À Gaborone, son nom s’est remis à circuler avec insistance à l’automne 2024, au rythme des annonces ministérielles et des résultats qui ont rebattu les cartes au Botswana. Prince Maele, ancien ministre et ex-député, a retrouvé un siège au Parlement avant d’entrer au gouvernement comme ministre de l’Enseignement supérieur. Son parcours, marqué par une longue séquence au sein du parti au pouvoir pendant des décennies, puis par une rupture politique et un retour par l’opposition, éclaire certaines lignes de force de la vie publique botswanaise : la concurrence accrue entre formations, la centralité des enjeux de services publics, et la place grandissante des débats sur l’emploi des jeunes et la formation.
De ses années passées aux portefeuilles liés au foncier, au logement, à l’eau et à l’assainissement, jusqu’à son installation à la tête d’un ministère chargé de l’enseignement supérieur, Prince Maele incarne aussi la trajectoire d’un élu local devenu figure nationale. Les sources publiques disponibles permettent de retracer les principales étapes : mandats parlementaires, passages au gouvernement, tensions partisanes, campagne de retour et, enfin, responsabilités actuelles. Mais elles dessinent également, en creux, les attentes pesant sur son action : améliorer la pertinence des cursus, rapprocher universités et économie, et renforcer l’offre de compétences dans un pays où l’emploi reste un sujet politique majeur.
Un élu de circonscription passé de l’ancrage local à la scène nationale
Dans la vie politique botswanaise, la trajectoire d’un responsable se lit souvent à travers la solidité d’un fief électoral. Pour Prince Maele, les éléments publiés par la presse institutionnelle botswanaise le rattachent d’abord à une histoire de représentation parlementaire longue, puis à une reconquête.
En octobre 2024, à quelques jours des élections générales, un article de la DailyNews (agence BOPA) le présente comme un ancien membre du Parlement sollicitant le vote dans la circonscription de Tswapong North, cette fois sous la bannière de l’Umbrella for Democratic Change (UDC). Le même texte rappelle qu’il a représenté la zone au Parlement de 2009 à 2019 lorsqu’il évoluait au Botswana Democratic Party (BDP), avant de perdre en 2019 en se présentant en indépendant.
La séquence électorale de novembre 2024 confirme le retour de Prince Maele à l’Assemblée nationale : toujours selon la DailyNews (BOPA), il remporte le scrutin dans Tswapong North avec 7 433 voix, devant plusieurs concurrents, dans un total annoncé de 19 987 suffrages exprimés et 151 bulletins nuls. Cette publication, sous forme de tableau de résultats, n’éclaire pas à elle seule les ressorts de la victoire, mais elle fixe un point incontestable : le retour par les urnes.
Dans une démocratie parlementaire comme celle du Botswana, ce type de reconquête n’est pas anodin. Elle signifie d’abord que l’ancrage local n’a pas disparu malgré plusieurs années hors du Parlement. Ensuite, elle place l’élu dans une position de négociation interne : un siège retrouvé renforce mécaniquement le poids d’un responsable dans une coalition comme l’UDC, qui fédère plusieurs forces d’opposition. Enfin, elle nourrit une logique d’attentes concrètes : routes, eau, projets d’infrastructures, accès aux services, création d’emplois, autant de sujets que les campagnes locales ramènent au centre du jeu.
Le texte de campagne relayé par la DailyNews en octobre 2024 donne d’ailleurs une indication sur l’argumentaire : Prince Maele y critique le bilan du parti au pouvoir de l’époque en matière de développement local et insiste sur la nécessité d’un député « capable » et « travailleur » pour porter les projets inscrits au plan national de développement (NDP 12). Ce discours, classique en période électorale, s’inscrit dans un contexte où les questions de services publics, d’investissement et d’égalité territoriale restent structurantes dans de nombreux pays d’Afrique australe.
Des portefeuilles régaliens du quotidien : terres, logement, eau et assainissement
Avant son retour à l’Assemblée nationale en 2024, Prince Maele a occupé des fonctions ministérielles à forte dimension opérationnelle. Plusieurs archives de la DailyNews (BOPA) le citent comme ministre du Logement et des Terres (Lands and Housing) puis comme ministre de la Gestion des terres, de l’Eau et des Services d’assainissement (Land Management, Water and Sanitation Services).
