il défend l’idée d’un enseignement supérieur accessible, équitable et capable de refléter la diversité sociale et culturelle du pays. Il plaide pour des politiques publiques permettant aux étudiants issus de milieux modestes d’accéder à l’université et de réussir leurs études.
Vision politique et héritage intellectuel
Au-delà de ses fonctions ministérielles, Pierre Gomez incarne une certaine conception du rôle de l’intellectuel dans la cité. Il considère que le savoir ne doit pas rester confiné aux amphithéâtres, mais qu’il doit éclairer l’action publique et contribuer à la prise de décision politique. Son parcours illustre la possibilité d’un dialogue fécond entre le monde académique et les institutions de l’État.
Son héritage ne se mesure pas uniquement à l’aune des réformes engagées, mais aussi à travers l’exemple qu’il offre aux jeunes générations. Il démontre qu’une carrière fondée sur l’étude, la recherche et l’engagement intellectuel peut conduire aux plus hautes responsabilités publiques, sans renoncer à l’exigence de rigueur et d’intégrité.
Dans un contexte africain où la question de la gouvernance et de la compétence des élites reste centrale, la trajectoire de Pierre Gomez apparaît comme une alternative crédible aux modèles traditionnels du pouvoir. Elle rappelle que l’éducation, lorsqu’elle est pensée comme un bien public et un investissement stratégique, peut devenir un moteur puissant de transformation sociale et politique.
Ainsi, la biographie de Pierre Gomez dépasse le simple récit individuel. Elle s’inscrit dans une réflexion plus large sur le rôle de l’enseignement supérieur dans le développement des nations africaines et sur la place des intellectuels dans la construction de l’avenir.



