Depuis le début du XXIᵉ siècle, l’Egypte a vu émerger une nouvelle génération de femmes leaders investies dans la transformation sociale, la promotion de l’égalité des sexes et l’intégration des droits des femmes dans les politiques publiques. Parmi elles, une personnalité se distingue particulièrement par son parcours intellectuel, son engagement institutionnel et ses responsabilités nationales et internationales : Maya Mohamed Abdel-Monem Morsi. Connue sous le nom de Maya Morsi, cette femme politique, scientifique des politiques publiques et experte en genre est aujourd’hui l’une des figures les plus influentes du débat public sur la condition féminine en Egypte. Présidente du Conseil national pour la femme depuis 2016, nommée ministre et élue pour représenter l’Egypte au sein d’une instance des Nations unies, elle incarne une dynamique singulière de leadership féminin dans un pays où les défis liés à l’égalité des genres restent nombreux. Cet article propose un portrait approfondi de Maya Morsi, retraçant sa formation, son parcours professionnel, ses engagements, mais aussi les défis qu’elle a rencontrés et les initiatives qu’elle a portées.
Dans une région marquée par des normes sociales conservatrices et des structures institutionnelles souvent peu propices à l’émancipation de la femme, l’ascension de Maya Morsi illustre la tension entre tradition et modernité et l’importance croissante que prend le rôle des femmes dans la sphère politique et sociale. À travers différents axes, nous analyserons son parcours de la jeunesse à la fonction publique, ses contributions majeures, ainsi que l’impact de ses actions sur la société égyptienne et au-delà.
Une enfance et une formation axées sur l’excellence académique
Maya Mohamed Abdel-Monem Morsi est née dans une famille égyptienne au sein de laquelle l’éducation a toujours été valorisée. Dès son plus jeune âge, elle a montré un intérêt marqué pour l’apprentissage, la réflexion sociopolitique et les questions liées à la justice et aux droits humains. Son parcours académique s’est naturellement orienté vers les sciences sociales, domaine dans lequel elle a acquis des compétences solides en matière d’analyse des politiques publiques.
Elle a obtenu des diplômes de niveau universitaire dans des disciplines orientées vers la recherche sur la gouvernance, le développement et les relations sociales. Dans un contexte où l’enseignement supérieur égyptien se situe à la croisée des traditions éducatives locales et des influences internationales, Maya Morsi a su tirer parti de cette diversité intellectuelle pour se forger une expertise reconnue.
Elle s’est également impliquée dans des formations spécialisées liées à l’égalité des sexes, à l’étude des programmes sociaux et aux stratégies de développement. Cette base académique rigoureuse lui a permis, plus tard, de travailler sur des problématiques complexes allant de l’élaboration de plans nationaux à la conduite de recherches sur les effets des politiques publiques sur les populations vulnérables, notamment les femmes et les enfants.
Au fil de ses études, elle a développé une vision claire : l’égalité des sexes ne peut être atteinte que si des stratégies politiques cohérentes sont intégrées aux structures de gouvernance. Cette conviction formera le fil conducteur de toute sa carrière.
Du développement international à l’engagement national
Avant de prendre la tête du Conseil national pour la femme, Maya Morsi a acquis une expérience significative au sein d’organisations internationales. Pendant plusieurs années, elle a travaillé pour le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Centre régional pour les États arabes basé au Caire. Dans ce cadre, elle a occupé le poste de conseillère régionale en matière de politiques et programmes sur le genre. Cette position l’a placée au cœur de nombreux débats sur l’intégration des enjeux féminins dans les programmes de développement, tant sur le plan régional que national.
Sa mission au PNUD lui a permis de coordonner et d’accompagner des initiatives visant à renforcer la participation des femmes dans différents secteurs, à promouvoir l’accès à l’éducation et à la formation, et à lutter contre les formes de discrimination les plus répandues. Grâce à cette expérience, elle a développé une compréhension approfondie des mécanismes institutionnels nécessaires pour faire évoluer les normes sociales et favoriser l’égalité.
