Qui est Gilberto Silva, l’homme politique capverdien ?

À Praia, son nom circule souvent dans les conversations sur la pluie qui tarde, les cultures qui peinent, la facture de l’eau qui pèse et les arbitrages du gouvernement face à une réalité géographique implacable: un archipel exposé, aux ressources limitées, dépendant des importations alimentaires, et de plus en plus contraint par la variabilité climatique. Gilberto Silva, de son nom complet Gilberto Correia Carvalho Silva, n’est pas une figure de tribune au sens classique. Il s’est installé au cœur d’un ministère où l’urgence se mesure en millimètres de précipitations, en hectares de terres cultivables, en capacité de dessalement, en stocks fourragers, en programmes d’adaptation. Ministre de l’Agriculture et de l’Environnement du Cap-Vert, il incarne cette génération de responsables publics dont le parcours s’écrit autant dans les laboratoires et les administrations techniques que dans l’arène politique.

Dans un pays où l’État est attendu sur des sujets très concrets — l’accès à l’eau, l’aménagement des bassins versants, la protection des écosystèmes, la sécurité alimentaire —, son profil de biologiste et d’écologue appliqué pèse sur la manière de raconter son action. Il ne s’agit pas seulement de savoir qui il est, mais de comprendre ce que son itinéraire dit de la façon dont l’archipel tente de gouverner ses fragilités et ses transitions.

Signe de la centralité de son portefeuille, son maintien au sein de l’exécutif a été observé jusque dans les périodes de remaniement. Lors de la remodelação (remaniement) présentée début février 2025 par le Premier ministre Ulisses Correia e Silva, son nom figure parmi les ministres confirmés à l’Agriculture et à l’Environnement, dans un gouvernement recomposé mais soucieux de continuité sur plusieurs dossiers structurants.

Un profil atypique: du vivant microscopique à l’écologie appliquée

La biographie officielle publiée par le gouvernement capverdien met d’emblée l’accent sur la formation: Gilberto Correia Carvalho Silva est diplômé et titulaire d’un master en biologie (microbiologie), et docteur en écologie appliquée et paysagère. À l’échelle d’un exécutif, cette combinaison n’est pas anodine: elle place au premier plan une culture des preuves, des systèmes, des interdépendances — une manière d’aborder l’agriculture et l’environnement comme un continuum.

Avant d’entrer pleinement dans la sphère ministérielle, son parcours s’est construit dans des fonctions techniques et para-techniques, au contact d’organismes publics et de problématiques de terrain: il a été, notamment, technicien senior en parasitologie et bactériologie dans un laboratoire lié au développement de l’élevage, et technicien senior à l’Institut national de recherche halieutique. Dans un archipel où la mer est une ressource identitaire et économique, et où l’élevage constitue un amortisseur social, ces étapes donnent un relief particulier à ses arbitrages ultérieurs.

Cet ancrage scientifique ne se résume pas à une ligne sur un curriculum vitae. Dans les discours et les séquences publiques où il représente le Cap-Vert, les thèmes sont souvent structurés autour de contraintes objectivables: dépendance aux importations, accès au financement, exposition aux chocs climatiques, limites des ressources naturelles. Dans une déclaration portée au nom du pays, l’approche insiste sur les défis structurels spécifiques aux petits États insulaires en développement, dont fait partie le Cap-Vert.

Mais la compétence technique, au gouvernement, ne suffit jamais seule. Elle doit composer avec des urgences sociales, des cycles électoraux, des attentes d’équité territoriale entre îles, et une administration dont les moyens restent comptés. À cet endroit, Gilberto Silva représente aussi une figure de passerelle: celle d’un responsable public cherchant à traduire des diagnostics en politiques, et des politiques en résultats visibles.

De la municipalité de Praia à l’État: un itinéraire par les services publics

C’est dans la capitale, à la Câmara Municipal da Praia, que Gilberto Silva a consolidé une partie de son expérience politique et administrative. La biographie gouvernementale mentionne des fonctions de conseiller municipal (vereador) à l’Environnement et à l’Assainissement, puis à l’Environnement, l’Assainissement et la Protection civile. Autrement dit: des politiques publiques du quotidien, où l’on gère l’urbain, les déchets, les risques, l’hygiène, les vulnérabilités.

