Il a longtemps évolué dans l’ombre des appareils sécuritaires avant d’apparaître au premier plan, à la tête d’un ministère-clé dans un pays où les questions d’ordre public, de police et de protection civile sont au cœur de l’action de l’État. Eugénio César Laborinho, général angolais et cadre du MPLA, a incarné pendant plusieurs années une ligne de continuité entre les structures militaires, la gestion administrative des risques et la direction politique d’un portefeuille régalien. Gouverneur de la province de Cabinda puis ministre de l’Intérieur, il a été l’un des visages de la politique de sécurité intérieure du président João Lourenço, avant d’être relevé de ses fonctions à l’automne 2024 et remplacé par Manuel Homem.
Sa trajectoire, singulière dans le paysage angolais, se lit comme une succession de responsabilités étroitement liées à l’organisation de la sécurité, à la discipline des forces, et à l’appareil administratif du ministère de l’Intérieur. Pour comprendre qui il est, il faut remonter à ses origines, suivre son ancrage dans les structures de sécurité de l’époque, puis observer son passage par Cabinda et, enfin, mesurer ce que représente un ministère de l’Intérieur dans l’architecture institutionnelle angolaise.
D’une naissance à Malanje à une formation en psychologie
Selon les éléments biographiques publiés par les sources institutionnelles angolaises et repris par plusieurs notices, Eugénio César Laborinho est né le 10 janvier 1955 dans la province de Malanje, dans le nord de l’Angola.
Sa formation universitaire apparaît, elle, moins attendue au regard de ses fonctions ultérieures : il est titulaire d’un diplôme en psychologie obtenu à l’Institut supérieur des sciences de l’éducation (ISCED) de l’Université Agostinho Neto. Il est également présenté comme membre de l’Association des psychologues d’Angola.
Ce double ancrage, à la fois académique et institutionnel, est souvent mis en avant dans les biographies officielles : d’un côté, un parcours d’encadrement et de commandement dans les structures de sécurité ; de l’autre, une qualification universitaire dans un domaine relevant du comportement humain, de l’encadrement et, indirectement, de la gestion des organisations.
Dans la culture politique et administrative angolaise, où les carrières au sommet de l’État passent fréquemment par les structures du MPLA et les institutions liées à la défense ou à la sécurité, le profil de Laborinho s’inscrit néanmoins dans une logique bien connue : l’accès aux responsabilités se construit souvent dans des fonctions de contrôle, de planification et de commandement, avant de se prolonger dans les ministères régaliens.
Un parcours façonné par les structures de sécurité et la protection civile
Les biographies disponibles décrivent un engagement ancien dans les structures liées au MPLA et à la sécurité, dans un contexte historique marqué par la fin de la période coloniale et l’entrée de l’Angola dans une séquence de conflit prolongée. Les notices indiquent qu’il rejoint en 1975 le cadre de sécurité militaire du MPLA à Malanje.
Dans les années qui suivent, les fonctions évoquées relèvent d’un enchaînement d’emplois de renseignement, d’organisation et de sécurité d’État. Les sources officielles mentionnent notamment des responsabilités de chef de l’information militaire, puis de chef adjoint d’un cabinet chargé de l’organisation, de la planification et du contrôle de la sécurité d’État.
Un épisode souvent cité, parce qu’il illustre la centralité des ressources minières dans l’histoire angolaise, concerne la sécurité du secteur diamantaire : la biographie gouvernementale indique qu’en 1978, il est responsable militaire et chef de la sécurité des diamants auprès de la Diamang, entreprise historiquement associée à l’exploitation diamantifère en Angola.
Mais c’est surtout dans la protection civile et les services de secours que sa carrière prend une dimension publique durable. Les notices biographiques indiquent qu’il occupe pendant une longue période une fonction de commandement dans les pompiers et la protection civile, présentée comme un poste de commandant, puis qu’il devient vice-ministre de l’Intérieur pour la protection civile et les pompiers.
À ce stade, l’itinéraire de Laborinho révèle un aspect structurel de l’administration : la protection civile, la gestion des catastrophes, la discipline des forces et l’organisation des services d’urgence sont souvent rattachées aux ministères de l’Intérieur. Dans un État où les risques sont multiples (urbanisation rapide, accidents, événements climatiques, enjeux de sécurité routière et incendies), ces fonctions deviennent des zones de visibilité politique, car elles touchent directement aux services rendus à la population.
Les sources mentionnent aussi des participations à des manœuvres et séminaires nationaux et internationaux, formulation classique dans les biographies d’officiels pour souligner un parcours de formation continue.
Cabinda : un passage au gouvernement provincial dans une région sensible
Avant son entrée au ministère de l’Intérieur, Eugénio César Laborinho a été gouverneur de la province de Cabinda. Les notices situent son mandat entre 2017 et 2019.
Cabinda n’est pas une province comme les autres. Enclavée entre la République du Congo et la République démocratique du Congo, séparée du reste du territoire angolais par une bande de côte, elle est souvent décrite comme une zone stratégique en raison de son importance économique, notamment liée au pétrole, et de sa sensibilité politique. Cette réalité explique pourquoi la nomination d’un profil issu des structures de sécurité peut être lue comme un choix de contrôle administratif et de gestion de stabilité.