Ces portefeuilles comptent parmi les plus sensibles politiquement. La terre, d’abord, demeure au Botswana un sujet à la fois économique, social et identitaire. Les listes d’attente pour l’attribution de parcelles, la régularisation foncière, l’urbanisation, la pression sur les zones agricoles, ou encore les mécanismes de gestion coutumière peuvent provoquer tensions et contentieux. Une archive d’avril 2017 rapporte ainsi un discours de Prince Maele à des membres de land boards, où il insiste sur la complexité du foncier, le caractère « émotif » et controversé des litiges, et la nécessité de restaurer l’image d’une administration accusée de lenteur et parfois de pratiques contestées.
La même archive liste une série de difficultés évoquées publiquement : délais d’attribution, résolution d’appels et de contentieux, qualité du service, corruption, gestion des archives, squats, étalement urbain, résistance à la libération de terres, spéculation foncière, collecte de revenus, jusqu’aux enjeux d’eau et d’assainissement. L’énumération est révélatrice : elle décrit un ministère au contact direct de la vie quotidienne, dont les dysfonctionnements, réels ou perçus, deviennent vite des questions politiques.
L’eau, ensuite, est un autre point de pression structurel. Le Botswana est un pays semi-aride, soumis à la variabilité des pluies et aux contraintes de stockage, de transport et de maintenance des infrastructures. Une archive de mai 2017 relate une visite de chantier dans les champs de puits de Masama West et souligne la priorité donnée à l’augmentation des capacités et à l’anticipation des pénuries, avec des éléments techniques sur le raccordement au North-South Carrier et la planification du projet.
Plus tôt, en octobre 2016, la DailyNews (BOPA) rapporte que Prince Maele, alors ministre en charge de la gestion des terres et de l’eau, disait vouloir s’attaquer aux questions d’infrastructures vieillissantes, de pertes d’eau, et de conservation, tout en évoquant le contexte du changement climatique et la difficulté liée à l’affaiblissement des ressources de forage. Le même article rappelle qu’il était aussi député de Lerala/Maunatlala à cette période et qu’il revendiquait une démarche de « rebranding » et d’amélioration de la délivrance de services lors de son passage au ministère des Terres et du Logement.
Enfin, le logement : une archive de mai 2015, toujours issue de la DailyNews (BOPA), le cite comme ministre des Terres et du Logement lors d’une conférence de la Botswana Housing Corporation, où il expliquait que la crise du logement abordable n’est pas propre au Botswana et qu’elle est aggravée par l’urbanisation, les contraintes économiques et l’accès difficile au marché du crédit.
Ces prises de parole ne permettent pas, à elles seules, de mesurer l’efficacité d’une politique, mais elles éclairent les terrains sur lesquels Prince Maele s’est construit une visibilité nationale : des sujets concrets, fortement exposés, et où l’État est attendu à la fois comme planificateur, régulateur et fournisseur de services.
Rupture avec le parti au pouvoir, suspension et séquence d’indépendance
La trajectoire de Prince Maele comporte une fracture politique importante : sa mise à distance du BDP, parti dominant depuis l’indépendance du pays jusqu’aux élections de 2024. Sur cette période, les sources publiques disponibles convergent au moins sur un élément : il a été suspendu du BDP en 2019, avant de se présenter en indépendant lors des élections générales de la même année.
En mai 2019, l’agence panafricaine APA rapporte que le porte-parole du BDP a confirmé la suspension d’un an de Prince Maele, tandis qu’un autre député était expulsé du parti. La presse botswanaise, elle, documente une atmosphère de tensions internes : débats autour de soutiens politiques rivaux, rivalités de factions, et question de la loyauté dans un contexte de concurrence accrue.
Cette séquence débouche, à l’approche du scrutin de 2019, sur une candidature indépendante. La DailyNews (BOPA) rappelle explicitement qu’il a perdu l’élection de 2019 en indépendant face au candidat du BDP. Et, en 2024, la presse locale indique qu’il revendique cette expérience comme un capital politique : un article de Mmegi (The Monitor) explique qu’il s’estime capable de revenir au Parlement en s’appuyant sur les liens tissés et sur le score obtenu en 2019, cette fois en bénéficiant du soutien de l’UDC.
