À 32 ans, Yacine El Mahdi Oualid s’est imposé comme l’un des visages les plus jeunes et les plus exposés de l’exécutif algérien. Médecin de formation, entrepreneur dans le numérique, puis responsable gouvernemental, il a connu une trajectoire rapide, marquée par une succession de portefeuilles liés, d’abord, à l’innovation et à l’entrepreneuriat, puis à la formation professionnelle, avant d’être nommé en 2025 à la tête d’un ministère régalien et stratégique : l’Agriculture, le Développement rural et la Pêche. Dans un pays où l’État cherche à diversifier son économie et à répondre aux attentes d’une jeunesse nombreuse, son parcours est scruté à la fois comme un symbole générationnel et comme un indicateur des priorités politiques du moment.
Un itinéraire atypique : de la médecine au numérique
Né à Mascara le 12 juin 1993, Yacine Oualid appartient à une génération qui a grandi avec l’expansion d’internet et l’accélération de la transformation numérique. Son cursus universitaire est d’abord ancré dans le domaine médical : il suit des études à la faculté de médecine de l’Université de Sidi Bel Abbès et obtient un doctorat de médecine en 2018. Cette formation, souvent associée à une carrière hospitalière, n’a pourtant pas constitué son unique horizon.
Au fil des années 2010, il se rapproche du monde de la technologie et de l’entrepreneuriat. Plusieurs sources évoquent la création ou la cofondation d’entreprises tournées vers les services numériques et l’innovation. Il est notamment présenté comme le fondateur de SSH (2016), orientée vers des solutions cloud pour les entreprises, et comme cofondateur de Smart Ways (2019), positionnée sur la logistique et la géolocalisation. Ces activités s’inscrivent dans une dynamique plus large : celle d’une scène tech algérienne qui, tout en restant contrainte par l’accès au financement et par les défis réglementaires, cherche à structurer des services numériques compétitifs.
Ce passage de la médecine au numérique est souvent résumé comme un “profil hybride” : d’un côté, une formation scientifique lourde et normative ; de l’autre, un engagement dans un secteur où la rapidité d’exécution et l’expérimentation comptent autant que les diplômes. Dans l’espace public, cette double identité a contribué à sa notoriété au moment de son entrée au gouvernement : elle permettait de le présenter à la fois comme un technicien formé à la rigueur et comme un entrepreneur familier du terrain économique.
La reconnaissance internationale, elle aussi, intervient relativement tôt dans son parcours. En 2022, il apparaît dans des sélections médiatisées autour des jeunes personnalités africaines, notamment à travers des publications liées au classement “30 Under 30” de Forbes Afrique. Dans un contexte où les distinctions de ce type servent souvent de vitrine, cet épisode a renforcé son image d’acteur lié à l’innovation, au-delà des frontières algériennes.
Une entrée précoce au gouvernement et une ascension rapide
La trajectoire politique de Yacine Oualid commence officiellement au début de l’année 2020. Il est nommé ministre délégué chargé des start-up dans le gouvernement algérien, ce qui le place alors parmi les plus jeunes membres de l’exécutif. La nomination intervient dans un moment particulier : l’État algérien cherche à afficher une orientation plus nette vers l’innovation, l’entrepreneuriat et la diversification, tout en répondant à une demande sociale forte, notamment chez les jeunes diplômés.
Le portefeuille qui lui est confié à l’époque a un périmètre précis : développer un écosystème favorable aux jeunes entreprises innovantes, encourager la création d’activités, simplifier certaines démarches et porter une politique publique dédiée à un secteur alors en quête de reconnaissance institutionnelle. Deux ans plus tard, en septembre 2022, le champ s’élargit : le ministère devient celui de l’Économie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, avec un rang de ministre à part entière. Ce changement ne relève pas d’un simple ajustement sémantique : il traduit la volonté de relier la politique des start-up à des leviers plus larges, comme la micro-entreprise, la valorisation des compétences, et le rapprochement entre l’université et l’industrie.
En novembre 2024, un nouveau tournant s’opère. À la suite d’un remaniement gouvernemental, Yacine El Mahdi Oualid prend ses fonctions comme ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels. La passation de pouvoirs, rapportée par la Radio Algérienne (sur la base d’une dépêche APS), met en avant la dimension stratégique de ce secteur : la formation professionnelle y est décrite comme un moteur de réformes, avec l’objectif de renforcer la qualification de la main-d’œuvre et de promouvoir une culture de l’entrepreneuriat dans les centres de formation.
