L’édition 2025 de la conférence African Energy Week (AEW) : Invest in African Energies s’est imposée comme l’un des rendez-vous majeurs de la scène énergétique du continent. Cette rencontre stratégique a réuni dirigeants politiques, acteurs privés et experts internationaux autour d’une même ambition : renforcer la sécurité énergétique, attirer de nouveaux capitaux et préparer la transformation du paysage énergétique africain à l’horizon 2026. L’événement a mis en lumière la diversité des marchés, les défis de gouvernance et les solutions de partenariat susceptibles de dynamiser le secteur. Des discussions informelles, aux tables rondes thématiques, en passant par les interventions d’acteurs influents comme Erik Prince, fondateur de Blackwater, l’AEW 2025 a offert un aperçu concret des stratégies à l’œuvre pour repositionner l’Afrique sur la carte mondiale de l’énergie.
Au cœur des échanges, les participants ont insisté sur la nécessité d’une approche collaborative, mêlant sécurité, innovation et développement durable. Les délégations présentes ont également souligné l’urgence d’accroître la production, de valoriser les ressources gazières et de favoriser l’exploration dans les marchés dits frontaliers. L’AEW 2025 n’a pas seulement dressé un état des lieux des politiques énergétiques en cours : elle a esquissé une vision d’avenir, celle d’un continent africain plus autonome, plus intégré et plus attractif pour les investisseurs internationaux.
Des objectifs ambitieux pour stimuler la production énergétique
La question de la production énergétique a constitué l’un des fils conducteurs des échanges à l’AEW 2025. Dans un contexte mondial marqué par la volatilité des prix et les incertitudes liées à la transition énergétique, plusieurs pays africains ont décidé d’adopter des stratégies de montée en puissance de leur production nationale. Ces politiques visent à renforcer la sécurité énergétique tout en attirant des capitaux étrangers indispensables à la mise en œuvre de projets de grande envergure.
Le Nigeria, première économie du continent et acteur pétrolier historique, a illustré cette dynamique par la fixation d’un objectif de deux millions de barils par jour. Ce cap symbolise la volonté du pays de consolider sa position sur le marché mondial tout en modernisant son secteur énergétique. Des entreprises telles que Renaissance Africa Energy et Seplat jouent un rôle central dans cette ambition. Tony Attah, PDG de Renaissance Africa Energy, a confirmé la recherche de nouveaux partenaires pour soutenir le développement de son portefeuille d’actifs au Nigeria. De son côté, Seplat Energy, dirigée par Roger Brown, avance sur un projet gazier majeur dont les conditions commerciales sont en voie de finalisation. Ces initiatives traduisent la confiance renouvelée des opérateurs locaux et internationaux dans le potentiel énergétique nigérian, malgré les défis structurels et sécuritaires.
Le Ghana, autre pôle en pleine expansion, s’appuie sur un programme de développement ambitieux comprenant plus de dix-sept projets pétroliers et gaziers prévus d’ici 2027. Pour Accra, l’enjeu est double : exploiter ses hydrocarbures pour stimuler la croissance et servir de modèle à d’autres économies africaines. Le ministre ghanéen de l’Énergie et de la Transition verte, John Abdulai Jinapor, a insisté sur le caractère exemplaire de la stratégie nationale, citant les succès obtenus comme des références pour le continent. L’approche ghanéenne repose sur la diversification, la transparence et une meilleure gestion des revenus tirés du secteur.
L’Angola, producteur de pétrole déjà bien établi, cherche lui aussi à maintenir et accroître sa production. L’Agence nationale du pétrole, du gaz et des biocarburants (ANPG) prévoit d’attribuer jusqu’à soixante concessions avant la fin de l’année, selon Alcides Andrade, administrateur exécutif de l’institution. Cette démarche s’inscrit dans un effort global de relance des activités d’exploration et de forage, menées en grande partie par la compagnie nationale Sonangol. Osvaldo Inácio, membre de son conseil d’administration, a annoncé que la société s’apprêtait à forer un puits d’exploration dans le bloc 24 du bassin du Kwanza dès décembre. Ces perspectives confirment la volonté angolaise d’ouvrir davantage son marché tout en s’appuyant sur des partenariats solides.