Le passage par une candidature indépendante est politiquement coûteux : il oblige à reconstruire une organisation de terrain, à lever des ressources, à constituer une équipe et à maintenir une présence locale sans l’appareil d’un grand parti. Mais il peut aussi créer une image de « franc-tireur » ou de responsable « affranchi », susceptible d’attirer des électeurs lassés des disciplines partisanes.
Au Botswana, où les alliances et recompositions de l’opposition ont pris de l’importance au fil des années, ce type de trajectoire s’insère dans une logique plus large : l’émergence d’une compétition nationale plus ouverte. Dans ce contexte, Prince Maele apparaît comme un exemple de circulation entre plusieurs statuts politiques : élu du parti dominant, ministre, figure suspendue, candidat indépendant, puis candidat d’une coalition d’opposition.
Il faut toutefois noter les limites des informations publiques disponibles : elles donnent des repères sur la sanction interne (suspension) et sur les choix électoraux (indépendant, puis UDC), mais elles ne permettent pas de reconstituer de façon exhaustive les débats internes, ni la chronologie détaillée de toutes les décisions partisanes. Un article journalistique rigoureux doit donc s’en tenir à ce qui est attesté et sourcé, sans extrapoler sur les intentions, les stratégies invisibles ou les rapports personnels.
2024 : réélection et entrée au gouvernement, dans un paysage politique bouleversé
Le retour de Prince Maele au Parlement en novembre 2024 s’inscrit dans un moment politique majeur : la formation d’un nouveau gouvernement et l’annonce d’un cabinet dirigé par le président Duma Boko. La DailyNews (BOPA) publie, le 17 novembre 2024, un compte rendu indiquant que Prince Maele a été nommé ministre de l’Enseignement supérieur, assisté de Justin Hunyepa, dans la dernière vague d’annonces ministérielles.
Cette nomination est un marqueur politique à double titre. D’abord, elle confirme que Prince Maele n’est pas seulement un élu revenu par les urnes, mais qu’il se voit confier un portefeuille considéré comme stratégique dans une phase de transition gouvernementale. Ensuite, elle signale un déplacement de thématique : après des années associées au foncier et à l’eau, le voici chargé d’un secteur souvent au cœur des promesses de transformation économique.
Les documents publics et institutionnels le présentent désormais comme ministre de l’Enseignement supérieur. Une page de la University of Botswana relate une rencontre de courtoisie entre la direction de l’université et le « newly appointed Minister of Higher Education », où il affirme vouloir bâtir un partenariat et maintenir une porte ouverte au dialogue. D’autres organisations, comme Business Botswana, relatent également des réunions de travail avec lui au début de 2025, autour de l’accréditation, du fonctionnement des instances de régulation et de la coordination entre secteur privé et institutions d’enseignement.
Il est rare qu’un responsable politique change ainsi de secteur sans que l’opinion et les acteurs attendent une clarification : quelle méthode, quelles priorités, quel calendrier ? Pour Prince Maele, la question est d’autant plus sensible que l’enseignement supérieur concentre des attentes très différentes : celles des étudiants (bourses, coûts, débouchés), des universités (financement, autonomie, recherche), du secteur privé (compétences, employabilité), et de l’État (cohésion sociale, croissance, innovation).
Le fait qu’un responsable au profil politique et administratif, ayant déjà géré des ministères « de terrain », prenne ce portefeuille peut être lu comme un choix de gouvernement : privilégier des profils habitués aux arbitrages budgétaires, aux infrastructures et à la pression des résultats. Mais ce type d’analyse reste une hypothèse : l’essentiel, en termes factuels, est la nomination officielle rapportée par la presse d’État et les interactions publiques documentées par des institutions nationales.
