En déplacement en Égypte, lors du sommet de la paix organisé à Charm El-Cheikh, le président français Emmanuel Macron a réagi publiquement à la crise politique qui secoue actuellement Madagascar. Dans un ton grave et mesuré, il a exprimé sa « grande préoccupation » face à la situation sur la Grande Île, appelant à la préservation de l’ordre constitutionnel et de la continuité institutionnelle. Pour le chef de l’État français, la stabilité politique de Madagascar dépasse le seul cadre national : elle constitue un enjeu crucial pour le peuple malgache, mais aussi pour la coopération internationale et régionale.
Une déclaration empreinte de prudence diplomatique
Emmanuel Macron a choisi ses mots avec soin pour évoquer la situation politique malgache. Face aux tensions qui se sont intensifiées ces dernières semaines entre le gouvernement et une partie de l’opposition, le président français a mis en avant le principe fondamental du respect de l’ordre constitutionnel. « Il est très important que l’ordre constitutionnel, la continuité institutionnelle soient préservés à Madagascar, parce qu’il en va de la stabilité du pays et des intérêts de la population, pour que la communauté internationale puisse continuer d’aider », a-t-il déclaré.
Ce message s’inscrit dans la continuité de la diplomatie française, qui privilégie une approche de non-ingérence directe tout en soutenant le dialogue politique et les processus institutionnels. En rappelant l’importance de la continuité des institutions, Emmanuel Macron envoie un signal clair : la France se tient aux côtés de Madagascar, mais uniquement dans le cadre du respect de la légalité et de la démocratie.
Cette position traduit également la volonté de Paris de ne pas reproduire les erreurs du passé, lorsque certaines crises politiques dans l’océan Indien avaient été marquées par des prises de position étrangères jugées ambiguës. Le chef de l’État français a donc insisté sur la prudence, préférant réaffirmer les principes universels de la démocratie et du droit constitutionnel plutôt que de se prononcer sur les acteurs politiques eux-mêmes.
Le spectre des crises politiques passées
Dans son allocution, Emmanuel Macron a évoqué les précédentes crises qui ont ébranlé Madagascar depuis son indépendance en 1960. L’île a connu plusieurs périodes d’instabilité politique majeures, souvent liées à des coups d’État, des transitions prolongées ou des contestations électorales. Le président français a tenu à rappeler ces épisodes douloureux afin d’en tirer des leçons pour le présent.
« Si l’ordre constitutionnel était rompu, on sait ce qui s’est passé. Madagascar l’a déjà vécu. Ce serait évidemment la population qui en serait la première victime », a averti Emmanuel Macron.
Cette phrase fait écho aux crises de 1972, 1991, 2002 et 2009, chacune ayant entraîné des bouleversements institutionnels et un ralentissement économique majeur. L’évocation de ces précédents vise à rappeler que la rupture de l’ordre constitutionnel a toujours eu des conséquences dramatiques pour le pays : isolement diplomatique, suspension de l’aide internationale, effondrement des infrastructures, et aggravation de la pauvreté.
En ce sens, le président français a voulu souligner que la stabilité politique est non seulement un impératif national pour Madagascar, mais aussi une condition nécessaire à son développement économique. En cas de dérive institutionnelle, ce sont les projets de coopération, les programmes de développement et les investissements étrangers qui risquent d’être compromis.
La France et ses partenaires régionaux dans une position d’équilibre
Au-delà de son message national, Emmanuel Macron a tenu à insister sur la dimension régionale et internationale de la crise. Il a affirmé que la position de la France s’inscrit dans un cadre de concertation avec les organisations africaines. « Nous restons aux côtés de l’Union africaine et de la SADC pour que la continuité institutionnelle et l’ordre constitutionnel soient respectés », a-t-il déclaré.
Cette déclaration illustre une volonté d’agir en coordination avec les institutions régionales, notamment la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), qui suit de près la situation politique malgache depuis plusieurs années. L’Union africaine, pour sa part, a souvent joué un rôle de médiation lors des précédentes crises.
En s’alignant sur ces partenaires, Paris cherche à éviter toute perception d’ingérence néocoloniale, tout en soutenant les mécanismes africains de maintien de la paix et de prévention des conflits. Cette approche s’inscrit dans la stratégie africaine de la diplomatie française, qui tend à renforcer les coopérations multilatérales plutôt qu’à imposer une position unilatérale.
Par ailleurs, la France demeure un partenaire économique et culturel majeur de Madagascar. Une crise politique prolongée pourrait remettre en cause de nombreux programmes bilatéraux, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’énergie. Le discours d’Emmanuel Macron apparaît donc aussi comme un message d’alerte sur les conséquences que l’instabilité pourrait avoir sur cette coopération historique.
Un avertissement contre les dérives et les manipulations
Emmanuel Macron a profité de cette prise de parole pour exprimer une mise en garde explicite contre toute tentative de manipulation politique ou militaire, en particulier à l’égard de la jeunesse malgache. « Je ne veux simplement pas qu’elle soit récupérée par des factions militaires ou des ingérences étrangères », a-t-il précisé.
Cette phrase traduit une préoccupation particulière de la part du président français : celle de voir des acteurs extérieurs ou des groupes internes exploiter la situation politique pour leurs propres intérêts. Dans un contexte mondial marqué par une compétition géopolitique croissante sur le continent africain, cette allusion vise à rappeler que Madagascar n’est pas à l’abri de tentatives d’influence étrangère.
