Dans les pays soumis au stress hydrique, la politique se lit souvent dans les robinets, les barrages et les usines. En Algérie, où la question de l’eau revient au premier plan à mesure que les épisodes de sécheresse se multiplient et que la demande progresse, un nom s’est imposé dans l’actualité gouvernementale : Taha Derbal. Relativement discret au regard des figures partisanes classiques, il incarne pourtant une réalité de plus en plus fréquente dans les exécutifs contemporains : celle d’un responsable issu de l’appareil administratif et technique, propulsé au rang de ministre pour piloter un secteur sensible. Qui est-il, d’où vient-il, et que dit son parcours de la manière dont l’État algérien aborde la sécurité hydrique ?
Un profil de l’administration technique, loin des trajectoires partisanes
Taha Derbal est présenté dans les sources institutionnelles et la presse comme un haut fonctionnaire et un homme politique algérien, né le 13 novembre 1958. Son image publique se construit moins autour d’une carrière militante ou d’une présence électorale que d’un cheminement au cœur de l’administration du secteur de l’eau. Cette caractéristique n’est pas anodine : la gestion de l’hydraulique en Algérie, entre distribution d’eau potable, irrigation, infrastructures et assainissement, mobilise une technostructure importante et des opérateurs publics aux missions étendues.
Dans les éléments biographiques régulièrement rappelés lors de sa nomination ou de ses déplacements, Derbal apparaît d’abord comme un ingénieur d’État en ressources en eau. Cette formation, mise en avant par plusieurs titres de presse, l’inscrit dans une génération de cadres pour qui la gestion de l’eau relève autant de l’ingénierie que de la stratégie publique. C’est aussi un marqueur de légitimité : dans un secteur où le débat public se nourrit de chiffres (taux de remplissage, capacités de stockage, volumes produits, rendements de réseau), le profil technique devient un argument politique en soi.
Son parcours est ensuite associé à des fonctions de direction dans des organismes structurants. Il est notamment cité comme directeur général de l’Office national d’irrigation et de drainage (ONID), organisme lié aux enjeux agricoles et à la gestion des infrastructures d’irrigation. Il est également mentionné comme ayant été directeur général de l’Algérienne des eaux (ADE), l’opérateur chargé de la distribution d’eau potable dans une grande partie du pays. Dans les récits de presse, ces postes sont décrits comme des responsabilités de gestion au quotidien : réseau, investissements, maintenance, rapports avec les collectivités et les usagers.
Avant son entrée au gouvernement, Derbal occupe aussi des fonctions au sein de l’administration centrale. Plusieurs sources indiquent qu’il a été secrétaire général d’un ministère regroupant, à une période donnée, les Travaux publics, l’Hydraulique et les Infrastructures de base. Ce type de poste, souvent peu visible du grand public, joue pourtant un rôle clé : coordination interne, arbitrages, suivi des dossiers, articulation avec les opérateurs publics, préparation des décisions et mise en œuvre des orientations du gouvernement.
Cette trajectoire dessine un profil typique de « gestionnaire de secteur » : quelqu’un qui connaît l’appareil, la chaîne de décision, les contraintes financières et les réalités de terrain. Elle explique aussi pourquoi son nom apparaît fréquemment dans les comptes rendus d’inspection de chantiers, de réunions avec des élus, ou de séances parlementaires centrées sur des projets précis.
De l’opérateur public au gouvernement : une nomination au cœur des urgences hydriques
Le passage de Taha Derbal au rang ministériel s’inscrit dans une séquence politique clairement identifiée. Selon les annonces relayées par la presse et les éléments institutionnels, il est nommé ministre en mars 2023, à la tête du portefeuille de l’Hydraulique. Lors de sa prise de fonctions, des comptes rendus évoquent une passation avec son prédécesseur et rappellent les priorités du secteur, dans un contexte où l’eau est à la fois un service public sensible et un enjeu de souveraineté.
Avant cette nomination, il est signalé à des postes d’intérim ou de coordination de haut niveau. En octobre 2021, un communiqué ministériel relayé par la presse indique qu’il est chargé de l’intérim de la direction générale de l’Algérienne des eaux, dans l’attente de la nomination d’un nouveau directeur général. En janvier 2022, il est également indiqué qu’il est chargé de la gestion du secrétariat général du ministère chargé des ressources en eau. Ces étapes, souvent techniques en apparence, sont révélatrices : elles placent Derbal dans les circuits de décision, en position de piloter ou de coordonner un secteur déjà sous tension.
Dans la chronologie présentée par plusieurs sources, Derbal reste ministre de l’Hydraulique jusqu’à un remaniement gouvernemental intervenu en novembre 2024, après lequel son portefeuille est présenté comme relevant des « Ressources en eau ». Quelle que soit l’appellation exacte retenue selon les moments, le périmètre demeure celui de la sécurité hydrique : mobilisation des ressources, distribution, dessalement, assainissement, irrigation, maintenance des réseaux et pilotage des grands projets.