Dans un archipel marqué par une urbanisation rapide autour de Praia, et par des défis d’infrastructures, l’assainissement n’est pas un thème secondaire. Il touche à la santé, à la dignité, à l’attractivité économique, aux inégalités. L’environnement, lui, n’est pas seulement le décor de cartes postales: c’est l’eau souterraine, les sols, la gestion des bassins, la résilience aux événements extrêmes. La protection civile, enfin, rappelle que la gouvernance climatique est aussi une gouvernance du risque.

Autre étape clé: il a présidé le conseil d’administration d’une agence de distribution d’eau (Agência de Distribuição de Água), selon la présentation officielle. Dans un pays où l’eau structure les politiques agricoles, énergétiques et sociales, cette expérience est un marqueur. Elle place un futur ministre au centre de l’un des nœuds les plus sensibles de l’action publique: arbitrer entre usages domestiques, agricoles, touristiques, industriels, et entre investissements lourds et capacité de paiement des ménages.

La même biographie indique qu’il a été consultant national de la FAO. Cette mention éclaire la dimension internationale de son profil: au Cap-Vert, l’agriculture et l’environnement sont fortement connectés aux coopérations, aux programmes multilatéraux, à la recherche de financements et de dispositifs de gestion de crise, notamment face à la sécheresse.

Lorsqu’il devient ministre de l’Agriculture et de l’Environnement, il s’inscrit dans une architecture gouvernementale pilotée par Ulisses Correia e Silva, Premier ministre en fonction depuis avril 2016. Et ce point compte, car l’action d’un ministre dépend largement de la cohérence de l’exécutif, de ses arbitrages budgétaires et des priorités de la majorité.

En février 2025, au moment où le Premier ministre présente un remaniement accepté par le président de la République, la liste rendue publique maintient Gilberto Silva à son poste. Dans les coulisses, ce type de décision est souvent lu comme un signal: les dossiers agricoles, climatiques et hydriques ne supportent pas facilement les ruptures, et la continuité peut être présentée comme une condition de l’efficacité.

Gouverner avec la sécheresse: agriculture, sécurité alimentaire et eau comme lignes de front

Au Cap-Vert, l’agriculture est un secteur paradoxal. Elle pèse symboliquement lourd, socialement beaucoup, mais affronte des limites naturelles sévères: peu de terres arables, pluies irrégulières, forte dépendance à l’eau mobilisable, et un marché intérieur restreint. La sécurité alimentaire devient alors un objet politique majeur, autant qu’une question de production. Dans une intervention à la 44e Conférence de la FAO, Gilberto Silva réaffirme l’engagement du pays pour le renforcement de la sécurité alimentaire, et replace ce combat dans un contexte global de crises et de chocs successifs.

Cette ligne internationale rejoint le terrain domestique. Dans la presse capverdienne, son ministère est régulièrement associé à la gestion de la campagne agricole, aux évaluations après des épisodes de faibles pluies, et aux annonces de plans de mitigation conditionnés à des diagnostics techniques. L’idée revient souvent: évaluer d’abord, agir ensuite, au risque d’impatience dans les zones rurales.

L’eau, évidemment, traverse tout. Elle commande les calendriers culturaux, la santé animale, les prix, la stabilité des ménages ruraux. Sur ce sujet, des articles et déclarations publiques le montrent insistant sur des solutions et des dispositifs de gestion, dans un pays qui a appris à administrer la rareté comme une norme.

L’action ministérielle touche aussi aux institutions de l’eau et de l’assainissement. En 2025, il préside une cérémonie de prise de fonction d’un nouveau conseil d’administration de l’Agence nationale de l’Eau et de l’Assainissement, signe de la continuité des réformes et des ajustements de gouvernance autour de ces services publics stratégiques.

