Madagascar : la Primature réaffirme la « tolérance zéro » contre la corruption et lance un vaste audit de gestion
- TAHINISOA Ursulà Marcelle
- il y a 19 heures
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Ce mardi 21 octobre 2025, la Primature de Madagascar a publié une déclaration ferme, marquant un tournant décisif dans la lutte contre la corruption et les détournements de fonds publics. Dans un communiqué signé à Antananarivo, le gouvernement du Premier ministre a réaffirmé son engagement envers une politique de transparence absolue, s’inscrivant dans la continuité des directives du Président de la République. Cette initiative, baptisée « politique zéro tolérance », se veut un signal fort à l’ensemble des acteurs publics, civils et économiques : plus aucune défaillance dans la gestion des deniers de l’État ne sera tolérée.

Une déclaration officielle sous le signe de la rigueur
La Primature, par la voix de son service de communication, a diffusé un texte solennel, se référant directement aux orientations du Président de la République, le Colonel Michaël Randrianirina. Ce dernier avait rappelé, lors de son allocution du 17 octobre 2025, la nécessité absolue de restaurer la confiance dans les institutions et de garantir l’intégrité financière de la nation.
Le communiqué insiste sur la gravité des infractions économiques qui, depuis plusieurs décennies, minent la gouvernance du pays. Madagascar, souvent pointée du doigt par les instances internationales pour la faiblesse de ses mécanismes de contrôle budgétaire, veut désormais tourner la page des arrangements obscurs et des pratiques de favoritisme.
« Il est impératif, peut-on lire dans le texte, d’établir des preuves tangibles concernant la localisation et la restitution des fonds détournés, qu’ils soient sur le territoire national ou à l’étranger. » Cette phrase, sobre mais lourde de sens, traduit une volonté politique claire : engager des actions concrètes contre la corruption, sans distinction de statut, de fonction ou de lien familial.
Le cap de la « politique zéro tolérance » : un message à tous les niveaux de l’État
Le cœur du message gouvernemental repose sur une philosophie de gouvernance fondée sur la responsabilité. La « politique zéro tolérance » n’est pas qu’un slogan ; elle se veut un cadre d’action. Le Premier ministre appelle chaque agent public, du plus haut responsable aux simples collaborateurs, à se conformer strictement aux lois et aux principes de gestion éthique.
Cette approche s’inscrit dans un contexte où la population, lassée des scandales à répétition, exige plus de rigueur et de transparence. Ces dernières années, plusieurs affaires de détournement de fonds publics, notamment dans les ministères stratégiques et les projets d’infrastructure, ont mis à mal la crédibilité de l’administration.
La Primature entend ainsi briser le cercle vicieux de l’impunité. Selon le texte, aucun fonctionnaire, collaborateur ou proche d’un dirigeant ne sera épargné par les contrôles et audits à venir. Ce durcissement de ton vise à prévenir toute tentative de dissimulation ou de manipulation des ressources financières.
En rappelant que « nul ne sera protégé par ses relations ou son appartenance politique », le gouvernement affiche une volonté de rupture avec les pratiques du passé. L’objectif affiché est clair : assainir durablement la gestion publique et replacer la probité au cœur du service de l’État.
Des audits généralisés pour identifier les failles de la gestion publique
Le communiqué précise que des audits de gestion seront conduits de manière systématique dans les trois prochains mois. Ces opérations, qui concerneront l’ensemble des ministères, visent à détecter les irrégularités financières, à vérifier les circuits de dépenses et à identifier les failles administratives.
Le texte mentionne explicitement la directive n°117-PM/SGC/25 du 21 octobre 2025, qui ordonne l’ouverture immédiate d’inspections internes dans toutes les entités relevant de la responsabilité gouvernementale. Ces audits ne seront pas limités à la capitale : ils s’étendront également aux collectivités décentralisées et aux institutions régionales.
Cette initiative s’inscrit dans une logique de refonte globale du contrôle de gestion publique. Elle intervient alors que Madagascar cherche à renforcer la confiance des bailleurs internationaux et à redynamiser son économie, affaiblie par la corruption endémique et la mauvaise allocation des ressources.
