Dans l’Algérie de 2025, la communication n’est plus un simple portefeuille gouvernemental : elle se situe au cœur d’un champ de tensions où se croisent réforme du secteur des médias, encadrement du numérique, lutte contre la désinformation et débat récurrent sur la publicité institutionnelle. C’est dans ce contexte que le nom de Zouhir Bouamama, également orthographié Zoheir Bouamama dans plusieurs publications, s’est imposé en quelques mois comme l’un des visages les plus exposés de l’exécutif. Universitaire de formation, devenu conseiller politique à la présidence avant d’être nommé ministre, il incarne une trajectoire rapide, sur fond d’attentes élevées et de dossiers explosifs.
Mais au-delà de l’intitulé de sa fonction, qui est-il exactement, et que sait-on de son parcours à partir d’éléments publics et recoupés ? Entre biographie académique, nomination à la présidence, prise de fonctions au ministère, et premières séquences parlementaires, l’itinéraire de Bouamama éclaire autant la fabrique des élites politiques que la sensibilité particulière d’un secteur considéré comme « vital et stratégique » par les autorités.
Un universitaire issu des sciences politiques, devenu figure médiatique
Les informations disponibles décrivent Zoheir Bouamama comme un universitaire algérien spécialisé en sciences politiques et relations internationales. Originaire d’Emdjez Edchich, dans la wilaya de Skikda, il est présenté comme titulaire d’un doctorat en sciences politiques obtenu à l’université d’Alger et comme professeur d’enseignement supérieur. Dans un pays où la frontière entre expertise académique, commentaire médiatique et décision politique est parfois poreuse, ce profil d’enseignant-analyste constitue une première clé de lecture.
Selon plusieurs sources de presse et des notices biographiques publiques, Bouamama a enseigné les relations internationales dans différentes structures, notamment au centre universitaire de Tipaza, mais aussi dans d’autres institutions citées par certaines publications, comme l’université Badji Mokhtar d’Annaba et l’Institut diplomatique algérien. Ces éléments dessinent un parcours ancré dans l’enseignement et l’encadrement, souvent invoqué pour justifier sa légitimité lorsqu’il s’exprime sur les enjeux stratégiques, la diplomatie régionale ou les équilibres internationaux.
Cette position d’expert ne se limite pas à l’université. Avant son entrée au gouvernement, Bouamama est également décrit comme analyste des affaires internationales sur la chaîne publique algérienne AL24 News. Dans les systèmes politiques contemporains, la visibilité médiatique fonctionne fréquemment comme un tremplin : elle permet de familiariser le public avec un visage et un ton, tout en donnant aux décideurs l’image d’un profil capable d’argumenter, de défendre une ligne et de tenir une parole publique. Pour un futur ministre de la Communication, cette expérience d’antenne et de commentaire est une ressource évidente : elle prépare à l’oral, à la gestion des séquences publiques et à l’art de cadrer les débats.
Reste que cette exposition médiatique ne dit pas tout. Les éléments publics disponibles insistent davantage sur la qualification académique et la fonction d’expert que sur une carrière partisane classique (élections, mandats locaux, trajectoire militante). C’est un trait important : Bouamama arrive au sommet par la voie de la nomination, dans un schéma où l’expertise et la proximité institutionnelle pèsent souvent davantage que l’enracinement électif. Cette réalité n’est pas spécifique à l’Algérie, mais elle prend une dimension particulière lorsqu’il s’agit d’un ministère chargé d’un secteur aussi sensible que l’information.
De la Présidence au gouvernement : une ascension accélérée en 2025
La séquence politique qui propulse Bouamama au premier plan s’ouvre au printemps 2025. Le 21 mai 2025, il est nommé conseiller auprès du président de la République Abdelmadjid Tebboune, chargé des affaires politiques, et selon les formulations reprises dans la presse, également des relations avec la jeunesse, la société civile et les partis politiques. Cette fonction le place au cœur de la mécanique présidentielle, là où se croisent la lecture du champ partisan, la gestion des équilibres internes et l’interface avec des acteurs sociaux susceptibles de peser sur la stabilité politique.
