Né à Oyem, au nord du Gabon, Sosthène Nguema Nguema appartient à cette génération de responsables dont la visibilité nationale s’est accélérée au rythme des bouleversements institutionnels des années récentes. Longtemps identifié à un profil d’ingénieur spécialisé dans les enjeux de qualité, d’hygiène, de sécurité et d’environnement, il a progressivement franchi les seuils de l’administration puis de la représentation politique, jusqu’à occuper, en 2025, l’un des portefeuilles les plus exposés du pays : le ministère du Pétrole et du Gaz.
Sa trajectoire s’inscrit dans une période où la vie publique gabonaise se recompose : nouvelle Constitution, mise en place de la Cinquième République, redéfinition des équilibres entre exécutif et Parlement, et montée d’un nouvel appareil partisan autour de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB). Dans cet environnement, Sosthène Nguema Nguema a été à la fois acteur et produit d’une dynamique : celle d’une demande de renouvellement, d’une valorisation du capital technique, mais aussi d’une politisation accrue des provinces, particulièrement le Woleu-Ntem dont il est originaire.
Cette biographie retrace les étapes clés de son parcours : la formation, l’expérience professionnelle, l’entrée dans la sphère politique, l’épisode ministériel, puis le retour au Parlement après les élections législatives de 2025. Elle éclaire également la nature des dossiers qu’il a portés et les attentes qui accompagnent, au Gabon, les profils présentés comme technocratiques dans un secteur où l’économie nationale reste fortement dépendante des hydrocarbures.
Une enfance à Oyem et un parcours universitaire tourné vers les sciences et l’environnement
Sosthène Nguema Nguema naît en 1974 à Oyem, chef-lieu du Woleu-Ntem. Cette ville, carrefour administratif et commercial du nord du pays, joue un rôle important dans la structuration des élites locales : elle concentre des établissements scolaires et sert de point d’ancrage à de nombreuses familles engagées dans la fonction publique, l’enseignement ou l’administration territoriale. C’est là qu’il effectue une partie de sa scolarité, jusqu’à l’obtention d’un baccalauréat scientifique au lycée d’État d’Oyem.
Son orientation vers les sciences le conduit ensuite à poursuivre des études supérieures à l’Université des sciences et techniques de Masuku, où il obtient un diplôme universitaire d’études scientifiques (DUES) en chimie, biologie et géologie. Cette première étape au Gabon constitue un socle disciplinaire large, qui relie sciences de la matière, sciences du vivant et sciences de la Terre, et prépare à des métiers situés à l’interface de l’industrie et de l’environnement.
Il poursuit ensuite sa formation en France. Son cursus y combine plusieurs axes : biologie générale, sciences de la Terre et de l’Univers, puis spécialisation dans les questions environnementales et la gestion des risques. Il obtient une licence et un master 1 à l’Université de Poitiers, avant de compléter son parcours à l’Université Claude Bernard Lyon 1 par deux masters : l’un en génie et gestion de l’environnement, l’autre en prévention et gestion des risques.
Cette double spécialisation, centrée sur la maîtrise des impacts, la conformité, l’anticipation des risques industriels et la construction de systèmes de management, correspond à une demande croissante des entreprises confrontées aux exigences de certification, de sécurité au travail et de réglementation environnementale. Elle donne aussi une clé de lecture de son positionnement ultérieur : lorsqu’il entre en politique, son discours et son image publique sont souvent associés à la notion de méthode, de rigueur et de gestion de dossiers techniques.
Une première carrière dans le privé, puis des passerelles vers l’administration et les grands projets
De retour au Gabon en 2006, Sosthène Nguema Nguema débute dans le secteur privé comme ingénieur QHSE. Il travaille notamment pour des entreprises opérant dans des secteurs structurants de l’économie gabonaise, où la conformité et la sécurité revêtent une importance particulière. Son parcours professionnel mentionne des passages par des groupes comme Sobraga et Terrea, avec des responsabilités liées aux systèmes de management et à l’accompagnement de certifications, notamment ISO 14001 et OHSAS 18001.
Cette période est révélatrice d’une réalité gabonaise souvent sous-estimée : l’expertise environnementale et la culture de la prévention ne relèvent pas seulement des administrations, mais se construisent aussi dans l’industrie, à travers les audits, les standards internationaux et les exigences des partenaires. Les profils QHSE sont recherchés, car ils servent de trait d’union entre la production, la sécurité des travailleurs, la conformité et l’acceptabilité sociale des projets.
Il rejoint ensuite Royal Haskoning International en qualité de chef de projet. Ce type de fonction implique généralement la coordination d’équipes, la production d’études, l’interface avec les donneurs d’ordre et la planification d’actions sur des calendriers serrés. Dans un pays où les grands chantiers sont souvent confrontés à des contraintes logistiques et institutionnelles, la capacité à piloter et à rendre compte devient une compétence politique avant même l’entrée formelle en politique.