Cette période a également été marquée par sa collaboration avec des acteurs issus de plusieurs pays arabes, l’aidant à tisser un réseau de relations professionnelles et à acquérir une perspective comparative sur les défis et les opportunités qui caractérisent la situation des femmes dans la région.
Fort de ce bagage international, Maya Morsi a ensuite décidé de se consacrer pleinement à la promotion de la condition féminine au sein de son propre pays, l’Egypte. Cette transition s’est opérée à un moment crucial, alors que le pays traversait des transformations politiques et sociales profondes, avec des attentes croissantes de la part de la société civile en matière de justice sociale et d’égalité.
La présidence du Conseil national pour la femme
Le tournant majeur de la carrière de Maya Morsi intervient en février 2016, lorsqu’elle est élue présidente du Conseil national pour la femme (National Council for Women, NCW) d’Egypte. Créé en 2000, ce Conseil était alors déjà un instrument institutionnel visant à intégrer les questions liées aux droits des femmes dans l’agenda politique national. Toutefois, sa capacité d’action dépendait largement de la volonté politique et de la force de sa direction.
En devenant la troisième présidente de cette institution et la plus jeune à exercer cette fonction, Maya Morsi a apporté une nouvelle dynamique. Sa nomination a été perçue comme un signal fort de la volonté du gouvernement égyptien de renforcer les mécanismes d’égalité et de donner une voix plus audible aux femmes dans le débat public.
Dans ses fonctions, elle a supervisé la mise en œuvre de programmes visant à accroître l’autonomie économique des femmes, à promouvoir leur participation politique, et à réduire les obstacles institutionnels à leur pleine intégration dans la société. Le Conseil a ainsi supervisé des initiatives pertinentes dans des domaines variés tels que l’éducation, la santé, l’accès à l’emploi, la prévention de la violence basée sur le genre, et la protection des droits fondamentaux.
Dans le cadre de son mandat, Maya Morsi a également promu des partenariats avec des organisations internationales, des agences onusiennes, des acteurs de la société civile et des institutions régionales, afin d’échanger des bonnes pratiques, d’attirer des ressources et de renforcer la place de l’Egypte dans les forums internationaux liés à l’égalité des genres.
L’un des projets les plus significatifs sous sa direction a été l’élaboration et le déploiement de la Stratégie nationale pour l’autonomisation des femmes égyptiennes à l’horizon 2030. Cette stratégie, adoptée après une large consultation nationale, vise à mettre en place un cadre d’action global pour l’amélioration de la condition féminine en Egypte sur le long terme. Elle repose sur plusieurs axes complémentaires, incluant l’autonomisation politique, l’autonomie économique, la participation sociale, et la protection juridique.
Cette stratégie s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large du gouvernement égyptien pour aligner les politiques publiques sur les objectifs du développement durable. Elle reflète une reconnaissance officielle de la nécessité de faire de l’égalité des sexes un pilier du développement national. Sous la direction de Maya Morsi, le Conseil national pour la femme a assumé un rôle central dans la coordination de ces efforts, en travaillant avec les ministères, les autorités locales et les partenaires externes pour assurer une mise en œuvre efficace.
Les actions sur le terrain et les grands enjeux
La présidence de Maya Morsi au Conseil national pour la femme s’est traduite par une série d’actions concrètes visant à répondre aux préoccupations quotidiennes des femmes égyptiennes. Parmi les priorités affichées figurent la lutte contre la violence domestique, l’élimination des mariages précoces, l’accès à l’éducation pour toutes, et la création de conditions favorables à l’entrepreneuriat féminin.