Dans le même registre, des séquences plus anciennes publiées par le gouvernement mettent en scène le ministère autour d’outils dédiés à l’eau agricole, comme la mise en place d’entités ou de dispositifs visant à améliorer la gestion et la résilience face au stress hydrique. La gestion de l’eau d’irrigation apparaît comme un levier de politique publique au croisement de l’adaptation climatique et de la production alimentaire.

À l’échelle des îles, les projets peuvent prendre des formes concrètes comme le dessalement au service de l’agriculture. Des annonces relayées dans la presse font état de projets visant à renforcer le système agroalimentaire, en garantissant davantage de disponibilité en eau, y compris en période de sécheresse. La logique est simple, mais lourde: dessaler coûte cher en investissement et en énergie, mais peut réduire la vulnérabilité d’un système agricole dépendant d’une pluie incertaine.

La politique agricole, enfin, n’est pas qu’une affaire de technique. Elle est aussi une affaire de rapports sociaux, de filières, d’accès aux intrants, et de marché. Sur certains sujets sensibles, comme la surveillance de l’usage des pesticides, son ministère a publiquement reconnu la nécessité d’améliorer les capacités de monitoring et la connaissance des producteurs. Là encore, l’enjeu est double: protéger la santé et l’environnement, sans fragiliser des rendements déjà précaires.

Climat, environnement, financement: une action scrutée entre ambition et contraintes

Le portefeuille « Agriculture et Environnement » oblige à tenir ensemble deux impératifs qui, parfois, se contredisent: produire davantage et protéger mieux. Au Cap-Vert, où le changement climatique est souvent vécu comme une accélération de vulnérabilités anciennes, l’environnement n’est pas une politique de confort. Il devient une condition de survie économique et sociale. Dans les contenus officiels et médiatiques, Gilberto Silva est régulièrement associé à des stratégies de réduction des émissions et à des trajectoires de développement à long terme, conçues pour s’inscrire dans les cadres internationaux tout en répondant à la réalité locale.

L’une des dimensions les plus sensibles tient au financement. Le pays a été mis en avant pour des mécanismes innovants de financement climatique, dont l’idée de convertir une partie de la dette en financement dédié au climat. Dans un article de média public, le ministre de l’Agriculture et de l’Environnement évoque l’espoir de voir un fonds climatique approuvé dans l’année parlementaire, avec un soutien de coopération. Ce type de dispositif, s’il se concrétise, peut devenir un outil de planification et de crédibilité pour capter des ressources et structurer des projets.

L’environnement, c’est aussi l’économie circulaire, la gestion des déchets, les pratiques industrielles. Dès 2021, une visite ministérielle rapportée par une entreprise capverdienne de plasturgie et de recyclage met en avant l’intérêt porté aux innovations et aux bonnes pratiques de recyclage. Même si ces séquences relèvent souvent de la communication institutionnelle, elles signalent une volonté d’inscrire l’environnement dans le tissu productif, au-delà des déclarations générales.

Sur le plan diplomatique et technique, son ministère s’insère dans des coopérations thématiques. Des articles rapportent, par exemple, des échanges autour de la collaboration avec le Brésil, en évoquant la petite mécanisation adaptée à un territoire insulaire et des références à des organismes de recherche agricole. L’objectif affiché est de mobiliser des savoir-faire qui puissent augmenter la productivité sans ignorer les contraintes du relief, de la taille des exploitations et de la disponibilité en eau.

La dimension multilatérale est renforcée par sa présence dans des cadres de la FAO, où les discussions portent autant sur l’atténuation de la sécheresse que sur la résilience des systèmes agroalimentaires. Dans ces espaces, la voix capverdienne insiste sur la situation spécifique des petits États insulaires, pris entre dépendance extérieure et exposition climatique.

Mais dans l’espace national, l’action environnementale est souvent jugée à l’aune de résultats visibles: reboisement, lutte contre l’érosion, gestion des bassins, accès à l’eau, prévention des risques. Et ces résultats se heurtent à des contraintes budgétaires, à la fragmentation géographique de l’archipel, et aux attentes parfois divergentes entre zones urbaines, zones touristiques et zones rurales. Les critiques, quand elles apparaissent, se nourrissent de ce décalage entre le temps des politiques publiques et le temps des urgences.

