Dans l’architecture politique du Burkina Faso de la transition, certains visages s’imposent moins par la notoriété partisane que par la nature des portefeuilles qu’ils pilotent. Yacouba Zabré Gouba fait partie de cette catégorie. En accédant au ministère de l’Énergie, des Mines et des Carrières, il a pris place à l’intersection de deux secteurs stratégiques, où se croisent besoins vitaux, impératifs économiques, attentes sociales et choix de souveraineté. Son parcours est celui d’un haut fonctionnaire, formé aux disciplines financières, progressivement projeté dans la sphère gouvernementale au moment où l’État veut reprendre la main sur des domaines jugés décisifs : la production d’électricité, l’exploitation minière, le contrôle des ressources, la relation avec les partenaires étrangers.
La question “qui est-il ?” revient d’autant plus que ses dossiers touchent à des réalités très concrètes : l’accès à l’énergie, la sécurisation et la valorisation des sites miniers, l’arbitrage entre urgence et planification, et la promesse récurrente d’un meilleur partage des richesses. Dans un pays où les enjeux d’électricité et de mines sont aussi des enjeux de stabilité, le ministre devient, par la force des choses, un acteur observé. Son profil, ses prises de parole et les chantiers qu’il conduit dessinent la trajectoire d’un responsable appelé à gérer des attentes élevées, dans un environnement où la marge d’erreur est faible.
Un profil de haut fonctionnaire : la “filière finances” avant la politique
Les éléments publics disponibles présentent d’abord Yacouba Zabré Gouba comme un technicien de l’appareil d’État, issu des métiers de la finance publique. Il est présenté comme inspecteur du Trésor, avec plus de vingt années d’expérience professionnelle. Il est titulaire d’un Diplôme d’Études Supérieures Bancaires et Financières (DESBF) obtenu dans un centre de formation lié à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, ainsi que d’un diplôme d’inspecteur du Trésor.
Ce socle de formation et de carrière éclaire une partie de son positionnement : la capacité à lire des équilibres budgétaires, à piloter des établissements publics, à discuter de modèles économiques et d’investissements, dans des secteurs où les montants sont lourds et les arbitrages permanents. Avant d’entrer au gouvernement, il a également exercé des fonctions diplomatiques à dominante financière : il occupait depuis août 2023 le poste de trésorier près l’ambassade du Burkina Faso à Téhéran, en Iran.
Au plan national, il est aussi présenté comme enseignant, avec des interventions portant sur la gestion des établissements publics nationaux à l’École nationale des régies financières (ENAREF), ainsi que sur le diagnostic et l’ingénierie financière à l’Université libre du Burkina. Cette dimension pédagogique, souvent mise en avant dans les biographies institutionnelles, renvoie à un profil d’encadrement et de méthode : formaliser, structurer, évaluer, et traduire des objectifs politiques en outils de pilotage.
Avant même de se retrouver sous les projecteurs ministériels, il a occupé des responsabilités dans des structures où l’État est représenté dans les organes de gouvernance. Il est notamment mentionné comme administrateur représentant l’État et président du conseil d’administration du Fonds national pour la promotion du sport et des loisirs (FNPSL), et comme administrateur représentant l’État au sein d’une société minière. Sur le plan régional et juridique, il a aussi représenté le Burkina Faso au sein des instances de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) et participé à l’élaboration de projets d’actes uniformes et de textes normatifs soumis à l’approbation du Conseil des ministres de l’organisation.
Enfin, sa trajectoire est ponctuée de distinctions officielles rendues publiques : il est indiqué qu’il a été fait chevalier de l’Ordre du Mérite de l’Économie et des Finances (18 septembre 2023), puis élevé à titre exceptionnel au grade d’officier de l’Ordre de l’Étalon (17 décembre 2024). Au-delà du symbole, ces éléments servent souvent, dans la communication institutionnelle, à cadrer un responsable comme un serviteur de l’État, inscrit dans une logique de carrière administrative et de reconnaissance interne.
Une entrée au gouvernement à un moment clé : nomination, installation, reconduction
Le passage de Yacouba Zabré Gouba du registre administratif au premier plan politique se fait dans un contexte de transition, où l’exécutif remanie ses équipes et cherche des profils capables de tenir des portefeuilles lourds. Il est nommé ministre de l’Énergie, des Mines et des Carrières le 17 décembre 2023, en remplacement de Simon-Pierre Boussim, puis installé officiellement dans ses fonctions le 22 décembre 2023 à Ouagadougou, lors d’une cérémonie présidée par le Secrétaire général du gouvernement et du Conseil des ministres.