Son parcours inclut ensuite une étape à la délégation générale du gouvernement, où il est appelé à superviser le projet stratégique d’exploitation du gisement de fer de Belinga. Belinga, régulièrement cité comme l’un des projets miniers les plus ambitieux du pays, a connu au fil des années des phases d’attente, de relance et de reconfiguration. L’expérience acquise sur un dossier de cette taille place un cadre au cœur des arbitrages entre investissement, infrastructures, environnement, emploi et souveraineté économique.
Enfin, il intègre l’appareil administratif en rejoignant le ministère des Hydrocarbures et des Mines. Cette entrée dans l’administration sectorielle, au croisement de deux industries clés (pétrole et mines), constitue une passerelle naturelle vers des responsabilités politiques : elle expose aux mécanismes de régulation, aux relations avec les opérateurs, aux négociations, et aux dilemmes permanents entre attractivité pour l’investissement et capture de valeur pour l’État.
L’entrée dans la vie politique : engagement citoyen, Parlement de la Transition et ancrage provincial
Sosthène Nguema Nguema est présenté comme membre, depuis 2007, du mouvement citoyen « Ça suffit comme ça ». Cet engagement s’inscrit dans un paysage gabonais où les mobilisations civiques et les collectifs ont longtemps servi d’espace d’expression, en particulier sur les thèmes de gouvernance, de transparence et de responsabilité publique. Pour un profil venu des métiers techniques, ce type de participation peut aussi marquer une volonté d’élargir la compétence professionnelle vers une responsabilité civique.
L’accélération de sa visibilité intervient à partir de la Transition ouverte après le changement institutionnel de 2023. Le 6 octobre 2023, il est nommé député de la Transition. Cette nomination le fait entrer dans l’arène parlementaire à un moment où l’Assemblée est appelée à participer à la refondation des règles, à accompagner des réformes et à se positionner dans un système en recomposition. Dans ce cadre, l’étiquette politique traditionnelle pèse parfois moins que la capacité à incarner une ligne, à tenir un territoire ou à travailler sur des dossiers.
En 2024, lors du référendum constitutionnel, il coordonne la campagne du « Oui » dans sa province natale. Ce rôle de coordination provinciale est central au Gabon : il implique une présence sur le terrain, une organisation de relais locaux, une articulation entre messages nationaux et réalités locales, et un travail de mobilisation qui se mesure autant à l’affluence qu’à la discipline électorale.
Au printemps 2025, dans le cadre de la campagne présidentielle, il est également désigné coordinateur provincial dans le Woleu-Ntem pour le candidat Brice Clotaire Oligui Nguema. Cette responsabilité le place au cœur de la mécanique politique : la province du Woleu-Ntem est un territoire stratégiquement observé, et la coordination doit conjuguer rassemblement, gestion des alliances locales, et valorisation des thèmes nationaux. Dans ce rôle, il gagne une stature de « relais » entre la présidence et un espace provincial dont les attentes portent sur l’emploi, les infrastructures, les services publics et la place dans la redistribution nationale.
C’est dans ce contexte qu’il se forge une image publique associée à l’idée de terrain, de méthode, et de discipline organisationnelle. Le fait qu’il vienne d’un univers technique renforce cette perception : dans l’opinion, les profils « ingénieurs » sont parfois attendus sur l’efficacité, la clarté des priorités et une certaine distance vis-à-vis des postures partisanes traditionnelles.
Ministre du Pétrole et du Gaz en 2025 : un portefeuille stratégique, entre souveraineté, attractivité et exigence sociale
Le 5 mai 2025, Sosthène Nguema Nguema est nommé ministre du Pétrole et du Gaz, succédant à Marcel Abéké. Il prend officiellement ses fonctions lors d’une passation organisée à Libreville le 9 mai 2025. Dans la séquence politique gabonaise, ce portefeuille est l’un des plus sensibles : le pétrole demeure un pilier des finances publiques, un secteur d’exportation majeur, et un domaine où se concentrent enjeux de contrats, de transparence, d’emploi local, et de relations avec de grands opérateurs internationaux.
Sa prise de fonctions est accompagnée d’un discours insistant sur une feuille de route, des objectifs et une approche participative au sein de l’administration. L’un des messages mis en avant à ce moment-là est l’idée de rupture entre « le Gabon d’avant et celui de maintenant », formule qui vise à marquer une nouvelle manière de gouverner un secteur historiquement associé à la rente et aux controverses. Dans un ministère réputé pour son poids politique, la volonté affichée de « gestion participative » joue aussi un rôle interne : elle sert à mobiliser les cadres, à organiser la hiérarchie et à donner un cap aux équipes.
Plusieurs défis structurants s’imposent alors. D’abord, l’amélioration de la production nationale et des recettes pétrolières, dans un contexte où les États producteurs cherchent à optimiser des gisements matures tout en attirant des investissements pour l’exploration. Ensuite, le renforcement de l’attractivité du bassin sédimentaire gabonais, enjeu déterminant dans la compétition régionale pour les capitaux et les technologies. Troisièmement, la valorisation des réserves gazières, souvent présentée comme un levier à la fois économique et énergétique. Enfin, l’appropriation nationale de l’industrie, thème récurrent au Gabon, qui renvoie à la place des nationaux dans les emplois, la sous-traitance, la formation et la capacité de l’État à orienter la stratégie sectorielle.
