Qui est Stella Eldine Kabré, la femme politique burkinabè ?

Dans un paysage politique sahélien bousculé par les recompositions diplomatiques, les urgences sécuritaires et les débats sur l’intégration régionale, certains profils avancent moins par le bruit médiatique que par la continuité du travail d’État. Bêbgnasgnan Stella Eldine Kabré/Kaboré appartient à cette catégorie : une responsable issue du sérail diplomatique, devenue figure gouvernementale à un poste technique mais stratégique, celui de ministre déléguée chargée de la Coopération régionale auprès du ministère burkinabè en charge des Affaires étrangères.

Son nom circule parfois avec des variantes d’orthographe — Kabré, Kaboré, ou les deux — et avec ce prénom composé qui, lui, revient de manière stable : Stella Eldine. Pour comprendre son rôle, il faut tenir ensemble trois dimensions : un parcours construit dans l’administration internationale, une entrée au gouvernement dans un moment de transition politique, et une action qui se lit surtout dans les forums régionaux, les concertations avec des partenaires et les dossiers sensibles où se mêlent souveraineté, alliances et voisinage.

Un parcours de diplomate avant l’étiquette de femme politique

Bêbgnasgnan Stella Eldine Kabré/Kaboré est née le 4 mai 1974 à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso.
Cette précision biographique, d’apparence classique, est loin d’être anecdotique : Bobo-Dioulasso, grand centre urbain de l’ouest du pays, a longtemps été un carrefour culturel et économique, un point d’ancrage pour des trajectoires de cadres qui oscillent entre administration, diplomatie et institutions internationales.

Sa formation universitaire s’inscrit d’abord dans les sciences sociales : elle obtient une maîtrise en sociologie à l’Université de Ouagadougou en 1999, avec une orientation indiquée comme « sociologie de la santé » et « sociologie rurale ».
Ce détour par la sociologie avant la diplomatie n’est pas rare dans les pays où l’État recrute, pour ses affaires extérieures, des profils capables de lire les dynamiques sociales, sanitaires ou territoriales — des compétences particulièrement utiles quand les enjeux de coopération se jouent sur le terrain, au contact des populations, des projets et des acteurs locaux.

En 2004, elle intègre l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM) et obtient un diplôme de conseillère des affaires étrangères, ce qui marque le basculement assumé vers la carrière diplomatique.
À cette base s’ajoutent des formations professionnelles mentionnées dans les documents biographiques : passage par l’Institut des Études diplomatiques du Caire, par l’Institut royal des relations internationales (Egmont) à Bruxelles, ainsi que par l’Académie diplomatique internationale de Paris.
Ces étapes disent quelque chose d’un itinéraire « long cours » : celui d’une diplomate qui, au fil du temps, construit un capital de réseaux et de méthodes, entre écoles, séminaires et dispositifs d’échanges.

La suite relève de l’administration et des postes à responsabilité. Les éléments biographiques accessibles indiquent un début de carrière dans le secteur des ONG sur des projets de santé maternelle et néonatale, avant un retour dans l’appareil d’État au ministère en charge des Affaires étrangères à partir de 2004.
Elle y passe par des directions liées à l’Afrique, à la coopération régionale et aux relations multilatérales.
Elle est ensuite en poste à l’ambassade du Burkina Faso à Paris comme conseillère (2009-2013), puis occupe une fonction de secrétaire permanente de la Commission nationale pour la Francophonie (2014-2018).
En 2019, elle est nommée consule générale du Burkina Faso à Milan, en Italie.

Autrement dit : avant d’être « femme politique » au sens strict, elle est d’abord une diplomate de carrière, familiarisée avec la France, l’Italie, et les arènes multilatérales où se construisent les coopérations, les programmes et les positions officielles.

Une entrée au gouvernement dans un contexte de transition

Le 17 décembre 2023, Bêbgnasgnan Stella Eldine Kabré/Kaboré est nommée ministre déléguée chargée de la Coopération régionale auprès du ministre en charge des Affaires étrangères.
Le poste est, par nature, un poste de coordination : il ne se limite pas à la représentation protocolaire, mais touche à la mécanique de la relation avec les organisations régionales, les États voisins, les cadres de concertation et les dossiers transfrontaliers (commerce, mobilité, sécurité, gestion des crises, migrations).

Selon les éléments biographiques publiés par l’administration, elle est mariée et mère de deux enfants.
Cette mention, rare dans les notices institutionnelles lorsqu’il s’agit de strictement décrire un rôle public, participe néanmoins à une manière de présenter les responsables : à la fois comme figures d’État et comme personnalités insérées dans un récit social.