Ce poste, occupé avant lui par Mohamed Chafik Mesbah, n’est pas un strapontin : il s’agit d’une position de confiance, dans un contexte où les signaux envoyés à la classe politique et à l’opinion sont scrutés. Le fait que Bouamama soit qualifié de professeur d’université et de spécialiste des relations internationales est alors largement mis en avant, comme pour installer l’idée d’un conseiller capable de “lire” les rapports de force et de dialoguer avec des acteurs multiples.
L’étape suivante est encore plus rapide. À la mi-septembre 2025, dans le cadre d’un nouveau gouvernement nommé par le président de la République, Bouamama est désigné ministre de la Communication, en remplacement de Mohamed Meziane. La chronologie est significative : moins de quatre mois après son arrivée comme conseiller politique, le voilà chargé d’un portefeuille ministériel dont la centralité a été renforcée par la montée des enjeux numériques, la multiplication des supports d’information et la conflictualité croissante autour des récits nationaux.
La passation de pouvoirs, couverte par des canaux institutionnels, donne le ton : Bouamama y remercie le président de la République pour la confiance accordée et décrit le secteur de la communication comme « vital et stratégique ». Cette formule, reprise dans les compte rendus, n’est pas anodine. Elle indique une approche où la communication n’est pas seulement un espace de libertés publiques ou de marché médiatique, mais un instrument de souveraineté, de cohésion interne et de projection politique.
Son arrivée intervient, d’après plusieurs analyses publiées au moment de sa nomination, dans un climat où le secteur est décrit comme en crise ou en recomposition, entre fragilités économiques des médias, multiplication d’acteurs numériques et question du cadre réglementaire. Dans ce contexte, le choix d’un universitaire-analyste plutôt que d’un “homme de l’appareil” purement administratif est interprété, selon les commentaires de presse, comme la volonté de mobiliser un profil capable d’articuler discours politique, compréhension des enjeux géopolitiques et maîtrise du champ médiatique.
Un ministère sous pression : réforme des médias, numérique et désinformation
Le ministère de la Communication, dans de nombreux pays, oscille entre deux exigences difficiles à concilier : d’un côté, garantir des règles, une régulation et une organisation du secteur ; de l’autre, préserver un espace médiatique crédible, pluraliste et économiquement viable. En Algérie, la pression est accentuée par l’importance accordée aux “guerres médiatiques” et aux effets des réseaux sociaux, thèmes récurrents dans les analyses de la presse nationale.
À peine installé, Bouamama se retrouve associé à une série de priorités affichées dans plusieurs publications : réforme structurelle, clarification des textes, montée en compétence des professionnels, et adaptation du cadre aux réalités numériques. Certaines sources indiquent que son département vise à finaliser ou promulguer des textes réglementaires restés en attente depuis des années, avec l’objectif annoncé de réduire l’incertitude juridique qui pèse sur le secteur. Cette volonté de “mettre fin au flou” est présentée comme un axe central : elle renvoie à la fois au fonctionnement des organes de presse, aux conditions d’exercice, et à la place des plateformes numériques dans la circulation de l’information.
Sur le terrain, l’un des défis majeurs tient à l’explosion du paysage numérique. Plusieurs analyses évoquent une prolifération de sites et de contenus en ligne, parfois sans normes professionnelles homogènes, dans un espace où la concurrence pour l’attention favorise le sensationnel, la rumeur ou la polarisation. Dans ce cadre, la lutte contre la désinformation devient un mot d’ordre : non seulement au nom de la protection du public, mais aussi au nom d’une logique de souveraineté et de stabilité. Des articles de presse récents attribuent à Bouamama une stratégie articulée autour de trois axes souvent cités : régulation, déontologie et digitalisation, présentés comme des réponses à la circulation de fausses informations et à l’érosion de la confiance.
