Siteny Randrianasoloniaiko, nouveau visage de l’Assemblée nationale malgache : entre renouveau politique et attentes sociales
- TAHINISOA Ursulà Marcelle
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L’élection de Siteny Randrianasoloniaiko à la présidence de l’Assemblée nationale marque un tournant politique majeur pour Madagascar. Mercredi 15 octobre 2025, les députés réunis au Palais de Tsimbazaza ont désigné, à une très large majorité, le député de Toliara I à la tête de la Chambre basse. Candidat unique après le retrait d’Ahmad Ahmad, l’homme fort du Sud-Ouest malgache a promis de faire de l’Assemblée un véritable instrument au service du peuple. Jeudi 16 octobre, lors de la cérémonie de passation de pouvoir avec son prédécesseur Tokely Justin, Siteny Randrianasoloniaiko a prononcé ses premiers mots de président, esquissant les grandes orientations de son mandat.L’événement, hautement symbolique, intervient dans un contexte de recomposition politique et d’attente sociale intense. Derrière l’enthousiasme suscité par ce changement, se profile un vaste chantier politique, économique et institutionnel pour un pays en quête de stabilité et de gouvernance efficace.

Une élection symbolique et consensuelle à Tsimbazaza
L’Assemblée nationale de Madagascar a vécu, le 15 octobre 2025, une journée historique. Après la destitution du bureau permanent la veille, les députés ont choisi Siteny Randrianasoloniaiko pour présider la Chambre basse. L’élection s’est déroulée dans une atmosphère d’unité rare, marquée par la volonté de tourner la page d’une période jugée instable et divisée.
L’ancien président du Comité olympique malgache et député de Toliara I s’est imposé comme le candidat du consensus. Son adversaire potentiel, Ahmad Ahmad, a finalement renoncé, ouvrant la voie à une désignation sans contestation. Dans un discours empreint d’humilité, Siteny Randrianasoloniaiko a tenu à se démarquer immédiatement des logiques partisanes : il a annoncé son retrait du groupe parlementaire Firaisankina, soulignant qu’il souhaitait désormais « représenter l’ensemble des élus de Madagascar ».
Ce geste, salué par de nombreux observateurs politiques, illustre une volonté de rassembler au-delà des clivages politiques et régionaux. Le nouveau président entend ainsi redonner à l’Assemblée nationale son rôle constitutionnel de contre-pouvoir et de représentation populaire. Pour beaucoup, cette élection traduit l’espoir d’un nouvel équilibre institutionnel dans un pays souvent fragilisé par les tensions entre l’exécutif et le législatif.
Une passation de pouvoir empreinte de gravité et de promesses
Le lendemain, jeudi 16 octobre, la passation de pouvoir entre Tokely Justin et Siteny Randrianasoloniaiko s’est déroulée à 10 heures du matin au Palais de Tsimbazaza. Le protocole a été respecté dans les moindres détails, mais l’atmosphère portait les signes d’un moment de bascule.
L’ancien président, Tokely Justin, a remis officiellement les attributs de la fonction à son successeur, en présence des membres du bureau, de plusieurs ministres et d’une délégation diplomatique. Le discours de Siteny Randrianasoloniaiko, prononcé juste après la cérémonie, a marqué les esprits. D’une voix posée mais ferme, il a promis de « travailler main dans la main avec tous les élus, quelles que soient leurs appartenances politiques », insistant sur la nécessité de placer les intérêts du peuple au centre de l’action parlementaire.
Dans ce premier message officiel, il a également annoncé les grandes lignes de son projet : un budget 2026 orienté vers le social, la relance économique par l’emploi, et une politique d’ouverture vis-à-vis des partenaires techniques et financiers internationaux. Le nouveau président a ainsi évoqué les discussions à venir avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, soulignant la volonté d’instaurer un climat de confiance et de transparence.
Au-delà des formules, la posture de Siteny Randrianasoloniaiko s’apparente à celle d’un homme conscient des défis immenses qui l’attendent. L’économie malgache reste fragile, les inégalités sociales se creusent, et la défiance envers les institutions demeure élevée. La transition qu’il incarne ne sera crédible que si elle s’accompagne d’actes concrets.
