Il est l’un de ces responsables politiques dont le nom s’est imposé en peu de temps dans le paysage botswanais, à la faveur d’un changement de cycle national et d’une bascule électorale historique. Tiroeaone Kealeboga Ntsima siège aujourd’hui au Parlement comme député de Francistown East et occupe un portefeuille ministériel stratégique, celui du Commerce et de l’Entrepreneuriat (formulation parfois inversée selon les communications officielles). Son profil est régulièrement associé aux sujets de diversification économique, de soutien aux entreprises locales, de modernisation des outils publics et d’ouverture aux partenaires internationaux. Mais son parcours n’est pas linéaire : ces derniers mois, il a également été placé au centre de turbulences internes à son parti, la Botswana People’s Party (BPP), au sein de la coalition de l’Umbrella for Democratic Change (UDC).
Un parcours formé hors du pays, entre sciences sociales et expérience de terrain
Les éléments biographiques disponibles dessinent un parcours de formation largement construit en Afrique du Sud. Tiroeaone Kealeboga Ntsima est présenté comme titulaire d’un Bachelor of Social Science, avec une spécialisation en études politiques et en psychologie, obtenu à l’Université du Cap. Il a également effectué sa scolarité secondaire (Senior Certificate/Matric) à Rosebank College High, toujours en Afrique du Sud. Dans les notices qui le décrivent, cette double entrée – politique et psychologie – revient comme un marqueur : elle éclaire, du moins dans la façon dont ses soutiens le racontent, une attention aux mécanismes de décision, à la jeunesse et aux dynamiques d’organisation.
Au-delà du diplôme, plusieurs présentations publiques insistent sur une expérience professionnelle liée au développement organisationnel, à l’accompagnement de projets, et aux politiques de jeunesse. Il est aussi associé à des activités de conseil et à des programmes de développement financés par des partenaires internationaux. Ces informations, souvent formulées de manière institutionnelle, sont mises en avant pour légitimer un positionnement tourné vers l’action économique, la structuration des filières et la recherche de résultats mesurables.
Dans la chronologie politique, son nom apparaît également, avant 2024, dans des configurations partisanes mouvantes au sein de l’opposition botswanaise. Il a notamment été candidat lors des élections générales de 2019 dans une autre circonscription (Francistown South), dans un contexte où les alliances et les étiquettes se recomposent. Des articles de presse botswanaise évoquent, à cette période, des tensions et des changements d’affiliation, donnant à voir un paysage politique où les trajectoires individuelles se heurtent à la logique des coalitions.
De la circonscription de Francistown East à l’Assemblée nationale : une victoire dans un scrutin charnière
Le tournant se situe en 2024. Dans la circonscription de Francistown East, Tiroeaone Ntsima apparaît officiellement comme candidat au scrutin législatif, sous la bannière de l’UDC. Dans la liste des candidats publiée à l’approche du vote, il figure parmi les principaux prétendants, face à des représentants d’autres formations nationales.
À l’issue de l’élection, il est indiqué comme député de Francistown East, et la circonscription est présentée comme représentée par lui au sein de l’Assemblée nationale du Botswana. Plusieurs fiches et notices convergent sur ce point : il devient, à partir de 2024, le visage parlementaire de cette zone de Francistown, ville du nord-est qui joue un rôle important dans l’économie régionale et dans les équilibres politiques du pays.
Cette victoire s’inscrit dans un contexte national plus large, décrit comme un basculement contre le parti historiquement dominant. Dans les synthèses disponibles sur la circonscription, la perte du siège par le Botswana Democratic Party (BDP) – qui l’occupait depuis la création de la circonscription – est associée à une dynamique nationale qui voit l’opposition progresser nettement. Autrement dit, l’élection de Ntsima n’est pas seulement une réussite personnelle : elle prend place dans une séquence politique où plusieurs places fortes changent de camp et où les partis d’opposition, réunis dans des coalitions, apparaissent en capacité d’exercer le pouvoir.
À Francistown East, sa position est également décrite comme celle d’un élu appelé à articuler deux scènes : la proximité de terrain, dans une ville où les enjeux d’emploi, de commerce et de services sont sensibles, et la scène nationale, où se déterminent les arbitrages budgétaires et les priorités économiques. Dans les communications publiques, son titre de député est souvent rappelé en même temps que son portefeuille ministériel, comme si l’ancrage local et la responsabilité nationale formaient un même récit politique.