Les biographies institutionnelles restent généralement factuelles sur cette période : elles la présentent comme une étape de gouvernance territoriale, après un parcours au ministère.
Ce passage provincial, toutefois, a un poids politique : être gouverneur, en Angola, c’est incarner l’État dans la province, coordonner l’administration, et porter la mise en œuvre locale des orientations nationales. Pour un cadre du MPLA, la fonction peut aussi jouer un rôle de tremplin : elle permet de démontrer sa capacité à gérer une province, à dialoguer avec les autorités locales et à maintenir la coordination avec le centre.
Ministre de l’Intérieur (2019–2024) : un portefeuille régalien au cœur de l’État
Le 24 juillet 2019, le président João Lourenço nomme Eugénio César Laborinho ministre de l’Intérieur. Il succède alors à Ângelo de Barros Veiga Tavares, selon les notices biographiques et les rappels institutionnels.
Dans l’architecture gouvernementale angolaise, le ministère de l’Intérieur regroupe les politiques de sécurité intérieure et la tutelle sur des services essentiels : police nationale, structures de contrôle, organisation administrative de l’ordre public, et, plus largement, coordination de nombreux dispositifs liés à la sécurité des citoyens. Sans entrer dans l’énumération exhaustive des directions, la place du ministère explique pourquoi sa direction est politiquement sensible : elle touche au quotidien (criminalité, circulation, maintien de l’ordre), mais aussi à l’image d’autorité de l’État.
Les sources disponibles évoquent également son appartenance au MPLA, parti au pouvoir, et le situent dans les structures dirigeantes du parti à certains moments, notamment via les mentions relatives aux instances internes.
Dans l’espace public, le rôle d’un ministre de l’Intérieur s’exprime souvent par des déplacements, des discours sur la discipline des forces, et des messages adressés aux services placés sous son autorité. Des publications de presse rapportent ainsi des prises de parole dans lesquelles Laborinho insiste sur la nécessité d’améliorer les mécanismes de discipline et de moralisation des effectifs, thématique classique dans les ministères de sécurité, où la crédibilité dépend aussi de la confiance de la population.
Pendant cette période, il devient l’un des visages du gouvernement sur les questions de sécurité intérieure. Le fait qu’il soit présenté comme lieutenant-général souligne aussi la dimension militaire de son profil, même si ses responsabilités sont celles d’un ministre civil dans un exécutif.
Puis survient le tournant de 2024. Le 31 octobre 2024, le président angolais décide de le relever de ses fonctions. L’Agence Angola Press (ANGOP) rapporte ce jour-là la nomination de Manuel Homem comme nouveau ministre de l’Intérieur en remplacement de Laborinho.
Cette décision est également documentée par des textes officiels : un décret présidentiel daté du 4 novembre 2024 acte l’exonération d’Eugénio Laborinho, tandis qu’un autre décret, de même date, porte nomination de Manuel Homem.
Vu de l’extérieur, cette alternance signifie davantage qu’un simple jeu de chaises musicales : elle marque la fin d’une séquence de cinq années durant lesquelles Laborinho a été associé à l’orientation des politiques de sécurité intérieure, dans un pays où l’ordre public est régulièrement au centre des attentes sociales.
Après le ministère : visibilité médiatique, procédures et recomposition politique
Après son départ du gouvernement, Eugénio César Laborinho reste présent dans l’actualité par touches, au gré d’articles consacrés à des épisodes judiciaires ou à des débats politiques internes au pays.
À l’été 2025, plusieurs médias angolais rapportent par exemple l’existence d’une procédure pour diffamation et calomnie initiée par l’ancien ministre contre un citoyen connu sous le surnom « Man Genas », devant un tribunal de Luanda. Ces articles évoquent notamment une demande d’indemnisation et le déroulement d’audiences.
Dans le même temps, son nom apparaît aussi, selon certaines publications, dans des récits de recomposition au sein des instances du MPLA après son départ du gouvernement. Ces informations, lorsqu’elles sont rapportées, s’inscrivent dans une dynamique plus large : l’ajustement des équilibres internes d’un parti qui gouverne l’Angola depuis l’indépendance, et où les mouvements de personnes au sommet sont scrutés comme des signaux.
Ce qui demeure stable, en revanche, ce sont les éléments biographiques fondamentaux : un homme né à Malanje, formé à la psychologie, passé par les structures de sécurité, longtemps lié à la protection civile, devenu gouverneur de Cabinda puis ministre de l’Intérieur, et finalement remplacé en octobre 2024 par Manuel Homem, conformément aux annonces officielles et aux textes publiés.
Au fond, Eugénio César Laborinho illustre une figure fréquente dans l’histoire politique angolaise : celle d’un cadre dont la légitimité s’est construite par des fonctions de sécurité et de commandement, avant d’atteindre un ministère régalien. Son parcours rappelle aussi un fait institutionnel : en Angola, la sécurité intérieure et la protection civile ne relèvent pas seulement d’une question technique, mais d’un enjeu politique majeur, parce qu’il engage la relation entre l’État, ses forces et la population.