Son profil QHSE et sa spécialisation en prévention des risques et gestion de l’environnement s’articulent à une contrainte contemporaine : la transition énergétique et la pression croissante sur les industries extractives en matière de standards environnementaux, de réduction des impacts et de crédibilité internationale. Sans transformer un pays producteur en acteur post-pétrole du jour au lendemain, un ministre est attendu sur la sécurisation des opérations, la conformité, et l’anticipation des évolutions réglementaires, notamment pour éviter que des incidents industriels, des conflits sociaux ou des controverses environnementales ne se transforment en crises politiques.
Durant l’année 2025, son action publique est régulièrement rapportée à travers des réunions avec les acteurs du secteur, des déplacements et des annonces axées sur l’encadrement de la sous-traitance, la priorité à l’emploi national, et la modernisation des textes encadrant l’industrie. Dans un pays où les stations-service, la distribution et les services liés au pétrole représentent aussi des bassins d’emploi, le ministère peut se retrouver à traiter des sujets très concrets, proches du quotidien, au-delà des seuls contrats amont.
La séquence ministérielle est toutefois relativement courte. Le 14 novembre 2025, Sosthène Nguema Nguema quitte le gouvernement après son élection comme député. Cette sortie s’inscrit dans l’application du principe de séparation des pouvoirs au moment de l’installation du nouveau Parlement, plusieurs membres du gouvernement ayant été concernés par la même situation.
Les législatives de 2025 et le retour à l’Assemblée : un élu UDB entre travail parlementaire et attentes locales
En 2025, le calendrier électoral prévoit des élections législatives et locales organisées en deux tours, avec un premier tour le 27 septembre et un second tour le 11 octobre dans les circonscriptions où aucun candidat n’obtient la majorité requise. Dans ce cycle, Sosthène Nguema Nguema se présente dans le premier arrondissement de la commune d’Oyem sous les couleurs de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), formation créée en 2025 autour du président Brice Clotaire Oligui Nguema.
L’UDB occupe une place particulière : elle se présente comme un outil politique de rassemblement et de structuration d’une majorité, dans un pays où le champ partisan connaît une recomposition accélérée après la Transition. Le parti revendique une identité centrée sur l’inclusivité et la refondation de l’État, tout en cherchant à transformer une dynamique présidentielle en implantation territoriale. Dans ce cadre, un candidat originaire d’Oyem, déjà coordinateur provincial lors de la présidentielle, et ancien ministre d’un portefeuille stratégique, arrive avec une notoriété forte et une légitimité politique consolidée.
Selon les informations publiques disponibles, il est élu député à l’issue du scrutin, et commence son mandat parlementaire dans la nouvelle législature en novembre 2025. Ce passage du gouvernement au Parlement modifie la nature de son exposition. D’un côté, il sort de la décision exécutive quotidienne ; de l’autre, il entre dans un travail de contrôle, de débat législatif et de construction de politiques publiques par la loi, même dans un régime où le pouvoir exécutif demeure dominant.
Son profil parlementaire est également associé à la participation à plusieurs commissions, signalant une présence sur des champs variés : lois et droits de l’homme, finances et budget, affaires étrangères et défense, santé et affaires sociales, environnement et développement durable, planification et affaires économiques. Pour un élu, l’enjeu est double : peser dans les commissions où se fabriquent les textes et les arbitrages, et maintenir un lien constant avec la circonscription, surtout dans une ville comme Oyem, où les attentes en matière d’infrastructures, d’emploi des jeunes et de services publics pèsent lourd.
Le défi politique, à ce stade, consiste à articuler trois registres. Le registre local, fait de proximité, de médiation et de résultats visibles. Le registre national, où l’élu doit se positionner dans une majorité, contribuer à des réformes et répondre à la demande de transformation institutionnelle. Et le registre sectoriel, puisque son expérience ministérielle et technique le rend attendu sur les questions énergétiques et extractives, sujet qui demeure central dans les équilibres budgétaires du Gabon.
Pour ses soutiens, ce parcours illustre l’émergence d’une figure perçue comme pragmatique, issue d’un univers technique, et capable de naviguer entre administration, gouvernement et Parlement. Pour ses observateurs critiques, l’enjeu sera de distinguer l’image et la communication des résultats mesurables, dans un pays où la transformation de la gouvernance se juge, au quotidien, à la qualité des services, à la transparence des décisions et à la capacité des institutions à répondre aux besoins.
Ce que révèle, au fond, la trajectoire de Sosthène Nguema Nguema, c’est la manière dont le Gabon contemporain valorise des profils hybrides : techniciens devenus politiques, élus provinciaux devenus gestionnaires de portefeuilles sensibles, puis de nouveau parlementaires au moment où se met en place une nouvelle architecture institutionnelle. Sa biographie reste, en grande partie, celle d’une montée en responsabilité dans un pays où les réformes affichées sont désormais confrontées à l’épreuve décisive : celle de la mise en œuvre.



