Ouverture de la deuxième session ordinaire 2025 de l’Assemblée nationale malgache : un acte fort dans un contexte de refondation
- TAHINISOA Ursulà Marcelle
- il y a 8 minutes
- 5 min de lecture
L’ouverture de la deuxième session ordinaire de l’année 2025 au sein de l’Assemblée nationale de Madagascar, qui s’est tenue ce mardi 21 octobre à 11 h sous la présidence de Siteny Randrianasoloniaiko, marque un moment symbolique et politique majeur pour la Grande Île. La cérémonie, rehaussée par la présence du Premier ministre, du président par intérim du Sénat, du président de la HCC (Haute Cour Constitutionnelle), du président du HCJ (Haute Cour de Justice), du président de la CENI, du président du HCDDED, du secrétaire exécutif du Comité de Réconciliation Nationale ainsi que de nombreux élus, responsables civils et militaires, témoigne de l’importance accordée à ce rendez-vous institutionnel. Le président de l’Assemblée nationale a notamment demandé une minute de silence en hommage aux personnes tombées lors des luttes et à feu le député élu à Betioky Sud, Jean Jacques Rabenirina. Il a ensuite appelé les députés à assumer leurs responsabilités constitutionnelles, à accompagner la réforme et la reconstruction du pays, et à veiller à ce que la législation à venir réponde aux attentes du peuple, notamment autour de la loi de finances 2026. Dans un contexte de tensions et de recomposition politique, ce discours se situe à un carrefour historique.

Une cérémonie solennelle et symbolique
La cérémonie d’ouverture de cette session ordinaire présente plusieurs dimensions significatives, tant sur le plan symbolique que concret. D’abord, la présence massive des institutions de l’Etat — exécutif, judiciaire, électoral, militaire — traduit une volonté d’afficher l’unité institutionnelle en un moment où les équilibres politiques sont fragiles. Le président de l’Assemblée a pris soin de saluer toutes ces composantes, remerciant les participants pour leur présence et leur engagement. Il a également adressé des félicitations au nouveau Président de la République nouvellement investi et au nouveau Premier ministre, ce qui marque une reconnaissance explicite du nouveau pouvoir exécutif. Ensuite, la minute de silence pour les personnes tombées lors des luttes et en particulier pour Jean Jacques Rabenirina, infuse la réunion d’un ton de recueillement et de mémoire collective. Cela permet de lier le présent aux combats passés, d’afficher une dimension de continuité historique. Enfin, par son discours, le président de l’Assemblée nationale a clairement fixé le cap : l’Assemblée doit être digne, assidue, et jouer son rôle fondamental de législateur et de contrôle de l’action gouvernementale. Il a exprimé sa gratitude envers les députés pour la confiance qu’ils lui ont témoignée et demandé leur collaboration pour relever les défis à venir.
Le rôle central de l’Assemblée dans le nouveau contexte
Sous la présidence de Siteny Randrianasoloniaiko, l’Assemblée nationale se voit assigner, dans un contexte politique renouvelé, une mission élargie. Premièrement, elle est invitée à endosser pleinement sa fonction constitutionnelle : l’adoption de lois en réponse aux attentes du peuple et la supervision de l’action de l’exécutif. Le président a rappelé que la session qui vient devra notamment examiner la loi de finances pour 2026, conformément à l’article 75 alinéa 2 de la Constitution, ce qui place l’Assemblée au cœur des décisions budgétaires nationales. Deuxièmement, dans un contexte de réforme et de reconstruction nationale, l’institution législative est décrite comme un pilier de la refondation : en adoptant une législation ad hoc, en veillant à la transparence et à la responsabilité, elle contribue à restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions. Troisièmement, l’Assemblée est aussi appelée à être un contrepoids de l’exécutif : le président a explicitement insisté sur le contrôle de l’action gouvernementale et sur la sanction de ceux qui ont « conduit le pays à la pauvreté », tout dans le respect de la légalité. Cette dimension de redevabilité marque un changement de ton et d’ambition.
