Rohey John Manjang est l’une des figures politiques les plus en vue de la République de Gambie. Indépendante et investie dans la lutte contre le changement climatique, la protection de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles, elle occupe depuis mai 2022 le poste stratégique de Ministre de l’Environnement, du Changement climatique et des Ressources naturelles (Ministry of Environment, Climate Change and Natural Resources) dans le gouvernement gambien. Sa trajectoire personnelle, académique et professionnelle illustre l’engagement croissant des femmes dans les sphères politiques africaines, ainsi que la place centrale que prend désormais la question écologique dans les agendas nationaux.
Au fil des années, Rohey John Manjang s’est imposée comme une actrice clé de la politique environnementale gambienne, en articulant son action autour de la protection de la biodiversité, de la résilience climatique et de la promotion d’un développement durable pour les populations gambiennes. Son rôle dépasse aujourd’hui les frontières de son pays, puisqu’elle est également reconnue sur la scène internationale pour son engagement en faveur des pays vulnérables face au réchauffement planétaire.
La présente biographie retrace son parcours depuis ses années de formation jusqu’à sa carrière politique, en passant par son ascension au sein de l’administration publique et ses initiatives majeures en tant que ministre. Nous analyserons également les enjeux de ses politiques, les défis auxquels elle est confrontée et l’impact de son leadership sur le positionnement de la Gambie dans les grandes négociations climatiques mondiales. Cette présentation vise à donner une image complète et documentée de cette personnalité publique, tout en soulignant l’importance de son action dans un contexte de crise environnementale mondiale.
Jeunesse, formation et débuts professionnels
Rohey John Manjang est née en Gambie, pays d’Afrique de l’Ouest souvent considéré comme l’un des plus vulnérables aux effets du changement climatique. Dès son plus jeune âge, elle montre un intérêt marqué pour l’éducation, la gestion et les questions sociales. Elle commence sa scolarité à Armitage Junior and Senior Boarding Schools, où elle étudie de 1992 à 1998. À cette étape, ses études sont orientées vers les sciences pures, mais très rapidement, elle opère une réorientation intellectuelle vers des disciplines davantage liées à la gestion, l’économie et le développement.
Après cette phase initiale, Rohey John Manjang poursuit des études supérieures en obtenant un Bachelor of Science (BSc) en Management et en Economie, ce qui jette les bases solides de sa compréhension des mécanismes économiques et administratifs essentiels à toute carrière publique. Dans un contexte où peu de femmes gambiennes accèdent à des formations supérieures, son parcours universitaire constitue déjà un marqueur de détermination et de volonté personnelle. Parallèlement à ce diplôme, elle se dote d’une solide expertise professionnelle grâce à plusieurs certifications : un certificat de formation de formateurs (Training of Trainers), un diplôme avec distinction en gestion des ressources humaines (Human Resources Management), et enfin une maîtrise de sciences sociales en financement de la protection sociale (MSc Social Protection Financing), obtenue également avec distinction.
Ce parcours académique diversifié lui confère une compréhension approfondie des enjeux sociaux, économiques et organisationnels, compétences qui lui seront utiles dans les différents postes qu’elle occupera ultérieurement. Bien qu’elle n’ait pas initialement axé sa formation vers l’environnement, ces bases lui permettent de développer une approche intégrée des politiques publiques, en particulier lorsqu’il s’agit de concilier croissance économique, équité sociale et durabilité écologique.
Ses premiers pas professionnels ne sont pas immédiatement dans la politique : elle travaille d’abord dans plusieurs organisations, y compris dans le Medical Research Council en Gambie, où elle débute comme assistante de terrain, puis devient la première femme superviseure et formatrice de terrain au sein de l’institution, pendant plusieurs années. Cette expérience de terrain, auprès des communautés rurales et urbaines, renforce sa compréhension des réalités sociales gambiennes et la sensibilise aux défis environnementaux qui affectent directement la vie des populations.
Par la suite, elle s’investit dans l’administration en tant qu’officier d’administration au QuantunNet Institute of Technology pendant huit ans, puis elle devient manager régional pour le Social Development Fund, un fonds public dédié au développement social. Ces fonctions lui permettent de maîtriser les rouages de la gestion institutionnelle et la coordination de projets de développement, en particulier dans les zones rurales.
Son expertise la mène ensuite au sein de la Gambia Tourism Board, où elle est nommée Destination Manager pour le Moyen-Orient et la péninsule arabique, poste qu’elle occupe pendant deux ans. Cette expérience internationale lui donne une perspective élargie sur les enjeux du développement durable, du tourisme responsable et des relations internationales, tout en consolidant son aisance à représenter son pays à l’étranger.
