Qui est Radwan Abdillahi Bahdon ?

Dans la vie politique djiboutienne, certains profils déjouent les cases habituelles. Radwan Abdillahi Bahdon appartient à cette catégorie de responsables publics dont le parcours s’est construit loin des filières politiques classiques, avant de converger vers un portefeuille devenu central à l’ère du numérique. Ministre de la Communication, chargé des Postes et des Télécommunications, il occupe un poste où se croisent des enjeux de souveraineté, d’infrastructures, de régulation, de diplomatie d’influence et de modernisation de l’État.

À Djibouti, la communication n’est pas seulement une affaire d’images et de messages. Elle touche à l’organisation des médias, à la circulation de l’information, à la crédibilité des institutions, mais aussi à l’économie du pays, fortement dépendante de sa capacité à connecter ses habitants, ses entreprises et ses administrations. Les télécommunications et les postes, longtemps perçues comme des secteurs techniques, deviennent des leviers stratégiques dans un contexte régional concurrentiel, entre ambitions de hub et défis d’inclusion.

Qui est donc Radwan Abdillahi Bahdon, et que dit son itinéraire des priorités actuelles de Djibouti ? Des laboratoires universitaires en France aux responsabilités ministérielles, en passant par des fonctions de gestion dans l’assainissement, son parcours raconte une autre manière d’accéder au pouvoir : par la technicité, la continuité administrative et l’alignement avec une vision nationale qui place le numérique au cœur du développement.

Un ministre au cœur d’un triptyque stratégique : information, connectivité, services

Le titre officiel de Radwan Abdillahi Bahdon le situe à la jonction de trois domaines qui structurent aujourd’hui une grande partie de l’action publique : la communication, les postes et les télécommunications. Sur le papier, l’intitulé peut sembler large. Dans les faits, il décrit un champ d’intervention où l’État doit à la fois encadrer, investir, moderniser et convaincre.

La communication, dans un pays comme Djibouti, renvoie à la fois à l’écosystème médiatique, aux outils de diffusion de l’information publique, aux relations avec les acteurs de la presse et aux cadres réglementaires qui organisent le secteur. Le ministère a vocation à élaborer et mettre en œuvre la politique nationale dans ces domaines, en exerçant une forme de tutelle sur des structures publiques et des organismes qui relèvent de son autorité. Cette dimension institutionnelle fait du titulaire du portefeuille un interlocuteur direct de multiples acteurs : médias, régulateurs, opérateurs, partenaires étrangers, administrations.

La partie “postes et télécommunications” place le ministre au centre des infrastructures qui conditionnent l’accès aux services, la transformation numérique et l’intégration du pays dans les flux régionaux. Les télécoms ne sont pas qu’un sujet de réseau ou de couverture : elles dessinent la capacité de l’État à numériser ses services, de l’économie à se diversifier, et de la société à réduire les inégalités d’accès. Quant au secteur postal, il se réinvente sous la pression de la logistique, du commerce digital, de l’identité numérique et des services financiers associés.

À ce poste, Radwan Abdillahi Bahdon apparaît régulièrement dans un rôle de représentation : rencontres avec des ambassadeurs accrédités à Djibouti, échanges avec des partenaires, déplacements liés à des forums et congrès spécialisés, discours à portée politique sur la fracture numérique ou les priorités nationales. Une séquence récente illustre cette dimension diplomatique : il reçoit, dans le cadre de visites de prise de contact, des représentants étrangers, dont l’ambassadeur de France à Djibouti, ou encore le nouvel ambassadeur d’Égypte. Ces audiences ne relèvent pas de la simple courtoisie ; elles donnent souvent lieu à des discussions sur des coopérations sectorielles, notamment dans les médias et les technologies de l’information.

Ce positionnement fait de lui un visage du “Djibouti connecté”, un pays qui veut consolider ses infrastructures et capter des opportunités dans l’économie numérique, tout en gérant une question sensible : comment moderniser sans creuser les fractures ? Comment promouvoir un récit d’innovation sans oublier les publics les plus éloignés du numérique ? Son ministère se situe précisément sur cette ligne de crête.