En février 2025, le fait que Gilberto Silva reste en poste après le remaniement a aussi suscité des réactions dans certains milieux agricoles, relayées par des contenus audiovisuels nationaux. Ce type de controverse, même lorsqu’il est localisé, rappelle une réalité: l’agriculture est un secteur où la légitimité se joue sur la proximité et l’efficacité perçue, et où le ministre devient un point de cristallisation de frustrations accumulées.

Ce que son parcours raconte du Cap-Vert: une politique des compétences sous pression sociale

Comprendre qui est Gilberto Silva, c’est aussi comprendre un moment capverdien: celui d’un État qui valorise, dans certains portefeuilles, des profils techniciens capables de dialoguer avec les bailleurs, les agences onusiennes, les ingénieries publiques, tout en tenant un discours politique sur la souveraineté alimentaire et la résilience. Dans sa biographie officielle, la cohérence est assumée: la mairie de Praia pour l’urbain et l’assainissement, l’agence de distribution pour l’eau, la FAO pour l’interface internationale, puis le gouvernement pour l’arbitrage national.

Le Cap-Vert n’est pas un pays où l’agriculture se gouverne comme sur un continent. Les marges de manœuvre sont étroites, et la politique publique consiste souvent à réduire la vulnérabilité plutôt qu’à promettre des révolutions productivistes. D’où l’importance d’un langage de la résilience: s’adapter, diversifier, sécuriser les approvisionnements, stabiliser des revenus ruraux, améliorer l’efficacité de l’eau, renforcer des systèmes d’alerte. Les documents et déclarations liés à la FAO insistent précisément sur ces dimensions structurelles.

Dans ce paysage, son maintien dans un gouvernement remanié indique une forme de confiance politique, ou au minimum une décision de continuité. Le Premier ministre Ulisses Correia e Silva, en poste depuis 2016, a recomposé son équipe début 2025 en faisant entrer de nouveaux ministres et sortir d’autres responsables, tout en conservant certains titulaires. Gilberto Silva apparaît dans les listes publiées à cette occasion comme ministre de l’Agriculture et de l’Environnement.

Cette stabilité relative ne doit pas masquer la fragilité de l’équation. Chaque année agricole devient un test. Chaque séquence de sécheresse réactive les mêmes questions: comment soutenir sans assister, comment investir sans surendetter, comment protéger l’environnement sans étouffer l’activité, comment moderniser les pratiques sans exclure les plus petits producteurs. La presse a montré ces dilemmes à travers des annonces d’évaluations, de plans de mitigation, et de projets techniques comme le dessalement orienté agriculture.

L’autre volet est institutionnel. Les politiques de l’eau et de l’assainissement exigent des agences solides, des conseils d’administration efficaces, une coordination entre ministère, municipalités et opérateurs. Les prises de fonction, les remises à plat de gouvernance, et les annonces de réformes ne sont pas des détails administratifs: dans un pays où l’eau structure la vie quotidienne, elles deviennent des marqueurs politiques.

Enfin, il existe une dimension de représentation extérieure. Quand Gilberto Silva parle dans un cadre international, il porte une narration capverdienne: celle d’un petit État insulaire en première ligne des chocs climatiques, mais aussi désireux de transformer sa vulnérabilité en crédibilité, en plaidant pour des financements adaptés et pour des solutions pragmatiques. Les textes de conférence et les pages officielles autour de ses interventions reflètent cette posture.

Au fond, Gilberto Silva n’est pas seulement « un homme politique ». Il est l’un des visages de la politique publique capverdienne lorsqu’elle se confronte à la matière la plus dure: l’eau rare, les sols fragiles, la dépendance alimentaire, et l’accélération climatique. Son itinéraire — science, administration, municipalité, gouvernement — raconte une tentative de gouverner par les compétences, sous pression sociale permanente. Et dans l’archipel, cette pression ne se résume jamais à un débat d’idées: elle se lit dans les champs, les citernes, les marchés, et les pluies qui, parfois, ne viennent pas.

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