Le 7 novembre 2024, le Botswana a basculé dans une séquence politique inédite depuis l’indépendance : l’opposition a accédé au pouvoir après des décennies de domination du Botswana Democratic Party (BDP). Dans ce nouveau paysage, un nom est revenu au centre du jeu institutionnel : Ndaba Nkosinathi Gaolathe, économiste de formation, figure de l’opposition depuis les années 2010, devenu vice-président de la République et, quelques jours plus tard, ministre des Finances.
Personnage à la fois politique et technocratique, Gaolathe incarne une double promesse formulée par la coalition victorieuse : rompre avec les équilibres de l’ère BDP et remettre l’économie au cœur de l’action publique, dans un pays très dépendant du diamant et confronté au chômage des jeunes. Sa trajectoire, faite de ruptures partisanes, d’alliances, d’épisodes d’exil politique et de retours spectaculaires, éclaire aussi les recompositions de l’opposition botswanaise sur plus d’une décennie.
Une enfance à Gaborone et un parcours académique tourné vers l’économie
Ndaba Gaolathe est né à Gaborone. Son profil public le présente comme un économiste, passé par l’université George Washington, puis par la Wharton School (Université de Pennsylvanie), où il obtient un MBA en finance.
Son nom est également associé à une figure connue de la vie publique botswanaise : Baledzi Gaolathe, ancien ministre des Finances (1999-2009). Plusieurs notices biographiques relèvent ce lien familial, souvent cité pour expliquer l’intérêt précoce de Ndaba Gaolathe pour les questions économiques et la gouvernance publique.
Ces éléments de formation et d’environnement familial participent à l’image qui colle aujourd’hui au vice-président : celle d’un responsable politique à l’aise avec les chiffres, la finance publique et le discours de réforme économique. L’université George Washington, qui l’invite dans le cadre d’événements consacrés à la finance et au commerce en Afrique, continue d’ailleurs de le présenter explicitement comme « Vice-President and Minister of Finance » du Botswana, signe de la place que son profil économique occupe dans sa communication institutionnelle.
De l’opposition en construction aux premières responsabilités nationales
La trajectoire politique de Ndaba Gaolathe s’inscrit dans la montée en puissance d’un espace d’opposition qui, au Botswana, s’est longtemps heurté à la solidité électorale du BDP. Les années 2010 voient un mouvement de recomposition : des acteurs issus ou proches de la majorité historique se rapprochent de nouvelles formations, et l’idée d’une coalition devient un axe stratégique.
Plusieurs sources biographiques indiquent que Gaolathe a été membre du Botswana Movement for Democracy (BMD) et qu’il a joué un rôle dans l’architecture de l’alliance Umbrella for Democratic Change (UDC), une coalition d’opposition réunissant plusieurs partis.
L’élection de 2014 constitue un jalon : l’UDC se structure alors comme alternative crédible et présente un ticket, avec Duma Boko comme candidat principal et Ndaba Gaolathe comme colistier (running mate) dans la campagne. Dans le même mouvement, Gaolathe est élu député de la circonscription de Gaborone Bonnington South, siège qu’il occupe de 2014 à 2019.
Cette période éclaire une constante de son parcours : l’inscription dans un travail d’unification de l’opposition, souvent fragilisé par des rivalités internes. Les récits sur « le voyage de l’UDC » rappellent que la coalition est aussi le produit d’accords entre dirigeants et appareils, dans une logique d’addition des forces face au parti dominant.
La rupture de 2017 et la création de l’Alliance for Progressives
En juillet 2017, un conflit interne au BMD aboutit à l’éviction de Ndaba Gaolathe et de plusieurs responsables. Dans la foulée, il fonde un nouveau parti : l’Alliance for Progressives (AP), officiellement établie le 28 octobre 2017, avec Gaolathe comme leader.
Cet épisode est central pour comprendre son profil : Gaolathe est à la fois un homme de coalition et un acteur de scission, capable de quitter un cadre lorsqu’il estime ne plus pouvoir y peser. L’AP se positionne comme une formation distincte au sein d’un espace d’opposition déjà fragmenté, avant de rechercher à nouveau des alliances.
L’élection générale de 2019 illustre cette tentative d’autonomie. Gaolathe est candidat, et les résultats cités dans plusieurs synthèses le placent derrière les deux principales forces, avec environ 5 % des suffrages. Dans le même temps, il perd son siège parlementaire acquis en 2014.
Cette séquence renforce une image contrastée : celle d’un dirigeant capable de capter une attention nationale lors des campagnes, mais confronté aux limites électorales d’un parti de taille plus modeste. Dans un système où les majorités se construisent circonscription par circonscription, l’enjeu de la coordination de l’opposition redevient vite décisif.
