Qui est Bekhta Salma Mansouri, la femme politique ?

Nommée au cœur de l’appareil diplomatique algérien à l’automne 2024, Bekhta Salma Mansouri s’est imposée, en quelques mois, comme l’un des visages de la séquence africaine d’Alger. Son nom apparaît désormais régulièrement dans les comptes rendus officiels, au fil de rencontres bilatérales, de déplacements sur le continent, de participations à des rendez-vous de l’Union africaine et, plus largement, de prises de parole sur la place de l’Afrique dans les recompositions internationales. Derrière cette visibilité récente, le parcours est celui d’une diplomate formée à l’administration et aux relations internationales, passée par les Nations unies, puis propulsée dans l’exécutif au rang de secrétaire d’État chargée des Affaires africaines.

Mais qui est exactement cette responsable, parfois citée sous plusieurs variantes d’état civil dans les communiqués et la presse, et que recouvre sa fonction au sein du ministère des Affaires étrangères ? Pour répondre, il faut distinguer la trajectoire individuelle, très marquée par la coopération multilatérale et le Sahel, et le contexte politique algérien qui, depuis 2024, met l’accent sur les dossiers africains au plus haut niveau.

Une nomination qui la fait entrer pleinement en politique

Bekhta Salma Mansouri porte un nom que l’on rencontre sous différentes formes selon les sources institutionnelles et médiatiques : Selma Bakhta Mansouri, Salma Bekhta Mansouri, ou encore Bakhta Selma Mansouri. Cette variation ne change pas l’essentiel : il s’agit d’une même responsable, identifiée par les autorités algériennes comme secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Affaires africaines, fonction qu’elle occupe depuis la réorganisation gouvernementale de novembre 2024. À cette date, le gouvernement est reconduit et remanié, avec une architecture ministérielle qui place explicitement, dans l’intitulé même du portefeuille des Affaires étrangères, la Communauté nationale à l’étranger et les Affaires africaines. Dans la continuité, deux secrétariats d’État sont installés au sein du département, dont celui confié à Mansouri.

L’entrée dans l’exécutif marque un changement de nature : d’une trajectoire d’abord administrative et diplomatique, elle passe à une responsabilité politique, inscrite dans la hiérarchie gouvernementale. Même si la fonction de secrétaire d’État demeure subordonnée au ministre, elle n’en est pas moins un poste d’exposition, avec des missions de représentation, de coordination et de suivi de dossiers. Dans le cas algérien, le secrétariat d’État aux Affaires africaines est présenté comme un levier pour “passer à la vitesse supérieure” sur deux axes : la consolidation des relations bilatérales avec les pays africains et la contribution de l’Algérie à l’action africaine commune, notamment sous l’égide de l’Union africaine.

Dans les semaines qui suivent la nomination, les communiqués se multiplient : réceptions d’ambassadeurs, audiences, participation à des cérémonies et à des réunions thématiques. La fonction se lit aussi au prisme de l’agenda : Mansouri apparaît dans des comptes rendus liés à des organisations régionales ou continentales, à des partenariats économiques et institutionnels, ou encore à des rencontres autour de la paix et de la sécurité. Autrement dit, l’action quotidienne d’une secrétaire d’État aux Affaires africaines se situe à l’intersection de la diplomatie bilatérale et du multilatéralisme africain.

D’une carrière diplomatique à Alger à une expérience onusienne au Sahel

Le parcours de Bekhta Salma Mansouri est d’abord celui d’une diplomate. Elle commence au ministère des Affaires étrangères à Alger, au sein d’une direction traitant des affaires politiques et de la sécurité internationale. Puis, au début des années 2010, elle rejoint la mission permanente de l’Algérie auprès des Nations unies à New York, où elle exerce plusieurs années. Cette étape est structurante : elle l’inscrit dans un environnement où se négocient les résolutions, où se discutent les crises, où se fabriquent les compromis qui encadrent les opérations de paix, les dispositifs de sanctions, ou les mandats des agences onusiennes.

Après New York, sa trajectoire se déplace vers le terrain, avec des postes en lien avec les Nations unies à Bamako, au Mali, dans un contexte sahélien marqué par l’instabilité, la violence armée et les enjeux de protection des populations. Selon les informations biographiques diffusées par les autorités algériennes, elle occupe des responsabilités liées aux opérations de terrain, à la protection et aux droits de l’homme, puis devient conseillère principale et cheffe d’équipe dans le domaine de la justice transitionnelle. À ce stade, sa spécialisation semble se préciser : le Sahel, la sécurité, la gouvernance, mais aussi la dimension institutionnelle et juridique de la sortie de crise.