Cette chronologie – nomination puis installation – est classique, mais elle prend une coloration particulière dans un contexte où le secteur minier et le secteur énergétique figurent parmi les piliers de la stratégie économique, tout en étant soumis à des contraintes de sécurité, de financement et de demande sociale. Dès son installation, l’enjeu est clair : la “continuité de l’État” et l’exécution d’une feuille de route gouvernementale, sans délai d’apprentissage.
La reconduction dans un gouvernement suivant est souvent un signal politique : elle indique que l’exécutif juge la continuité préférable dans un ministère à forts enjeux. Yacouba Zabré Gouba figure dans la composition du gouvernement rendue publique par décret du 8 décembre 2024, ce qui acte son maintien au même portefeuille dans la nouvelle équipe. Dans les transitions politiques, ces choix sont scrutés, car ils reflètent l’équilibre entre renouvellement et stabilité. Ici, l’énergie et les mines – secteurs qui nécessitent une vision pluriannuelle – sont confiés à un profil dont la légitimité affichée repose sur l’expertise financière, la connaissance des mécanismes publics et la capacité à dialoguer avec des acteurs multiples : entreprises, bailleurs, opérateurs nationaux, partenaires étrangers, collectivités et populations riveraines.
Le maintien du ministre intervient aussi à un moment où l’État burkinabè affiche, dans sa communication, une volonté renforcée d’implication nationale dans l’économie des ressources, et une ambition de structuration plus serrée du secteur minier. La question, dès lors, n’est pas seulement “qui est-il ?”, mais “quelle empreinte peut-il laisser sur des politiques publiques particulièrement attendues ?”. Pour un ministre de ce type, l’autorité se mesure souvent moins à la scène partisane qu’aux résultats : nombre de mégawatts supplémentaires, amélioration des performances des sociétés d’électricité, régularité de l’approvisionnement, transparence et contrôle dans les mines, retombées locales, sécurité des sites.
L’électricité comme dossier du quotidien : visites de terrain et impératif d’offre énergétique
Au Burkina Faso, l’énergie est un sujet de vie quotidienne, et donc un sujet politique au sens plein. Le ministère qu’il dirige couvre l’électricité, les infrastructures énergétiques et, plus largement, la trajectoire de production dans un pays qui doit arbitrer entre centrales thermiques, solaire, réseaux et interconnexions. Dans ce contexte, la présence sur le terrain et la mise en scène d’une action publique “au plus près des sites” font partie des outils de légitimation.
Un exemple documenté : le 10 février 2025, Yacouba Zabré Gouba effectue une visite sur deux sites énergétiques présentés comme clés, la centrale thermique de Komsilga et la centrale solaire photovoltaïque de Gonsin, avec l’objectif affiché d’évaluer les progrès dans l’amélioration de l’offre énergétique, priorité gouvernementale. Dans une logique journalistique, ce type de déplacement est révélateur : il relie un ministre à des infrastructures tangibles, mais il signale surtout que le ministère cherche à montrer des actions opérationnelles, pas uniquement des annonces.
Au-delà de la symbolique, ces visites traduisent un dilemme permanent : augmenter l’offre rapidement tout en planifiant une production plus résiliente. Le thermique peut répondre à l’urgence mais pèse sur les coûts et la dépendance aux intrants ; le solaire représente un axe stratégique dans le Sahel mais exige un réseau capable d’absorber, de distribuer et de stabiliser l’électricité produite. Dans un pays soumis à des contraintes multiples, le ministre devient l’arbitre d’une équation où la technique se mêle au social : un délestage est une affaire de kilowattheures, mais aussi un facteur de tension pour les ménages, les hôpitaux, l’école, les artisans et l’industrie.
La communication institutionnelle, dans ce secteur, insiste souvent sur des “performances” et des “contrats d’objectifs”. Dans une évaluation semestrielle, il est fait état d’un taux d’exécution physique global de 49,15 % à la date du 30 juin 2025, présenté lors d’une séance d’évaluation tenue le 6 août 2025. Que l’on discute ou non la valeur concrète de ce type d’indicateur, il dit quelque chose du mode de gouvernance : inscrire l’action ministérielle dans une logique de suivi, de reporting et de résultats quantifiés, un registre qui correspond à un profil d’inspecteur du Trésor habitué aux tableaux de bord.
Reste une réalité : dans l’énergie, les résultats s’inscrivent dans le temps, et les promesses sont immédiatement testées par la perception publique. Cela place le titulaire du portefeuille dans une zone d’exposition : il doit faire comprendre les délais, sécuriser des financements, accélérer les chantiers, tout en gérant les contraintes de maintenance, de carburant, de réseau, et parfois de sécurité. Les ministres de l’énergie, quels qu’ils soient, se retrouvent dans cette tension entre l’urgence quotidienne et la stratégie de long terme. Le parcours de Yacouba Zabré Gouba, centré sur la gestion et l’ingénierie financière, indique que sa méthode privilégiée peut passer par la structuration des projets et la recherche de soutenabilité économique.