Le retour dans l’UDC et l’accession à la vice-présidence en 2024
La période précédant les élections de 2024 marque un nouveau tournant. Selon plusieurs notices biographiques, l’AP choisit de rejoindre l’UDC avant le scrutin, replacant Gaolathe dans une logique de coalition. Lors du lancement de la campagne présidentielle de l’UDC, Duma Boko est présenté comme candidat à la présidence et Ndaba Gaolathe comme son adjoint, signe d’un ticket assumé.
Le scrutin de 2024 est décrit par plusieurs médias internationaux comme un basculement historique : le BDP perd le pouvoir après des décennies, et Duma Boko accède à la présidence. Le Guardian et l’Associated Press soulignent l’ampleur du changement, dans un contexte de difficultés économiques, de frustrations sociales et de chômage des jeunes.
Dans ce nouveau gouvernement, Ndaba Gaolathe est nommé vice-président le 7 novembre 2024. Quelques jours plus tard, le 11 novembre 2024, le président Boko annonce qu’il cumulera également le portefeuille des Finances, choix confirmé par des sources gouvernementales botswanaises et rapporté par Reuters.
Cette double casquette n’est pas un détail : elle signale une priorité politique affichée, celle de confier la coordination gouvernementale et la direction économique à une même figure. Dans les systèmes politiques, ce type de configuration peut viser à accélérer la mise en œuvre d’une feuille de route, à arbitrer plus vite entre priorités et à donner une cohérence au discours public, surtout lorsqu’une équipe arrive au pouvoir après une alternance majeure.
Des éléments de communication internationale, comme les comptes rendus officiels de rencontres diplomatiques (par exemple au Japon), renvoient d’ailleurs à cette image d’un vice-président portant un message économique : recherche d’investissement, explication des politiques du « nouveau gouvernement » et volonté de projeter une stabilité institutionnelle après l’alternance.
Un vice-président au cœur des dossiers économiques : diversification, budget et transformation
La feuille de route économique de Ndaba Gaolathe, telle qu’elle apparaît dans les déclarations publiques rapportées par des médias et institutions, s’articule autour d’un constat largement partagé : le Botswana reste très exposé aux cycles du diamant. Reuters rapporte ainsi que, après une contraction en 2024, l’économie est projetée en reprise en 2025, sur fond d’amélioration attendue du marché du diamant, tout en soulignant la nécessité de diversifier vers d’autres secteurs (tourisme, agriculture, industrie, énergie).
Dans un entretien publié par l’OPEC Fund, Gaolathe est présenté comme l’un des visages de la stratégie de diversification, avec un accent mis sur l’emploi des jeunes et la transformation économique. Le format de l’entretien est institutionnel, mais il confirme l’axe récurrent de sa communication : sortir d’une dépendance trop forte à une rente minière et élargir la base productive.
Sur le plan interne, la presse et les communications publiques botswanaises le montrent impliqué dans des dispositifs de réforme. La National Planning Commission (NPC) évoque notamment un « Botswana Economic Transformation Programme » présenté comme une architecture de mise en œuvre visant des résultats concrets (emplois, investissements, compétitivité), avec la participation du président Boko et du vice-président Gaolathe.
Dans ce type de programme, l’enjeu n’est pas seulement d’annoncer des orientations, mais de construire des mécanismes d’exécution, de suivi et d’évaluation. La NPC rapporte aussi des échanges avec des parlementaires, dans lesquels Gaolathe insiste sur le rôle du Parlement dans l’adoption des lois, le vote des budgets et l’exercice du contrôle, éléments présentés comme déterminants pour réussir des réformes structurelles.
Le portefeuille des Finances place également Gaolathe au centre des arbitrages budgétaires. En février 2025, Reuters le cite à propos de la trajectoire économique et budgétaire. D’autres articles, plus analytiques, relèvent la charge symbolique d’un fils succédant, dans un contexte différent, à un père qui avait lui-même marqué la politique budgétaire botswanaise au moment de la crise financière mondiale.
Enfin, son agenda se lit aussi à travers des déplacements et initiatives visant l’attractivité : rencontres internationales, messages sur l’investissement, et mise en scène d’une diplomatie économique active. Les comptes rendus officiels et certaines communications d’acteurs académiques ou institutionnels (MIT, autorités japonaises, etc.) attestent de cette dimension extérieure de son rôle, caractéristique des responsables qui cherchent à mobiliser capitaux, partenariats et crédibilité macroéconomique.
Au total, Ndaba Gaolathe apparaît comme une figure de transition : transition politique, parce qu’il participe à l’alternance historique de 2024 ; transition économique, parce que son discours public martèle l’idée d’un changement de modèle et d’une administration orientée vers les résultats. Sa trajectoire montre aussi la fragilité et la persistance des coalitions : la carrière de Gaolathe est jalonnée de départs, de créations, puis de retours dans un cadre commun, jusqu’à l’exercice du pouvoir.