De Strasbourg à Djibouti : un parcours de formation scientifique, puis d’administration technique

L’itinéraire personnel de Radwan Abdillahi Bahdon commence loin des arènes partisanes. Né le 5 octobre 1971, il est titulaire d’une maîtrise de biochimie obtenue à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, en France. Le détail n’est pas anodin : cette formation scientifique renvoie à une culture de méthode, de rigueur et d’analyse, rarement mise en avant dans les biographies politiques traditionnelles.

Après son retour à Djibouti, au tournant des années 2000, sa carrière s’inscrit d’abord dans l’administration technique. En 2000, il intègre la direction de l’assainissement au sein du ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme, de l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire. Il y progresse rapidement : adjoint du chef de service de l’exploitation et de l’entretien en 2002, puis chef de service en 2003.

Ces étapes dessinent un profil de gestionnaire, confronté à des problématiques très concrètes : exploitation, entretien, organisation de services, continuité d’un réseau, arbitrages budgétaires, planification. Elles indiquent aussi une familiarité avec les enjeux d’infrastructures, qui se retrouve, plus tard, dans un ministère où la question des réseaux et de la maintenance reste fondamentale.

En 2005, il participe à une étude sur le plan stratégique de l’assainissement de la ville de Djibouti avec le bureau d’étude BRLi. Cette mention, souvent technique, éclaire un aspect du fonctionnement de l’État : la collaboration avec des bureaux d’études et des partenaires spécialisés pour formaliser une stratégie, hiérarchiser des priorités et traduire des objectifs politiques en projets opérationnels.

En 2007, il est nommé directeur de l’Assainissement au sein du ministère de l’Agriculture, de l’Eau, de l’Élevage et des ressources hydrauliques. L’année suivante, il devient directeur de l’exploitation technique de l’assainissement à l’Office national de l’eau et de l’assainissement de Djibouti (ONEAD). Il occupe cette fonction jusqu’à sa nomination comme ministre de la Communication, chargé des Postes et des Télécommunications.

La trajectoire est claire : une montée en responsabilité dans un domaine infrastructurel, puis un passage à une autre famille de politiques publiques, également structurée par des réseaux, des opérateurs, des investissements lourds et des impératifs de service. Dans les deux cas, le fil conducteur est la gestion d’infrastructures essentielles. L’assainissement d’hier et la connectivité d’aujourd’hui partagent un point commun : l’invisibilité du service quand il fonctionne, et la crise immédiate lorsqu’il dysfonctionne.

Sa biographie officielle mentionne également sa situation familiale : marié et père de trois enfants. Dans un registre institutionnel, ce type de mention vise souvent à humaniser le responsable public, mais elle rappelle aussi la dimension sociale des arbitrages : un ministre des télécoms, aujourd’hui, prend des décisions dont les retombées touchent directement le quotidien des ménages, de l’école aux démarches administratives.

Le numérique comme horizon politique : hub régional, infrastructures et économie connectée

Si le portefeuille de Radwan Abdillahi Bahdon s’ancre dans la gestion administrative, son action publique s’inscrit dans une orientation politique plus large : la volonté affichée de faire de Djibouti un acteur numérique régional. Cette ambition se lit dans les communications officielles autour des sommets et forums, et dans les discours mettant en avant la transformation digitale comme pilier de développement.

Il est notamment présenté comme représentant de Djibouti lors du Sommet Transform Africa, un rendez-vous lié aux dynamiques numériques du continent, où se tient également une réunion du Conseil d’administration de Smart Africa. Dans ce cadre, il expose une vision visant à faire de Djibouti un hub régional en matière de numérique, en rappelant les efforts engagés en matière d’infrastructures, d’innovation et de promotion de l’économie numérique. La mise en avant de cette “vision” rattache explicitement l’action sectorielle du ministère à une trajectoire nationale.

Dans ce récit, la connectivité devient un instrument de compétitivité. La question n’est plus seulement de connecter des foyers, mais de connecter une économie. Les télécommunications, à Djibouti, se placent au croisement de plusieurs enjeux : la capacité d’attirer des investissements, d’héberger des services numériques, de soutenir le développement des entreprises, et d’intégrer des standards internationaux.