Les priorités du nouveau président : une Assemblée au service du peuple
Lors de son premier point de presse, Siteny Randrianasoloniaiko a détaillé plusieurs axes d’action qui dessinent déjà les contours de son mandat. L’une de ses déclarations les plus fortes a concerné la Base Toliara, un projet minier contesté dans le sud-ouest du pays. Selon lui, « la Base Toliara ne profite pas au peuple malgache, elle doit être arrêtée, et tout gouvernement qui y touche tombera ». Ces mots ont résonné comme un avertissement clair à destination des investisseurs étrangers et des autorités exécutives.
Ce positionnement marque une rupture avec la politique économique antérieure, souvent perçue comme trop favorable aux intérêts étrangers. En défendant la souveraineté économique du pays, Siteny Randrianasoloniaiko cherche à affirmer une ligne nationaliste assumée, centrée sur la protection des ressources naturelles et la redistribution équitable des richesses.
Autre priorité majeure : la lutte contre les coupures d’électricité, fléau quotidien pour des millions de Malgaches. Le président de l’Assemblée a dénoncé la gestion du précédent régime, rappelant que « les projets Sahofika et Volobe auraient pu mettre fin aux délestages si les décisions avaient été prises à temps ». Il accuse ainsi l’ancien président Andry Rajoelina d’avoir négligé des solutions déjà financées, plongeant la capitale et plusieurs grandes villes dans une situation de précarité énergétique prolongée.
Le ton est sévère, mais il traduit une volonté claire de rompre avec l’immobilisme. Siteny Randrianasoloniaiko entend faire de l’Assemblée un moteur de propositions et de contrôle. Il envisage notamment la création d’une commission parlementaire dédiée à la transition énergétique, chargée d’évaluer les projets en cours et de promouvoir les énergies renouvelables.
Enfin, la question sociale occupe une place centrale dans son programme. « Toutes les entreprises fermées pour des raisons politiques seront rouvertes », a-t-il promis, afin de « redonner du travail et de la dignité aux citoyens ». Derrière cette annonce se profile une politique de réconciliation économique, visant à réparer les injustices du passé et à favoriser la relance des activités locales.
Réformes législatives et gouvernance : vers un Parlement rénové
Siteny Randrianasoloniaiko a également insisté sur la nécessité de revoir certaines lois jugées contraires aux aspirations populaires. « Les lois adoptées à l’Assemblée nationale et qui ne correspondent pas aux revendications du peuple seront modifiées », a-t-il affirmé devant la presse. Cette déclaration ouvre la voie à une série de réformes législatives, susceptibles de remodeler en profondeur le cadre juridique malgache.
Parmi les domaines évoqués, figurent le droit du travail, la décentralisation, la lutte contre la corruption, et la transparence dans la gestion des ressources naturelles. L’objectif affiché est de redonner au Parlement son rôle de garant des équilibres démocratiques et de contre-pouvoir institutionnel.
Sous son impulsion, l’Assemblée pourrait également revoir ses méthodes de travail. Le président souhaite renforcer les capacités des commissions permanentes, encourager la consultation publique avant le vote de certaines lois, et instaurer un mécanisme d’évaluation systématique de l’impact des textes adoptés.
Cette approche, inspirée des bonnes pratiques parlementaires internationales, témoigne d’une volonté de modernisation. Elle pourrait aussi contribuer à restaurer la confiance des citoyens envers leurs représentants. La transparence et la reddition des comptes apparaissent désormais comme des priorités dans une société où la corruption et le clientélisme ont trop souvent terni l’image du pouvoir législatif.
Enfin, sur la scène diplomatique, Siteny Randrianasoloniaiko a tenu à rassurer les partenaires internationaux. Concernant d’éventuelles sanctions, il a déclaré que « Madagascar est un pays riche et prospère, un pays de lait et de miel ; s’il est bien gouverné, il peut se développer sans dépendre excessivement de l’aide extérieure ». Par cette phrase, il exprime une confiance certaine dans le potentiel du pays, tout en appelant à une gestion plus rigoureuse et transparente des ressources nationales.
