Dans la vie politique béninoise, rares sont les ministres qui traversent les années sans changer de portefeuille. Salimane Karimou fait partie de ces profils qui s’installent dans le temps long. Connu du grand public comme ministre des Enseignements maternel et primaire, il s’inscrit depuis 2016 dans la continuité de l’exécutif conduit par le président Patrice Talon, avec une présence gouvernementale reconduite lors du passage au second mandat en 2021. Cette longévité, dans un secteur sensible où se croisent attentes sociales, débats pédagogiques et impératifs budgétaires, a fini par faire de lui un nom familier au-delà du seul périmètre éducatif.
Mais qui est Salimane Karimou, au-delà du titre ministériel répété dans les communiqués, les cérémonies scolaires et les décisions administratives ? Son profil mélange une trajectoire de cadre du système éducatif, des responsabilités techniques et une affirmation progressive sur la scène partisane. Son ancrage local, souvent associé à la commune de Kétou et au département du Plateau dans la presse béninoise, s’ajoute à un positionnement national lié à la gouvernance de l’éducation de base. À partir d’informations publiques disponibles sur des sites institutionnels et dans la presse béninoise, portrait d’un homme politique dont la carrière s’est construite à la jonction entre administration, gouvernement et recomposition partisane.
Un ministre en poste depuis 2016 : la continuité comme marqueur politique
Salimane Karimou est présenté par les canaux institutionnels béninois comme ministre des Enseignements maternel et primaire depuis 2016. Sa présence est donc directement associée au premier gouvernement formé après l’investiture de Patrice Talon, le 7 avril 2016. Ce point n’est pas seulement un repère chronologique : dans la mécanique gouvernementale, rester à la même fonction sur plusieurs années constitue un signal politique. Cela signifie, au minimum, que le titulaire a conservé la confiance du chef de l’État et que son secteur a été jugé suffisamment stratégique pour privilégier la stabilité.
Le paysage politique béninois a pourtant connu, sur la période, des ajustements et des remaniements. Dans ce contexte, la reconduction de Salimane Karimou au même département ministériel, y compris après la réélection du président Talon en 2021 et la formation du gouvernement du second mandat, a renforcé l’idée d’une continuité assumée sur l’école de base. La presse béninoise a parfois décrit ces ministres reconduits comme des « incontournables » de l’équipe gouvernementale, précisément parce qu’ils incarnent des politiques publiques suivies sur plusieurs années, en évitant l’effet de rupture qu’entraîne souvent l’arrivée d’un nouveau titulaire.
Pour l’opinion, cette durée peut être lue de deux manières. D’un côté, elle peut rassurer : l’éducation maternelle et primaire, parce qu’elle touche à la vie quotidienne des familles et à la formation de la jeunesse, bénéficie d’un pilotage régulier, au moins dans l’organisation institutionnelle. De l’autre, elle expose : rester longtemps à un poste accroît la responsabilité politique du ministre, puisqu’il devient plus difficile de renvoyer les difficultés à un « héritage » ou à un prédécesseur. Dans les secteurs sociaux, la longévité transforme souvent un ministre en figure de référence, pour le meilleur comme pour le plus contesté.
Dans le cas de Salimane Karimou, cette continuité s’articule avec un discours public qui insiste sur l’idée de bilan, notamment lors d’événements médiatisés autour des années 2016-2025. La communication gouvernementale et para-institutionnelle met en avant la notion de réformes, d’innovations et d’investissements, en reliant explicitement l’action ministérielle à une stratégie nationale de transformation du système éducatif. Le ministre apparaît ainsi comme un acteur d’exécution et de représentation : il incarne, dans son domaine, la ligne générale d’un pouvoir exécutif qui revendique l’efficacité administrative et la modernisation.
