Né à Tchibanga, dans le sud du Gabon, Ulrich Manfoumbi Manfoumbi a longtemps évolué dans les codes feutrés de l’institution militaire avant d’apparaître, brusquement, au cœur de l’histoire politique récente du pays. Son nom s’impose à l’aube du 30 août 2023, lorsqu’il lit à la télévision le premier communiqué du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), annonçant l’annulation des résultats de l’élection présidentielle du 26 août 2023 et la fin du régime d’Ali Bongo. Cette séquence, immédiatement marquante, l’installe dans le paysage public comme l’un des visages de la transition.
Depuis cette nuit-là, sa trajectoire suit la courbe d’une transition aux rythmes rapides : porte-parole du CTRI, passage éclair à un portefeuille ministériel lié aux nouvelles technologies, puis entrée durable dans l’exécutif, d’abord à la présidence, ensuite à la tête d’un ministère stratégique, celui des Transports, de la Marine marchande et de la Logistique. En 2025, la séquence politique se transforme : création d’un nouveau parti, l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), et élection législative qui le conduit à siéger comme député. En quelques années, un officier formé à l’école de la discipline et de la hiérarchie devient un acteur politique à part entière, exposé aux arbitrages, aux attentes publiques et aux contradictions d’un pays qui cherche une voie entre rupture et continuité.
Des origines à Tchibanga à une formation militaire construite hors du Gabon
Les biographies officielles et les profils publiés dans la presse s’accordent sur un point de départ : Ulrich Manfoumbi Manfoumbi est né le 22 août 1976 à Tchibanga, capitale provinciale de la Nyanga, région méridionale du Gabon. Dans un pays où la trajectoire des responsables publics est souvent associée à Libreville, son ancrage dans la Nyanga est régulièrement rappelé, comme un marqueur territorial et politique.
Son parcours militaire se construit très tôt, et en partie à l’extérieur du Gabon. Dès 1989, il rejoint le Prytanée militaire de Saint-Louis, au Sénégal, établissement réputé dans l’espace ouest-africain. Il y poursuit sa scolarité jusqu’à l’obtention du baccalauréat en 1996. Un an plus tard, en 1997, il intègre officiellement les Forces armées de défense gabonaises.
La suite de sa formation illustre une logique de diversification des écoles et des doctrines. Il est passé par l’Académie royale militaire de Meknès, au Maroc, par l’École d’application de l’infanterie de Thiès, au Sénégal, par une formation d’état-major en Chine, et par l’École de guerre de Paris. Ces étapes, qui reviennent dans plusieurs présentations publiques, dessinent le profil d’un officier exposé à des approches différentes du commandement, de la planification et de la conduite des opérations.
Avant son entrée dans la lumière politique, il occupe des responsabilités militaires à Libreville : il a notamment dirigé le camp militaire Baraka. Ce détail, souvent mentionné, éclaire la nature de son positionnement avant 2023 : une carrière structurée au sein d’unités et de fonctions qui exigent organisation, encadrement et articulation avec d’autres segments de l’appareil d’État.
Dans l’ensemble, ce premier chapitre dit moins une singularité qu’un modèle : celui d’une élite militaire gabonaise formée en réseau, dans plusieurs pays partenaires, et appelée à jouer un rôle dans la gestion de l’État. Chez Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, cette préparation prend un relief particulier parce qu’elle débouche, à partir de 2023, sur une exposition politique permanente.
Le 30 août 2023 : l’homme du communiqué et l’entrée dans l’histoire politique récente
Dans la nuit du 29 au 30 août 2023, la vie politique gabonaise bascule. Au petit matin, une allocution est diffusée à la télévision : Ulrich Manfoumbi Manfoumbi lit le premier communiqué du CTRI. Le texte annonce l’annulation des résultats de l’élection présidentielle organisée le 26 août 2023 et acte la fin du régime d’Ali Bongo. La scène est fortement codifiée : un officier en uniforme, entouré d’autres militaires, une déclaration lue d’une voix posée, et la promesse d’un changement de cap institutionnel.
Ce rôle, celui du lecteur du communiqué initial, est déterminant dans la fabrication d’une figure publique. Dans un moment de rupture, la personne qui porte la parole devient un symbole, parfois malgré elle. Dans les jours qui suivent, Ulrich Manfoumbi Manfoumbi reste associé à la communication de la transition. Sa présence récurrente dans l’espace médiatique contribue à le distinguer d’autres profils plus discrets, tout en l’inscrivant dans une fonction : expliquer, justifier, rassurer, et donner une cohérence au récit de la transition.
À partir de là, son itinéraire se confond avec la mise en place des structures de transition. Le CTRI doit instaurer une légitimité de fait, puis construire une légitimité politique, en prenant des décisions visibles et en organisant un calendrier de réformes. Dans ce cadre, la parole officielle devient une ressource stratégique. Être porte-parole, ce n’est pas seulement lire des communiqués : c’est tenir une ligne, répondre aux interrogations, gérer les contradictions, et parfois absorber la contestation par la communication.