Son maintien au poste est également évoqué lors d’un remaniement ministériel daté du 8 décembre 2024.
Dans les régimes de transition, où les gouvernements peuvent être remaniés pour des raisons politiques, sécuritaires ou de rééquilibrage interne, la reconduction d’une ministre déléguée à un portefeuille technique peut signaler une volonté de continuité sur les dossiers extérieurs, là où l’instabilité est coûteuse : les partenaires attendent des interlocuteurs identifiés, des calendriers, des engagements suivis, et des positions cohérentes.

La question « qui est-elle ? » se confond donc rapidement avec une autre : « à quoi sert son poste ? ». La coopération régionale, au Sahel et en Afrique de l’Ouest, ne se réduit plus depuis longtemps à des déclarations de principes. Elle est traversée par des débats sur les sanctions, les retraits d’organisations, les nouvelles alliances, et la place de chaque pays dans les mécanismes collectifs.

C’est précisément dans cet entrelacs de décisions et de symboles que le ministère délégué à la Coopération régionale devient un poste observé : un lieu où l’on explique, négocie, défend, et où l’on traduit politiquement les choix de l’exécutif sur la scène régionale.

Coopération régionale : un portefeuille technique devenu hautement politique

Pour mesurer la dimension politique de la fonction, il suffit de regarder les dossiers sur lesquels Bêbgnasgnan Stella Eldine Kabré/Kaboré apparaît publiquement. L’un des plus sensibles, au cours de l’année 2024, concerne les échanges avec des responsables de communautés vivant au Burkina Faso autour des enjeux liés au retrait des États de l’AES de la CEDEAO, sujet qui a provoqué débats et crispations dans la région.
Dans ce type de séquence, la ministre déléguée agit comme une interface : elle porte un discours de clarification, contextualise la décision, et s’adresse à des acteurs dont les trajectoires sont souvent transfrontalières (diasporas, communautés étrangères installées au Burkina Faso, réseaux économiques ou familiaux).

L’autre série de moments publics renvoie aux cadres panafricains ou interafricains de concertation. En juin 2025, elle participe à Lomé à la troisième conférence ministérielle de l’Alliance politique africaine (APA), cadre présenté comme né à l’initiative du Togo en 2023 et décrit comme un espace informel de réflexions et de concertations stratégiques entre États africains.
Les comptes rendus rapportent qu’elle y insiste sur la solidarité intracontinentale et l’idée d’une Afrique « forte, indépendante et décomplexée ».
Qu’on partage ou non ce vocabulaire, il traduit une tonalité politique qui, depuis plusieurs années, gagne du terrain dans les discours officiels de nombreux pays africains : affirmation de souveraineté, recherche d’autonomie stratégique, et réévaluation des partenariats.

La coopération régionale, dans ce contexte, n’est plus une rubrique « secondaire » des affaires étrangères. Elle devient un lieu où l’on tente de construire des coalitions, de préserver des marges de manœuvre, et de gérer la cohabitation entre diverses organisations et alliances, parfois concurrentes, parfois complémentaires.

Le quotidien de cette fonction se lit aussi dans des rencontres bilatérales ou multilatérales. En juin 2025, des informations publiques mentionnent une audience accordée à l’ambassadeur de l’Union européenne au Burkina Faso, accompagné de l’ambassadeur d’Italie, autour d’enjeux évoqués comme liés à la cybersécurité mondiale.
Ce type d’entretien illustre une réalité : même lorsqu’on parle « région », on parle aussi de normes, de sécurité numérique, de coopération multilatérale, donc de sujets qui dépassent largement le voisinage immédiat.

Dans une autre séquence rapportée en 2025, elle conduit une délégation burkinabè à Kampala, du 13 au 16 octobre 2025, pour une réunion ministérielle à mi-parcours du Mouvement des non-alignés, placée sous un thème axé sur la coopération et la prospérité mondiale partagée.
Là encore, on retrouve le fil conducteur : la coopération comme espace de positionnement, à la fois régional et mondial, dans des forums où le Burkina Faso vient défendre une lecture de ses intérêts et de ses priorités.

Entre diplomatie de terrain et représentation : ce que disent les déplacements et les symboles

La vie d’une ministre déléguée chargée de la Coopération régionale n’est pas uniquement faite de déclarations et de conférences. Elle comporte une dimension de représentation, parfois très locale, qui permet d’articuler les enjeux diplomatiques à la société.