Mines et carrières : contrôle, gouvernance et promesse de retombées nationales
Si l’énergie touche immédiatement au quotidien, les mines touchent à la promesse économique. L’or et les ressources minières représentent un enjeu budgétaire et stratégique, et le débat porte souvent sur la capacité de l’État à contrôler, encadrer, sécuriser et faire bénéficier l’économie nationale des retombées. À ce titre, le ministère des Mines est un lieu d’arbitrage intense : entre opérateurs industriels, orpaillage, fiscalité, sécurité des sites, normes environnementales, et attentes des populations riveraines.
Yacouba Zabré Gouba arrive au ministère dans ce cadre, et son profil est parfois décrit comme non étranger au secteur minier, notamment du fait de fonctions d’administrateur représentant l’État dans une entreprise minière. Cette expérience, même limitée aux instances de gouvernance, peut constituer un atout : comprendre la structure d’une société minière, ses coûts, ses risques, ses obligations, et les points de friction habituels entre État régulateur et entreprise exploitante.
Un moment politique illustre la dimension “contrôle” de son ministère : le 15 mars 2024, il répond à une question orale avec débats, devant la représentation nationale, portant sur le contrôle dans le secteur minier au Burkina Faso. Ce format oblige un ministre à se situer publiquement sur des questions sensibles : transparence, inspections, sanctions, articulation entre administration, forces de sécurité et autorités locales, et parfois traitement de dossiers particuliers. Dans les régimes de transition, ce type d’exercice peut servir à la fois de clarification et de démonstration d’autorité.
Dans les discours publics autour du secteur minier, un axe revient : renforcer l’implication nationale, mieux capter la valeur, et construire des capacités locales, y compris dans le traitement des résidus ou la transformation. Sans prêter au ministre des annonces qui ne seraient pas documentées, on observe que la politique sectorielle mise en avant à cette période insiste sur une plus grande présence de l’État et une meilleure maîtrise des actifs, dans un contexte où l’opinion attend des retombées visibles.
Ce qui rend la tâche du ministre complexe, c’est que le secteur minier n’est pas seulement économique : il est territorial. Les mines, les carrières et les sites d’exploitation sont situés dans des zones où la sécurité, les déplacements, la protection des travailleurs et des populations peuvent devenir un défi. La promesse d’un meilleur contrôle rencontre alors une réalité de terrain : contrôler suppose d’accéder, d’inspecter, de faire appliquer, et d’offrir des alternatives lorsque l’activité informelle domine.
À ce carrefour, la crédibilité d’un responsable tient à la capacité à faire fonctionner l’administration. Le fait que Yacouba Zabré Gouba soit présenté comme un expert financier, familier des établissements publics, peut le conduire à privilégier des instruments de gouvernance : contrats d’objectifs, suivi de performance, renforcement de l’outillage administratif, clarification des responsabilités, et montée en puissance d’instances de régulation. Mais la question centrale demeure : comment traduire en améliorations perceptibles une gestion plus serrée d’un secteur où la richesse affichée ne se convertit pas toujours en services publics ressentis ?
Diplomatie énergétique et partenariats : du Sahel à la coopération nucléaire civile
Les portefeuilles énergie et mines ont une dimension internationale évidente. Ils impliquent des investisseurs, des bailleurs, des fournisseurs, des ingénieries, et des coopérations régionales. Sous Yacouba Zabré Gouba, plusieurs séquences publiques mettent en avant cette diplomatie sectorielle.
Sur le plan régional, il participe à des cadres sahéliens où l’énergie est pensée à l’échelle des interconnexions, des performances des sociétés d’électricité et des grands programmes. Le 30 juin 2025, Ouagadougou accueille une réunion ministérielle de l’initiative Desert to Power, réunissant plusieurs ministres de l’énergie du Sahel autour du thème de l’amélioration des performances techniques et financières des sociétés d’électricité. Cet élément est révélateur : le débat n’est plus seulement “produire plus”, mais “produire et distribuer mieux”, et surtout rendre les opérateurs viables, capables d’entretenir et d’investir.
Sur le plan bilatéral, une séquence attire particulièrement l’attention, car elle touche à un sujet hautement symbolique : la coopération dans le nucléaire civil. Il est rapporté qu’il reçoit une délégation de la société russe Rosatom à Ouagadougou le 6 août 2024. Dans la même période, il est fait état d’une feuille de route signée entre le Burkina Faso et Rosatom pour une coopération dans le nucléaire civil, avec l’idée d’élaborer un accord-cadre normatif, et, dans la feuille de route, la perspective d’une construction de centrale, accompagnée de discussions sur les aspects techniques et le modèle économique.
