Qui est Gaston Dossouhoui, l’homme politique ?

Dans un pays où l’agriculture demeure un pilier économique et social, certains ministres finissent par incarner bien davantage qu’un portefeuille. Au Bénin, Gaston Cossi Dossouhoui fait partie de ces figures dont le nom revient, saison après saison, au rythme des campagnes agricoles, des réformes de filières et des tournées de terrain. À la fois technicien de formation et responsable politique, il occupe une place singulière dans l’architecture gouvernementale béninoise, en particulier depuis que le secteur agricole s’est vu assigner une mission explicite : produire plus, structurer les chaînes de valeur et réduire la dépendance à certaines importations.

L’homme n’est pas de ceux qui se limitent aux discours depuis un bureau climatisé. Les comptes rendus officiels le montrent régulièrement au contact des producteurs, des coopératives, des agences territoriales, ou encore des acteurs de l’élevage et de la pêche. Mais au-delà de l’image, qui est-il exactement ? D’où vient-il, comment est-il arrivé au sommet de l’appareil d’État, et que révèle son action publique sur la trajectoire agricole du Bénin depuis plusieurs années ? Portrait, à partir d’éléments documentés et publiés.

Une formation d’agronome et un profil d’administrateur public

Les biographies institutionnelles disponibles le présentent d’abord comme un homme de formation scientifique, avant d’être un visage politique. Gaston Cossi Dossouhoui est né le 1er septembre 1957 et a obtenu un diplôme d’ingénieur agronome à l’Institut d’Agronomie Tropicale du Kouban, à Krasnodar (ex-URSS), en février 1984. Les mêmes sources indiquent qu’il est marié et père de trois enfants. Ces éléments, sobres, dessinent un profil classique dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest : celui d’un cadre formé à l’agronomie, susceptible de naviguer entre expertise technique et responsabilités publiques.

Cette trajectoire importe, car la politique agricole n’est pas un champ uniquement idéologique : elle s’écrit dans des décisions de semences, d’intrants, de stockage, de transformation et d’accès aux marchés. Les ministres issus de formations sectorielles y sont souvent attendus sur un double registre. D’un côté, la capacité à comprendre le terrain et les contraintes agronomiques (pluviométrie, cycles culturaux, itinéraires techniques). De l’autre, l’aptitude à piloter une administration, arbitrer des budgets, coordonner des agences, et répondre à la pression des résultats.

Dans les communications officielles, l’action du ministère qu’il dirige apparaît fréquemment structurée autour d’outils de pilotage (revues de performance, supervision de campagnes, programmes de développement, appui aux filières). Cela renvoie moins à une politique d’annonces qu’à une logique de gestion publique : objectifs, indicateurs, tournées de suivi, et mise en scène d’une continuité de l’État sur le territoire. Ce positionnement, au fil des ans, a contribué à ancrer Dossouhoui comme une figure associée à la durée et à la mise en œuvre, plus qu’à l’événementiel.

Un ministre durable sous Patrice Talon, de 2018 à aujourd’hui

La place de Gaston Cossi Dossouhoui dans l’appareil d’État se lit dans les textes fondateurs : les décrets de composition du gouvernement. En juin 2018, il apparaît comme ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche dans un décret portant composition du Gouvernement. Le même intitulé de portefeuille le situe explicitement au cœur de la stratégie économique et sociale du pays : agriculture, élevage et pêche, soit l’essentiel des activités rurales et une part importante de l’emploi.

En septembre 2019, un nouveau décret portant composition du Gouvernement le maintient au même poste. La continuité se confirme de nouveau en mai 2021, au début du second mandat de Patrice Talon : un décret de composition du Gouvernement cite encore Cossi Gaston Dossouhoui comme ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche. Dans un environnement politique où les remaniements peuvent rapidement redistribuer les cartes, cette permanence est un signal. Elle suggère, au minimum, que le chef de l’État et l’exécutif considèrent que le secteur requiert une stabilité de pilotage, et que l’action du ministre s’inscrit dans une stratégie suivie.

Cette longévité a aussi un effet sur le rapport au terrain : être reconduit d’année en année permet de consolider des relais administratifs, de connaître les zones de production, les organisations paysannes, les contraintes de commercialisation, et de faire de la “campagne agricole” un rendez-vous institutionnel ritualisé. Les archives et comptes rendus officiels montrent, dès 2018, des déplacements ministériels dans plusieurs départements, avec l’idée d’aller “constater”, “échanger”, “rassurer” et “galvaniser” les producteurs. Le vocabulaire est révélateur : la fonction n’est pas seulement technique, elle est aussi politique, au sens où elle vise à entretenir la confiance, éviter les tensions de filières et afficher l’État comme arbitre.