Elle prend ensuite la tête d’un projet onusien de soutien à la force conjointe du G5 Sahel, coalition regroupant plusieurs États de la région. Cette période l’expose à une articulation complexe entre sécurité, coopération régionale, financement, droit international et contraintes politiques nationales. Dans le même fil, elle est ensuite mentionnée comme coordinatrice d’un projet d’appui aux forces de défense et de sécurité dans plusieurs pays (Mauritanie, Niger, Tchad) sous l’égide du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, basé à Genève. À travers ces fonctions, un fil rouge se dessine : la sécurité “globale” et la protection, vues non seulement comme des enjeux militaires, mais aussi comme des questions de gouvernance, de droits, de formation, et de cadres institutionnels.

Le parcours est aussi jalonné de formations et certificats cités dans sa biographie officielle, allant d’un séminaire de dirigeants émergents des Nations unies à une attestation liée à l’UNITAR sur le droit et la pratique des traités, ainsi que des formations internes onusiennes (égalité de genre, prévention de la fraude et de la corruption), et un diplôme en droit international humanitaire lié à une université américaine. Quelles qu’en soient les modalités exactes, cet inventaire témoigne d’une carrière construite dans des structures où la certification et les modules de formation sont des passages réguliers, notamment pour les personnels engagés dans des missions ou des projets sensibles.

De l’ambassade au Burkina Faso à l’exécutif : un tournant en 2024

Avant de devenir secrétaire d’État, Bekhta Salma Mansouri est nommée ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de l’Algérie au Burkina Faso en 2024. Ce poste la place au cœur d’un pays dirigé par une transition militaire depuis 2022, et d’un espace régional où la question sécuritaire pèse sur les équilibres politiques, économiques et diplomatiques. Dans la logique algérienne, le Burkina Faso appartient aussi à un voisinage stratégique élargi, où Alger cherche à maintenir des canaux politiques, à défendre une lecture régionale des crises et à préserver des partenariats.

Le passage par Ouagadougou précède de peu l’entrée au gouvernement. Il peut être lu comme une étape d’alignement entre expérience de terrain, connaissance des dossiers sahéliens et prise de responsabilité politique. Lorsque Mansouri devient secrétaire d’État, elle est ensuite mentionnée comme porteuse de messages présidentiels lors de certaines rencontres sur le continent, ou comme participante à des événements officiels marquants, en représentation du président algérien.

Cet aller-retour entre une fonction d’ambassadeur et un rôle gouvernemental illustre un modèle assez classique dans plusieurs diplomaties : une professionnelle issue du corps diplomatique est appelée à occuper un poste politique spécialisé, pour renforcer une priorité stratégique. Dans le cas présent, l’accent est mis sur l’Afrique. Ce choix se lit aussi dans la communication officielle : lors de la cérémonie d’installation au ministère, il est explicitement indiqué que la création et l’attribution d’un secrétariat d’État aux Affaires africaines visent à renforcer la capacité d’action de la diplomatie algérienne sur le continent, à la fois dans les relations bilatérales et au sein de l’Union africaine.

En pratique, l’année qui suit voit son nom associé à des échanges bilatéraux (réceptions d’ambassadeurs accrédités, rencontres avec des responsables étrangers), mais aussi à des mécanismes continentaux. Elle est notamment citée comme présidente du Comité des points focaux du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), cadre rattaché à l’Union africaine et orienté vers les questions de gouvernance. Dans ce rôle, elle réaffirme l’engagement de l’Algérie envers les idéaux du mécanisme et souligne l’importance de la gouvernance pour le développement durable et l’intégration régionale, selon des comptes rendus officiels.

Les dossiers et les prises de parole : sécurité, gouvernance et “espace numérique”

Au-delà des titres, la question est celle du contenu politique : que dit et que fait Bekhta Salma Mansouri dans l’exercice de ses fonctions ? Les éléments accessibles publiquement proviennent surtout de communiqués institutionnels et d’articles de presse qui les relaient. Ils dessinent un spectre d’action centré sur la coopération africaine, la diplomatie multilatérale et les enjeux de sécurité au sens large.

Parmi les prises de parole reprises dans plusieurs médias, l’une des thématiques récurrentes est celle de la lutte informationnelle et de la souveraineté dans l’espace numérique. Au printemps 2025, elle est citée affirmant que l’Afrique, après avoir résisté au colonialisme “classique” et affronté le terrorisme, doit aussi se prémunir contre ce qu’elle nomme un “colonialisme cognitif” et la manipulation informationnelle. Dans certains comptes rendus, elle évoque l’usage des plateformes numériques pour diffuser de fausses informations et déstabiliser les sociétés, en citant explicitement des exemples liés à des pays du Sahel. Cette rhétorique, qui fait écho à un vocabulaire de souveraineté et de résistance, s’inscrit dans un registre fréquent des discours étatiques sur la désinformation et la compétition narrative, mais elle prend ici une coloration panafricaine : l’enjeu est formulé comme un défi commun au continent.