Vers une politique de finances et d’austérité orientée peuple
Le discours de Siteny Randrianasoloniaiko a mis l’accent sur la nécessité d’un budget national 2026 qui soit conforme aux priorités nationales et aux revendications populaires, en clair : un budget « en phase avec une politique d’austérité ». Cela mérite d’être analysé dans ses implications. D’un côté, l’appel à l’austérité traduit la prise en compte de la réalité économique malgache : la Grande Île est confrontée à des défis de développement, de pauvreté, de croissance modérée, et une gestion rigoureuse des finances publiques apparaît indispensable. L’Assemblée est donc invitée à veiller à ce que les dépenses publiques soient mieux orientées, plus transparentes, et véritablement utiles pour la population. De l’autre côté, l’accent mis sur « répondre aux besoins réels de la population » et « aux attentes de la majorité des citoyens » signifie que l’austérité ne doit pas se traduire uniquement par des coupes budgétaires aveugles mais par un recentrage des priorités sur les domaines sociaux — santé, éducation, emploi — et sur une gestion publique plus efficiente. La loi de finances 2026 devient dès lors un test de crédibilité pour l’Assemblée nationale : saura-t-elle adopter un budget qui conjuguera rigueur et justice sociale ? Les citoyens attendent des résultats concrets, et la chambre basse est placée sous une forte pression en ce sens.
La lutte contre l’impunité et la refondation institutionnelle
Un des moments les plus marquants du discours du président de l’Assemblée a été l’affirmation suivante : « Tous ceux qui ont pillé la Nation ne vont pas s’en sortir facilement ». Cette formule forte résume l’un des enjeux majeurs de cette session parlementaire et de la gouvernance à venir. La référence au pillage de la Nation inscrit le discours dans une logique de responsabilité politique, éthique et juridique. Il s’agit de rompre avec l’impunité qui a pu prévaloir dans le passé. L’Assemblée nationale se pose en acteur de cette rupture : en adoptant les lois nécessaires, en initiant les contrôles, en veillant à ce que la justice institutionnelle soit mobilisée. Par ailleurs, le président a évoqué la « refondation de la Nation » et salué l’engagement des jeunes et de la population dans les récentes mobilisations. Cela situe la session dans un moment de recomposition politique, sociale et institutionnelle. En ce sens, l’Assemblée joue un rôle de plateforme de renouveau : réhabilitation des valeurs démocratiques, restauration de la légitimité institutionnelle, promotion d’une gouvernance transparente et inclusive. Le chemin à parcourir est long : les défis des inégalités, de la marginalisation, de la corruption sont nombreux. Mais l’Assemblée a devant elle une opportunité historique de redéfinir son rôle et de redonner confiance aux citoyens.
Enjeux et défis pour les députés et les institutions
Avec cette ouverture, les députés de l’Assemblée nationale se voient attribuer des responsabilités accrues. Ils devront être assidus, actifs, et en phase avec les attentes d’une population exigeante. Plusieurs défis les attendent. Tout d’abord, celui de la crédibilité : la population malgache observe, parfois avec scepticisme, les institutions après des années de mobilisations, de promesses non tenues et de gouvernance contestée. Les députés devront traduire les discours en actes, proposer des lois efficaces, et surveiller l’exécutif. Ensuite, la question de la coordination interinstitutionnelle se pose : l’Assemblée, l’exécutif, la justice, les organes de contrôle (HCC, HCJ, CENI) devront fonctionner en synergie. Le président de l’Assemblée a déjà salué cette dimension. Troisièmement, l’enjeu budgétaire est crucial : la loi de finances pour 2026 sera probablement un baromètre de la volonté de réforme et de gestion responsable. Les députés doivent se mobiliser pour analyser, amender, contrôler le budget. Enfin, l’Institution législative elle-même s’inscrit dans une phase de redéfinition. Le perchoir a changé, de nouvelles alliances politiques sont en cours, et l’Assemblée doit se doter de méthodes plus ouvertes, d’une meilleure communication envers les citoyens, et d’une transparence accrue pour répondre aux aspirations d’une société en mutation.
En conclusion, l’ouverture de la deuxième session ordinaire de l’année 2025 de l’Assemblée nationale malgache, sous la houlette de Siteny Randrianasoloniaiko, constitue un jalon significatif pour Madagascar. Elle s’inscrit dans un contexte de refondation institutionnelle, de lutte contre l’impunité, de redéfinition budgétaire et de renouvellement de la légitimité parlementaire. Pour l’Assemblée, c’est une opportunité — peut-être une obligation — d’endosser un rôle actif et crédible dans la transformation nationale. Les prochains mois, riches en débats législatifs et en contrôles de l’action publique, seront révélateurs de la capacité de l’institution à répondre aux attentes du peuple malgache.