Au fil du temps, le ministre devient ainsi l’un des visages les plus identifiables de la politique publique agricole. Les lancements de campagne, les annonces de programmes, les visites d’unités de production, mais aussi les prises de parole sur des sujets sensibles (désinformation, régulation des marchés, sécurité sanitaire), installent une présence régulière. Et cette présence, dans le contexte béninois, n’est pas anodine : l’agriculture se joue à la fois sur des décisions nationales et sur la capacité à faire descendre l’action publique au niveau des communes, des coopératives et des exploitations.

Une action centrée sur la structuration des filières et les programmes de développement

Si l’on suit les traces publiques de son action, un fil conducteur apparaît : structurer, organiser et moderniser. Plusieurs initiatives mises en avant dans les communications institutionnelles illustrent cette orientation.

Il y a d’abord la logique de “campagne agricole” comme temps politique. En avril 2025, par exemple, le ministre procède au lancement de la campagne agricole 2025-2026 à Dassa-Zoumè, sur des exploitations agricoles, selon des médias béninois. L’accent mis sur l’adaptation et la gestion durable renvoie à une préoccupation devenue centrale : la variabilité climatique et ses effets sur les rendements, la planification des intrants, et la sécurisation des productions.

Il y a ensuite les projets structurants cités par les sources gouvernementales, dont le Projet de développement intégré des chaînes de valeurs agricoles (PDI-CVA), lancé officiellement en septembre 2023. La logique affichée, dans la communication, est celle d’une réduction des importations de certaines denrées, notamment le riz et le maïs, par une approche “chaîne de valeur” : production, transformation, stockage, distribution. Le choix de la “chaîne de valeur” n’est pas qu’un mot : il implique de dépasser la seule production brute, en intégrant la transformation et les débouchés. C’est souvent là que se joue la création d’emplois et la hausse de revenus : transformer localement plutôt que vendre à l’état brut.

Dans la même veine, les comptes rendus officiels mettent en avant des appuis matériels et la mécanisation : remises d’équipements, dotations, et mobilisation des agences territoriales. La mécanisation, au Bénin comme ailleurs, est un sujet politiquement sensible : elle coûte cher, demande des compétences de maintenance, et peut creuser des inégalités si elle profite surtout aux plus équipés. L’État, dans ses messages, insiste alors sur l’objectif inverse : faire de la mécanisation un levier de productivité “dans tout le pays”, en l’intégrant à des projets et en passant par des structures locales.

La territorialisation est un autre élément clé. Le gouvernement béninois communique régulièrement sur les Agences territoriales de développement agricole (ATDA), structures publiques sous tutelle du ministère, chargées de promouvoir les filières dans leurs pôles. Dans des messages adressés aux responsables de ces agences, le ministre appelle à porter “les ambitions” du Programme d’Actions du Gouvernement et fixe des attentes en matière de leadership, discipline, esprit d’équipe et résultats. Dans cette perspective, Dossouhoui n’apparaît pas uniquement comme un ministre “des champs”, mais comme un manager d’un dispositif administratif censé déployer une politique agricole modernisée.

Enfin, une autre dimension se lit dans les “revues de performance”, telle celle du secteur agricole, gestion 2024, lancée en juillet 2025 au Palais des Congrès à Cotonou. La logique est celle du bilan, de l’évaluation et de la performance publique. Politiquement, cela sert à construire un récit : celui d’un secteur suivi, mesuré, et inscrit dans un programme gouvernemental. Administrativement, cela signale une volonté d’aligner les acteurs, de produire des constats partagés, et de réajuster les priorités.

Entre régulation, communication de crise et sécurité sanitaire

Le ministère de l’Agriculture n’est pas seulement un ministère de programmes : c’est aussi un ministère de crises. Les marchés agricoles se tendent, les prix fluctuent, les intrants deviennent rares, les rumeurs circulent vite, et les exportations peuvent être fragilisées par des questions sanitaires. C’est ici que le rôle politique du ministre se révèle pleinement.

Un exemple marquant apparaît dans un compte rendu officiel d’avril 2023 : face à une “campagne de désinformation” autour de la commercialisation du soja et d’une supposée rivalité entre filières, le ministre se déplace et intervient publiquement avec d’autres responsables agricoles, pour “démentir”, “rétablir la vérité” et expliquer les mesures prises, notamment sur la gestion de stocks invendus. Ce type d’épisode montre une double réalité : d’une part, l’importance du soja et du coton dans l’économie agricole béninoise ; d’autre part, la vitesse à laquelle une rumeur peut devenir un enjeu national, obligeant le gouvernement à répondre non seulement par des décisions, mais par une parole publique structurée.

La question des intrants, en particulier les engrais, constitue également un terrain de tension fréquent dans la région. Les communications autour de mesures renforcées ou de contrôles, relayées par des médias spécialisés, illustrent ce contexte où la fraude, la pénurie ou la spéculation peuvent perturber une campagne entière. Dans ces situations, le ministère est attendu sur l’équité : qui a accès à quoi, à quel prix, et selon quelle règle.