Le ministère, dans ses présentations, insiste aussi sur ses attributions : élaborer, proposer et mettre en œuvre la politique nationale en matière de communication, de postes et de télécommunications. Cet axe n’est pas une formule administrative. Il signifie que la politique numérique n’est pas uniquement portée par les acteurs économiques, mais qu’elle est structurée par l’État, qui doit en définir les règles, les priorités et, souvent, les conditions d’investissement.

La dimension “postale” s’inscrit également dans ce tournant. Dans plusieurs communications institutionnelles, la Poste de Djibouti est décrite comme cherchant à se positionner au cœur d’un futur marché numérique régional, en lien avec l’ambition de devenir un pilier du commerce digital. Dans un contexte où le commerce électronique dépend de la logistique et de la distribution, l’alignement entre poste et numérique devient un enjeu de souveraineté économique : maîtriser les flux, moderniser les services, s’insérer dans une chaîne de valeur régionale.

Mais l’horizon numérique n’est pas seulement celui des infrastructures et des marchés. Il touche aussi aux usages. Les discours politiques récents insistent sur une idée devenue centrale : un numérique utile est un numérique inclusif. À l’échelle mondiale, la fracture numérique est documentée, et les responsables politiques la mobilisent pour justifier des politiques d’accès et de formation. À Djibouti, Radwan Abdillahi Bahdon a ainsi appelé à une mobilisation collective pour que le numérique devienne un levier d’égalité plutôt qu’un vecteur d’exclusion, en évoquant notamment les inégalités de connexion touchant une large part de la population mondiale et, de façon marquée, les femmes.

Cette articulation entre ambition de hub et exigence d’inclusion n’est pas théorique. Elle pose une contrainte politique : un pays peut multiplier les annonces de modernisation, mais si une partie de la population reste en dehors des usages, l’innovation devient un facteur de polarisation. Dans cette perspective, le rôle d’un ministre des télécoms se transforme : il ne pilote plus seulement des infrastructures, il pilote une politique sociale du numérique, faite d’accès, de compétences, de réduction des barrières et de construction de confiance.

Diplomatie sectorielle : des ambassades aux grands acteurs du mobile

Le ministère de la Communication, chargé des Postes et des Télécommunications, est l’un de ces portefeuilles où la dimension internationale est omniprésente. Les télécommunications sont un secteur globalisé, structuré par des standards, des industriels, des organisations transnationales et des investissements considérables. Les médias, eux aussi, se développent dans un espace international : coopération audiovisuelle, formation, diffusion, technologie, contenus.

Radwan Abdillahi Bahdon apparaît ainsi dans une série de rencontres diplomatiques. Il reçoit des ambassadeurs accrédités à Djibouti, dans un calendrier de visites de prise de contact ou d’audiences sectorielles. L’ambassadeur de France, par exemple, est reçu dans le cadre de ces échanges institutionnels. Le nouvel ambassadeur d’Égypte est également reçu par le ministre, selon une communication officielle datée du 16 décembre 2025. D’autres échanges avec des représentants étrangers sont relatés dans la presse djiboutienne, dans une logique similaire : consolider des relations bilatérales et explorer des coopérations dans les médias et les TIC.

Au-delà de ces audiences, la diplomatie sectorielle s’incarne dans les déplacements. À Doha, au Qatar, le ministre prend part à des séquences liées au monde des télécommunications et de l’audiovisuel. Des communications officielles présentent une mission à Doha comme s’inscrivant dans une vision stratégique visant à bâtir un partenariat durable entre Djibouti et le Qatar dans le domaine des médias, avec une perspective de renforcement des capacités audiovisuelles et de modernisation du paysage médiatique.

Dans le même espace, la dimension télécoms se renforce : des comptes rendus font état d’échanges avec la GSMA, organisation mondiale de l’écosystème mobile. Il est notamment mentionné qu’un entretien a lieu avec le directeur général de la GSMA, où le ministre souligne l’importance de la consultation et du dialogue pour renforcer la coopération. Il formule une demande visant à envisager l’accueil de prochains événements de la GSMA sur le territoire djiboutien, proposition accueillie favorablement et appelée à être examinée. L’enjeu est explicite : positionner Djibouti comme lieu de rencontres régionales et internationales dans le mobile, donc comme plateforme de visibilité et de réseau.