Il faut toutefois distinguer les déclarations d’intention et leur mise en œuvre. Le ministère peut promettre des textes, des registres, des mécanismes d’agrément ou des dispositifs de formation ; il se heurte ensuite aux résistances, aux intérêts économiques, aux habitudes institutionnelles et à la diversité des acteurs. En outre, dès qu’un État affirme vouloir réguler l’information, une question surgit mécaniquement : la régulation vise-t-elle d’abord à protéger l’espace public contre les manipulations, ou à contrôler les récits ? Cette interrogation traverse le débat médiatique dans de nombreux pays. En Algérie, elle est régulièrement ravivée par le sujet de la publicité institutionnelle, perçue par une partie de la profession comme un levier économique et, potentiellement, un outil d’influence.
Bouamama arrive donc dans un ministère où chaque mot peut être lu de deux façons : comme une promesse de structuration et de professionnalisation, ou comme le signe d’un encadrement plus serré. Son défi, politiquement, consiste à tenir une ligne : présenter les réformes comme nécessaires à la modernisation et à la transparence, tout en évitant que le ministère soit perçu comme le bras d’une logique de contrôle.
Le dossier ANEP : transparence de la publicité publique et indépendance des médias
S’il fallait un épisode pour mesurer la sensibilité du poste, il se situe à l’automne 2025, lorsque des députés interpellent le ministre sur le fonctionnement de l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP). La publicité publique est un sujet explosif dans les écosystèmes médiatiques où les revenus privés ne suffisent pas toujours à assurer la viabilité des titres. Elle peut être perçue comme un soutien, mais aussi comme un instrument de sélection : attribuer ou refuser des budgets publicitaires institutionnels peut faire vivre ou mourir une rédaction, surtout si le marché publicitaire privé est limité.
Selon des comptes rendus de presse, plusieurs parlementaires mettent en cause ce qu’ils qualifient d’opacité dans la répartition des annonces et des budgets publicitaires provenant d’institutions publiques. Les formulations rapportées insistent sur le manque de transparence des critères et, plus largement, sur les risques que cela ferait peser sur l’indépendance éditoriale. Dans cette séquence, Bouamama est amené à répondre publiquement, dans l’arène parlementaire, à des critiques qui touchent au nerf de la guerre économique des médias.
D’après les éléments rapportés, le ministre défend la gestion de l’agence en invoquant l’existence de règles ou de critères, tout en s’engageant à mettre à jour ces critères de distribution de la publicité publique. Cette réponse, à la fois défensive et réformatrice, vise à tenir les deux bouts : rassurer l’institution sur la légitimité du système actuel, tout en reconnaissant qu’une actualisation est nécessaire. Mais cet équilibre est instable. Pour une partie des observateurs, promettre une révision revient à admettre que le système pose problème ; pour d’autres, c’est au contraire l’aveu que des mécanismes plus clairs sont indispensables pour limiter les soupçons de favoritisme ou de pression.
L’enjeu dépasse la technique. La publicité institutionnelle, dans une logique de marché, devrait être attribuée selon des critères de performance, d’audience, de diffusion, de qualité et de conformité aux règles. Dans une logique politique, elle peut aussi devenir un instrument pour favoriser des médias considérés comme “responsables”, “patriotiques” ou “alignés”, et marginaliser ceux qui dérangent. Les députés qui évoquent une menace pour la survie économique des médias mettent le doigt sur ce dilemme : quand la source de revenus est concentrée dans la décision publique, l’autonomie journalistique peut être fragilisée.
Pour Bouamama, ce dossier a valeur de test. Un ministre de la Communication ne peut pas se contenter d’une posture générale : il est attendu sur des mécanismes concrets, des calendriers, des normes et des garanties. Or, plus il avance vers la précision des règles, plus il s’expose à des arbitrages difficiles : quels critères retenir ? Qui contrôle ? Quelle place pour l’évaluation indépendante ? Et comment faire accepter des règles à des acteurs qui ont parfois appris à survivre dans l’incertitude ?