Moins d’un an plus tard, en septembre 2025, il change à nouveau de portefeuille : il est nommé ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche. Là encore, la cérémonie de prise de fonctions est officialisée et relatée par la presse institutionnelle, qui insiste sur la modernisation d’un secteur considéré comme vital, notamment en lien avec les enjeux de sécurité alimentaire et d’attractivité pour les jeunes.
Ces bascules successives, en cinq ans, dessinent une ligne politique cohérente : l’innovation, la formation des compétences, puis la production et la souveraineté alimentaire. Elles montrent aussi une logique de “transversalité” : la technologie et l’entrepreneuriat ne sont pas présentés comme des thèmes isolés, mais comme des outils qui doivent irriguer d’autres domaines, y compris ceux traditionnellement ancrés dans l’économie productive.
Le dossier des start-up : structurer un écosystème, du label au financement
Le cœur médiatique du parcours de Yacine Oualid reste fortement lié à la politique des start-up. Dans une interview accordée à TSA en novembre 2024, alors qu’il est ministre de l’Économie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, il décrit son ministère comme issu d’une fusion de structures plus anciennes et le situe au “carrefour” d’une réforme économique visant à libérer les initiatives et à encourager la création d’entreprises. Le propos insiste sur plusieurs axes : faciliter l’acte d’entreprendre, améliorer l’accès au capital, accompagner les entreprises et leur donner une exposition internationale.
Sur le plan des outils, l’un des dispositifs mis en avant au fil des années est celui du “label start-up”, présenté comme un passeport institutionnel ouvrant l’accès à des facilitations publiques. Le portail national startup.dz détaille le principe : le label est conditionné à des critères, notamment l’âge de l’entreprise (moins de huit ans), un modèle fondé sur l’innovation, un potentiel de croissance, un plafond de chiffre d’affaires, des critères de détention du capital social, et une taille maximale en nombre d’employés. Cette approche vise à définir administrativement ce qu’est une start-up dans le cadre algérien, et à distinguer l’entreprise innovante d’une société classique.
L’autre pilier réside dans les mécanismes de financement et d’incitation. Dans l’entretien de TSA, il est question d’avantages fiscaux associés au label, et du rôle d’un fonds public dédié à l’amorçage et au financement des start-up, présenté comme un instrument pour pallier les difficultés d’accès au capital lors des premières phases de développement. Dans la logique défendue, l’État intervient pour créer un premier “marché” du financement, en attendant qu’un secteur privé de l’investissement prenne plus de place.
Ce type de politique publique n’est pas propre à l’Algérie : de nombreux pays ont utilisé des labels, des incubateurs soutenus par l’État, des fonds d’amorçage et des allégements fiscaux pour accélérer la croissance d’entreprises innovantes. Mais l’enjeu algérien, tel qu’il apparaît dans les discours officiels et les entretiens, est double : d’une part, créer des entreprises capables de produire de la valeur ajoutée et, potentiellement, d’exporter des services ; d’autre part, retenir les compétences, limiter la fuite des talents et offrir une perspective à des jeunes confrontés au chômage ou à l’emploi informel.
La question de l’articulation entre l’université et l’industrie est également récurrente. Dans son interview de 2024, Yacine Oualid explique que l’objectif n’est pas seulement d’aider à créer des start-up, mais aussi de rapprocher le monde académique du monde économique afin de produire davantage d’innovation utile. Cette vision place l’innovation au centre d’un projet de transformation plus large, où l’État cherche à faire émerger des filières et des entreprises plus compétitives.
Le passage par la formation professionnelle : l’enjeu des compétences et de l’employabilité
La nomination de novembre 2024 au ministère de la Formation et de l’Enseignement professionnels est un moment clé, car elle déplace Yacine Oualid d’un portefeuille très “innovation” vers un secteur de masse, au contact direct de la jeunesse et du marché du travail. Selon la Radio Algérienne, lors de sa prise de fonctions, il affirme que l’Algérie est orientée vers la construction d’une économie forte et que la formation professionnelle doit accompagner cette ambition en fournissant une main-d’œuvre qualifiée. Le discours insiste aussi sur la culture de l’entrepreneuriat au sein des centres de formation.