En engageant un processus d’audit national, la Primature ambitionne de dresser un état des lieux précis, avant d’initier des réformes structurelles. Les ministres concernés devront rendre compte de leurs pratiques administratives et présenter des plans correctifs. L’absence de transparence ou la rétention d’informations pourrait donner lieu à des sanctions disciplinaires, voire judiciaires.
Un contexte politique marqué par la volonté de redressement
La déclaration du 21 octobre 2025 intervient dans un contexte de recomposition institutionnelle. Le gouvernement de la refondation, dirigé par le Colonel Randrianirina, cherche à réaffirmer l’autorité de l’État après plusieurs mois de tensions politiques et de critiques sur la gouvernance économique.
Les observateurs notent que cette sortie officielle de la Primature vise aussi à marquer la différence avec les précédentes administrations, souvent accusées de complaisance face aux détournements et aux surfacturations. Ce positionnement s’accompagne d’un discours de fermeté, où la moralisation de la vie publique devient un pilier central du projet présidentiel.
Pour de nombreux analystes, cette annonce traduit également une stratégie de reconquête de la confiance populaire. Depuis le début de son mandat, le chef de l’État martèle son ambition de faire de Madagascar un modèle de rigueur administrative en Afrique australe. La corruption, qualifiée par lui de « cancer national », constitue un frein majeur au développement du pays et à l’attraction des investissements étrangers.
Ainsi, la campagne de redressement engagée ne se limite pas à une série de mesures techniques : elle traduit une vision politique plus large, celle d’un État modernisé, performant et redevable devant ses citoyens.
Des réactions mitigées, entre espoir et scepticisme
L’annonce de cette politique de « tolérance zéro » a suscité des réactions contrastées au sein de la société malgache. Si une partie de la population salue la fermeté du gouvernement, d’autres expriment des réserves quant à la mise en œuvre effective de ces mesures.
Les syndicats de fonctionnaires, par exemple, ont salué le principe d’assainissement mais demandent des garanties quant à l’impartialité des audits. Ils craignent que cette campagne ne soit utilisée pour régler des comptes politiques ou pour cibler certains hauts responsables au détriment d’autres.
Du côté des organisations de la société civile, la vigilance reste de mise. Transparency International Initiative Madagascar (TI-MG) a réaffirmé la nécessité d’un suivi rigoureux des procédures et d’une publication publique des résultats des audits. Selon l’ONG, la transparence ne peut être crédible que si elle s’accompagne de sanctions concrètes et d’un accès libre à l’information.
Par ailleurs, plusieurs économistes estiment que cette démarche, bien que salutaire, devra être accompagnée de réformes structurelles, notamment en matière de marchés publics, de fiscalité et de contrôle des dépenses ministérielles. L’enjeu dépasse la seule dimension morale : il s’agit de restaurer la capacité budgétaire de l’État et de créer un climat de confiance propice au développement.
Vers une refondation durable de la gouvernance publique
Au-delà du ton ferme du communiqué, cette initiative s’inscrit dans une stratégie de refondation durable de la gouvernance malgache. La Primature entend faire de la transparence un pilier de la réforme de l’État, en alignant les pratiques administratives sur les standards internationaux.
Plusieurs chantiers sont déjà à l’étude : la digitalisation des comptes publics, la création d’une plateforme de suivi budgétaire en temps réel, la formation des agents à l’audit interne et la coopération renforcée avec les institutions de contrôle externe. Ces outils visent à garantir une traçabilité complète des fonds publics, de leur attribution à leur utilisation finale.
Cette transformation structurelle ne pourra réussir qu’avec l’adhésion de toutes les parties prenantes. Les autorités appellent à une mobilisation collective, estimant que la probité n’est pas seulement une exigence politique, mais une valeur nationale.
En conclusion, la déclaration du 21 octobre 2025 marque un tournant symbolique et opérationnel. Elle incarne une volonté affichée de rompre avec l’impunité, de responsabiliser les acteurs publics et de redonner sens au mot « service » dans la fonction publique.
Si la route reste longue, la Primature semble décidée à imposer une nouvelle culture administrative, fondée sur l’éthique, la redevabilité et l’efficacité. Reste à voir, dans les prochains mois, si cette promesse de rigueur se traduira par des résultats tangibles sur le terrain, et si Madagascar parviendra à réconcilier gouvernance et confiance citoyenne.