La séquence ANEP, en somme, cristallise l’essentiel : la communication n’est pas seulement affaire de message, mais de structures économiques, de rapports de force institutionnels et de confiance. Elle révèle aussi que Bouamama, en quelques semaines, a dû passer d’un rôle d’expert et de commentateur à celui de décideur, tenu de répondre à des questions où chaque détail compte.
Les priorités annoncées : textes, formation, modernisation et crédibilité
Depuis sa nomination, plusieurs prises de parole et comptes rendus attribuent à Bouamama une feuille de route centrée sur la modernisation du secteur et la mise en cohérence du cadre réglementaire. L’un des points mis en avant dans la presse est la finalisation de textes clés relatifs au secteur de la communication avant la fin de l’année 2025, afin de combler des retards accumulés. Dans le vocabulaire politique, “finaliser des textes” peut signifier beaucoup de choses : décrets d’application, clarifications des procédures, encadrement des médias numériques, dispositifs de formation ou de labellisation. Mais le cœur du message reste constant : réduire l’ambiguïté et rendre le cadre lisible.
La formation apparaît également comme un axe récurrent. Dans un environnement médiatique bouleversé par les outils numériques, la capacité des journalistes et des rédactions à vérifier, contextualiser et publier rapidement est mise à l’épreuve. Former ne veut pas seulement dire apprendre à utiliser des outils ; cela peut aussi vouloir dire renforcer l’éthique, la rigueur, la déontologie, et la compréhension des risques informationnels. Plusieurs articles laissent entendre que Bouamama inscrit cette dimension dans ses priorités, en la reliant à la crédibilité des médias et à la lutte contre la désinformation.
Autre point souvent cité : la transformation numérique comme nécessité. Là encore, l’argument peut être lu de deux manières. D’un côté, il reflète une réalité : l’État comme les médias doivent se moderniser, structurer les infrastructures, et accompagner la transition vers des formats numériques, sous peine d’être dépassés. De l’autre, la numérisation peut aussi signifier une meilleure capacité de traçabilité, d’enregistrement et de contrôle administratif. Tout dépend des modalités : registre des sites, procédures d’autorisation, exigences techniques ou financières, etc. Les publications consultées insistent surtout sur la nécessité, sans détailler exhaustivement les mécanismes envisagés.
Dans cette phase, Bouamama doit aussi répondre à une attente plus diffuse : restaurer la confiance. La confiance ne se décrète pas ; elle se construit par la transparence, la cohérence des règles, la stabilité économique et la crédibilité des contenus. Le ministre peut agir sur une partie de ces leviers, notamment le cadre réglementaire et certaines politiques publiques (publicité institutionnelle, formation, organisation des relations avec les acteurs). Mais il ne contrôle pas tout : les rédactions, les habitudes de consommation, la polarisation sur les réseaux sociaux, et la compétition internationale des récits échappent largement à l’action d’un seul ministère.
C’est pourquoi sa trajectoire est scrutée. D’un point de vue politique, l’homme incarne une volonté de s’appuyer sur l’expertise académique et sur une présence médiatique préalable. D’un point de vue institutionnel, il représente la continuité d’un État qui considère la communication comme un enjeu stratégique. D’un point de vue sociétal, enfin, sa réussite ou son échec se mesurera à des indicateurs très concrets : la clarté des règles, la capacité des médias à travailler dans un environnement plus stable, et la perception qu’auront les citoyens d’un secteur moins livré à la rumeur, plus professionnel, et économiquement moins dépendant de mécanismes opaques.
À ce stade, une prudence s’impose : l’essentiel des informations publiques disponibles sur Bouamama concerne ses nominations, son profil académique et ses premières priorités affichées. Le temps long des réformes, lui, n’a pas encore livré ses résultats. Mais une chose est déjà claire : en 2025, Zouhir (Zoheir) Bouamama s’est installé à un carrefour où se rencontrent pouvoir politique, économie des médias et bataille de l’information. Et dans ce carrefour, chaque décision pèse bien au-delà d’un simple portefeuille ministériel.



