Le 27 novembre 2024, le nom de Mohamed Idris a basculé d’un univers à l’autre : celui, très technique et souvent contesté, de la régulation des médias, vers l’un des portefeuilles les plus sensibles de l’exécutif éthiopien, le ministère de la Paix. Dans un pays où les mots pèsent parfois autant que les armes, cette trajectoire n’a rien d’anodin. Elle raconte à la fois un itinéraire individuel, encore peu documenté sur le plan biographique, et un choix politique : confier la paix civile à un profil issu de l’architecture informationnelle de l’État.
Car c’est bien là que Mohamed Idris s’est fait connaître sur la scène publique : en tant que directeur général de l’Ethiopian Media Authority, institution chargée d’encadrer le secteur médiatique, de délivrer des licences et d’appliquer une législation elle-même au cœur de débats sur les équilibres entre libertés, sécurité nationale et cohésion. Nommé ensuite ministre de la Paix, il se retrouve à la croisée de dossiers qui dépassent de loin la communication institutionnelle : tensions interrégionales, déplacés internes, dialogues politiques, mécanismes de réconciliation, et gestion d’un après-guerre fragile depuis l’accord de cessation des hostilités signé en 2022 pour le conflit du Tigré.
Ce portrait se heurte toutefois à une limite : les informations publiques disponibles sur l’homme, au-delà de ses fonctions et de ses déclarations, restent rares. Pas d’éléments confirmés sur son âge, sa formation ou son parcours antérieur avant 2021 dans les sources les plus accessibles. Cette rareté elle-même est révélatrice : en Éthiopie comme ailleurs, certains responsables émergent d’abord par la fonction, puis seulement, parfois, par le récit personnel. Reste alors la matière journalistique la plus solide : les dates, les responsabilités, les prises de parole, et le contexte politique dans lequel elles s’inscrivent.
Une nomination au ministère de la Paix, dans un moment de fortes tensions
La nomination de Mohamed Idris au poste de ministre de la Paix, effective le 27 novembre 2024, est annoncée par les canaux institutionnels éthiopiens à la fin du mois de novembre. Elle intervient après le départ de son prédécesseur, Binalf Andualem. Dans l’ordre protocolaire, c’est une décision gouvernementale classique ; dans la réalité éthiopienne, c’est un signal : le ministère de la Paix est l’un de ces ministères dont l’intitulé paraît apaisant mais dont le périmètre recouvre une zone de turbulences.
La structure même de ce portefeuille dit quelque chose de l’époque. L’Éthiopie, fédération de régions largement structurées autour de lignes identitaires, traverse depuis plusieurs années une succession de crises, parfois simultanées. À l’onde de choc du conflit du Tigré, déclenché en 2020 et qui a bouleversé le pays, se sont superposées des tensions et affrontements dans d’autres régions, des crispations politiques, et des urgences humanitaires liées aux déplacements de populations. Dans ce paysage, la paix n’est pas seulement une affaire de négociation : elle s’administre aussi, au quotidien, par des arbitrages entre sécurité, justice, reconstruction, et réintégration sociale.
Que signifie, dans ces conditions, de placer à la tête du ministère de la Paix un ancien régulateur des médias ? Le lien peut paraître indirect, mais il est réel. L’État éthiopien, comme nombre d’États confrontés à des conflits internes, a identifié la dimension informationnelle comme un front en soi : rumeurs, discours de haine, incitations à la violence, mobilisation communautaire, propagande, mais aussi batailles de narratifs à l’international. Dans un contexte de polarisation, la manière dont un conflit est nommé, décrit et cadré devient une variable politique. Un ministre de la Paix issu du champ médiatique n’arrive donc pas vierge : il arrive avec une conception du rôle des institutions dans la maîtrise des tensions, et avec une expérience de la frontière mouvante entre régulation et restriction.