Ces éléments de diplomatie économique et technologique sont révélateurs d’une stratégie. Dans une région marquée par la concurrence entre hubs et corridors, la capacité à attirer des événements, à nouer des partenariats et à exister dans les réseaux internationaux compte autant que les infrastructures elles-mêmes. Le ministre devient alors un négociateur : il ne porte pas seulement une politique interne, il porte une ambition externe, visant à inscrire le pays dans les circuits de décision et d’innovation.

Cette diplomatie est aussi, pour un pays, une manière de gagner du temps. En s’adossant à des organisations et partenaires, l’État peut accélérer des transferts de compétences, renforcer la formation, adopter des normes, et parfois sécuriser des financements. Mais elle comporte une autre contrainte : elle suppose une cohérence entre la parole et les réalisations. Un ministre qui parle de hub digital et de modernisation est attendu sur des résultats, des déploiements, des réformes, des services qui suivent.

Entre modernisation et équilibre : presse, régulation et fracture numérique

À première vue, la communication et les télécommunications peuvent paraître comme deux univers séparés. En réalité, ils se rejoignent aujourd’hui sur un point : la gestion de l’espace public, désormais hybride, où la diffusion de l’information dépend d’infrastructures numériques, et où les débats sur la presse croisent ceux sur les plateformes, l’accès et la régulation.

Dans les prises de parole associées à des événements de presse, Radwan Abdillahi Bahdon met en avant la professionnalisation du secteur médiatique et la nécessité d’une presse crédible, rigoureuse, et structurée par des valeurs. Des textes publiés dans la presse nationale reprennent des passages de discours où l’on insiste sur la place des journalistes, sur l’exigence d’informer sans déformer, et sur l’importance d’un écosystème médiatique respecté. Ce registre n’est pas seulement rhétorique : dans un pays, la relation entre État et presse est un marqueur de stabilité politique, mais aussi un révélateur des marges de débat et de critique acceptées.

En parallèle, les télécommunications posent un autre défi : la fracture numérique. Le sujet est désormais classique, mais il reste politiquement explosif. Dans une déclaration relayée par l’agence nationale d’information, le ministre appelle à faire du numérique un levier d’égalité, en soulignant que l’inégalité d’accès n’est pas seulement une injustice sociale, mais une perte pour l’ensemble de la société. Il insiste sur l’idée que les investissements dans les infrastructures ne suffisent pas, et qu’il faut s’attaquer aux barrières spécifiques qui freinent certaines catégories de la population, notamment les femmes, dans l’accès et l’usage du numérique.

Ce type de prise de position place le ministère sur un terrain transversal : celui des politiques d’inclusion, de formation, de sensibilisation, parfois de tarifs et d’accessibilité. La question devient alors : comment concilier l’ambition de faire de Djibouti un hub et l’impératif d’équiper, former et intégrer des publics qui risquent d’être laissés à l’écart ?

L’équilibre est d’autant plus délicat que les télécoms relèvent souvent d’investissements lourds et de logiques économiques. Dans un petit marché, la rentabilité n’est pas toujours immédiate. L’État doit alors arbitrer entre la modernisation rapide, parfois concentrée, et une diffusion plus progressive, plus inclusive, mais souvent plus coûteuse.

Enfin, le ministère est confronté à une responsabilité plus diffuse : bâtir la confiance dans le numérique. Or la confiance dépend de l’usage, mais aussi de la qualité des services, de la transparence, et de la capacité de l’État à accompagner le changement. C’est ce que suggèrent les communications institutionnelles qui présentent le site web du ministère comme un outil de proximité, de transparence et d’accès à l’information, destiné aux citoyens, aux professionnels des médias et aux entrepreneurs.

Au final, Radwan Abdillahi Bahdon apparaît comme un ministre à la fois technique et politique, placé au carrefour des infrastructures et des récits, des partenariats internationaux et des enjeux domestiques. Son parcours, commencé dans l’administration de l’assainissement, rappelle que la modernisation d’un pays passe souvent par des profils de gestion, capables d’articuler la continuité des services et l’ambition stratégique. Et son portefeuille, à lui seul, résume l’un des paris majeurs de Djibouti : relier le pays au monde, sans laisser une partie de la population hors connexion.

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