Ainsi, l’AEW 2025 a mis en lumière une tendance commune : l’augmentation de la production énergétique comme levier de croissance et de souveraineté. Chaque pays adopte des stratégies adaptées à son contexte, mais l’objectif global reste le même : positionner l’Afrique comme un acteur majeur de l’offre énergétique mondiale à moyen terme.
Le gaz, moteur d’une nouvelle croissance continentale
Parmi les ressources énergétiques africaines, le gaz occupe une place de plus en plus stratégique. Avec plus de 620 000 milliards de pieds cubes de réserves prouvées, le continent dispose d’un potentiel colossal encore largement sous-exploité. Les discussions menées à l’AEW 2025 ont confirmé l’intérêt croissant des gouvernements et des investisseurs pour cette ressource considérée comme un carburant de transition entre les énergies fossiles et les énergies renouvelables.
Le Sénégal illustre parfaitement cette montée en puissance. Après une première production pétrolière en 2024 et le lancement de sa production de gaz naturel liquéfié en 2025, le pays prépare déjà la deuxième phase du projet Greater Tortue Ahmeyim. Ce programme, mené en partenariat avec plusieurs grands opérateurs internationaux, symbolise la volonté de Dakar d’ancrer durablement le gaz au cœur de sa stratégie énergétique. Lors d’une discussion informelle durant la conférence, le ministre sénégalais de l’Énergie, Birame Soulèye Diop, a souligné l’importance du gaz pour garantir l’accès à l’électricité et soutenir la croissance nationale. Aux côtés d’Andrew Inglis, PDG de Kosmos Energy, il a insisté sur la nécessité de maximiser la valeur locale des ressources exploitées.
De son côté, Mathios Rigas, PDG d’Energean, a évoqué les défis techniques et financiers liés au développement du gaz africain. L’entreprise concentre ses efforts sur l’Égypte, où elle détient trois licences offshore — Abu Qir, North El Amriya et North Idku — qu’elle souhaite intégrer pour en améliorer la rentabilité. Pour M. Rigas, l’approvisionnement des marchés locaux est une priorité stratégique : l’objectif est d’assurer que le gaz africain bénéficie d’abord aux populations et aux industries du continent, avant d’être exporté vers les marchés internationaux. Cette approche, fondée sur la valorisation locale, répond à la fois à des impératifs économiques et à des considérations sociales.
Au-delà de ces exemples, le gaz s’impose comme un pilier du développement énergétique africain. Il représente un atout considérable pour la diversification des économies, la création d’emplois et la réduction de la dépendance aux importations. Les discussions à l’AEW 2025 ont ainsi mis en évidence un consensus : la monétisation du gaz, associée à une gestion responsable, pourrait transformer durablement le paysage énergétique africain.
La sécurité énergétique au cœur des priorités africaines
Les enjeux sécuritaires ont occupé une place centrale dans les débats de l’AEW 2025. Les menaces pesant sur les infrastructures énergétiques, les tensions géopolitiques et les risques de sabotage ou de piraterie représentent autant d’obstacles à la stabilité des investissements. C’est dans ce contexte qu’Erik Prince, fondateur de Blackwater, est intervenu pour rappeler l’importance d’une coopération accrue entre les secteurs public et privé en matière de sécurité énergétique.
Son intervention a marqué les esprits. Il a insisté sur le rôle essentiel des partenariats public-privé pour protéger les actifs stratégiques du continent. Selon lui, l’Afrique ne pourra attirer durablement les capitaux étrangers sans garantir un environnement sûr pour les investisseurs et les opérateurs. Cette approche collaborative s’étendrait à la formation, au partage de renseignements et au renforcement des capacités locales. Les infrastructures énergétiques, souvent situées dans des zones sensibles, nécessitent des dispositifs de sécurité intégrés, allant de la surveillance maritime à la cybersécurité industrielle.
Les gouvernements africains présents ont reconnu la pertinence de cette vision. Ils ont souligné la nécessité de combiner la sécurité physique avec des mesures réglementaires solides pour lutter contre la corruption, les vols et les pratiques illégales dans le secteur. Plusieurs participants ont également plaidé pour une plus grande coordination régionale afin d’harmoniser les normes de sécurité et de renforcer la coopération transfrontalière.