Mais une nomination ne fait pas un bilan, et la question centrale demeure : que peut concrètement peser un ministre dans un appareil d’État confronté à des crises aussi profondes ? Pour répondre, il faut revenir sur ce que l’on sait de Mohamed Idris avant 2024, c’est-à-dire sur sa période de direction à l’Ethiopian Media Authority, là où ses prises de position sont les plus documentées.
De la régulation des médias à l’exécutif : un passage par l’Ethiopian Media Authority
Avant d’entrer au gouvernement comme ministre, Mohamed Idris dirige l’Ethiopian Media Authority à partir du 5 avril 2021. L’institution, souvent présentée comme une autorité de régulation, se retrouve alors au cœur d’un moment politique brûlant : la guerre au Tigré est en cours, la relation entre pouvoir central, médias nationaux et médias étrangers est tendue, et les accusations d’atteintes à la liberté de la presse se multiplient dans l’espace public international.
C’est dans ce contexte qu’il accorde un entretien à Voice of America en juillet 2021, au sujet d’un avertissement de l’autorité éthiopienne visant des médias, notamment étrangers, sur l’usage de termes jugés problématiques pour qualifier les forces tigréennes. Le débat, en apparence lexical, est en réalité politique : qualifier un groupe armé de force de défense, de force rebelle ou d’armée, c’est lui attribuer un statut. Dans des conflits internes, ce type de terminologie devient un enjeu de légitimation. Mohamed Idris, en tant que directeur général, y défend l’idée que des mesures allant jusqu’à la révocation d’enregistrements ou de licences peuvent être prévues par la loi en cas de non-respect des directives.
La séquence est révélatrice d’une ligne : la régulation des mots comme outil de protection d’une conception de l’intégrité territoriale et de la sécurité nationale. Elle illustre aussi la tension permanente entre deux impératifs. D’un côté, la construction d’un espace public pluraliste et la normalisation d’un secteur médiatique après une période plus répressive dans l’histoire récente du pays. De l’autre, la volonté de l’État, en période de guerre, de réduire ce qu’il perçoit comme des facteurs d’instabilité informationnelle. La position de Mohamed Idris, à ce moment-là, s’inscrit clairement dans la seconde logique : une lecture sécuritaire de l’écosystème médiatique.
La même orientation apparaît dans des prises de parole ultérieures rapportées par l’agence ENA. En avril 2023, lors d’un événement lié à la vérification des faits, Mohamed Idris, alors directeur général, appelle les réseaux sociaux à être mobilisés au service de la paix, du développement et de la solidarité. Le discours met l’accent sur la diffusion de fausses informations, la haine en ligne et l’incitation à la violence. Le propos, là encore, relève d’une conception de l’espace informationnel comme champ de bataille civique : si la désinformation alimente la conflictualité, la régulation et la responsabilisation des plateformes deviennent une politique de paix.
En novembre 2024, quelques jours seulement avant sa nomination au ministère de la Paix, un autre épisode est relayé : une audition ou consultation sur une réforme législative touchant au secteur médiatique. Mohamed Idris y défend une réforme visant à construire une institution exécutive plus solide et à équilibrer indépendance et responsabilité, en mettant en avant la protection de l’intérêt public et la sécurité nationale. L’argumentaire est classique pour des autorités de régulation : il s’agit de concilier liberté et garde-fous, pluralisme et prévention des abus. Mais, dans la conjoncture éthiopienne, ces mots résonnent avec une histoire récente où la limite entre régulation et contrôle politique a souvent été interrogée.
Ce passage par l’Ethiopian Media Authority constitue donc la principale période documentée de l’action publique de Mohamed Idris avant 2024. Il permet au moins trois constats. D’abord, il apparaît comme un responsable associé à un État qui assume une vision structurante, parfois coercitive, de la régulation. Ensuite, son discours s’ancre dans la notion de sécurité nationale, thème transversal dans ses interventions rapportées. Enfin, il s’inscrit dans une conception où paix et information sont liées : prévenir la conflictualité, ce n’est pas seulement négocier, c’est aussi encadrer les dynamiques d’opinion, les mobilisations et les discours qui peuvent nourrir des violences.