Sa nomination en 2023 intervient dans une période où les questions d’eau sont particulièrement exposées : fluctuations de la distribution dans plusieurs villes, annonces sur l’accélération du dessalement, attentes fortes des élus locaux, et nécessité de concilier urgence et planification. Dans ce contexte, le choix d’un profil de gestionnaire, issu de l’intérieur du secteur, apparaît comme une réponse à une demande de résultats mesurables et de mise en œuvre rapide.
Une action publique centrée sur l’infrastructure : barrages, transferts, réseaux, assainissement
Si l’on suit les interventions publiques et les déplacements rapportés par la presse, l’action de Taha Derbal s’articule autour d’un mot : capacité. Capacité à mobiliser, à stocker, à produire, à transférer et à distribuer. Dans de nombreux pays, la politique de l’eau se résume parfois à une promesse : « plus d’eau ». En Algérie, les déclarations attribuées preventivement à Derbal mettent surtout l’accent sur des instruments concrets : barrages, retenues, interconnexions, forages, stations de dessalement, stations d’épuration, mais aussi modernisation de la gestion.
Des articles rapportent ainsi qu’il a évoqué, à l’Assemblée populaire nationale (APN), l’exécution d’un plan visant à renforcer les capacités nationales de mobilisation des ressources hydriques superficielles, comprenant la prospection de nouveaux sites pour barrages et retenues d’eau. Cette ligne est récurrente : la recherche de volumes supplémentaires passe par l’investissement et l’identification de nouvelles possibilités de stockage, mais aussi par une meilleure exploitation des ouvrages existants.
Les sorties médiatiques du ministre abordent aussi la maintenance et la sécurisation des infrastructures. À la radio, selon un compte rendu, il insiste sur la nécessité d’un entretien rigoureux pour garantir un approvisionnement continu et régulier en eau potable. Ce point, souvent moins spectaculaire que la construction d’un nouvel ouvrage, renvoie pourtant à une réalité déterminante : dans les réseaux d’eau, les pertes, les pannes et la vétusté peuvent annuler les gains liés aux nouveaux investissements si la maintenance n’est pas renforcée.
La dimension parlementaire apparaît également comme un espace où l’exécutif doit rendre des comptes, en particulier sur les projets et les délais. Plusieurs articles rapportent ses interventions à l’APN, notamment au sujet de plans nationaux, de stratégies, ou de priorités. La présence du ministre devant les députés répond à une logique politique : l’eau est un sujet qui traverse les territoires et alimente les interpellations des élus, car il touche directement les conditions de vie des citoyens.
Au-delà des annonces, la presse relate des visites de travail dans différentes wilayas. Des comptes rendus indiquent qu’il insiste sur le respect des délais de réalisation des projets relevant de son secteur et sur le suivi des chantiers. Dans ces déplacements, le ministre se positionne comme garant de l’exécution : l’État promet, mais doit aussi livrer. Et dans l’eau, la livraison d’un projet se traduit par des jours de distribution supplémentaires, une baisse des coupures, un volume d’irrigation disponible, ou une réduction des rejets polluants.
Enfin, le secteur ne se limite pas à l’eau potable : la question de l’assainissement et de la réutilisation des eaux usées revient dans certaines interventions rapportées, avec l’idée d’encadrer les normes et de renforcer les moyens de contrôle. Là encore, la logique est celle de la « ressource » : dans un environnement aride, l’eau traitée devient un levier, à condition d’être gérée de manière sécurisée.
Dessalement, sécurité hydrique et climat : la stratégie affichée et ses ressorts politiques
Le dessalement occupe une place centrale dans les discours publics attribués à Taha Derbal. Plusieurs sources de presse rapportent que l’Algérie mise sur le dessalement de l’eau de mer comme réponse structurante à la pénurie, avec une ambition affichée de multiplier ou de renforcer les stations, notamment le long du littoral. Certaines publications évoquent un objectif de 31 stations à l’horizon 2025, présenté comme un élément majeur de la stratégie nationale.
Cette orientation n’est pas purement technique ; elle est aussi politique. Miser sur le dessalement, c’est afficher une capacité à « produire » de l’eau indépendamment des aléas climatiques immédiats. Dans un pays où les barrages dépendent des précipitations, le dessalement représente une forme d’assurance, coûteuse mais plus contrôlable. Il s’agit aussi d’une politique visible : les usines se construisent, s’inaugurent, se quantifient en mètres cubes par jour. Elles deviennent des symboles d’action publique.
Le lien avec le changement climatique est explicitement mentionné dans certaines déclarations. Un compte rendu de visite d’inspection rapporte que Derbal a affirmé la mise en œuvre d’une stratégie nationale structurée pour faire face aux impacts du changement climatique sur la ressource en eau et garantir durablement la sécurité hydrique. Dans le langage politique, cette expression de « sécurité hydrique » signale une montée en puissance du sujet, au même titre que la sécurité alimentaire ou énergétique.
Cependant, le dessalement ne règle pas tout. D’un point de vue de politique publique, il impose des défis : coûts d’investissement, coûts d’exploitation, énergie nécessaire, gestion de la distribution vers l’intérieur du pays, et articulation avec les réseaux existants. Sans détailler des éléments qui ne seraient pas explicitement documentés dans les sources, il est possible de relever, dans la manière dont le sujet est abordé, une volonté de présenter le dessalement comme un pivot, mais intégré à un ensemble plus large : interconnexions, barrages, forages, réhabilitation des réseaux, modernisation de la gestion.
La modernisation apparaît justement dans certaines prises de parole. Une visite rapportée par la presse mentionne l’intérêt du système de télégestion pour moderniser la gestion de l’eau potable. La télégestion, dans le domaine de l’eau, renvoie à la surveillance et au pilotage à distance de segments de réseau, à la détection des anomalies et à l’amélioration de la réactivité. Là encore, le message politique est clair : les investissements ne sont pas seulement « du béton », mais aussi des outils de pilotage, censés augmenter l’efficacité.
Ces messages s’inscrivent dans un cadre où la ressource devient un enjeu de gouvernance : qui décide des priorités, comment répartir l’eau entre usages, comment lisser les pénuries, comment répondre aux plaintes des citoyens, comment traiter les inégalités territoriales. Sur ces points, les déclarations publiques disponibles insistent surtout sur l’idée de planification et de renforcement des capacités, sans entrer dans des arbitrages finement détaillés au cas par cas.
Un ministre sous contrainte territoriale : relation aux élus, attentes sociales et gestion de l’urgence
Pour comprendre qui est Taha Derbal « en politique », il faut regarder la nature des scènes où il est le plus visible. Les articles le montrent régulièrement au contact des élus, des députés, et des responsables locaux. L’eau, parce qu’elle touche directement le quotidien, génère une pression politique permanente : chaque coupure, chaque baisse de pression, chaque retard de chantier devient un sujet d’interpellation. Dans ce contexte, le ministre apparaît comme l’interlocuteur d’ultime recours.
Des communiqués et articles rapportent qu’il reçoit des députés représentant certaines wilayas afin de s’enquérir de leurs préoccupations relatives au secteur. Cette forme de dialogue n’est pas seulement protocolaire : elle reflète un mode de gouvernement où les problèmes d’eau, souvent localisés, remontent par la voie politique. La réunion ministérielle devient alors un espace de médiation : demandes de forages, accélération d’un chantier, programmation de travaux, mise en place de solutions temporaires.
Les séances à l’APN offrent un autre théâtre : celui de la reddition de comptes. Lorsqu’un ministre annonce un plan national, il s’adresse autant aux élus qu’à l’opinion. L’Assemblée, en posant des questions orales, impose un calendrier et des explications. Les déclarations rapportées sur le renforcement des capacités, la prospection de sites de barrages, ou les grands projets, doivent être lues comme des réponses politiques à une attente de visibilité.
Dans la presse, Derbal est aussi associé à des messages sur la distribution d’eau potable : améliorer la distribution, réduire les fluctuations, sécuriser l’approvisionnement. Même lorsque les annonces portent sur des infrastructures, le juge final reste l’usager. C’est l’une des spécificités de la politique de l’eau : les grands projets peuvent être très longs, mais l’urgence sociale est quotidienne. La tension entre le long terme (barrages, usines, interconnexions) et le court terme (calendrier de distribution, maintenance, réparations) structure l’action de tout ministre du secteur.
Le ministre apparaît enfin dans des forums ou événements internationaux, comme le Forum mondial de l’eau, où l’Algérie présente ses engagements et ses orientations. Ces prises de parole servent plusieurs fonctions : inscrire la stratégie nationale dans un récit global, montrer une capacité de dialogue et de coopération, et renforcer l’image d’un État mobilisé sur un enjeu mondial. Pour le responsable politique, c’est aussi une manière de relier l’urgence domestique à une problématique internationale reconnue, celle de la raréfaction de la ressource et de l’adaptation au climat.
En définitive, Taha Derbal n’incarne pas la figure classique de l’homme politique au sens partisan du terme. Il représente plutôt une catégorie de responsables publics dont la légitimité s’appuie sur la maîtrise d’un secteur et la capacité à produire des résultats concrets. Sa « politique » se lit dans la programmation d’investissements, les annonces de plans, les déplacements de terrain et les arbitrages techniques rendus publics. Dans un domaine où les promesses se testent dans la vie quotidienne, cette posture de gestionnaire est aussi une posture politique : elle vise à convaincre par l’exécution.
Sources consultées : éléments biographiques et chronologie de fonctions publiés par des médias algériens (El Moudjahid, El Watan, Horizons), informations institutionnelles relayées par l’opérateur public Algérienne des Eaux (ADE), et document public d’une organisation des Nations unies (UNECE) mentionnant sa qualité ministérielle.