D’un parcours administratif à la fonction politique : un profil façonné par l’éducation
Avant d’être un nom politique, Salimane Karimou est présenté comme un cadre issu du secteur éducatif. C’est un élément important pour comprendre son positionnement : il ne vient pas d’abord de la compétition électorale classique, mais d’un cheminement qui passe par l’appareil administratif. La biographie institutionnelle publiée par le ministère béninois des Enseignements maternel et primaire évoque plusieurs postes antérieurs : secrétaire général du ministère, directeur d’une médiathèque nationale pour l’éducation, et conseiller technique pour l’enseignement primaire. Autrement dit, un parcours dans lequel la maîtrise des dossiers, des textes, des structures et des circuits de décision constitue un capital essentiel.
Ce type de trajectoire correspond à une figure fréquente dans de nombreux États : celle du technicien devenu ministre. Le basculement n’est pas anodin. Passer d’un rôle de gestion interne à un rôle ministériel transforme la nature des responsabilités. Le technicien répond à des objectifs administratifs ; le ministre, lui, répond à une pression publique, assume une ligne politique et se place sous l’évaluation de l’opinion. Mais ce passé administratif peut aussi devenir un atout : il donne une connaissance fine des rouages, des contraintes de terrain (écoles, inspections, directions départementales) et des marges de manœuvre réelles.
Là encore, les informations disponibles restent prudentes et factuelles : elles ne décrivent pas une biographie intime, ni un récit détaillé d’ascension sociale, mais un inventaire de fonctions et de qualifications. Parmi elles figure un diplôme de maîtrise en gestion axée sur les résultats, attribué à l’Université internationale Laval au Canada, selon le site institutionnel du ministère. Dans le langage de l’action publique, la « gestion axée sur les résultats » renvoie à une culture de performance : objectifs mesurables, indicateurs, suivi-évaluation. Une telle formation, si elle est mobilisée politiquement, peut nourrir un discours de rationalisation de la dépense publique et d’efficacité dans la conduite des réformes.
Ce profil explique aussi, en partie, l’image associée à Salimane Karimou : celle d’un ministre identifié à des décisions concrètes (calendriers scolaires, nominations de cadres, instructions administratives, organisation de services), autant d’actes qui structurent le fonctionnement quotidien du système éducatif. Les informations publiques accessibles dans la presse béninoise le montrent régulièrement dans ces séquences de gestion : arrêtés, nominations, rappels à l’ordre, dotations matérielles, rencontres avec partenaires. Ce sont des moments moins spectaculaires que les grands débats politiques, mais ils participent à construire une réputation de gestionnaire.
Dans une perspective journalistique, il faut toutefois noter une limite : une biographie institutionnelle est un document de présentation, donc orienté vers la valorisation. Elle renseigne sur les fonctions et la formation, mais ne donne pas, par nature, une lecture critique ou contradictoire. C’est pourquoi, lorsqu’on cherche à comprendre « l’homme politique », il faut aussi regarder la dimension partisane et la manière dont il s’insère dans la compétition politique.
Ancrage partisan et recomposition : du soutien gouvernemental au Bloc républicain
Au Bénin, la vie politique a été marquée ces dernières années par des recompositions de partis, des regroupements et des repositionnements d’acteurs autour de grandes formations. Dans cet environnement, Salimane Karimou apparaît, dans la presse béninoise, comme un responsable qui a assumé un mouvement d’adhésion formalisé à un parti de la majorité présidentielle : le Bloc républicain.
Plusieurs médias béninois ont rapporté qu’en octobre 2022, le ministre a quitté l’Union progressiste le Renouveau (souvent abrégée en UP-R ou UPR dans la presse) et a rejoint le Bloc républicain (BR). Ces mêmes articles mentionnent que ce ralliement s’est fait publiquement à Kétou, avec la signature d’un protocole d’accord, et qu’il s’accompagnait de l’association d’un mouvement présenté comme lié à Salimane Karimou : le Front d’Action pour la Continuité (FAC). Les textes journalistiques disponibles indiquent aussi que le ministre n’a pas, à cette occasion, détaillé publiquement les raisons de son départ du premier parti, la presse évoquant plutôt des divergences internes ou des enjeux d’autonomie du mouvement.