L’Egypte, comme de nombreux pays de la région, fait face à des défis persistants en matière de violence basée sur le genre. Les statistiques montrent que de nombreuses femmes et filles sont confrontées à des formes variées de violence, qui vont des agressions physiques aux discriminations structurelles sur les lieux de travail ou dans la vie sociale. Sous la direction de Maya Morsi, le Conseil a lancé plusieurs campagnes de sensibilisation destinées à déconstruire les stéréotypes, à encourager les victimes à signaler les abus et à travailler avec les autorités judiciaires pour une application plus rigoureuse des lois protectrices.
Un autre domaine d’intervention majeur a été l’appui à l’éducation et à l’autonomisation économique. Le Conseil a soutenu des programmes de formation professionnelle, des initiatives d’alphabétisation et des partenariats avec le secteur privé pour ouvrir davantage d’opportunités d’emploi aux femmes, notamment dans les secteurs innovants et non traditionnels.
Parallèlement, Maya Morsi a plaidé pour des réformes institutionnelles destinées à accroître la participation politique des femmes, notamment à travers des mesures incitatives pour encourager leur présence dans les assemblées représentatives locales et nationales. Ces mesures s’inscrivent dans une volonté de rendre les institutions politiques plus représentatives de la diversité de la société égyptienne.
En outre, la question des mutilations sexuelles féminines a également été abordée par le Conseil national pour la femme sous sa direction, en coordination avec les autorités sanitaires et les organisations internationales. L’objectif déclaré était d’accélérer les efforts pour éradiquer cette pratique néfaste, qui affecte des milliers de filles chaque année. À cette fin, des campagnes de sensibilisation, des programmes éducatifs et des collaborations multipartites ont été mis en place, avec l’ambition de créer un changement social durable.
Ces actions, souvent menées dans un contexte complexe de résistances culturelles et institutionnelles, montrent l’ampleur des défis auxquels Maya Morsi et son équipe ont dû faire face. Malgré cela, son travail a contribué à faire avancer certains débats, à mobiliser des ressources, et à construire des ponts entre différents acteurs concernés par la condition des femmes.
Un rôle sur la scène internationale
Outre ses responsabilités nationales, Maya Morsi s’est également engagée sur la scène internationale en portant la voix de l’Egypte dans plusieurs instances dédiées aux droits des femmes et à l’égalité des genres. L’un de ses accomplissements les plus notables a été son élection en tant que membre de la Commission pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) pour la période 2023-2026. Cette commission, relevant des Nations unies, joue un rôle central dans le suivi de l’application d’une convention internationale importante sur les droits des femmes, en examinant les rapports des États et en émettant des recommandations.
Son élection à la CEDAW témoigne de la reconnaissance internationale de son expertise et de son engagement. À ce titre, elle a été amenée à collaborer avec d’autres experts du monde entier pour analyser les politiques nationales, proposer des réformes et promouvoir des normes juridiques et institutionnelles favorables à l’égalité des sexes. Cette responsabilité a également donné à l’Egypte une plus grande visibilité dans les discussions mondiales sur les droits des femmes.
Par ailleurs, Maya Morsi a participé à plusieurs conférences internationales, forums et événements de haut niveau consacrés aux droits humains, au développement et à l’autonomisation des femmes. Ces tribunes ont offert l’occasion d’échanger des pratiques, de nouer des partenariats avec d’autres pays et organisations, et de renforcer les engagements pris par l’Egypte dans différents domaines liés à l’égalité des genres.
L’entrée au gouvernement : ministre de la solidarité sociale
En juillet 2024, Maya Morsi franchit une nouvelle étape dans sa carrière politique lorsqu’elle est nommée ministre de la solidarité sociale dans le gouvernement égyptien. Cette nomination représente une reconnaissance de plus grande envergure de ses compétences et de sa capacité à gérer des portefeuilles ministériels sensibles. Le ministère de la solidarité sociale en Egypte a une mission étendue : il couvre un large éventail de programmes sociaux, de la protection sociale aux politiques de prise en charge des populations vulnérables, en passant par l’intégration des politiques d’assistance avec les stratégies nationales de développement.