Dans une économie où la question de l’adéquation entre formation et besoins du marché revient régulièrement, la formation professionnelle est souvent présentée comme un levier rapide : elle permet, en théorie, d’ajuster les cursus aux besoins sectoriels (industrie, services, maintenance, numérique, bâtiment, agriculture), et d’améliorer l’employabilité sans attendre des cycles universitaires longs. Elle peut aussi servir d’outil pour structurer des métiers et limiter l’informel.
L’enjeu est cependant complexe. Moderniser la formation professionnelle suppose des programmes actualisés, des équipements, des formateurs qualifiés, des partenariats solides avec les entreprises et des passerelles de mobilité pour que les apprenants puissent évoluer. Il suppose aussi un travail de valorisation sociale : dans de nombreux pays, la formation professionnelle souffre d’une image moins prestigieuse que les études universitaires, alors même que certains métiers techniques sont fortement demandés.
Le passage de Yacine Oualid par ce ministère, même s’il s’achève en septembre 2025, est révélateur d’une priorité politique : relier l’économie de la connaissance et l’innovation à une base de compétences large. Autrement dit, l’écosystème start-up ne peut pas se développer dans un vide social ; il dépend d’un tissu de techniciens, d’opérateurs, d’infrastructures et d’une culture de la compétence. Les autorités semblent ainsi chercher une continuité entre le discours sur l’entrepreneuriat innovant et la formation pratique qui permet de faire fonctionner une économie réelle.
Depuis 2025, l’Agriculture : modernisation, sécurité alimentaire et dimension environnementale
Le 15 septembre 2025, Yacine El Mahdi Oualid prend ses fonctions comme ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, succédant à Youcef Cherfa. La Radio Algérienne rapporte qu’il remercie le président pour la confiance accordée et affirme sa détermination à moderniser un secteur stratégique, en le rendant plus attractif pour les jeunes, tout en visant les objectifs associés à la sécurité alimentaire.
Ce portefeuille est l’un des plus sensibles : il concerne la production nationale, les importations, l’organisation des filières, la gestion du foncier agricole, l’accès à l’eau, et la lutte contre la désertification. Dans un contexte régional où les prix des denrées et les aléas climatiques pèsent sur les budgets des ménages, l’agriculture est aussi un sujet social et politique majeur.
Le choix de confier ce ministère à un profil connu pour son intérêt pour la technologie et l’innovation peut être lu comme un signal : celui d’une volonté de modernisation, d’intégration du numérique, d’amélioration de la gestion et, plus largement, d’une approche “réformiste” du secteur. Sans présumer des résultats, la communication institutionnelle associée à sa prise de fonctions met précisément l’accent sur la modernisation et l’attractivité pour les jeunes.
En parallèle, son nom apparaît dans des initiatives à dimension environnementale. Le 25 octobre 2025, une campagne nationale de plantation d’un million d’arbres est lancée depuis Tizi-Ouzou, avec une mise en avant de la mobilisation et de l’objectif de renforcement du patrimoine forestier. Cet épisode souligne une articulation fréquente dans les politiques publiques contemporaines : l’agriculture n’est plus seulement un enjeu de production, mais aussi de durabilité, de lutte contre la dégradation des sols, et de résilience face aux événements climatiques et aux incendies.
Dans l’espace public, ces séquences construisent une image : celle d’un responsable gouvernemental associé à des chantiers de transformation, qu’ils soient numériques, éducatifs ou agricoles. Mais elles rappellent aussi que le temps politique est contraint : les attentes en matière de sécurité alimentaire, de modernisation des filières et de gestion des ressources sont fortes, et les résultats s’évaluent autant sur des indicateurs économiques que sur la perception sociale.
Au final, répondre à la question “qui est Yacine Oualid ?” revient à décrire un parcours qui combine trois dimensions : une formation scientifique (médecine), une expérience entrepreneuriale dans la tech, et une trajectoire gouvernementale rapide. Depuis 2020, il incarne une partie des priorités publiques affichées : encourager l’initiative, structurer un écosystème d’innovation, former des compétences, puis moderniser un secteur vital comme l’agriculture. Reste que, dans une démocratie administrative où les portefeuilles peuvent changer vite, c’est la durée et l’impact concret des politiques menées qui fixent, au-delà du symbole, la place d’un responsable dans l’histoire politique d’un pays.