Cette grille de lecture éclaire sa transition vers le ministère de la Paix. Reste à comprendre ce que recouvre exactement ce ministère, et pourquoi il est devenu l’un des pivots de la politique intérieure éthiopienne.
Le ministère de la Paix : un portefeuille central dans l’après-guerre et la gestion des crises
Le ministère de la Paix, en Éthiopie, occupe une place particulière. Son intitulé peut évoquer un ministère symbolique ; il est en réalité situé au cœur d’enjeux très concrets : stabilisation interne, prévention et résolution de conflits, coordination sur des questions de sécurité humaine, et parfois pilotage de dialogues politiques ou de dispositifs liés à la réconciliation. La mention même de ce ministère dans l’architecture gouvernementale traduit une volonté d’institutionnaliser la question de la paix comme politique publique, et non comme simple résultat d’un rapport de force.
Cette centralité est d’autant plus nette que l’Éthiopie sort d’une période où la paix a été redéfinie à l’échelle nationale. La signature, le 2 novembre 2022, de l’accord de cessation des hostilités entre le gouvernement fédéral et le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), souvent désigné comme l’accord de Pretoria, vise à mettre fin au conflit déclenché en novembre 2020. L’accord prévoit une cessation permanente des hostilités et s’inscrit dans une médiation africaine. Sur le papier, il marque un tournant. Dans les faits, l’après-guerre charrie ses propres tensions : démobilisation, réintégration, retour de services, accès humanitaire, et traitement des traumatismes.
Dans ce contexte, un ministre de la Paix n’est pas seulement un porte-parole de la concorde : il est exposé à des dossiers où se rencontrent institutions fédérales, autorités régionales, forces de sécurité, organisations humanitaires, acteurs communautaires et religieux. Il lui faut aussi gérer une dimension politique : l’opinion publique, les attentes d’une population marquée par des années de crises, et la manière dont les décisions de l’État sont perçues.
L’un des sujets les plus lourds est celui des déplacés internes. L’Éthiopie figure parmi les pays africains comptant de très nombreux déplacés, en raison de conflits, de tensions sociales, mais aussi de chocs climatiques. Le retour des déplacés, leur sécurité, la reconstruction des habitations, l’accès à des moyens de subsistance, deviennent des marqueurs de la crédibilité d’une politique de paix. En mai 2025, lors d’une intervention devant le Parlement rapportée par la presse éthiopienne, Mohamed Idris évoque explicitement la complexité du retour des déplacés, parlant de destruction de maisons, de logistique de transport, et dénonçant ce qu’il décrit comme une instrumentalisation politique de la situation.
Le ministère de la Paix se situe donc sur un terrain où l’humanitaire et le politique s’entremêlent. Réduire le nombre de déplacés ne peut pas être une simple statistique : c’est une opération sociale, territoriale et sécuritaire. Cela implique la sécurité sur les zones de retour, la médiation entre communautés, la restauration de services publics, et une coordination interministérielle. À cela s’ajoute la question de la narration : comment l’État reconnaît-il les souffrances, comment parle-t-il des responsabilités, comment gère-t-il le débat public sur les causes et les solutions ?
C’est ici que l’expérience de Mohamed Idris dans le champ informationnel peut être perçue comme un atout par le pouvoir exécutif. En Éthiopie, les conflits ont souvent été accompagnés de batailles de récits, y compris entre communautés. Le ministre de la Paix devient alors, qu’il le veuille ou non, un acteur de la production d’un discours d’État sur la cohésion nationale : un discours qui cherche à apaiser, mais qui peut aussi chercher à cadrer, à prioriser certaines interprétations, à délégitimer certaines accusations.
Cette tension, inhérente à la fonction, se retrouve dans les prises de parole publiques attribuées à Mohamed Idris depuis son entrée au gouvernement. Elles constituent la partie la plus visible, et la plus vérifiable, de ce que l’on peut dire sur son action.
Déplacés internes, acteurs religieux, Parlement : les premières prises de parole d’un ministre
Depuis sa nomination fin 2024, plusieurs moments publics permettent d’observer les thèmes que Mohamed Idris met en avant et la manière dont il les formule.