Ce que l’on sait de ses priorités actuelles : compétences, TVET, recherche et partenariats
Sur les orientations de Prince Maele à l’Enseignement supérieur, les informations accessibles proviennent surtout de discours publics, d’événements institutionnels et de comptes rendus d’organisations. Un document biographique publié dans le cadre d’une conférence (RUFORUM AGM 2025) le présente comme ministre de l’Enseignement supérieur, député de Tswapong North, et décrit un parcours mêlant expérience gouvernementale et activités dans les ressources humaines, avec un diplôme de l’University of Botswana en science politique et administration publique.
Le même texte insiste sur un axe : l’alignement des formations et de l’enseignement technique et professionnel (TVET) sur l’agenda de transformation économique, avec un discours centré sur les compétences et l’employabilité. Il évoque aussi des éléments de trajectoire professionnelle dans le secteur RH et la création d’une structure liée à la gestion des ressources humaines au Botswana.
D’autres publications, de nature institutionnelle, illustrent la façon dont ces priorités se traduisent en rencontres et en messages. À l’University of Botswana, il est rapporté qu’il encourage la collaboration, qu’il souligne le rôle d’une université dans la société et qu’il cherche des solutions avec les équipes académiques. Dans le secteur privé, Business Botswana rapporte qu’il a répondu à des demandes portant sur l’accréditation des programmes, la gouvernance d’une autorité de qualification et la reprise de cadres de concertation, en assurant que les sujets soulevés seraient traités et qu’un suivi serait organisé.
Ces signaux convergent vers une ligne politique identifiable : faire de l’enseignement supérieur et du TVET un levier direct de développement économique, plutôt qu’un secteur séparé des besoins du marché du travail. La logique est connue : améliorer l’adéquation formation-emploi, attirer des étudiants internationaux, soutenir la recherche et l’innovation, et renforcer la crédibilité des diplômes par des mécanismes d’assurance qualité.
Pour autant, la prudence s’impose. Les documents publics disponibles décrivent des intentions, des priorités affichées, et des interactions avec des acteurs clés ; ils ne détaillent pas exhaustivement des réformes adoptées, ni l’ensemble des textes réglementaires, ni des indicateurs de résultats. Un récit journalistique fidèle doit donc éviter les conclusions définitives sur l’impact et se concentrer sur ce qui est attesté : nomination, rôle, discours publics, et grandes thématiques répétées dans les prises de parole.
L’autre élément notable tient au positionnement international et à la représentation : comme beaucoup de ministres sectoriels, Prince Maele participe à des événements et à des rendez-vous institutionnels où se jouent des partenariats. Ce type d’exposition n’est pas anecdotique pour l’enseignement supérieur, secteur qui dépend souvent d’accords académiques, de financements, de réseaux scientifiques et de collaborations régionales.
Enfin, la cohérence globale de sa trajectoire apparaît plus nettement lorsqu’on rapproche ses anciens portefeuilles et ses sujets actuels. Les infrastructures d’eau et de logement, qu’il a portées au gouvernement, sont des politiques publiques lourdes, où la planification, la gestion de projet, la maîtrise budgétaire et la capacité à mobiliser des équipes comptent autant que les annonces. L’enseignement supérieur est différent, mais il n’échappe pas à cette logique : budgets, gouvernance, performance des institutions, contrôle qualité, et résultats sur l’emploi des jeunes. Dans un pays où la formation est souvent présentée comme un vecteur de diversification économique, le ministre se retrouve attendu sur la capacité à transformer des discours de compétences en dispositifs concrets.
Au total, ce que l’on sait de Prince Maele, l’homme politique, tient en quelques repères solides et documentés : une longue période de représentation parlementaire, des responsabilités ministérielles tournées vers des secteurs de services essentiels, une rupture avec le parti dominant suivie d’une candidature indépendante, puis un retour à l’Assemblée nationale sous l’étiquette d’une coalition d’opposition et, enfin, une nomination à l’Enseignement supérieur dans le gouvernement de Duma Boko.
Son action actuelle sera jugée sur des chantiers où l’impatience sociale est forte : l’employabilité des diplômés, l’efficacité des filières techniques, la crédibilité des certifications, et la capacité à faire de l’enseignement supérieur un moteur de croissance plutôt qu’un simple passage obligé. Pour un responsable revenu au premier plan dans une période de recomposition politique, la marge d’erreur est étroite et le calendrier politique, lui, n’attend pas.