Du leadership régional à la nomination ministérielle
Avant de rejoindre le gouvernement au plus haut niveau, Rohey John Manjang renforce son profil politique au niveau local et régional. Elle est nommée Gouverneure de la région de Lower River (Lower River Region, LRR), une des cinq régions administratives de Gambie. Dans ce rôle, elle exerce une fonction politique et administrative importante, en supervisant la mise en œuvre des politiques publiques et en coordonnant les actions gouvernementales dans la région.
La région de Lower River, comme d’autres zones du pays, fait face à des défis environnementaux tels que la dégradation des terres, la gestion des ressources naturelles, et la pression des activités humaines sur les écosystèmes locaux. À ce titre, sa gouvernance régionale lui permet d’aborder ces problèmes de manière pragmatique, en travaillant avec les communautés locales, les autorités traditionnelles et les services techniques. Cette expérience de terrain consolide sa réputation de gestionnaire efficace et de leader capable de mobiliser les acteurs autour des objectifs de développement durable.
Le 10 mai 2022, Rohey John Manjang franchit une étape majeure dans sa carrière politique lorsqu’elle est nommée Ministre de l’Environnement, du Changement climatique et des Ressources naturelles dans l’administration du président Adama Barrow, l’un des postes les plus importants au sein du gouvernement gambien. Cette nomination est reconnue comme un signal fort – tant au niveau national qu’international – de la volonté de la Gambie de renforcer son engagement en matière de politiques environnementales et climatiques. Elle succède à Lamin B. Dibba, qui avait occupé la fonction jusqu’en mars 2022.
L’accès à ce portefeuille stratégique représente un tournant pour la Gambie, un pays qui, malgré sa petite taille, est profondément exposé aux effets du changement climatique, notamment l’élévation du niveau de la mer, la variabilité des précipitations, la dégradation des sols et la pression sur les ressources naturelles. En prenant la tête de ce ministère, Rohey John Manjang hérite d’un rôle clé dans l’intégration des impératifs écologiques aux politiques de croissance nationale et dans la représentation de la Gambie auprès des plateformes internationales sur le climat.
Dans ses premières déclarations publiques en tant que ministre, elle décrit sa nouvelle tâche comme « énorme et pleine de défis », soulignant la nécessité d’innover et de mobiliser toutes les parties prenantes pour répondre aux attentes de la population gambienne en matière de gestion environnementale et de résilience climatique. Elle met en avant l’importance d’adopter des politiques durables et de travailler en collaboration avec d’autres ministères, autorités locales et partenaires internationaux pour atteindre les objectifs fixés.
Actions politiques et initiatives environnementales
Depuis sa prise de fonctions en tant que ministre, Rohey John Manjang s’investit activement dans plusieurs initiatives ambitieuses destinées à répondre aux défis climatiques et environnementaux auxquels la Gambie est confrontée. Son action se caractérise par une combinaison de réformes politiques, de engagements internationaux et de projets de terrain visant à promouvoir une transition vers un développement durable.
Protection de la biodiversité et des aires protégées
Dans un contexte où la dégradation des écosystèmes menace à la fois la biodiversité et les moyens de subsistance des populations rurales, la ministre annonce en février 2024 la création de quatre zones communautaires réservées dans la région centrale du pays, ainsi que l’instauration d’une aire marine protégée autour de Kartung, une localité côtière importante. Ces mesures visent à préserver des zones clés de la biodiversité, tout en impliquant les communautés locales dans leur gestion afin d’assurer une protection durable des ressources naturelles.
La Grande Muraille Verte et la restauration écologique
En juillet 2024, elle lance un projet phare intitulé « Restauration d’un corridor écologique pour la conservation de la biodiversité forestière et des services écosystémiques », dans le cadre plus vaste de la Grande Muraille Verte (Great Green Wall). Cette initiative ambitieuse a pour objectif de restaurer 43 000 hectares de terres forestières dégradées, renforçant ainsi la résilience des sols, améliorant la séquestration du carbone et offrant de nouvelles perspectives de développement aux communautés rurales.
Lutte contre la pollution plastique
Rohey John Manjang joue également un rôle central dans la lutte contre la pollution marine et terrestre liée aux plastiques. En octobre 2024, elle présente avec l’organisation Common Seas un plan d’action national visant à réduire la pollution plastique, incluant des mesures progressives telles que l’interdiction graduelle des bouteilles en plastique à usage unique et des sacs plastiques. Cette démarche s’inscrit dans une vision de gestion intégrée des déchets et de protection des océans, essentiels pour un pays dont les activités économiques – comme la pêche – dépendent fortement de l’intégrité des écosystèmes côtiers.