En août 2025, par exemple, des informations publiques évoquent une visite de civilités dans la région du Nakambé, avec une rencontre auprès d’une autorité coutumière à Tenkodogo, où il est question de saluer le rôle des autorités traditionnelles et de solliciter des prières pour le retour de la paix.
Ce type de déplacement peut surprendre si l’on imagine la coopération régionale confinée aux capitales étrangères et aux réunions techniques. Mais il renvoie à une logique classique : quand un pays traverse une crise sécuritaire, la politique étrangère et la cohésion interne se répondent. Les autorités coutumières, dans de nombreux contextes, restent des relais d’influence, de médiation et de légitimité sociale. Leur rendre visite, c’est aussi parler, indirectement, d’unité nationale et de résilience.

D’autres prises de parole renvoient aux relations économiques et aux partenariats bilatéraux. À l’automne 2025, des éléments relayés dans la presse burkinabè associent son nom à une séquence sur la coopération avec la Chine, où il est notamment fait mention d’un volume d’échanges commerciaux bilatéraux chiffré à 668 millions de dollars américains entre janvier et août 2025, avec une progression annoncée de 53,5 % en glissement annuel.
Il faut prendre ces chiffres pour ce qu’ils sont dans ce type de communication : des indicateurs mis en avant pour matérialiser une relation et la présenter comme dynamique. Dans la grammaire diplomatique, les chiffres servent autant à décrire qu’à convaincre : convaincre l’opinion, les administrations partenaires, ou les milieux économiques qu’une coopération « produit » des résultats.

Ces déplacements et ces séquences dessinent un portrait cohérent : Bêbgnasgnan Stella Eldine Kabré/Kaboré n’est pas présentée comme une tribune partisane ou une figure de campagne électorale, mais comme une responsable de politique publique extérieure, dont l’activité se juge à la régularité des rencontres, au suivi des dossiers et à la capacité à tenir une ligne dans la durée.

Dans beaucoup de pays, cette différence est essentielle pour comprendre ce qu’on appelle « femme politique ». On peut l’être par la conquête électorale, par le militantisme, ou par l’exercice de responsabilités gouvernementales issues d’un parcours administratif. Dans son cas, les éléments disponibles mettent surtout en avant cette dernière voie : l’accession à un rang politique par la diplomatie d’État.

Une personnalité publique encore discrète, mais un rôle appelé à compter

Une question demeure : pourquoi, malgré ce poste, son nom reste-t-il relativement peu connu hors des cercles qui suivent l’actualité diplomatique burkinabè ? La réponse tient à la nature même de la coopération régionale : c’est un travail souvent situé à la frontière entre le technique et le politique, entre l’accord et le communiqué, entre la salle de réunion et la traduction administrative.

Les informations biographiques accessibles insistent davantage sur les étapes de carrière que sur une doctrine personnelle détaillée.
Cette sobriété est fréquente chez les diplomates : l’expression publique y est codifiée, le « je » s’efface derrière le « nous » de l’État, et la cohérence prime sur l’effet d’annonce.

Pour autant, l’époque rend ce portefeuille plus exposé qu’avant. Dès qu’un pays est engagé dans des débats sur son appartenance à des organisations régionales, sur la redéfinition de ses alliances, ou sur sa place dans des forums panafricains, la coopération régionale cesse d’être un simple chapitre administratif. Elle devient un marqueur de souveraineté et un terrain d’affirmation.

C’est là que l’on peut situer l’importance de Bêbgnasgnan Stella Eldine Kabré/Kaboré : à un poste où se croisent les relations avec les États voisins, la gestion des cadres régionaux, et la communication politique sur des décisions structurantes, comme celles discutées autour de la CEDEAO et de l’AES.
À ce niveau, chaque mot compte, parce qu’il peut être interprété comme une ouverture, une ligne rouge, ou un signal envoyé à la fois à l’extérieur et à l’intérieur.

Enfin, son profil rappelle une tendance qui traverse de nombreuses administrations : la montée en responsabilité de femmes issues des corps diplomatiques, dont la légitimité repose sur l’expertise, les réseaux internationaux et l’expérience des négociations. Dans son cas, le parcours indiqué — ENAM, directions ministérielles, postes à Paris et à Milan, francophonie, puis ministère délégué — raconte la construction progressive d’une autorité dans le champ des affaires extérieures.

À l’heure où les agendas régionaux restent dominés par la sécurité, les mobilités et la recomposition des alliances, le nom de Bêbgnasgnan Stella Eldine Kabré/Kaboré est appelé à revenir, moins dans la polémique que dans les interstices où se décide la continuité d’un État : les réunions de coordination, les visites de travail, les échanges multilatéraux, et ces discours calibrés qui, derrière leur prudence, disent souvent une stratégie.

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