Ce passage est révélateur de deux choses. D’abord, il confirme que Salimane Karimou ne se limite pas à une posture de ministre « hors parti » : il est décrit comme un acteur qui choisit un camp, s’affiche dans un appareil partisan, et participe à la consolidation de la majorité. Ensuite, il illustre une dynamique locale : la cérémonie à Kétou, les références au Plateau et à des circonscriptions électorales, traduisent le rôle de l’ancrage territorial dans les stratégies partisanes. Dans de nombreux systèmes politiques, l’adhésion d’un ministre à un parti est aussi un message adressé à une base militante et à des réseaux locaux, particulièrement à l’approche d’échéances électorales.
Pour un ministre de l’Éducation de base, cette politisation peut être à double tranchant. Elle peut renforcer son influence au sein de la majorité et l’aider à obtenir des soutiens pour ses politiques publiques. Mais elle peut aussi exposer son action à une lecture plus partisane, notamment dans un secteur où les syndicats, les parents et les acteurs éducatifs peuvent contester des mesures sur des bases professionnelles, indépendamment des clivages partisans. En s’affichant clairement, l’acteur public devient plus facilement un acteur politique au sens strict : celui qui s’inscrit dans une compétition et dans une logique de camp.
Il faut, là encore, rester sur le terrain du vérifiable : les éléments disponibles décrivent un fait politique (l’adhésion annoncée et médiatisée) et un contexte (la majorité présidentielle, les partis, l’événement local). Ils ne suffisent pas à établir, par exemple, l’influence réelle du ministre au sein de l’appareil partisan, ni le poids exact de ses réseaux. Ce sont des dimensions qui relèvent souvent d’enquêtes plus longues, d’entretiens et de recoupements plus profonds. Mais l’existence même de cette séquence, rapportée de manière convergente par plusieurs médias, confirme que Salimane Karimou est bien un acteur partisan et non seulement un technicien.
À la tête du primaire : réformes annoncées, enjeux pédagogiques et gestion quotidienne
L’éducation maternelle et primaire est l’un des secteurs les plus sensibles de l’action publique : il touche à l’enfance, à l’égalité des chances, à la langue, à la formation des maîtres, au contenu des programmes, aux infrastructures et, plus largement, à l’idée qu’une société se fait de son avenir. Être ministre de ce secteur implique donc une exposition permanente, souvent amplifiée par le fait que chaque famille, ou presque, a un lien direct avec l’école.
Dans l’espace public béninois, plusieurs thématiques reviennent lorsqu’il est question du pilotage du primaire depuis 2016. Des articles de presse et des comptes rendus d’événements mentionnent des réformes pédagogiques et des choix présentés comme structurants : révision des curricula, réintroduction de certains exercices jugés fondamentaux (comme la dictée), promotion de l’anglais dès le primaire, ou encore introduction du numérique. Ces éléments apparaissent notamment dans des récits de bilan publiés en 2025 autour d’un événement de presse organisé à Porto-Novo, où Salimane Karimou a présenté un document de synthèse des actions du ministère depuis 2016.
Sur le plan journalistique, ces annonces et ces bilans disent au moins une chose : le ministre a été positionné comme le porte-voix d’une politique éducative revendiquant des transformations. Elles indiquent aussi un mode de communication politique : la mise en récit des réformes sur près d’une décennie, à travers un « bilan », vise à montrer une cohérence, une progression, et une capacité à rendre compte. Dans l’action gouvernementale, le bilan est aussi un outil de légitimation : il transforme des décisions parfois contestées en une trajectoire globale, censée être lisible et évaluée.
Mais l’action d’un ministre ne se résume pas à des annonces nationales. Elle se lit aussi dans la gestion quotidienne : nominations de responsables, organisation des directions, réponses à des situations locales, arbitrages sur des priorités matérielles, coordination avec d’autres ministères. Les informations régulièrement publiées dans la presse béninoise autour du ministère montrent un ministre engagé dans ce type de pilotage administratif : décisions de nomination au sein du ministère, mises à disposition de conseillers, encadrement des responsables déconcentrés, et rappels à la réglementation sur l’usage de biens publics, par exemple lors de remises de véhicules à des services.