Gestion des déchets et partenariat pour les infrastructures
Face à une collecte des déchets estimée à environ 20 % sur l’ensemble du territoire, en mars 2025, la ministre signe un protocole d’entente avec le groupe Jospong du Ghana pour construire une usine de traitement des déchets en Gambie. Ce partenariat stratégique vise à renforcer les capacités nationales en matière de gestion des déchets solides, contribuant à la santé publique, à la réduction de la pollution et à la création d’emplois verts.
Réformes législatives pour une meilleure gouvernance environnementale
Rohey John Manjang s’engage également dans une réforme majeure du cadre juridique environnemental. En juillet 2025, elle présente à l’Assemblée nationale le projet de loi sur la gestion nationale de l’environnement (National Environmental Management Bill), qui vise à remplacer l’ancienne loi de 1994. Cette réforme législative ambitieuse entend moderniser la gouvernance environnementale, introduire des principes de développement durable, responsabiliser les acteurs publics et privés, et assurer une application plus rigoureuse des normes environnementales dans tous les secteurs.
Engagement international et rôle dans les négociations climatiques mondiales
Au-delà des frontières de la Gambie, Rohey John Manjang s’illustre comme une voix influente dans les négociations climatiques mondiales. Représentant son pays lors des grandes conférences internationales, elle s’efforce de porter les préoccupations des nations les plus vulnérables face au changement climatique, notamment celles des pays les moins avancés (PMA) et des petits États insulaires.
Lors de la COP30 tenue au Brésil en 2025, elle prononce la déclaration nationale de la Gambie, rappelant que son pays, bien que n’étant pas l’un des plus grands contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre, subit de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique, notamment sur les secteurs agricoles, la sécurité alimentaire et les zones côtières menacées par la montée du niveau de la mer. Dans ce même discours, elle réaffirme la détermination de la Gambie à réduire ses émissions et à renforcer sa résilience climatique, notamment à travers la mise en œuvre de sa Contribulion Déterminée au niveau national (NDC), qui vise une réduction significative des émissions d’ici 2030 et une perspective de neutralité carbone à long terme.
Son action internationale est également récompensée par sa désignation comme co-présidente du Global Goal for Adaptation (GGA), un pilier central des négociations climatiques mondiales, aux côtés du ministre allemand de l’Environnement. Cette responsabilité la place au cœur des discussions visant à renforcer l’adaptation climatique pour tous les pays, en particulier les plus exposés aux risques liés au changement climatique. Cette nomination est perçue comme une reconnaissance du leadership gambien dans la lutte pour une action climatique équitable et inclusive.
Enjeux, défis et perspectives
L’action de Rohey John Manjang, bien qu’ambitieuse, n’est pas exempte de défis. La Gambie, comme de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, doit faire face à des contraintes financières, institutionnelles et humaines pour mettre en œuvre ses politiques environnementales de manière efficace. L’accès aux financements internationaux, l’appui des partenaires techniques et financiers, et la coopération intersectorielle restent des éléments cruciaux pour transformer les engagements en actions tangibles sur le terrain.
En outre, elle se heurte parfois à des critiques ou à des controverses. Par exemple, des organisations locales ont appelé à des enquêtes sur certaines questions environnementales, reflétant l’attention accrue portée à la transparence et à la responsabilité dans la gestion publique. La ministre a réfuté ces allégations, affirmant son engagement envers l’intégrité et l’intérêt public.
Malgré ces défis, Rohey John Manjang continue de plaider pour une approche intégrée des politiques environnementales, combinant conservation, développement économique et justice sociale. Son leadership contribue à rehausser le profil de la Gambie comme un acteur déterminé dans la lutte pour un avenir plus vert et plus résilient, tant sur le plan national qu’international.
Conclusion
Rohey John Manjang incarne la figure d’une femme politique engagée, résolument tournée vers l’avenir et consciente des enjeux environnementaux qui conditionnent désormais la prospérité des nations. À travers son action comme ministre de l’Environnement, du Changement climatique et des Ressources naturelles, elle illustre l’importance de faire de la protection écologique un élément central des politiques publiques dans un pays en développement.
Son parcours, de ses premiers emplois dans la recherche et l’administration aux responsabilités ministérielles, en passant par la gouvernance régionale, témoigne d’une carrière construite sur la compétence, l’engagement et la persévérance. Par son leadership, elle contribue non seulement à renforcer la résilience environnementale de la Gambie, mais aussi à porter la voix des pays vulnérables sur la scène mondiale du climat.
Alors que le monde continue d’affronter les défis sans précédent du changement climatique, des figures comme Rohey John Manjang démontrent que les solutions durables passent par une gouvernance inclusive, une coopération internationale renforcée et une vision stratégique qui unit développement humain et préservation de la planète.