L’AEW 2025 a ainsi permis de replacer la sécurité au centre du débat énergétique. Elle n’est plus perçue comme une contrainte, mais comme une condition préalable à tout développement durable du secteur. En établissant des cadres de collaboration entre États, entreprises et acteurs privés spécialisés, le continent pose les bases d’un environnement plus attractif et plus stable pour les années à venir.
L’essor des marchés frontières : une nouvelle dynamique d’exploration
L’une des grandes thématiques abordées à l’AEW 2025 concerne les marchés dits « frontières », ces pays encore peu exploités mais riches en potentiel géologique. Ces territoires représentent une nouvelle frontière pour les investisseurs cherchant à diversifier leurs portefeuilles et à s’inscrire dans la prochaine vague de découvertes énergétiques africaines.
La Guinée-Bissau, en particulier, a occupé une place notable dans les discussions. Les dirigeants d’APUS Energy, représentée par son PDG Eyas Alhomouz, et de PetroGuin, avec Celedónio Vieira, ont mis en avant la géologie exceptionnelle des bassins offshore du pays. Ils ont souligné la rapidité des délais de forage et l’attractivité des conditions d’exploration. APUS Energy, qui a acquis en 2023 les licences Sinapa et Esperança auprès de Petronor, cherche désormais des partenaires pour poursuivre ses travaux. Cette dynamique coïncide avec le forage du puits Atum-1X, premier puits en eaux profondes au large du pays depuis 2007. Cette opération symbolise la relance de l’exploration en Guinée-Bissau, après des années de relative inactivité.
La Namibie, quant à elle, apparaît comme un nouvel épicentre de l’exploration pétrolière et gazière en Afrique australe. Le pays vise une première production de pétrole d’ici 2029, soutenue par plusieurs projets majeurs tels que Venus, mené par TotalEnergies, et Mopane, sous la direction de Galp. Travis Smithard, PDG de Rhino Resources, a confirmé la découverte de gaz à condensats sur le puits Volans-1X, renforçant la confiance des investisseurs dans le potentiel du bassin namibien. De son côté, Arne Jacobsen, PDG de Northern Ocean, a souligné le passage du pays d’une phase d’exploration à une phase d’évaluation, précisant que la durabilité de cette dynamique dépendrait de programmes multi-puits soutenus sur trois à quatre ans.
Ces marchés émergents incarnent une nouvelle ère pour l’Afrique énergétique. Ils offrent non seulement des perspectives économiques mais aussi l’opportunité d’appliquer des modèles de développement plus transparents et mieux adaptés aux réalités locales. L’intérêt des investisseurs pour ces régions témoigne de la confiance croissante dans la stabilité politique et dans la capacité des institutions africaines à encadrer les projets de manière compétente.
L’AEW 2025, catalyseur d’une vision africaine unifiée pour 2026 et au-delà
Au terme de cette édition, l’AEW 2025 s’est imposée comme bien plus qu’une simple conférence sectorielle. Elle a constitué un laboratoire d’idées, un espace de dialogue et un catalyseur d’initiatives. En réunissant acteurs publics et privés, dirigeants nationaux et partenaires internationaux, elle a permis de dresser une feuille de route concrète pour l’avenir énergétique du continent.
Les discussions menées tout au long de l’événement ont mis en évidence une conviction partagée : l’Afrique dispose des ressources nécessaires pour devenir un acteur central du paysage énergétique mondial, à condition de renforcer sa coopération interne et d’attirer des investissements responsables. L’année 2026 apparaît dès lors comme une étape charnière, où les engagements pris à l’AEW 2025 devront se traduire en projets concrets. Les États sont appelés à poursuivre leurs réformes, à accélérer les cycles de licences et à améliorer la gouvernance du secteur. Les entreprises, quant à elles, doivent jouer un rôle actif dans la mise en œuvre de projets à fort impact social et environnemental.
En définitive, l’AEW 2025 aura offert un aperçu rare de la complexité et du potentiel du continent africain. Entre ambition économique, transition énergétique et quête de stabilité, l’Afrique trace sa propre voie. Les décisions prises et les partenariats noués lors de cette édition pourraient bien façonner le futur énergétique du continent pour la décennie à venir. À travers la synergie des acteurs présents, une certitude se dégage : l’Afrique est prête à tracer sa nouvelle trajectoire, ancrée dans la croissance, la coopération et la durabilité.