Le premier jalon, très institutionnel, est l’annonce de sa nomination. Elle le place immédiatement dans un rôle d’incarnation : celui qui doit faire exister politiquement un ministère dont l’objet est, par définition, transversal et difficile à mesurer. Les débuts d’un ministre de la Paix s’évaluent rarement par des lois votées ; ils s’évaluent par des signaux, des priorités annoncées, des dialogues engagés, des crises gérées sans escalade.
Un second jalon, en décembre 2024, est relaté par l’agence ENA : une rencontre avec les responsables du Conseil suprême des affaires islamiques d’Éthiopie. Le format est celui d’un événement de prise de contact, mais le contenu est politiquement significatif. Mohamed Idris y réaffirme l’engagement du gouvernement à renforcer la coopération avec le Conseil dans les efforts de paix et de développement. Il remercie également le Conseil pour son rôle dans la résolution d’un désaccord ancien entre les communautés afar et somali, et appelle à des prières pour la paix lors des prières du vendredi, afin de consolider la paix existante et de répondre aux défis émergents.
Ce passage par les acteurs religieux n’a rien d’anecdotique. Dans un pays profondément croyant, où les institutions religieuses disposent d’une influence sociale forte, elles peuvent être des relais de pacification ou, à l’inverse, être prises dans des dynamiques communautaires. Mobiliser un discours religieux de paix, appeler à la prière, c’est chercher à inscrire l’action de l’État dans une grammaire morale partagée. C’est aussi une manière de construire des alliances sociales dans une période où la confiance envers les institutions peut être mise à l’épreuve.
Le troisième jalon, plus politique, est son intervention devant le Parlement rapportée en mai 2025 par The Reporter Ethiopia. Le sujet est explosif : les déplacés internes. Mohamed Idris y affirme que le retour des déplacés est complexe, qu’il nécessite reconstruction et transport, et il accuse des groupes non nommés d’utiliser les déplacés comme des leviers politiques, voire de les empêcher de rentrer chez eux. Il parle d’un jeu politique, d’une instrumentalisation de la souffrance. Dans le discours gouvernemental, ce type d’argument sert à déplacer la responsabilité : si les déplacés ne rentrent pas, ce n’est pas seulement en raison d’un manque de moyens, mais aussi à cause d’obstructions délibérées.
D’un point de vue journalistique, cette déclaration ouvre plusieurs lectures, sans pouvoir trancher sans enquête plus approfondie. Elle peut être comprise comme une tentative de dénoncer des intérêts qui profitent de la crise humanitaire, ce qui n’est pas une hypothèse absurde dans des contextes où l’aide et la visibilité internationale peuvent devenir des ressources politiques. Elle peut aussi être lue comme une manière de répondre à des critiques sur l’efficacité de l’État. En parlant de manipulation, le ministère se positionne comme protecteur des déplacés contre des acteurs cyniques. Dans les deux cas, l’enjeu est la crédibilité : les déplacés sont une réalité matérielle, mais aussi une réalité politique, et chaque parole ministérielle est scrutée.
Ce qui est certain, en revanche, c’est que Mohamed Idris inscrit son action dans un vocabulaire qui lui est familier : celui de la narration des crises. Il ne se contente pas de chiffres ou de programmes ; il décrit une scène où les mots, les représentations, et les intentions politiques comptent. Là encore, on retrouve l’empreinte de son passé de régulateur : la paix ne se construit pas seulement par des mesures matérielles, mais aussi par la lutte contre des représentations jugées toxiques ou manipulatrices.
Enfin, même en amont de son passage au ministère, ses déclarations comme directeur général de l’Ethiopian Media Authority permettent de comprendre une cohérence : il a souvent articulé la question de la paix à celle de la lutte contre la désinformation et les discours de haine. Cette articulation, aujourd’hui, peut servir de fil conducteur à son ministère, notamment si l’exécutif veut lier plus explicitement politique de paix et gouvernance de l’information.