Dans l’espace public, le nucléaire est un mot qui dépasse la technique : il renvoie à l’indépendance, à la puissance, à la modernité, mais aussi au coût, aux exigences de sûreté, à la formation, à la gouvernance et à la durée. La prudence journalistique s’impose donc : ce type de coopération se déploie sur des années, parfois des décennies, et passe par des étapes préparatoires nombreuses. Les éléments rendus publics mettent surtout l’accent sur le processus : feuille de route, cadres normatifs, discussions techniques et économiques, et usages pacifiques (agriculture, médecine) évoqués comme axes de coopération.
Cette diplomatie énergétique n’est pas isolée du reste du ministère. Dans les mines aussi, les audiences et échanges avec des acteurs internationaux font partie du paysage, les entreprises opérant souvent à l’échelle mondiale. Une rencontre avec des dirigeants d’un grand groupe minier, par exemple, s’inscrit dans cette logique d’interactions régulières entre l’État et les opérateurs.
Au total, ces séquences composent une image : celle d’un ministre dont l’action ne se limite pas à l’administration interne, mais s’étend à la négociation et à la représentation. Pour un profil d’inspecteur du Trésor, l’enjeu est souvent d’arrimer ces partenariats à des paramètres concrets : financements, conditions, retombées, et soutenabilité. Le défi est double : convaincre l’opinion qu’une coopération internationale sert la souveraineté, et convaincre les partenaires que l’État maîtrise sa feuille de route.
Un ministre exposé : attentes sociales, gouvernance de transition et horizon politique
Être ministre de l’Énergie, des Mines et des Carrières, c’est occuper un poste où l’évaluation est permanente. Les attentes sont immédiates sur l’énergie, structurelles sur les mines. La transition politique ajoute une couche : les décisions sont lues comme des signaux de cap, parfois comme des marqueurs de rupture, et souvent comme des promesses de résultats plus rapides.
Le profil public de Yacouba Zabré Gouba, tel qu’il apparaît à travers les éléments institutionnels, se caractérise par une forte identité de gestionnaire : diplômes financiers, enseignement de la gestion, participation à l’élaboration de normes juridiques, présence dans des conseils d’administration, et pratique diplomatique de trésorier. Cette orientation peut influencer la manière de gouverner un ministère : insister sur la méthode, la concertation administrative, la remontée d’indicateurs et la discipline de l’exécution.
Dans le même temps, l’action ministérielle n’est pas une simple question de gestion. Dans les mines, les sujets de contrôle sont politiquement sensibles, car ils touchent au partage de la richesse, à la perception d’injustice ou d’opacité, et à la demande de fermeté. L’audition parlementaire sur le contrôle minier, par exemple, situe le ministre dans une scène où les questions ne sont pas abstraites. Dans l’énergie, les visites de centrales rappellent que la politique se juge à l’aune de la disponibilité de l’électricité. Sur la scène internationale, les annonces de coopération structurante, comme le nucléaire civil, placent le gouvernement sous le regard des citoyens, des partenaires et des experts.
Il existe enfin un aspect plus discret mais significatif : la reconnaissance officielle, par distinctions, intervient dans une temporalité rapprochée de ses responsabilités gouvernementales. Être élevé au grade d’officier de l’Ordre de l’Étalon, à titre exceptionnel, en décembre 2024, participe à construire une stature publique, en l’inscrivant dans les codes symboliques de l’État.
Que peut-on dire, dès lors, de “l’homme politique” Yacouba Zabré Gouba, au-delà du haut fonctionnaire ? À ce stade des informations publiques, son image politique se confond largement avec sa fonction : il est d’abord le titulaire d’un portefeuille stratégique, identifié par les dossiers qu’il porte. Son horizon politique est lié à sa capacité à livrer des résultats sur des enjeux considérés comme vitaux : une énergie plus disponible, des sociétés plus performantes, un secteur minier plus contrôlé et mieux valorisé, et des partenariats mieux encadrés.
Dans un pays où la transition met l’accent sur la souveraineté, la maîtrise des ressources et l’efficacité de l’État, le ministre de l’Énergie et des Mines devient un acteur-clé de la promesse publique. Son profil – technique, financier, normatif – peut rassurer ceux qui attendent de la rigueur. Il peut aussi être mis à l’épreuve par ceux qui exigent des changements visibles, rapides, et ressentis. Entre ces deux pôles, Yacouba Zabré Gouba avance sur une ligne de crête : faire du très concret, sous une très forte pression, avec des dossiers qui dépassent largement un mandat et se déploient sur des années.