La presse qui s’intéresse à son profil souligne régulièrement cette double dimension : un militaire issu des casernes, devenu visage télévisuel d’une rupture politique. Une fonction qui expose, mais qui peut aussi protéger, parce qu’elle permet de rester au centre des flux d’information, d’anticiper les polémiques et d’orienter le récit public. C’est cette mécanique, classique dans les périodes de transition, qui explique en partie pourquoi son nom se maintient, mois après mois, dans la première ligne du pouvoir.
Porte-parole du CTRI et premiers pas dans l’exécutif : entre continuité institutionnelle et vitesse de la transition
Le 9 septembre 2023, Ulrich Manfoumbi Manfoumbi est nommé ministre des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, au sein du gouvernement de transition conduit par Raymond Ndong Sima. Le même jour, il devient porte-parole du CTRI. Mais l’épisode ministériel est particulièrement bref : le lendemain, il est remplacé au poste ministériel par Laurence Ndong, tout en conservant la fonction de porte-parole.
Cette séquence peut sembler paradoxale : une nomination, puis un remplacement en vingt-quatre heures. Elle illustre, en réalité, la volatilité des premiers jours d’une transition, lorsque la répartition des portefeuilles, la définition des périmètres et les équilibres internes sont encore en ajustement. Elle rappelle aussi une autre réalité : la fonction de porte-parole peut être jugée plus décisive, politiquement, que certains portefeuilles techniques. Dans un contexte de transition, la maîtrise de la parole est un instrument de gouvernance.
À compter de septembre 2023, son rôle de porte-parole s’inscrit dans la durée. Il devient l’un des principaux relais de la communication du CTRI, intervenant sur des thématiques variées, du calendrier politique aux actions engagées par les autorités de transition. Dans un pays où la parole d’État est attendue sur des sujets concrets, notamment les services publics, l’économie et la sécurité, le porte-parole se retrouve à la jonction des attentes quotidiennes et des choix stratégiques.
Le 17 janvier 2024, il est nommé ministre chargé de missions à la présidence de la République, à la faveur d’un remaniement. Il conserve, là encore, la fonction de porte-parole du CTRI. Cette nomination renforce son positionnement : il ne s’agit plus seulement d’expliquer les décisions, mais aussi d’être intégré, institutionnellement, au cœur de la présidence, au plus près de la conduite de l’État.
Dans la pratique, un ministre chargé de missions opère souvent sur des dossiers transversaux, pouvant toucher à la coordination administrative, à la préparation de décisions, au suivi de projets, ou à des missions ponctuelles confiées par le chef de l’État. Même si les contours exacts varient selon les pays et les périodes, l’intitulé indique une confiance politique et une proximité avec l’exécutif.
Cette phase, de janvier 2024 à mai 2025, correspond à l’enracinement de la transition dans une architecture gouvernementale plus stable. Les acteurs de la transition ne sont plus seulement des figures de l’instant ; ils deviennent des gestionnaires de politiques publiques, contraints de produire des résultats et de répondre à une opinion attentive, parfois critique, souvent impatiente.
Pour Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, c’est aussi le moment où l’image se complexifie. Être porte-parole impose une discipline du message, mais expose aux critiques de propagande ou de communication défensive. Être à la présidence implique d’assumer des arbitrages. Cette double casquette, communication et mission présidentielle, place l’homme au centre d’une équation délicate : incarner la parole de l’autorité tout en soutenant une transition qui se veut institutionnelle et orientée vers un retour à un ordre constitutionnel.
Mai 2025 : ministre d’État aux Transports, Marine marchande et Logistique, un portefeuille stratégique
Après l’élection présidentielle du 12 avril 2025, remportée par Brice Clotaire Oligui Nguema, un nouveau gouvernement est formé. Par décret présidentiel, Ulrich Manfoumbi Manfoumbi est nommé le 5 mai 2025 ministre d’État, ministre des Transports, de la Marine marchande et de la Logistique. La nomination intervient dans une période où la transition se redéfinit : il ne s’agit plus seulement de gérer l’entre-deux, mais d’installer une nouvelle séquence politique, avec des priorités affichées et une exigence de résultats.
Le choix de ce portefeuille n’est pas neutre. Au Gabon, les transports concentrent des enjeux d’aménagement du territoire, de mobilité urbaine, de sécurité routière, de gouvernance administrative, et de développement économique. La dimension maritime, dans un pays côtier, renvoie aux ports, aux corridors logistiques, au commerce, à la régulation et à la modernisation des infrastructures. La logistique, enfin, est un terme qui signale une ambition : mieux articuler les flux, réduire les coûts, sécuriser les chaînes d’approvisionnement, améliorer la compétitivité.