Cette dimension, moins visible à l’international, est centrale pour comprendre la figure politique. Dans beaucoup de pays, un ministre de l’Éducation se construit une image à travers deux registres : le registre symbolique (réformes, discours, vision) et le registre organisationnel (capacité à faire fonctionner une administration complexe). Le second, souvent jugé technique, a pourtant une portée politique directe : la réussite ou l’échec d’une réforme dépend fréquemment de la qualité de la mise en œuvre, donc de l’architecture administrative.
Enfin, dans le champ éducatif, chaque réforme est aussi un débat sur les valeurs : faut-il privilégier certains apprentissages ? quelle place accorder aux langues ? quel équilibre entre tradition et modernité ? Ces questions dépassent Salimane Karimou, mais elles encadrent son action : en restant ministre longtemps, il devient le visage, volontairement ou non, des orientations retenues. C’est là que le « technicien » se transforme pleinement en « homme politique » : son nom s’attache à une ligne, et son bilan devient matière à discussion publique.
Kétou, le Plateau et la scène nationale : une figure à la croisée des échelles
Si Salimane Karimou est d’abord connu comme ministre, la presse béninoise le relie souvent à un ancrage territorial, notamment autour de Kétou et du département du Plateau. Cet ancrage est important dans les systèmes politiques où la légitimité se construit autant par le travail local que par la présence gouvernementale. Une cérémonie politique tenue à Kétou lors de son adhésion au Bloc républicain, rapportée par plusieurs médias, illustre cette dimension : le ministre y apparaît entouré de militants et de responsables, dans une mise en scène classique de l’implantation.
Le fait qu’un ministre organise ou participe à des événements politiques dans une zone précise n’est pas un détail : cela signifie qu’il revendique une base, ou qu’il est perçu comme capable de mobiliser. Dans certains cas, le ministre devient un relais de la majorité dans des espaces où les rapports de force électoraux sont disputés. Les articles relatifs à son adhésion au BR évoquent d’ailleurs explicitement l’idée d’un « renfort » pour le parti, en vue d’échéances électorales. Même lorsqu’un ministre n’est pas candidat, il peut jouer un rôle de « locomotive » : présence, influence, réseau, capacité à fédérer.
Mais l’ancrage local ne doit pas faire oublier la dimension nationale. En tant que ministre, Salimane Karimou est associé à des événements d’État, à des inaugurations, à des décisions de politique publique et à des relations avec des partenaires techniques et financiers du secteur éducatif. L’éducation, en Afrique de l’Ouest comme ailleurs, mobilise souvent des partenariats internationaux, des financements, des programmes d’appui. Dans ce cadre, le ministre devient aussi un interlocuteur de coopération, un rôle qui renforce sa visibilité au-delà des frontières.
La trajectoire de Salimane Karimou montre donc une articulation entre plusieurs scènes : la scène administrative (ministère et appareils), la scène gouvernementale (conseils, remaniements, reconductions), la scène partisane (adhésion, mouvements, alliances) et la scène territoriale (mobilisation locale). C’est souvent à cette intersection qu’émerge la figure « politique » au sens plein : celle qui n’est pas seulement un détenteur de portefeuille, mais un acteur qui existe dans plusieurs espaces de pouvoir.
Reste une question que posent souvent les observateurs : que produit, sur le long terme, une telle continuité ? Pour certains, elle peut signifier une consolidation de l’expérience et une cohérence des politiques. Pour d’autres, elle peut susciter une demande de renouvellement. Quoi qu’il en soit, la longévité de Salimane Karimou au même ministère a déjà un effet mesurable : elle fait de lui l’un des visages les plus durables de la gouvernance béninoise depuis 2016, et donc un acteur dont le nom restera associé à une période de transformation revendiquée de l’école primaire.