La jeunesse, souvent moteur des mobilisations citoyennes, est ici placée au cœur du message présidentiel. En appelant à ne pas la manipuler, Macron souligne l’importance de préserver son rôle constructif dans la vie démocratique, loin des logiques de récupération ou de radicalisation.
Cet avertissement fait écho à la situation tendue à Antananarivo, où plusieurs mouvements de contestation ont émergé, notamment parmi les étudiants et les jeunes militants politiques. Le président français plaide ainsi pour que le dialogue et la participation civique remplacent les affrontements de rue et les tentatives de déstabilisation.
La situation intérieure à Madagascar : entre tension politique et incertitude
Pendant que la communauté internationale appelle au calme, la situation reste tendue à Madagascar. Les députés de l’opposition ont annoncé lundi une collecte de signatures afin de convoquer une session extraordinaire de l’Assemblée nationale. Leur objectif : enclencher une procédure de destitution à l’encontre du président de la République, Andry Rajoelina.
Cette initiative politique intervient dans un climat de défiance croissante à l’égard du pouvoir en place. Le président malgache a déclaré s’être réfugié depuis le week-end dernier dans un « lieu en sécurité », affirmant faire face à des menaces et à des « attentats » dirigés contre lui. Dans une intervention télévisée, il a assuré rester « en mission » pour trouver des solutions concrètes aux problèmes du pays, notamment dans le domaine énergétique.
Cette situation alimente un climat d’incertitude politique. La perspective d’une destitution présidentielle risque de raviver les divisions internes, tandis que les institutions peinent à maintenir leur fonctionnement normal. Les appels au calme et au respect de l’ordre constitutionnel lancés par Emmanuel Macron prennent donc une dimension particulièrement urgente dans ce contexte.
Les observateurs internationaux redoutent une nouvelle crise politique majeure, comparable à celle de 2009, qui avait entraîné la suspension de Madagascar des instances régionales et la rupture temporaire de nombreuses coopérations internationales. Cette fois encore, le risque est grand de voir les partenaires étrangers suspendre leurs aides si la légitimité institutionnelle venait à être compromise.
Un enjeu de stabilité régionale et internationale
La déclaration d’Emmanuel Macron dépasse la seule relation franco-malgache. Elle s’inscrit dans une réflexion plus large sur la stabilité de la région de l’océan Indien, stratégique pour la France comme pour ses alliés. Madagascar, par sa position géographique, joue un rôle essentiel dans les équilibres politiques et économiques de cette zone.
Toute instabilité prolongée sur la Grande Île pourrait avoir des répercussions régionales, notamment sur les échanges commerciaux, la sécurité maritime et la coopération environnementale. La France, présente militairement dans la zone via ses territoires ultramarins (La Réunion, Mayotte), suit donc de près l’évolution de la situation politique malgache.
En appelant au respect de la légalité constitutionnelle, Emmanuel Macron cherche aussi à prévenir un effet domino qui pourrait fragiliser d’autres démocraties de la région. Ce message s’adresse autant aux acteurs politiques malgaches qu’aux partenaires régionaux, invitant chacun à assumer sa part de responsabilité dans la préservation de la paix et de la stabilité.
De manière implicite, la France réaffirme également son attachement à un modèle de gouvernance fondé sur les institutions et non sur la force. Cette position vise à renforcer la légitimité des mécanismes démocratiques et à encourager les transitions pacifiques de pouvoir.
Vers une médiation internationale ?
Face à la gravité de la situation, plusieurs diplomates estiment qu’une médiation internationale pourrait être envisagée. La France, tout en gardant une posture de réserve, pourrait jouer un rôle de facilitateur au sein d’un cadre régional, aux côtés de la SADC et de l’Union africaine.
Cette option serait conforme à la tradition diplomatique française, qui privilégie la recherche de solutions concertées et la promotion du dialogue politique. Cependant, toute initiative dans ce sens dépendra de l’évolution de la crise interne et de la volonté des acteurs malgaches de s’engager dans un processus de concertation nationale.
En attendant, Paris maintient une ligne claire : respect de la Constitution, préservation des institutions et refus de toute prise de pouvoir illégitime. Ce message, réitéré par Emmanuel Macron depuis Charm El-Cheikh, s’adresse à tous les protagonistes de la scène politique malgache, dans l’espoir d’éviter une nouvelle période de troubles et d’instabilité.
Conclusion : un appel à la raison et à la responsabilité
Le discours d’Emmanuel Macron marque une étape importante dans la gestion diplomatique de la crise malgache. En adoptant un ton à la fois ferme et mesuré, le président français rappelle les fondements de la démocratie et les risques d’un effondrement institutionnel.
Son message se veut à la fois un avertissement et un encouragement : avertissement contre toute dérive autoritaire ou militaire, encouragement à préserver la paix civile et à poursuivre le dialogue. En insistant sur le respect de l’ordre constitutionnel, il place la stabilité politique au centre des priorités, tout en appelant la communauté internationale à accompagner Madagascar dans la voie de la légalité et du développement.
Ce discours, prononcé depuis l’étranger mais tourné vers l’avenir de la Grande Île, réaffirme l’importance du partenariat historique entre la France et Madagascar, fondé sur le respect mutuel, la souveraineté nationale et la coopération pour le bien commun.