Dans les premiers jours qui suivent sa prise de fonction, des réunions de travail sont organisées avec les entités techniques relevant du ministère. La communication institutionnelle insiste sur une méthode : diagnostic des dysfonctionnements, identification des urgences, mise en ordre des priorités, et mobilisation des services. Ces messages répondent à un constat souvent fait dans de nombreux pays : les ministères des transports sont des ministères de terrain, jugés sur des impacts visibles, qu’il s’agisse de la qualité des routes, de la fluidité urbaine, de la sécurité des transports ou de l’efficacité administrative.
Sa période au ministère s’étend jusqu’au 14 novembre 2025. Cette date marque la fin de ses fonctions ministérielles, avec une période d’intérim évoquée dans les annonces institutionnelles autour du ministère. Dans les transitions où les rythmes politiques et électoraux sont serrés, il n’est pas rare que les responsabilités s’enchaînent rapidement : un ministre peut être appelé à d’autres fonctions, ou l’exécutif peut être réorganisé en fonction de nouvelles majorités.
Au-delà des dates, cette séquence ministérielle raconte une logique : la conversion d’un homme de parole en homme de résultats. L’enjeu n’est plus seulement d’expliquer le pouvoir, mais de transformer un secteur, de coordonner des administrations, de gérer des opérateurs, et de répondre à des attentes qui touchent à la vie quotidienne. Pour un ancien porte-parole, la fonction est aussi une épreuve : on passe de la maîtrise du récit à l’épreuve du réel, des annonces aux chantiers, des promesses aux calendriers.
2025 : entrée dans la politique partisane, ancrage dans la Nyanga et mandat de député
L’année 2025 marque un tournant supplémentaire : l’organisation d’une offre politique structurée autour d’un nouveau parti, l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB). Le 5 juillet 2025, lors de l’annonce de la création de cette formation, Ulrich Manfoumbi Manfoumbi est nommé vice-président pour la province de la Nyanga. Le geste est politiquement signifiant. D’une part, il confirme son ancrage provincial, dans une logique de représentation territoriale. D’autre part, il matérialise une transition vers la politique partisane, où l’on ne représente plus seulement une institution de transition, mais aussi une formation et un programme.
La politique partisane change la nature de l’exposition. Elle impose d’assumer des alliances, une ligne idéologique, une organisation, un discours de campagne. Elle implique aussi une inscription dans un calendrier électoral, avec les contraintes d’une compétition, les attentes des électeurs et le contrôle accru des oppositions et de la société civile.
C’est dans ce contexte qu’intervient son élection à l’Assemblée nationale. Les informations publiques situent l’élection au 27 septembre 2025. Il entre en fonction comme député le 17 novembre 2025, et siège dans le groupe parlementaire lié à l’UDB. Le passage à l’Assemblée nationale ouvre un autre chapitre : celui de la législation, du contrôle de l’action gouvernementale et de la représentation.
Pour un profil issu de l’armée et de l’exécutif, l’Assemblée représente une scène différente. Les rapports y sont plus horizontaux, les débats plus publics, les compromis plus nécessaires. Un député est comptable devant ses électeurs et confronté à des demandes concrètes, parfois très locales, parfois nationales. La fonction oblige aussi à composer avec le temps parlementaire, souvent plus lent que le temps de l’exécutif, mais plus durable dans la construction des normes.
L’entrée au Parlement, juste après la fin de ses fonctions ministérielles, donne à sa trajectoire une continuité : rester dans la sphère de décision, mais changer de rôle. Là où le ministre agit au sein d’une administration et d’un gouvernement, le député participe à l’écriture de la loi et au débat public institutionnel. Cette mutation peut être une opportunité : porter des dossiers connus, s’appuyer sur une expérience exécutive, et défendre des orientations politiques dans un cadre pluraliste. Elle peut être aussi un défi : accepter la contradiction, la controverse, et une visibilité qui ne dépend plus seulement de la communication officielle.
Dans l’ensemble, le parcours d’Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, de Tchibanga à Libreville, des écoles militaires aux plateaux de télévision, puis du porte-parolat à un ministère stratégique et enfin à l’Assemblée nationale, illustre une caractéristique des périodes de transition : l’émergence de profils hybrides, à la fois militaires et politiques, dont la légitimité se construit d’abord par l’événement, puis par la gestion, et enfin par la confrontation électorale.
À ce stade, la biographie reste étroitement liée au contexte qui l’a fait émerger : la transition gabonaise ouverte en août 2023, les réorganisations gouvernementales, la recomposition politique autour de nouvelles structures partisanes, et la recherche d’un nouvel équilibre institutionnel. Dans les années à venir, l’histoire retiendra sans doute autant l’instant de la déclaration du 30 août 2023 que la capacité, ou non, à inscrire cette rupture dans des politiques publiques durables et dans des institutions stabilisées. Pour lui, la question centrale devient celle qui s’impose à toute figure sortie d’une transition : comment durer, non plus par la parole et la symbolique, mais par l’action, les réformes, et le verdict politique du temps long.