La nomination de Maya Morsi à ce poste a été accueillie comme un signe fort d’inclusion et de validation de l’expertise des femmes dans les hautes fonctions de l’État. En tant que ministre, elle a hérité de la responsabilité d’articuler des actions sociales à large échelle, en veillant à ce que les programmes destinés aux familles, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à d’autres groupes vulnérables reflètent une approche basée sur les droits humains et prennent en compte la dimension de genre.
Cette nomination s’inscrit dans une dynamique plus large de participation accrue des femmes dans les gouvernements égyptiens récents, avec plusieurs femmes occupant désormais des postes ministériels clés. Le rôle de Maya Morsi dans ce contexte est double : d’une part, apporter sa vision et son expertise au sein de l’appareil exécutif national, et d’autre part, servir de modèle représentatif pour l’intégration des femmes dans les sphères décisionnelles.
Une figure contestée et les défis à venir
Malgré ses succès et sa reconnaissance institutionnelle, le parcours de Maya Morsi n’a pas été exempt de critiques ou de controverses, notamment de la part de certains acteurs de la société civile qui estiment que les progrès en matière de droits des femmes restent insuffisants face aux défis structurels du pays. D’autres observateurs ont mis en avant la difficulté de mesurer l’impact réel des politiques publiques dans un contexte socio-politique complexe où différents facteurs externes peuvent influencer les résultats.
L’un des défis majeurs pour Maya Morsi et ses collègues reste la transformation des normes sociales profondément ancrées, notamment celles qui limitent l’autonomie des femmes ou les cantonnent à des rôles traditionnels. Les campagnes de sensibilisation, les politiques publiques et les stratégies institutionnelles dans ce domaine nécessitent du temps, des ressources soutenues et l’implication de multiples partenaires – du gouvernement aux organisations communautaires.
Par ailleurs, le contexte politique égyptien plus large, marqué par des priorités sécuritaires, économiques et sociales variées, impose souvent des arbitrages difficiles. L’intégration des enjeux liés aux droits des femmes dans les grandes orientations nationales requiert une coordination étroite entre les différentes institutions et une volonté politique forte.
Malgré ces défis, Maya Morsi poursuit son travail avec détermination, s’appuyant sur l’expérience acquise au fil des années et sur l’appui de partenaires nationaux et internationaux. Son rôle symbolique en tant que femme leader dans un contexte encore dominé par des normes patriarcales est indéniable et offre un point de référence pour les générations futures.
Conclusion
Maya Mohamed Abdel-Monem Morsi est bien plus qu’une femme politique égyptienne : elle est une scientifique des politiques publiques, une défenseure des droits humains, une architecte de stratégies institutionnelles pour l’égalité des sexes, et une actrice de premier plan dans la politique sociale de son pays. De ses débuts dans l’analyse des politiques à son rôle de ministre, son parcours illustre l’évolution progressive des opportunités pour les femmes dans l’espace politique égyptien.
Son leadership au Conseil national pour la femme, son engagement dans les instances internationales et son entrée au gouvernement constituent des étapes importantes dans une carrière dévouée à l’amélioration des conditions de vie des femmes et des populations vulnérables. Si les défis restent nombreux et complexes, la trajectoire de Maya Morsi est un exemple de la capacité des femmes à participer activement à la construction de politiques publiques plus inclusives et équitables.
Alors que l’Egypte se projette vers les prochaines décennies, avec des objectifs de développement ambitieux, l’influence de leaders comme Maya Morsi continuera sans doute à peser sur les orientations politiques, sociales et culturelles du pays. Son travail contribue à redéfinir le rôle des femmes non seulement dans la société égyptienne mais aussi dans la gouvernance régionale et internationale, renforçant l’idée que la promotion de l’égalité des sexes est à la fois une condition et un moteur du progrès social.