Un contexte politique en mutation et des attentes immenses
L’accession de Siteny Randrianasoloniaiko à la présidence de l’Assemblée nationale s’inscrit dans un climat politique tendu. La destitution du bureau permanent la veille de son élection a été interprétée comme le signe d’un profond malaise au sein de la Chambre. Depuis plusieurs mois, des désaccords internes, des accusations de partialité et des rivalités politiques avaient fragilisé l’institution.
Le nouveau président hérite donc d’une Assemblée à reconstruire, tant sur le plan organisationnel que moral. Son profil d’ancien sportif de haut niveau, connu pour son charisme et son franc-parler, pourrait jouer en sa faveur. Son expérience à la tête du Comité olympique malgache, où il avait mené plusieurs réformes structurelles, témoigne de sa capacité à gérer des équipes complexes et à imposer une discipline collective.
Mais au-delà de la personnalité de son président, c’est la crédibilité même de l’institution parlementaire qui se joue. Après des années de crispations politiques, le peuple malgache attend des signes tangibles de changement. La population réclame plus de justice sociale, une meilleure répartition des richesses et une lutte effective contre la corruption.
Dans ce contexte, la posture de neutralité affichée par Siteny Randrianasoloniaiko pourrait lui permettre de rallier des forces politiques variées. En se retirant du groupe Firaisankina, il cherche à incarner une présidence d’équilibre, capable d’arbitrer les débats sans parti pris. Cette démarche, si elle se confirme dans les faits, pourrait contribuer à pacifier la vie parlementaire et à renforcer la légitimité de l’Assemblée.
Les défis à venir : stabilité, développement et confiance
Les défis qui attendent le nouveau président sont multiples. Le premier concerne la stabilité institutionnelle. Dans un système politique souvent marqué par des crises récurrentes, maintenir une cohésion durable entre les députés sera un exercice délicat. Il devra composer avec des alliances fluctuantes, des ambitions personnelles et des intérêts régionaux parfois contradictoires.
Le second défi est économique. Le projet de loi de finances pour 2026, qu’il a évoqué dès son entrée en fonction, sera un test majeur. Orienté vers le social, ce budget devra concilier les impératifs de relance économique et les contraintes budgétaires. Le pays reste dépendant de ses partenaires financiers, mais Siteny Randrianasoloniaiko semble vouloir affirmer une ligne d’indépendance stratégique. La question énergétique, la relance des entreprises fermées et la lutte contre le chômage seront au cœur des débats à venir.
Le troisième défi, enfin, est moral et institutionnel. Restaurer la confiance du peuple envers ses représentants nécessite un engagement fort pour l’éthique et la transparence. Le nouveau président devra s’assurer que les réformes législatives annoncées se traduisent par des actions concrètes et mesurables. L’ouverture de l’Assemblée aux médias, le renforcement du dialogue avec la société civile et la modernisation de la communication parlementaire pourraient jouer un rôle clé dans cette dynamique.
Conclusion : un tournant pour Madagascar
L’élection de Siteny Randrianasoloniaiko à la présidence de l’Assemblée nationale symbolise un espoir de renouveau pour Madagascar. Derrière les discours et les promesses, le pays attend des réformes structurelles capables d’améliorer le quotidien des citoyens.
Le nouveau président hérite d’une institution fragilisée mais dotée d’un potentiel considérable pour devenir un acteur central du développement national. Son ambition affichée de représenter « tous les élus de Madagascar » traduit une volonté d’unité nationale à un moment charnière.
Les mois à venir diront si Siteny Randrianasoloniaiko parvient à transformer cette dynamique politique en un véritable mouvement de reconstruction. Dans un contexte mondial incertain, Madagascar dispose d’atouts considérables : des ressources naturelles abondantes, une jeunesse dynamique et un peuple résilient. Encore faut-il que la gouvernance suive.
Le défi est immense, mais l’espoir est réel. Pour la première fois depuis longtemps, une partie de la classe politique semble prête à écouter les aspirations populaires. Si les promesses du nouveau président se concrétisent, Madagascar pourrait entrer dans une nouvelle ère politique, fondée sur la responsabilité, la transparence et le développement équitable.