La sécurité sanitaire des aliments, elle, touche directement à l’image du pays, notamment à l’export. En 2024, des médias béninois rapportent le départ d’un responsable administratif après une décision attribuée au ministre, dans un contexte évoquant des exigences de conformité. Au-delà du cas individuel, ce type d’information rappelle que l’agriculture ne s’arrête pas à la récolte : elle se prolonge dans les normes, la traçabilité, les résidus, et la capacité à satisfaire des marchés exigeants. Pour un pays exportateur, une alerte sanitaire peut devenir un sujet diplomatique et économique, et le ministre se retrouve en première ligne.

Dans le même registre, les initiatives de terrain liées à la pêche et à l’aquaculture illustrent une volonté de diversifier les sources de protéines et de réduire la pression sur certaines ressources. En février 2025, par exemple, un compte rendu gouvernemental décrit une visite du ministre sur un site de production de poissons marchands à Kpomassè, avec mise en avant de volumes produits et de technologie utilisée. Là encore, l’enjeu est à la fois économique (production locale) et social (approvisionnement, emplois, valorisation d’investissements).

À travers ces épisodes, on perçoit un ministre placé à l’interface entre l’État et des secteurs très sensibles à la confiance. Quand le marché se tend, quand une filière se sent lésée, ou quand une norme sanitaire bloque un débouché, la parole ministérielle devient un instrument de régulation au même titre que les décisions administratives.

Une présence de terrain et un enjeu de souveraineté alimentaire

La manière dont Gaston Cossi Dossouhoui est présenté dans les comptes rendus officiels et dans la presse béninoise met l’accent sur une approche de proximité : tournées, rencontres, visites d’exploitations, échanges avec les coopératives. En septembre 2025, par exemple, le gouvernement publie un compte rendu détaillé d’une tournée de suivi de la campagne agricole 2025-2026 dans plusieurs communes (Bassila, Bantè, Cobly, Matéri, Tanguiéta), avec l’idée de faire le point sur l’avancement de la campagne, d’écouter les acteurs et de les rassurer. Ces déplacements sont aussi un acte politique : ils signalent que l’État suit la campagne, qu’il ne découvre pas les difficultés une fois la saison terminée, et qu’il veut apparaître comme partenaire plutôt que comme simple contrôleur.

Cette présence de terrain s’inscrit dans un contexte plus large : celui des ambitions affichées en matière de souveraineté alimentaire. Le discours public met régulièrement en avant la réduction des importations de riz et de maïs, le développement des chaînes de valeur, et la modernisation. Lorsqu’un projet comme le PDI-CVA est présenté comme une “piste” pour réduire les importations, le message va au-delà de l’agriculture : il touche à la balance commerciale, à la résilience économique et, in fine, à la souveraineté.

Le ministre est également visible dans des événements à dimension internationale. Le Sommet de Dakar 2, tenu en janvier 2023 sur la souveraineté alimentaire, est mentionné dans les communications officielles béninoises comme un rendez-vous où le ministre représente le pays et plaide pour la “Destination Bénin” afin de mobiliser des financements pour le volet agricole du Programme d’Actions du Gouvernement. Dans cette logique, il joue un rôle de porte-voix : présenter les priorités nationales, convaincre des partenaires, et inscrire l’agriculture béninoise dans des cadres régionaux et internationaux.

À l’échelle nationale, d’autres initiatives illustrent la volonté de structurer des filières spécifiques. En mai 2025, des comptes rendus officiels décrivent le lancement d’une campagne nationale de mise en terre de plants performants d’anacardiers, en lien avec l’ambition de replanter et réhabiliter des plantations. L’anacarde est un exemple typique : filière d’exportation, génératrice de revenus, mais exposée aux cycles de prix et à la nécessité de renouveler le verger. La mise en avant d’une campagne de plantation vise à montrer une politique de long terme, au-delà de la seule récolte annuelle.

Au bout du compte, la question “Qui est Gaston Cossi Dossouhoui ?” trouve une réponse dans la combinaison de ces éléments : un agronome de formation devenu ministre durable, un gestionnaire d’un dispositif territorial, un acteur de régulation des filières, et un représentant d’une ambition nationale de modernisation et de souveraineté alimentaire. Son image publique est celle d’un ministre qui occupe une fonction au long cours, avec une présence régulière sur le terrain et un rôle de coordination entre l’État, les producteurs et les partenaires.

Dans un pays où la stabilité ministérielle n’est jamais une évidence, cette durée lui confère un statut particulier : celui d’un homme dont la trajectoire se confond, en partie, avec l’évolution récente de la politique agricole béninoise. Reste une réalité incontournable : la performance agricole se juge autant sur les annonces que sur les récoltes, les revenus paysans, la stabilité des marchés et la capacité à amortir les chocs. C’est sur ces critères, et au rythme des saisons, que se mesure aussi la portée politique d’un ministre de l’Agriculture.

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