Un ministre du Commerce et de l’Entrepreneuriat : la place centrale de l’économie réelle
Après la séquence électorale, Tiroeaone Ntsima est nommé ministre chargé du Commerce et de l’Entrepreneuriat (selon les documents, “Trade and Entrepreneurship”, ou “Entrepreneurship” dans certaines formulations). Cette nomination le positionne au cœur d’un agenda classiquement sensible : l’activité des entreprises, l’attractivité pour les investisseurs, la réglementation commerciale, mais aussi le soutien à la création et à la croissance des PME, souvent présentées comme un gisement d’emplois et un levier de diversification.
Sur le terrain, plusieurs prises de parole rapportées par la presse publique botswanaise dessinent les thèmes qu’il met en avant. Dans une réunion de kgotla (assemblée communautaire), il insiste sur l’importance de l’investissement local, en soulignant que l’économie a longtemps privilégié l’attraction des capitaux étrangers et qu’il faut aussi renforcer la capacité d’investissement des citoyens. Il évoque des difficultés très concrètes rencontrées par les entrepreneurs : manque de connaissance en gestion, confusion entre profits et dépenses personnelles, impayés de clients, difficulté d’accès à des marchés extérieurs, retard d’adoption de la digitalisation, pratiques de “fronting” (prête-nom), et insuffisance de financement pour démarrer ou étendre une activité.
Dans d’autres interventions publiques, il associe la modernisation administrative à la compétitivité, mettant en avant des outils numériques censés faciliter les procédures et réduire les frictions. Il est notamment cité lors d’un lancement de système de gestion en ligne de permis, où il présente la technologie comme un catalyseur de croissance et un moyen de ne pas laisser une partie de la population à l’écart.
Le ministère dont il a la charge apparaît aussi lié à des agences publiques de financement ou d’appui au secteur privé. L’un des épisodes les plus commentés de sa période au gouvernement concerne la Citizen Entrepreneurial Development Agency (CEDA), organisme central dans le financement et l’accompagnement entrepreneurial. Une décision de suspension de son directeur général est confirmée par le ministre, dans un contexte où une vérification (audit) est annoncée et où la presse évoque des allégations de corruption au sein de l’agence. Le ministre explique alors que cette suspension vise à permettre aux enquêteurs d’effectuer leur travail sans “disturbance”, formulation rapportée par la presse.
Enfin, son portefeuille le place régulièrement au contact des acteurs économiques : distribution, industrie textile, initiatives d’appui à l’informel, et, plus largement, débats sur les réserves de marché pour les citoyens. Sur la question des uniformes scolaires, par exemple, il est indiqué que la production est réservée aux citoyens en vertu d’un cadre légal révisé, dans l’objectif affiché de renforcer une industrie locale et de protéger une filière.
Dossiers suivis et messages politiques : digital, “local first”, régulation et diplomatie économique
Plus qu’un inventaire de déclarations, le suivi des dossiers publics associés à Tiroeaone Ntsima permet de comprendre la cohérence de son positionnement : promouvoir un tissu productif domestique, moderniser les procédures, attirer des partenaires, tout en gérant des sujets de régulation parfois sensibles.
Premier axe : la “préférence locale” et la valorisation des produits fabriqués au Botswana. Dans des prises de parole relayées par des médias économiques, il appelle à davantage prioriser les biens manufacturés localement, aussi bien dans le secteur public que dans le privé. La logique est classique dans de nombreux pays : conserver davantage de valeur sur le territoire, soutenir l’emploi industriel et réduire la dépendance aux importations lorsque cela est possible.
Deuxième axe : la transformation numérique. Il associe la digitalisation à la création d’emplois, à l’amélioration des services et à l’élargissement des recettes nationales, notamment dans le cadre des discussions continentales sur le commerce numérique. Lors d’un forum lié à la Zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA), il est cité sur l’idée que le commerce digital peut être un véhicule de croissance. Les déclarations rapportées s’inscrivent dans une stratégie plus large : faire du numérique une porte d’accès à de nouveaux marchés, en particulier pour des entreprises qui peinent à exporter via les canaux traditionnels.
Troisième axe : l’accès aux financements publics et la défense de mécanismes d’appui à l’investissement. Au Parlement, il est indiqué qu’il a répondu sur l’accessibilité d’un fonds de facilitation de projets (Project Facilitation Fund), en affirmant qu’il n’existe pas d’obstacles administratifs ou procéduraux empêchant l’accès, tout en rappelant des conditions liées à la citoyenneté, à la solidité des projets et au respect de critères de sélection. Cette façon de présenter les choses – ouverture, mais conditionnée – est révélatrice des tensions habituelles entre exigence de contrôle public et volonté d’accélérer l’investissement.
Quatrième axe : la régulation, y compris sur des sujets sociétaux. Son nom apparaît dans des consultations publiques autour d’une réforme liée aux licences et à la consommation d’alcool, où il souligne le caractère transversal des enjeux et la nécessité d’une concertation. Cette thématique, sensible dans de nombreux pays, touche à la fois à l’économie (commerce, licences), à la santé publique et à l’ordre public.
Cinquième axe : le secteur des jeux d’argent, au carrefour de l’économie et de la protection sociale. En 2025, il est associé au lancement d’un rapport national sur la prévalence du jeu excessif et problématique, et à des appels à l’action collective, avec une attention particulière aux populations vulnérables (jeunes, personnes sans emploi, ménages modestes), tels que rapportés par des médias. Il est également mentionné lors du lancement d’une campagne nationale de jeu responsable (“Motshameko O Phepha”), inaugurée à Francistown.
Enfin, sur le plan extérieur, sa fonction ministérielle le conduit à des séquences de diplomatie économique. Il est cité lors d’un forum économique Botswana–Chine à Changsha (juin 2025), où il réaffirme la volonté de renforcer les relations économiques bilatérales, dans un contexte où les partenariats d’investissement et de commerce structurent de plus en plus la politique de développement. Dans un autre cadre, lors d’un forum célébrant un anniversaire des relations diplomatiques sino-botswanaises, il est rapporté qu’il a promis un environnement d’affaires transparent, équitable et accueillant pour les investisseurs internationaux.
Un itinéraire politique exposé aux tensions partisanes : l’épisode BPP et ses répercussions
Si l’action ministérielle et le récit économique dominent les communications, l’autre dimension de son actualité se joue dans les rapports de force internes à son camp. Tiroeaone Ntsima est lié à la Botswana People’s Party (BPP), formation historique, aujourd’hui partenaire au sein de l’UDC. Il y a occupé un poste de direction, étant présenté comme secrétaire général du parti dans plusieurs articles.
Début 2025, une crise interne éclate au grand jour. La presse évoque une suspension et des procédures disciplinaires, sur fond d’accusations de “misconduct” (faute) et, selon d’autres formulations, de soupçons de manœuvres contre la direction. Certains articles décrivent une lutte de factions et des accusations réciproques, dans un moment où le parti doit composer avec l’exercice du pouvoir et l’équilibre de coalition.
Dans cette séquence, un point cristallise les tensions : la place de Tiroeaone Ntsima au gouvernement. Des responsables de la BPP demandent à discuter avec la direction de l’UDC de ce qu’ils considèrent comme le sort à réserver au ministre et député, après des décisions internes d’exclusion ou de sanction. Autrement dit, la question dépasse le simple cadre partisan : elle touche au partage des postes au sein de la coalition et à la logique selon laquelle les portefeuilles attribués aux partis partenaires devraient rester sous leur contrôle.
Au fil de 2025, la situation évolue. Des articles font état d’un apaisement et de gestes de réconciliation, avec l’idée d’une suspension rescindée, puis d’une réadmission de l’intéressé par son parti, assortie de conditions selon certaines formulations. Ce revirement souligne la plasticité des rapports internes, mais aussi l’importance des équilibres politiques : conserver un ministre en poste, éviter une crise prolongée au sein d’une coalition au pouvoir, et préserver l’image de cohésion peuvent peser dans les arbitrages.
Ces épisodes, très commentés localement, donnent une image plus complexe de l’homme politique : un acteur placé au cœur de la décision économique, mais aussi une figure dont l’ascension s’accompagne de résistances et de rivalités. Dans un pays où la stabilité institutionnelle est souvent mise en avant, l’histoire récente de la BPP rappelle que les transitions politiques, même lorsqu’elles se font par les urnes, réorganisent en profondeur les hiérarchies partisanes et les rapports entre partis alliés.
En définitive, la trajectoire de Tiroeaone Ntsima se lit à deux niveaux. D’un côté, une figure portée par un agenda économique très concret : soutien aux entrepreneurs, priorité aux filières locales, modernisation numérique, contrôle des agences publiques, et diplomatie d’investissement. De l’autre, un responsable pris dans les mécaniques classiques du pouvoir : tensions internes, arbitrages de coalition, et bataille permanente pour la légitimité politique. Dans un Botswana entré dans une nouvelle séquence, c’est souvent à cette intersection – économie, gouvernance, partis – que se construira sa place durable sur la scène nationale.