Il reste à savoir ce que cette trajectoire signifie à l’échelle de l’État éthiopien, et ce qu’elle peut annoncer comme style de gouvernance.
Une trajectoire qui éclaire les priorités de l’État : gouverner la paix par l’information et la cohésion
À défaut de disposer d’une biographie détaillée et confirmée, l’observation de la carrière publique de Mohamed Idris depuis 2021 permet de dégager un portrait fonctionnel : celui d’un responsable dont la légitimité, dans l’appareil d’État, provient de sa capacité à administrer des secteurs où la cohésion nationale est présentée comme un objectif prioritaire. Ce type de profil est fréquent dans des États confrontés à des crises internes : des responsables dont le rôle est moins de représenter un courant idéologique, et plus de tenir une ligne d’État, souvent centrée sur la stabilité.
Le passage de la régulation des médias à la paix est, à cet égard, une continuité plus qu’une rupture. L’Ethiopian Media Authority, en période de conflits, est un organe stratégique : elle contrôle l’accès au marché médiatique, fixe des limites de discours, et participe à une définition de ce qui est acceptable dans l’espace public. En devenant ministre de la Paix, Mohamed Idris change d’échelle mais conserve un défi similaire : éviter que des tensions ne se transforment en violences, et maintenir l’idée d’un cadre national commun.
Cette continuité est visible dans les thèmes qu’il met en avant. D’abord, la sécurité nationale, notion récurrente dans ses interventions sur la réforme de la loi sur les médias. Ensuite, la lutte contre la désinformation et les discours de haine, présentée comme un levier direct de stabilité. Enfin, la mobilisation d’acteurs sociaux, comme les institutions religieuses, pour construire une cohésion qui ne repose pas uniquement sur la force publique.
Dans le paysage politique éthiopien, cela peut se traduire par une approche très institutionnelle de la paix : dialogue, certes, mais dialogue encadré ; réconciliation, oui, mais dans des limites compatibles avec la lecture gouvernementale des menaces. Autrement dit, une paix administrée, plus qu’une paix négociée à ciel ouvert. Cette approche peut produire des résultats à court terme, notamment si elle parvient à réduire des violences locales ou à faciliter des retours de déplacés. Mais elle peut aussi susciter des critiques si elle est perçue comme une extension du contrôle de l’espace public sous un autre nom.
Le défi, pour Mohamed Idris, sera donc double.
Le premier défi est opérationnel : contribuer à des améliorations tangibles sur des sujets comme les retours de déplacés, la prévention d’affrontements intercommunautaires, la coordination avec les régions, et la gestion d’urgences humanitaires. Dans ces domaines, les déclarations politiques doivent se traduire en mécanismes concrets : sécurité locale, programmes de réhabilitation, médiation, accès aux services. Le ministre de la Paix, dans une configuration fédérale, ne peut pas tout décider, mais il est jugé sur sa capacité à mobiliser l’État.
Le second défi est symbolique et démocratique : parler de paix dans un pays où la presse, la société civile et les acteurs politiques réclament souvent des garanties de pluralisme et d’indépendance. Son passé de régulateur, marqué par des positions fermes sur les terminologies et les conséquences légales pour les médias, lui donnera une image précise auprès de ses critiques comme de ses soutiens. Les uns y verront un homme de l’ordre, apte à limiter l’escalade ; les autres, un artisan d’un cadrage restrictif du débat public. Dans un contexte où la confiance est un capital politique rare, cette perception comptera.
Enfin, la trajectoire de Mohamed Idris rappelle une réalité plus générale : en Éthiopie, la paix est devenue un champ de gouvernement qui mêle politique, sécurité, information et religion. C’est une paix qui se pense autant en termes de structures qu’en termes de récits. Le ministre qui l’incarne est, de fait, un producteur de discours national autant qu’un gestionnaire de crises. Or un discours national ne se décrète pas. Il se construit, il se dispute, et il se fragilise au contact des réalités du terrain.