L’autre axe est celui de la gouvernance africaine, via le MAEP. Les prises de parole rapportées mettent en avant l’idée que la gouvernance est un pilier du développement et de l’intégration, et que l’Algérie se présente comme un acteur engagé dans ces mécanismes. Dans une séquence de novembre 2024, elle réitère l’engagement d’Alger à défendre les idéaux du MAEP et rappelle le rôle fondateur de l’Algérie dans le mécanisme, selon des comptes rendus relayés par des canaux institutionnels. Cette dimension est intéressante : elle place Mansouri sur un terrain moins strictement bilatéral, et davantage lié à l’architecture continentale de normes et d’évaluation.

À cela s’ajoute un ensemble d’activités de représentation. Les dépêches et comptes rendus la montrent recevant des responsables africains ou des ambassadeurs accrédités, participant à des réunions liées à la paix et la sécurité, ou prenant part à des événements commémoratifs et cérémoniels au nom de l’État algérien. Certaines sources la mentionnent aussi en marge de débats onusiens sur le multilatéralisme et la réforme de la gouvernance mondiale, où elle mène des échanges avec des responsables des Nations unies chargés des affaires africaines. On retrouve ici un lien logique avec son parcours antérieur : une familiarité avec les circuits onusiens et les cadres multilatéraux, réinvestie dans un rôle gouvernemental.

Dans le même esprit, des communications signalent des rencontres avec des institutions nationales algériennes, comme le Conseil national économique, social et environnemental, ce qui suggère un souci de coordination interne sur des dossiers où l’Afrique peut concerner le commerce, l’investissement ou la coopération. Cette dimension n’implique pas nécessairement qu’elle pilote ces politiques, mais qu’elle participe à l’articulation entre la diplomatie et d’autres institutions de l’État, notamment lorsque les relations africaines touchent à l’économique ou au développement.

Un profil de “diplomate-politique” dans une séquence africaine stratégique

Ce que raconte, au fond, l’itinéraire de Bekhta Salma Mansouri, c’est l’émergence d’un profil hybride : une diplomate de carrière, passée par les Nations unies et des missions en Afrique, devenue responsable politique spécialisée. Cette transition n’a rien d’exceptionnel en soi, mais elle prend une signification particulière dans une période où l’Algérie affiche la volonté de renforcer ses positions en Afrique, que ce soit par la multiplication des visites, la densification des partenariats bilatéraux, ou l’investissement dans les mécanismes de l’Union africaine.

Son profil tranche aussi par la génération : née en 1987 selon sa biographie officielle, elle incarne une diplomatie plus jeune que celle des grands cadres historiques, tout en affichant un parcours déjà dense dans le multilatéralisme. Elle est également présentée comme diplômée d’un master en relations internationales obtenu en France, ainsi que de l’École nationale d’administration d’Alger dans la section diplomatique. Dans les communications officielles, elle est décrite comme mariée et mère de trois enfants. Ces éléments, fréquemment mentionnés dans des biographies institutionnelles, dessinent un portrait que l’État veut lisible : compétence académique, formation administrative nationale, exposition internationale, et ancrage familial.

Sa nomination s’inscrit enfin dans une séquence où la présence des femmes au gouvernement est commentée par des médias algériens, certains évoquant un remaniement “sous le signe de la parité” ou, à tout le moins, une hausse de la représentation féminine. Sans surinterpréter ces cadrages médiatiques, un fait demeure : le gouvernement de 2024 comporte plusieurs secrétaires d’État, dont des femmes, et Mansouri figure parmi les nouvelles responsables promues à des postes visibles. Pour autant, la lecture la plus prudente est institutionnelle : elle occupe un poste spécialisé à haute valeur stratégique, parce que les Affaires africaines sont explicitement considérées comme un axe majeur de la politique extérieure algérienne.

Reste la question de ce que l’on peut attendre, concrètement, de son action dans la durée. Ici, la prudence s’impose, puisque les informations publiquement disponibles relèvent surtout de la communication institutionnelle. Mais on peut au moins observer la cohérence d’ensemble : l’expérience de terrain au Sahel, la culture onusienne, la capacité à parler le langage de la gouvernance et de la sécurité, et la place désormais occupée au sein de l’exécutif algérien. Bekhta Salma Mansouri apparaît ainsi comme l’une des figures de la diplomatie algérienne déployée vers le continent, à la jonction du bilatéral et du multilatéral, des dossiers sécuritaires et des enjeux de gouvernance, et, plus récemment, des batailles d’influence dans l’espace numérique.

Son itinéraire, tel qu’il est documenté aujourd’hui par les sources publiques, ne relève donc pas d’une ascension médiatique fondée sur la polémique ou la conquête partisane, mais d’un cheminement institutionnel. C’est précisément ce qui rend son profil singulier : elle est moins une “figure de tribune” qu’une responsable de dossiers, dont la parole publique s’inscrit dans la logique de l’État, et dont la visibilité augmente à mesure que l’Algérie met en avant son action africaine.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *